Intervention de Dominique Goussot

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Dominique Goussot, responsable de la commission « Droit et Laïcité » de la Fédération nationale de la libre pensée :

La Fédération nationale de la libre pensée a pour objet de défendre la liberté de conscience, et dans ses statuts, elle se revendique de la raison et de la science. Deux sujets sur lesquels nous avons travaillé depuis plusieurs années ont retenu plus particulièrement notre attention dans le projet de loi. Il s'agit de la procréation médicalement assistée et de la recherche sur l'embryon. Nous regrettons que le projet n'apporte pas de réponse à la demande des Français concernant la fin de vie, étant observé que le CCNE avait inclus ce sujet dans les questions qu'il abordait.

La Fédération nationale de la libre pensée considère que les couples homosexuels, tant masculins que féminins, ainsi que les femmes seules, doivent pouvoir satisfaire leur désir d'enfant comme tous les individus. Elle salue donc l'avancée que représente l'extension de principe avec prise en charge par la Sécurité sociale de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Elle estime que ces activités de don d'ovocytes, d'autoconservation des ovocytes, de recueil du sperme, d'accueil des embryons, doivent rester dans la sphère publique. Or, nous avons constaté que des organismes professionnels souhaitaient une privatisation partielle de ces activités.

Malgré cet accord de principe, nous formulons trois observations. D'une part, l'accès des couples homosexuels masculins aux techniques de PMA avec tiers donneur reste un sujet ouvert et on ne pourra pas y échapper puisqu'il y aura un problème d'égalité entre les deux types de couples homosexuels. Un tel accès est autorisé dans huit pays européens, qui ne sont pas des pays barbares : la Belgique, les Pays-Bas, la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie, l'Irlande, le Royaume-Uni. Un texte devrait donc encadrer la GPA, pour en garantir le caractère altruiste et fixer les conditions à remplir par les génitrices candidates. Deuxième observation, nous sommes tout à fait favorables à la filiation d'intention – qui d'ailleurs ressortait du rapport de la mission d'information. Nous avons un désaccord sur le fait de faire enregistrer la déclaration chez un notaire et pas auprès d'un officier d'état civil, ce qui nous paraîtrait assez normal dans la République. Par ailleurs, nous ne comprenons pas pourquoi il y a à la fois un consentement et une déclaration anticipée de volonté. N'est-ce pas redondant ? Troisième observation, qui concerne l'accès à l'identité du donneur. En droit français, pour l'instant, aucune information permettant d'identifier celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Désormais, ce principe général connaîtrait une entorse qui nous semble discutable sur le plan juridique. Par ailleurs, si l'on en croit le professeur Rives, le nombre de donneurs va baisser alors que les demandes de paillettes vont augmenter. Cela va être d'autant plus difficile à gérer que la loi prévoit de détruire les stocks de gamètes recueillis antérieurement et de donner un délai de 13 mois seulement pour reconstituer le stock, ce qui paraît assez court.

Le deuxième sujet est la recherche sur l'embryon, dans ses deux aspects : l'embryon lui-même et les cellules souches embryonnaires humaines. C'est un sujet très important parce que cela peut faire avancer la connaissance de manière tout à fait significative. Il faut que la France reste dans la course par rapport à des pays qui sont moins frileux : les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie ou Israël. Le cadre juridique de la recherche sur l'embryon n'évolue pas par rapport à celui qui a été institué en 2013, que nous trouvons trop contraignant. Nous sommes rendus inquiets par le fait que la loi ne ferait plus référence aux conditions éthiques de la recherche, un projet de recherche devant simplement respecter les articles 16 à 16-8 du code civil. Or, l'article 16 parle de la primauté de la personne. N'est-ce pas ouvrir une brèche qui permettrait à certaines forces dans la société de revendiquer un statut pour l'embryon ? Je sais par avance qu'une certaine fondation se prévaudra de ces dispositions pour embêter l'Agence de la biomédecine, ce qu'elle a déjà fait dans le passé, mais là, elle aura un point d'appui beaucoup plus important. La recherche sur les souches embryonnaires entre dans un régime de déclaration – c'est ce que nous préconisons aussi pour l'embryon –, à ceci près que c'est un peu un faux semblant, puisque ces cellules proviennent d'un embryon pour lequel une recherche aura été autorisée dans les conditions prévues actuellement par la loi.

Enfin, nous nous interrogeons sur les raisons pour lesquelles on n'a pas traité deux sujets : la création d'embryons à des fins de recherche – c'est ce qui se pratique par exemple au Royaume-Uni – et la création de chimères. Je sais qu'entre le porc et l'homme, on peut créer des chimères, notamment pour fabriquer des organes en vue d'une greffe ultérieure. C'est autorisé au Royaume-Uni. Cela a été fait en Californie. Comme les donneurs d'organes ne sont pas assez nombreux, il faudrait peut-être considérer cette idée.

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