Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE

Jeudi 2 juillet 2020

La réunion est ouverte à neuf heures.

(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente)

La commission spéciale poursuit l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique (n° 2658) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

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Chers collègues, je vous propose de reprendre nos travaux.

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Il nous reste plus de six cents amendements…

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Non, cinq cent quatre‑vingt‑trois, monsieur Lachaud !

(Sourires.)

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Pouvez‑vous nous en dire plus sur l'ouverture de nouvelles séances et la fin de nos travaux ?

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Nous aimerions bien terminer cette nuit. Une convocation va vous être adressée, ouvrant les séances de cet après-midi et ce soir.

Article 4 bis (nouveau) Interdiction de la transcription totale d'un acte de naissance ou d'un jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une gestation pour autrui lorsqu'il mentionne le parent d'intention

La commission examine les amendements identiques n° 121 de M. Guillaume Chiche, n° 753 de M. Jean‑Louis Touraine et n° 1130 de Mme Sylvia Pinel.

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L'amendement vise à supprimer l'article 4 bis concernant les enfants nés de GPA à l'étranger et l'établissement de leur filiation. Cet article introduit une nouvelle mécanique, qui fragilise cet établissement. Si cette pratique n'est pas légalisée sur le territoire national et que le projet de loi ne le propose absolument pas, les enfants qui naissent par ce mode de procréation légal à l'étranger ne doivent pas souffrir du choix de leurs parents. Nous devons apporter le maximum de sécurité juridique et favoriser pleinement la transcription de la filiation entre les acteurs du projet parental et les enfants.

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Les sénateurs ont introduit l'article 4 bis afin d'interdire la transcription dans l'état civil d'un acte ou d'un jugement étranger reconnaissant un enfant né dans le cadre d'une convention de gestation pour autrui, qui mentionne comme mère une femme autre que celle qui a accouché ou deux pères. Si la GPA est bien interdite en France, il n'en est pas moins problématique de proscrire la reconnaissance légale de l'existence d'un enfant en France, au motif qu'il serait né d'une GPA à l'étranger, dans un pays où la pratique est légale. Les enfants n'ont pas à être responsables de leur mode de procréation. Aussi cet article semble‑t‑il constituer une atteinte disproportionnée au principe d'intérêt supérieur de l'enfant. L'article 4 bis prend par ailleurs à contresens les récentes observations judiciaires, selon lesquelles une GPA réalisée à l'étranger ne saurait faire à elle seule obstacle à la reconnaissance en France d'un lien de filiation intégral.

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L'article introduit au Sénat entraînera une trop grande insécurité juridique.

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Je partage votre objectif de supprimer l'article 47-1 que le Sénat propose d'introduire dans le code civil, afin d'interdire la transcription totale de l'acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une gestation pour le compte d'autrui, lorsqu'il mentionne comme mère une autre femme que celle qui a accouché ou deux pères. Il apparaît en effet que la mise en œuvre d'un tel article 47-1 risquerait de soulever de gros problèmes d'inconventionnalité avec la jurisprudence de la CEDH, en particulier lorsque l'adoption par le parent d'intention n'est pas possible.

La CEDH a jugé que le lien de filiation doit pouvoir être établi à l'égard du parent d'intention. Or la Cour de cassation, dans l'arrêt Mennesson du 4 octobre 2019, a estimé que lorsque la filiation n'est plus possible dans des conditions respectant les droits garantis par la Convention, la transcription de l'acte de naissance étranger à l'égard du parent d'intention est la seule manière de reconnaître à l'état civil français le lien de filiation établi à l'étranger. Dans certains cas, les juges devraient donc écarter ce nouvel article au motif que son application ne serait pas compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme.

Il apparaît par ailleurs que l'introduction de dispositions spécifiques réglementant une situation particulière – les conventions de gestation pour autrui – dans un chapitre relatif aux dispositions générales applicables à l'ensemble des actes de l'état civil pourrait être une source d'incohérence et d'illisibilité.

