Intervention de Haïm Korsia

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Haïm Korsia, Grand Rabbin de France :

Je vais répondre puisque je suis le seul à ne pas encore avoir parlé de l'altérité. Cette idée d'altérité est très intéressante puisqu'au départ, le big-bang est toujours une altérité. Après, l'histoire de la famille se construit différemment en termes d'altérité sexuée, mais au départ, il y a toujours une altérité. Il ne peut pas y avoir d'auto engendrement, pas pour l'instant et pas chez les humains, même si cela peut se penser dans d'autres domaines. Mais c'est très intéressant : finalement, il y a toujours besoin d'un autre pour faire advenir quelque chose.

Ce qui fait d'ailleurs qu'il y a un débat – je reviens là-dessus parce qu'on a vu que vous aviez ici, parmi vos rapporteurs, Madame la présidente, d'éminents biblistes – il y a donc un grand débat, dans la Genèse, sur le fait qu'Ève serait issue de la côte ou du côté d'Adam. Notre interprétation juive dit que c'est le côté, au sens où il n'y a pas l'un qui vient de l'autre, et qui lui serait donc soumis intrinsèquement, mais une altérité qui se crée sur la séparation de deux qui ne faisaient qu'un. D'où l'idée du mariage, qui permet les retrouvailles de ces deux distincts. C'est une altérité qui a vocation à être unifiée. C'est en cela que dans notre vision, spirituelle, il y a besoin de cette altérité, une altérité qui perdure pour permettre de se retrouver. L'altérité est nécessaire au commencement. Après, dans la famille, elle se construit différemment, mais elle est là comme un acte premier. Comme le pasteur le disait très justement, elle pose une façon d'être qui oblige.

Sur l'altérité de l'entourage, dont on parlait tout à l'heure – c'est un peu compliqué : comment définit-on cet entourage ? –, nous n'avons pas à juger, on s'est assez étripé en France pour savoir comment les couples devaient se faire. Chacun fait comme il l'entend, mais il y a une responsabilité à la fois de ces couples qui se forment comme ils l'entendent et de l'ensemble de la société sur les enfants à venir.

Je reprends mon histoire talmudique de tout à l'heure : ce n'est pas parce que c'est notre espace, y compris notre famille, qu'on fait ce qu'on veut. Nous voyons bien avec quelle force, parfois même pas assez, on entre dans les familles quand il y a de la violence intrafamiliale, de la violence conjugale, de la violence contre les enfants. On y entre en disant : « Ce n'est pas parce que c'est votre famille que vous faites ce que vous voulez. » Nous sommes aussi responsables.

C'est cette responsabilité qui nous pousse à nous poser des questions, et à vous les poser. Et au regard de la qualité des questions que vous nous posez, nous avons confiance dans votre capacité à construire une loi qui protégera ces grandes aspirations, à la fois l'altérité, quelle qu'elle soit, et en même temps le respect de l'enfant en ce qu'il est lui, une personne, et pas simplement l'objet d'une volonté.

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