Intervention de Dr Alain-Noël Dubart

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Dr Alain-Noël Dubart, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France :

La note conclusive que nous vous remettrons tout à l'heure fait justement référence à un certain nombre d'interrogations que l'on pourrait qualifier de philosophiques. En effet, les obédiences maçonniques, par définition, s'intègrent dans une réflexion philosophique. Elles pratiquent une initiation, mais l'initiation n'est que l'une des facettes des initiations philosophiques. Il faut s'en tenir à quelques invariants culturels qui nous viennent de la Renaissance et du Siècle des Lumières. L'invariant culturel fondamental, c'est que toute recherche scientifique est légitime, toute recherche technique est légitime. En revanche, l'application d'une recherche scientifique et l'application d'un résultat technique n'est pas forcément légitime, parce que cela peut être en opposition avec des valeurs éthiques fondamentales. Une technique qui marche bien dans l'absolu peut être condamnable éthiquement parce qu'elle ne correspond pas aux invariants culturels qui structurent notre société. Quand je dis notre société, je parle des sociétés occidentales européanisées. Peut-être que pour d'autres sociétés, les problèmes se posent de manière un peu différente – je pense en particulier à ce que l'on a pu voir en Chine où, par exemple, le clonage humain semblait une possibilité ouverte. Dans notre esprit, le clonage est un interdit absolu. C'est la raison pour laquelle nous avons fait référence au fait d'appeler « mère et mère » quelque chose qui est techniquement possible, car il est techniquement possible de faire un enfant avec uniquement des XX, alors que, dans notre culture, la naissance d'un enfant résulte toujours de l'union de XX et XY, avec le choix aléatoire qui en résulte. Mais il est tout à fait possible de faire un enfant à partir de deux XX. Le clonage humain à partir des cellules d'une mère isolée va aussi devenir techniquement possible. Ce qui est techniquement possible peut être condamnable sur le plan éthique. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous avons insisté sur les aspects philosophiques, prioritaires – de même que, j'imagine, les représentants des différents cultes ont insisté sur les aspects religieux qui conditionnent le fait de savoir si l'on peut cultiver des cellules embryonnaires ou faire des expériences sur les embryons. Les choses sont différentes en fonction des religions des uns et des autres. Il me semble que dans la religion chrétienne – ce n'est pas ma tradition –, l'embryon est définitivement fixé dès la fusion du spermatozoïde et de l'ovocyte. Dans la tradition hébraïque, ce n'est qu'au quarantième jour que cela survient. Les variations culturelles peuvent expliquer les prises de position de tel ou tel. En ce qui nous concerne, nous pensons qu'avant toute modification législative importante, il faut avoir une réflexion philosophique, et qu'une fois la loi mise en place, il faut pouvoir en surveiller l'application pratique et les dérives, mais aussi pouvoir s'approprier les difficultés que provoque cette nouvelle législation.

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