Toutefois, on ne peut laisser en l'état la jurisprudence de la Cour de cassation, après son revirement du 18 décembre 2019, au risque de favoriser le trafic d'enfants. Aussi, je vous proposerai dans un amendement de compléter l'article 47 du code civil, afin de préciser que la réalité des faits qui sont déclarés dans l'acte d'état civil est appréciée au regard de la loi française et non de la loi étrangère, comme l'avait proposé la Cour de cassation le 18 décembre 2019. Il s'agit ainsi, en maintenant un contrôle juridictionnel sur les GPA réalisées à l'étranger, de lutter contre les trafics d'enfants. Retrait ou avis défavorable.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Au départ, nous n'étions pas favorables à l'idée d'introduire dans cette loi relative à la bioéthique des dispositions sur la GPA, considérant que cela ne relevait pas de son champ. Lorsque nous avons commencé les débats, la jurisprudence de la Cour de cassation nous semblait cohérente avec nos positions : transcription à l'état civil de l'acte de naissance étranger à l'égard du père et lien de filiation à l'égard du parent d'intention par la voie de l'adoption. Cette solution équilibrée avait d'ailleurs été jugée valide par la Cour européenne des droits de l'homme.

Mais les arrêts du 18 décembre dernier ont modifié cette situation, puisque la Cour de cassation a ordonné la transcription totale des actes de l'état civil étranger établis à la suite d'une convention de GPA, même à l'égard de la mère d'intention. Ce revirement de jurisprudence, sur lequel je n'ai pas à porter de jugement, fragilise, semble‑t‑il au Gouvernement, l'interdit de la GPA en France et facilite son recours à l'étranger, au détriment de l'adoption. Ce mécanisme nous inquiète, notamment parce que la Cour de cassation ne vient plus exiger le contrôle judiciaire de l'intérêt de l'enfant, avant d'établir la filiation. Elle va interdire de vérifier dans quelles conditions l'enfant a été remis à ses parents d'intention, s'il a bien été issu d'une convention de GPA, s'il n'est pas victime d'un trafic, si la mère porteuse a réellement consenti à se séparer de son enfant et s'il ne s'agit pas, en réalité, d'un contournement des règles de l'adoption internationale. Il nous semble que le système qui découle de la dernière jurisprudence laisse trop d'incertitudes par rapport à l'intérêt de l'enfant.

Face à ces risques, nous avons jugé opportun de prévoir une disposition législative dans ce projet de loi. Pour éviter la règle de l'entonnoir, j'ai été favorable, au Sénat, à l'amendement présenté par Bruno Retailleau, non que sa rédaction me convenait, mais parce que j'en avais besoin sur le plan de la procédure pour proposer un texte correspondant à notre volonté. Il est important de revenir à l'état du droit antérieur, afin de rétablir l'intervention du juge par la procédure de l'adoption. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable aux amendements de suppression, mais que je serai favorable à la réécriture de Mme la rapporteure.

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Je suis défavorable aux amendements de suppression. Parce que notre droit a été fragilisé, nous avons besoin d'introduire l'interdiction de la transcription totale de l'acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une gestation pour le compte d'autrui, lorsqu'il mentionne le parent d'intention. Nos collègues ne semblent pas avoir lu l'alinéa 3, lequel précise que les dispositions de l'article ne font pas obstacle à la transcription partielle de l'acte ou du jugement établissant la filiation. Cet article vise à donner une portée pleine et entière à l'interdiction de la GPA, prohibée en France par l'article 16‑7 du code civil – ces articles 16 et suivants qui vous tiennent à cœur, madame la rapporteure, et qui sont sanctionnés par les articles 227‑12 et 227‑13 du code pénal. Ne soyons pas hypocrites ! Dès lors qu'on légalise la PMA pour les couples de femmes, il y a un risque supplémentaire de faciliter demain la GPA pour répondre au désir d'enfant des couples d'hommes ou des hommes seuls, revendiquant une égalité, même si les situations sont différentes. En bioéthique, ce qui compte, ce sont les effets. Notre droit doit fortement décourager nos ressortissants d'avoir recours à la GPA à l'étranger.

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Madame la ministre, vous dites avoir soutenu l'amendement du président du groupe LR au Sénat pour ouvrir un débat à l'Assemblée nationale et proposer un texte conforme à la volonté du Gouvernement. Est‑ce que cela veut dire que vous allez nous proposer un amendement ? Je ne l'ai pas vu. C'est donc Mme Dubost qui défendra l'amendement gouvernemental ?

