Intervention de Bruno Tavernier

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Bruno Tavernier, vice-président de la commission nationale « Santé publique et bioéthique » du Grand Orient de France :

J'excuse le président de la commission nationale « Santé publique et bioéthique » qui n'a pas pu être ici ce soir puisque nous tenons notre assemblée générale. Comme d'autres frères et sœurs, je ne suis pas dépositaire de l'avis des membres du Grand Orient de France. Le Grand Orient de France, bien évidemment, se refuse d'ailleurs à toute affirmation dogmatique, il est très important de le souligner. Par ailleurs, le Grand Orient de France est farouchement attaché à la laïcité, et il est important de rappeler ce principe au moment où s'engage l'examen du projet de loi, quand nous voyons toute la portée de ses différentes positions. Enfin, nous travaillons à l'amélioration matérielle et morale et au perfectionnement intellectuel et social de l'humanité.

Nous avons l'habitude d'analyser les textes au regard de nos valeurs : liberté, égalité, fraternité, qui se confondent avec les valeurs de la République, mais il nous semble très important de travailler au fond sur la responsabilité. Si nous voulions tenter de définir la bioéthique, nous pourrions dire : « solidarité et responsabilité ». Il y a une responsabilité des politiques et il y a une responsabilité des scientifiques. Il est indispensable de renforcer le lien entre politique et scientifique de façon à ce que cette responsabilité puisse être assumée, pour assumer le fait que certains choix ne sont pas forcément de bons choix et qu'ils peuvent être révisés. C'est l'esprit même de ces lois de bioéthique que d'être révisable. Je tiens à souligner l'énorme travail qui a été mené par le CCNE avec la participation des citoyens, car ces questions de bioéthique sont aussi l'affaire de citoyens. Lorsque je présidais la commission nationale de santé publique et de bioéthique, je me désespérais quelquefois du nombre de médecins qui demandaient à y participer. Bien sûr il en faut, mais il faut aussi avoir des éclairages différents.

La levée de l'anonymat est une avancée extrêmement importante mais elle ne résout probablement pas toutes les questions que l'on peut se poser sur l'origine. Dans l'idée d'origine, il y a bien sûr la filiation, il y a la biologie, mais il y a aussi bien d'autres choses. C'est une première question à creuser. Par ailleurs, dans le cadre actuel d'internet, de la numérisation des relations sociales, du développement de l'intelligence artificielle, lever l'anonymat, oui, mais envers qui ? Et une fois que l'anonymat est levé, ne peut-on craindre l'utilisation de l'identité du donneur à d'autres fins que celle qui lui est fixée par le projet : l'accès aux origines ? Nous sommes favorables à ce que les femmes seules et les couples de femmes accèdent à l'aide médicale à la procréation (AMP). Comme l'a souligné mon frère, cela pose peut-être la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, donc de la GPA. C'est une chose sur laquelle il faudra se pencher.

Je voudrais terminer en disant qu'il nous semble fondamental de travailler rapidement sur tout ce qui est intelligence artificielle et numérisation. L'AMP et la fin de vie sont des débats absolument passionnants, vertigineux, puisqu'ils concernent notre début et notre fin, et que cela confine à quelque chose de sacré. Cependant l'importance des données numériques et de l'intelligence artificielle va croissant, à tel point – je l'ai vu en examinant les textes – qu'il faudra bientôt se garder de penser que c'est l'algorithme qui s'est trompé. Il y a vraiment quelque chose à faire en matière de pédagogie, pour bien faire savoir que les algorithmes ne sont que des outils et que derrière les outils, ce sont les hommes et les femmes avec leur éthique, avec leur responsabilité, qui doivent être bien évidemment à la manœuvre.

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