Intervention de Haïm Korsia

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Haïm Korsia, Grand Rabbin de France :

C'est vrai que j'aime la distinction entre les familles monoparentales subies et voulues, parce qu'il y a effectivement une grande différence – même si, comme le rappelait le professeur Touraine tout à l'heure, l'horloge biologique pour les femmes est aussi une forme de situation subie. On peut imaginer que cette pression (« si je ne le fais pas maintenant, je ne pourrai plus le faire plus tard ») est quelque chose qui est aussi difficile, aussi lourd à vivre et qui rend aussi faible par rapport aux potentialités de la procréation que pour une femme que son conjoint abandonne. Il y a d'abord et avant tout cette notion de fragilité.

Cela me permet de répondre à la troisième question, sur la PMA. Le judaïsme considère que la PMA, comme possibilité de réparer ce qui n'est plus possible, est quelque chose qui a montré que cela pouvait apaiser, y compris la société.

La médecine illustre ici cette capacité incroyable qu'on trouve dans l'Exode. Cela doit être le chapitre 22 : « C'est pourquoi il prendra sa guérison, et guérir, il guérira. » D'où la fameuse phrase : « l'homme soigne et Dieu guérit ». Au point que certains ont même posé la question : après tout, si on a la foi, de quel droit va-t-on guérir quelqu'un que Dieu a rendu malade ?

Une interprétation m'a toujours bouleversé : tout se passe comme si Dieu instillait du désordre dans le monde, pour qu'on remette de l'ordre dans le monde. C'est ce qu'on nomme en hébreu, d'une formule magnifique, le tikoun olam, la réparation du monde. C'est ce que les médecins font au premier chef, et toute la communauté médicale, et les chercheurs : on répare le monde qui a ses failles.

Ce qui me permet de vous répondre « oui », Monsieur le député, pour réparer le monde. Mais doit-on vraiment utiliser toute cette force de notre réflexion, de notre science, pour répondre au désir des uns ou des autres, des unes ou des autres – y répondre, cela peut se faire, parce que c'est le choix de chacun –, et surtout pour le prendre en charge, l'assumer et dire : « C'est cela la vocation d'une société » ? J'en doute.

Enfin, sur cette question essentielle de la révision de la loi, sur laquelle on revient pour la troisième fois, à juste titre, vous avez pris le seul exemple qui m'a rendu hystérique. On a introduit une clause de suivi dans la remarquable loi Leonetti Claeys, mais avant même que l'on étudie le suivi de la loi, on en était déjà à travailler sur une autre loi. Ce qui prouve bien que les effets de cliquet empêchent de réagir de manière agile. On n'a même pas attendu les résultats de l'application de la loi Leonetti pour dire : « C'est périmé, passons à autre chose ». C'est un tort parce que cette loi est remarquable.

La réponse à la question que vous m'avez posée, fracture ou apaisement, dépendra de vous. C'est à vous de décider en notre nom à tous. Et je sais que vous déciderez pour le bien.

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