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Je suis rapporteure ! J'ai le droit de déposer un amendement !

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Mme la garde des sceaux ayant mentionné un texte conforme à la volonté du gouvernement, je voulais être sûr qu'il n'y ait pas d'amendement gouvernemental. Je note que Mme Dubost retranscrit la volonté du Gouvernement.

Il ne faut pas créer d'appel d'air. De toute évidence, les orateurs qui m'ont précédé, à l'exception de M. Bazin, n'ont pas lu l'alinéa 3.

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C'est un sujet complexe, qui divise. La GPA est interdite sur le sol français, et il faut éviter toute décision législative ou jurisprudentielle qui favoriserait son recours à l'étranger. L'article 4 bis nous semblant une bonne manière de limiter les recours à la GPA à l'étranger, nous voterons contre les amendements de suppression. Quant à l'amendement de Mme Dubost, il me semble bien sibyllin et je doute de sa capacité à atteindre son but.

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Il me semble nécessaire, au contraire, de supprimer cet article. La Cour européenne des droits de l'homme rappelait l'obligation faite aux États de proposer une possibilité de reconnaissance d'un lien de filiation avec le parent d'intention de l'enfant né d'une GPA à l'étranger. Si une marge d'appréciation est laissée aux États concernant le mode d'établissement de la filiation, il ne paraît pas opportun de circonscrire cette possibilité à la voie de l'adoption qui ne présente pas toutes les garanties de sécurité juridique et de célérité suffisantes pour l'enfant et sa famille. Le groupe de La République en marche s'était en outre accordé en première lecture sur l'idée que le sujet de la GPA ne devait pas figurer dans le texte, pour ne pas alimenter les parallèles entre PMA pour toutes et GPA.

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Je ne reviens pas sur l'aspect juridique du sujet. La GPA, c'est bien la marchandisation des corps. C'est le fait d'aller louer un ventre à l'étranger. C'est aller acheter un bébé à l'étranger. À l'étranger, parce que c'est interdit aujourd'hui en France et j'espère que ce le sera toujours demain. Dites‑moi où est l'intérêt supérieur de l'enfant dans cette histoire ? Et où sont les droits des femmes, dont on nous parle sans arrêt ? Ils sont bafoués et niés ! Or, au nom de l'égalité, la PMA pour toutes conduira demain à la GPA. C'est une ligne rouge que nous ne pouvons pas franchir.

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En première lecture, nous avions clairement dit que nous ne souhaitions pas que la GPA soit intégrée d'une quelconque manière dans ce projet de loi, pour éviter tout parallèle avec l'ouverture de la PMA pour toutes, qui n'introduit pas un tiers de façon aussi engageante que la GPA. Mais il me semble important de suivre l'avis de la ministre et de la rapporteure, de manière à rétablir le contrôle du juge, grâce auquel nous pourrons vérifier si la GPA a bien été réalisée et dans quelles conditions, de manière à ce qu'il n'y ait pas seulement une retranscription de l'acte en droit français, ce qui reviendrait à réduire le contrôle sur ce type d'actes, quand nous avons absolument besoin de vérifier la véracité de ce qui s'est passé. Je voterai contre ces amendements.

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Je rappelle de nouveau l'opposition farouche de notre groupe à la GPA et à l'instrumentalisation du corps des femmes. Tout ce qui pourrait être considéré comme une forme d'assouplissement de l'existant serait problématique et enverrait un signal grave. En l'état actuel des choses, nous avons le sentiment qu'il n'était pas nécessaire de changer les règles.

La commission rejette les amendements n° 121, 753 et 1130.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 637 et n° 636 de M. Guillaume Chiche, ainsi que l'amendement n° 1528 de la rapporteure.

