Intervention de Pr Jean-Jacques Zambrowski

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pr Jean-Jacques Zambrowski, ancien Grand Chancelier de la Grande Loge de France :

Je ne sais pas si cela va répondre à votre question, mais nous nous sommes interrogés sur les déclarations de Mme la garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui a annoncé récemment que la mention portée sur l'acte de naissance des enfants nés dans le cadre de l'AMP – ou de la PMA, comme on voudra… – sera « mère et mère ». Cela nous paraît poser bien plus de problèmes que cela n'en règle. Cette formulation peut se concevoir peut-être au plan administratif, mais elle n'a strictement aucun sens au plan scientifique, parce qu'un enfant reste le fruit de l'union d'un gamète masculin, venant d'un père, et d'un gamète féminin, venant d'une mère – le père, dans un couple ou pas, la mère dans un couple ou pas, mais en tout cas d'un père et d'une mère. La dénomination « mère et mère », même si la garde des Sceaux a dit : « il y aura, dans le premier, “la mère qui” et la deuxième mère sera “la mère que” ». Tout cela manque de vraisemblance et est parfaitement malencontreux, parce que cela pourrait laisser entendre qu'un enfant pourrait être conçu par l'union de deux ovocytes et évidemment, cela pose un problème éthique et phylogénique, ou phylogénétique, comme on voudra, qui paraît absent totalement des décisions de Mme la garde des Sceaux. L'appellation « mère et mère » nous paraît poser problème pour l'état civil.

La question portant sur l'intelligence artificielle me donne l'occasion de soulever un sujet qui agite les congrès, auxquels je participe très activement. Aujourd'hui, il existe des logiciels, commerciaux ou pas, qui sont capables de lire en une seconde 360 pages de revues scientifiques dans des langues diverses. Nous avons beau, mes confrères ici présents, lire beaucoup, lire souvent, lire vite, personne n'est capable de lire le centième, le millième de cela. Il est clair que certaines machines peuvent accéder à des éléments de conclusion. On sait que dans la lecture de certains tracés d'électrocardiogramme, d'électroencéphalogrammes ou d'imagerie médicale, la machine peut faire mieux que les tout meilleurs experts. Très bien. Mais si la machine conclut, après avoir lu, qu'il convient d'adopter telle solution et que le professionnel de santé, fort d'une expérience de 10, 15, 20 ou 30 ans, dit : « non, je ne vois pas les choses comme cela, je vais faire autrement », si les choses se passent mal pour le patient, et que l'on vienne chercher une responsabilité, comment ne dirait-on pas au professionnel de santé – sauf si la loi a prévu autrement : « la machine qui a compilé des milliers de pages du savoir mondial sur le sujet avait dit qu'il fallait faire blanc et vous avez choisi de faire noir. Vous avez eu tort. » La question de la responsabilité – souvenons-nous de « liberté, égalité, fraternité, responsabilité » – se trouve posée et il faut que le législateur ait prévu les voies et moyens par lesquels est établi le partage de responsabilité : qui arbitrera entre un algorithme bien fichu et quarante années d'expérience ?

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