Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

En ce qui concerne les sous-amendements n° 1529 et identiques, la condition de procréation antérieure n'est plus opposable aux donneurs majeurs depuis la loi de 2011. La suppression de cette condition, qui conduisait à sélectionner des donneurs plus âgés et à diminuer leur nombre, a, du reste, recueilli une adhésion assez générale. Il ne paraît donc pas opportun de revenir à un état antérieur du droit. Bien entendu, mon avis vaut également pour la condition de procréation antérieure par les voies naturelles. J'ajoute que ces sous-amendements sont contradictoires avec la crainte, exprimée par leurs auteurs, d'une pénurie de gamètes : de fait, plus on multiplie les entraves au don, moins on aura de gamètes.

Les sous-amendements n° 1531 et identiques et n° 1580 visent à conserver ce qu'il faut bien appeler un archaïsme de notre droit, puisque la France est le seul pays d'Europe dans lequel on réclame encore l'accord du conjoint pour le don de gamètes. Or ce don relève d'un choix personnel. Bien entendu, rien n'interdit à un homme ou à une femme d'en parler à son conjoint – c'est même plutôt à recommander –, mais il serait totalement inapproprié d'en faire une obligation légale. Par ailleurs, le don de couple à couple n'existe plus.

Pour ce qui est du sous-amendement n° 1560, le Gouvernement semble envisager, en tenant compte des meilleures pratiques médicales, de mener une réflexion sur l'âge à partir duquel il faudra ouvrir l'autoconservation des ovocytes en dehors des cas d'infertilité. Je crois que la fixation des conditions d'âge doit relever de l'Agence de la biomédecine, qui les déterminera en fonction de plusieurs critères, afin de tenir compte de la diversité des situations dans lesquelles les femmes peuvent se trouver à un même âge.

En ce qui concerne les sous-amendements n° 1579, n° 1625 et n° 1626, rien ne présage une remise en cause de la gratuité du don, dont le principe, inscrit à l'article L. 1211‑4 du code de la santé publique, est garanti par l'ensemble des principes applicables aux dons et produits du corps humain.

S'agissant des sous-amendements n° 1532 et identiques, le dispositif d'autoconservation des gamètes pour des raisons médicales existe déjà et a fait l'objet de discussions dans le cadre de ce projet de loi.

Le sous-amendement n° 1555 repose sur l'idée selon laquelle que l'horloge biologique ne concerne que la femme. Permettez-moi de m'inscrire en faux contre cette idée : certes, il existe des différences entre les femmes et les hommes, mais, à partir d'un certain âge, la fertilité des hommes diminue également et ils risquent davantage de transmettre des anomalies génétiques.

Le sous-amendement n° 1562 soulève des questions intéressantes sur les modalités de fixation de l'âge, qui pourrait gagner à se faire sur la base de recommandations de bonnes pratiques. Je crains toutefois que la distinction entre un âge de prise en charge du procédé par l'assurance maladie et un âge d'ouverture de l'autoconservation des ovocytes soit peu lisible pour les personnes qui y auront recours.

Je m'opposerai également aux sous-amendements n° 1535 et identiques, qui visent à supprimer les conditions de consentement au don des ovocytes en vue de leur autoconservation. Je pense, au contraire, qu'il est crucial de conserver la capacité pour les personnes qui s'engagent dans un parcours d'AMP de prendre conscience de leur démarche par le biais de leur consentement.

Quant aux sous-amendements n° 1534 et identiques, ils me paraissent satisfaits, puisque mon amendement prévoit que l'intéressée, en l'occurrence une femme qui conserve ses ovocytes, soit informée de l'ensemble des risques et des limites de la démarche. Cette remarque vaut pour également les sous-amendements n° 1533 et identiques, n° 1582 et n° 1584.

S'agissant des sous-amendements n° 1536 et identiques, les activités liées à l'AMP font l'objet d'une autorisation et les établissements et organismes concernés sont obligatoirement situés en France. L'intention de leurs auteurs est donc satisfaite et la précision inutile.

En ce qui concerne les sous-amendements n° 1537 et identiques, l'ajout du terme « thérapeutique » est restrictif. Les recherches en question relèvent soit des programmes de recherche portant sur les collections d'échantillons biologiques soit des recherches impliquant la personne humaine en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales.

S'agissant des sous-amendements n° 1538 et identiques, nous reprenons la borne de dix ans actuellement présente dans le droit et qui permet de tenir compte de la potentielle longueur des parcours d'AMP.

Quant aux sous-amendements n° 1539 et identiques, ils sont mal situés et manquent leur objet, puisqu'ils supprimeraient la possibilité de mettre fin à la conservation des gamètes en cas de décès de la personne. Outre le fait qu'ils soient mal placés dans le texte, qui justifierait à lui seul un avis défavorable, je suis évidemment défavorable au déremboursement des actes liés à la préservation de la fertilité et à l'AMP puisque nous voulons permettre à toutes les femmes, et non seulement aux plus riches d'entre elles, d'accéder à la conservation autologue de leurs gamètes.

J'ai exposé, s'agissant des sous-amendements n° 1585 et n° 1590, les raisons pour lesquelles il faut étendre, sous la condition d'un strict encadrement, les activités de don aux établissements privés lorsque la carence territoriale le rend nécessaire. En outre, mon amendement n° 1437 rectifié précise qu'il doit s'agir d'établissements privés habilités à assurer le service public hospitalier. Cette activité est ainsi soumise à une autorisation spécifique de l'agence régionale de santé et les actes sont pratiqués en dehors de tout dépassement d'honoraires et de toute commercialisation, autrement dit exactement dans les mêmes conditions qu'à l'hôpital public. On a d'ailleurs fait remarquer tout à l'heure que le coût était bien souvent moindre pour les femmes.

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