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Cette loi est une loi d'égalité. Je ne pense pas qu'ouvrir la PMA à toutes, au nom de l'égalité, nous conduise sur la voie de la GPA, qui reste interdite à tous. Par ailleurs, nos compatriotes qui ont recours à la gestation pour autrui à l'étranger, de manière légale, sont à plus de 90 % des couples hétérosexuels. Vous avez pointé depuis le début l'intérêt supérieur de l'enfant. Or vous voulez le plonger dans une insécurité juridique pour dissuader des adultes d'aller recourir à une GPA et les contraindre à une seule voie pour établir la filiation, celle de l'adoption. Hier cependant, nous estimions tous que le véhicule de l'adoption n'apportait pas les garanties nécessaires en matière de sécurité juridique pour les enfants. Mme Genevard disait vouloir avancer très vite sur cette question, par le biais d'une proposition de loi. Aujourd'hui, les juges se fondent essentiellement sur la disposition que vous proposez de maintenir, chère rapporteure, pour expliquer que, lorsqu'il s'agit d'un couple d'hommes, la réalité voulant qu'un enfant soit né d'un homme et d'une femme, on ne peut pas établir la filiation, ce qui conduit la majorité des personnes ayant recouru à la GPA à ne pas pouvoir établir leur filiation dans des délais corrects pour assurer la sécurité juridique des enfants.

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L'amendement reprend une position partagée avec le Gouvernement. Monsieur Hetzel, vous ne pouvez pas préjuger du fait qu'un rapporteur dépose un amendement uniquement pour venir étayer une position gouvernementale. C'est parfois aussi simplement parce que nous avons trouvé un point d'accord. L'article 47‑1 introduit par le Sénat dans le code civil pose d'autant plus de difficultés qu'il comporte une erreur juridique, en confondant ce qui relève de la transcription, qui est un mode de publicité d'un acte, et ce qui relève de l'établissement du lien de filiation. Qui plus est, comme je vous le disais, il risque de mettre à mal le contrôle du juge. C'est pourquoi je propose de compléter l'article 47 par : « Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. »

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

La différence entre PMA et GPA, c'est que, pour la PMA, il y a une filiation qui n'est pas effacée. Dans le cadre de la GPA, le contrat évince la femme qui a accouché. C'est ce qui justifie le contrôle du juge. Je suis favorable à l'amendement présenté par Mme la rapporteure, qui reprend celui que j'avais présenté au Sénat. Il s'agit de revenir à la solution équilibrée dégagée par la jurisprudence de la Cour de cassation et validée par la Cour européenne des droits de l'homme, avec une solution fondée sur une adoption, dont la célérité va être accentuée, notamment grâce au travail de Monique Limon dans sa proposition de loi. L'ouverture de l'adoption à tous les couples permet de garantir la conventionnalité de ce dispositif à l'égard de tous les enfants.

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En première lecture, j'avais déjà indiqué que j'étais gênée par l'assimilation de plein droit d'un jugement étranger. Un tel systématisme empêche d'apprécier les conditions particulières. Sur le fond, je suis absolument favorable à l'objectif d'établir la double filiation de l'enfant, dans des conditions permettant de garantir son intérêt. L'arrêt Mennesson est venu apporter des précisions en matière de célérité, que la proposition de loi déposée par Mme Limon permettra de garantir, en préservant la situation juridique des enfants. Je ne trouve pas cohérent de changer le système de filiation pour un enfant né d'une GPA ou d'une PMA à l'étranger, dans un chapitre qui tire les conséquences de l'AMP. En revanche, il est nécessaire de clarifier le doute introduit par les revirements de jurisprudence, notamment de décembre, et de lisser la situation. Nous devons garantir une double filiation établie dans de bonnes conditions, tout en préservant les principes éthiques français.

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Compléter l'article 47 par : « Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. » permettrait, selon Mme la rapporteure, de revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Je ne comprends pas bien. Est-ce à dire que la Cour de cassation a pris une décision en dehors du cadre de la loi française ou qu'elle a interprété la loi française de manière très extensive ? En quoi la nouvelle rédaction empêchera la Cour de cassation de produire la même jurisprudence ?

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L'amendement donne l'impression que le juge va vérifier que la GPA est éthique. Votre rédaction me semble trop générale. Si le juge vérifie que la GPA est conforme aux engagements internationaux de la France, cela signifie‑t‑il que la GPA peut être éthique ? Les engagements internationaux de la France ne se limitent pas au trafic d'enfants. J'espère qu'elle s'est également engagée à ne pas valider la GPA en soi. Par principe, la GPA n'est pas éthique. Monsieur Chiche, peu importe qu'il s'agisse d'un couple de même sexe ou de sexes différents, on ne peut pas accepter qu'une femme fasse l'objet d'un contrat, pas plus qu'un enfant. Par ailleurs, la GPA ne risque‑t‑elle pas d'exposer l'enfant à la blessure d'abandon, du fait de sa séparation avec la femme qui l'a porté ?

