Intervention de Coralie Dubost

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure :

Je remercie M. Lachaud pour sa question sincère au sujet de la jurisprudence de la Cour de cassation. L'arrêt Mennesson était vraiment un cas d'espèce, car les procédures d'adoption étaient devenues incroyablement longues – parfois plus de quinze ans –, ce qui n'était évidemment pas acceptable. En généralisant le mécanisme de la transcription de l'acte de naissance, la décision rendue par la Cour en décembre 2019 l'a également banalisé, ce qui constitue un risque. Ainsi, dans le cas d'une adoption internationale – je prends à dessein cet exemple pour dépassionner le débat – ayant donné lieu à un jugement à l'étranger, le juge français ne pourrait plus vérifier que la mère d'origine dans le pays étranger a effectivement donné son consentement : si nous avions affaire à un trafic d'enfants, rien ne permettrait de le savoir. C'est ce qui explique ma réticence à consacrer la récente jurisprudence de la Cour de cassation – qui, en réalité, avait certainement pour intention d'inciter le législateur français à apporter une réponse juridique à la question de la double filiation des enfants nés de GPA à l'étranger, ce qu'on peut comprendre.

En tout état de cause, nous devons faire preuve de la plus grande prudence sur ce sujet extrêmement technique qu'est la transcription de l'état civil. Dès lors que le juge n'est plus en mesure de procéder à des vérifications et de porter une appréciation au regard des règles françaises, on prend un grand risque sur le plan juridique, car cela revient à se conformer à la loi du pays étranger, qui n'apporte pas forcément les mêmes garanties aux femmes qu'en France.

L'article 47 du code civil est ainsi rédigé : « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. » C'est le mot « réalité » qui pose problème, car on ne sait pas s'il s'agit de la réalité au regard de la loi étrangère ou au regard de la loi française : c'est pourquoi je vous propose, avec l'amendement n° 1528, de préciser que c'est au regard de la loi française.

En adoptant cet amendement, nous nous préserverons de certaines situations ; cependant, cela n'exclut pas de considérer avec toute l'attention qu'elle mérite la proposition de loi de Mme Limon, qui permettra d'assurer une double filiation dans des conditions honorables aux enfants issus de GPA à l'étranger, car ces enfants ont droit à une double filiation en France au sens de la Convention européenne des droits de l'homme.

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