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Madame la garde des sceaux, des agences de GPA, notamment en Ukraine, prospectent sur le sol français, en arguant que l'acte de naissance ukrainien est intégralement transcrit en France. Y a‑t‑il, en France, des actes de naissance mentionnant deux femmes ? De la même manière, il semblerait que cette transcription intégrale, qui a fait suite aux derniers arrêts de la Cour de cassation, que vous ne souhaitez évidemment pas commenter, vienne aussi d'instructions données par le Quai d'Orsay. Il y aurait donc une intervention du Gouvernement pour aller dans ce sens ! Le message de l'agence de prospection montre que le business se développe, et l'amendement de Mme Dubost contribuera à son développement. C'est un appel d'air assez incroyable.

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Premièrement, on ne plonge pas l'enfant dans l'insécurité juridique : il a un acte de naissance étranger, les personnes figurant sur cet acte exercent l'autorité parentale et peuvent même saisir la justice en tant que représentants légaux de l'enfant – qui possède par ailleurs la qualité d'héritier et la nationalité française. En revanche, l'absence de transcription permet d'exprimer la réprobation du droit français à la GPA subie par l'enfant, qui méconnaît ses droits.

Pour ce qui est de la proposition de Mme la rapporteure, elle ne me paraît pas recevable, car le projet de loi dont nous débattons a précisément pour objet de faire évoluer la loi française : si le texte est adopté, la loi permettra que deux femmes figurent sur un acte de naissance. Dès la promulgation de cette nouvelle loi, on pourra admettre des actes de naissance visant des parents d'intention. L'amendement de Mme Dubost entre en contradiction avec le projet de loi dans son ensemble, car la réalité visée à l'article 47 du code civil présente un caractère objectif et ne peut être appréciée au regard de la loi française, ce qui la rendrait subjective.

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J'entends les points de vue exprimés par Mme la ministre et Mme la rapporteure, mais je suis d'accord avec M. Chiche pour considérer que l'amendement n'est pas en adéquation avec le but recherché. Ne confondons pas, comme le fait M. Bazin, autorisation de la GPA et reconnaissance des enfants. Ceux qui, depuis le début de l'examen de ce texte, invoquent en permanence l'intérêt supérieur de l'enfant, démontrent une fois de plus que l'intérêt de l'enfant est pour eux infiniment moins important que leur propre idéologie.

Il est faux de dire que la reconnaissance des enfants va induire une augmentation du nombre de recours à la GPA : de très nombreux pays ont légiféré en ce sens sans qu'il y ait eu une GPA de plus au cours des années suivantes. Je pense qu'il n'est pas sain de continuer ce bras de fer avec la Cour de cassation et, sur le plan international, il serait curieux de voir le législateur français se battre contre les juges de son propre pays pour interdire à ses propres enfants la reconnaissance de leur parentalité.

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Je rappelle que ce qui nous guide aujourd'hui, sur le plan juridique comme sur le plan humain, c'est bien évidemment l'intérêt supérieur de l'enfant. Il ne s'agit pas de légaliser la GPA, comme on l'a dit et répété à de multiples reprises, mais simplement de sécuriser les enfants qui se trouvent aujourd'hui en France, ainsi que leur filiation, car on ne peut pas faire comme si ces enfants n'existaient pas ni faire abstraction des textes existants. Ma proposition de loi, déposée le 30 juin dernier et qui, je l'espère, sera rapidement inscrite à l'ordre du jour, vise à simplifier l'adoption afin de permettre aux parents qui vont élever, éduquer et aimer ces enfants, de pouvoir les adopter le plus simplement et le plus sûrement possible.

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Je rappelle que la GPA reste en France un interdit éthique. Nous devons à mon sens évoluer vers un conseil européen d'éthique ayant vocation à répondre aux questions de cette nature, et ne pas perdre de vue que la marchandisation concerne des pays, telle l'Ukraine, où la pauvreté incite des femmes à s'y résoudre.

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Je remercie M. Lachaud pour sa question sincère au sujet de la jurisprudence de la Cour de cassation. L'arrêt Mennesson était vraiment un cas d'espèce, car les procédures d'adoption étaient devenues incroyablement longues – parfois plus de quinze ans –, ce qui n'était évidemment pas acceptable. En généralisant le mécanisme de la transcription de l'acte de naissance, la décision rendue par la Cour en décembre 2019 l'a également banalisé, ce qui constitue un risque. Ainsi, dans le cas d'une adoption internationale – je prends à dessein cet exemple pour dépassionner le débat – ayant donné lieu à un jugement à l'étranger, le juge français ne pourrait plus vérifier que la mère d'origine dans le pays étranger a effectivement donné son consentement : si nous avions affaire à un trafic d'enfants, rien ne permettrait de le savoir. C'est ce qui explique ma réticence à consacrer la récente jurisprudence de la Cour de cassation – qui, en réalité, avait certainement pour intention d'inciter le législateur français à apporter une réponse juridique à la question de la double filiation des enfants nés de GPA à l'étranger, ce qu'on peut comprendre.

En tout état de cause, nous devons faire preuve de la plus grande prudence sur ce sujet extrêmement technique qu'est la transcription de l'état civil. Dès lors que le juge n'est plus en mesure de procéder à des vérifications et de porter une appréciation au regard des règles françaises, on prend un grand risque sur le plan juridique, car cela revient à se conformer à la loi du pays étranger, qui n'apporte pas forcément les mêmes garanties aux femmes qu'en France.

L'article 47 du code civil est ainsi rédigé : « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. » C'est le mot « réalité » qui pose problème, car on ne sait pas s'il s'agit de la réalité au regard de la loi étrangère ou au regard de la loi française : c'est pourquoi je vous propose, avec l'amendement n° 1528, de préciser que c'est au regard de la loi française.

En adoptant cet amendement, nous nous préserverons de certaines situations ; cependant, cela n'exclut pas de considérer avec toute l'attention qu'elle mérite la proposition de loi de Mme Limon, qui permettra d'assurer une double filiation dans des conditions honorables aux enfants issus de GPA à l'étranger, car ces enfants ont droit à une double filiation en France au sens de la Convention européenne des droits de l'homme.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Je veux dire à M. Bazin que la jurisprudence de la Cour de cassation a en réalité été construite pour simplifier la situation. Mme la rapporteure et moi considérons cependant que cette simplification a des effets excessifs, notamment dans l'automaticité de la transcription. C'est pourquoi il nous a semblé important que le législateur puisse revenir à l'état antérieur sur ce point.

M. Hetzel m'a demandé s'il y avait déjà eu des transcriptions intégrales d'actes d'état civil : la réponse est oui, puisque la jurisprudence de décembre 2019 de la Cour de cassation rend précisément possibles ces transcriptions intégrales – et c'est la règle qui s'impose actuellement. C'est pour cette raison que nous souhaitons pouvoir réintervenir, non pas pour faciliter cette pratique, mais pour encadrer, dans le respect de la loi française, la question de la transcription des actes civils.

Enfin, je veux dire à M. Touraine que, si je respecte la position de chacun, surtout sur les questions très sensibles que nous évoquons actuellement, je considère cependant que nous ne nous battons pas contre les juges de notre propre pays. Je suis convaincue que la dernière jurisprudence de la Cour de cassation constituait un appel au législateur : la Cour a interpellé le Parlement afin qu'il précise ses intentions sur la GPA – s'il ne réagissait pas à l'orientation donnée par la Cour, cela revenait à valider implicitement sa jurisprudence.

La commission rejette successivement les amendements n° 637 et n° 636.

Elle adopte l'amendement n° 1528.

En conséquence, les amendements n° 265 de M. Thibault Bazin, n° 343 de M. Xavier Breton, n° 424 de M. Patrick Hetzel, et les amendements n° 1235 et n° 1249 de Mme Martine Wonner tombent.

L'article 4 bis est ainsi rédigé.

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Madame la garde des sceaux, comment peut-on admettre que se tienne à l'espace Champerret à Paris, les 5 et 6 septembre prochains, le salon « Désir d'enfant », qui va être l'occasion de promouvoir la GPA et de mettre en relation des Français avec des agences étrangères spécialisées dans cette pratique ? Je sais que vous avez les moyens de vous opposer à l'organisation de cet événement et j'espère que vous le ferez.

Titre III appuyer la diffusion des progrès scientifiques et technologiques dans le respect des principes éthiques

Avant l'article 10

La commission examine les amendements identiques n° 866 de M. Xavier Breton et n° 889 de M. Patrick Hetzel.

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L'intitulé du titre III de ce texte, « Appuyer la diffusion des progrès scientifiques et technologiques dans le respect des principes éthiques », nous semble aussi pompeux qu'inutile – le « respect des principes éthiques » va de soi –, c'est pourquoi nous proposons de supprimer la division et l'intitulé du titre III. Tel est l'objet de l'amendement n° 866.

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Je me permets de revenir un instant sur la retranscription des actes de naissance d'enfants nés de GPA à l'étranger, sujet sur lequel nous sommes passés très vite. Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, la retranscription crée un appel d'air, et certains juristes soulignent que les choses sont facilitées par la législation française. L'amendement de Mme Dubost qui vient d'être adopté risque ainsi d'être interprété comme une nouvelle ouverture de la situation en France, ce qui ne correspond pas du tout à l'intérêt supérieur de l'enfant et ouvre la voie à la marchandisation des corps et aux situations horribles qu'elle entraîne. Pour nous, le fait de payer une femme pour qu'elle porte l'enfant de quelqu'un d'autre revient à pratiquer un esclavage des temps modernes. Continuant le combat que nous menons au nom des valeurs humaines, nous trouvons abject que certains puissent défendre cette pratique.

La commission rejette les amendements n° 866 et 889.

Article 10 Consentement à l'examen des caractéristiques génétiques

La commission est saisie de l'amendement n° 1224 de M. Bruno Fuchs.

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L'amendement n° 1224 vise à rendre possible la réalisation par des particuliers de tests génétiques n'ayant pas pour fin la recherche scientifique ou un examen médical. On estime que, chaque année, près de 100 000 Français se procurent un test ADN à visée généalogique et font analyser leurs gènes. Nous proposons de régulariser cette pratique, aujourd'hui considérée illégale et sanctionnée de 3 750 euros d'amende et d'un an de prison.

Par ailleurs, depuis la crise du covid-19, les données récoltées dans le cadre de cette activité sont conservées par des sociétés chinoises ou américaines, ce qui constitue un enjeu de souveraineté nationale car, pour les Français qui font pratiquer ce type de test, cela revient en fait à ce qu'ils envoient leurs données personnelles à l'étranger, où elles sont gardées durant des décennies par des sociétés qui les commercialisent.

Quand le législateur refuse de s'attaquer à la situation actuelle, il fait comme s'il s'accommodait, par exemple, du travail au noir. Rendre possible le recours aux tests en France permettrait de protéger les données des utilisateurs français qui y auraient recours, grâce à un encadrement légal plus protecteur. C'est ce que nous proposons avec l'amendement n° 1224.

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Je vais faire une réponse d'ensemble à tous les amendements qui visent à élargir les finalités des tests génétiques pour autoriser le recours aux tests génétiques dits « récréatifs » destinés à parfaire les connaissances généalogiques, mais aussi parfois à obtenir des informations relatives à la santé, ce qui est beaucoup plus discutable.

En 1994, le législateur avait considéré qu'il fallait circonscrire le recours aux tests génétiques aux seuls champs médicaux et de recherche, afin d'éviter toute possibilité d'étude génétique à des fins industrielles, commerciales ou de convenance. En tant que rapporteur, je suis convaincu qu'il faut maintenir cette prohibition car les tests récréatifs, auxquels de plus en plus de Français ont recours sur internet sans savoir le plus souvent qu'ils encourent une amende de 3 750 euros, présentent plusieurs dangers.

Tout d'abord, ces tests, essentiellement proposés par quatre sociétés dans le monde, présentent des biais importants. Si le recours à l'intelligence artificielle est susceptible d'améliorer les choses au cours des années à venir, pour le moment les résultats obtenus sont de piètre qualité, ce qui n'est d'ailleurs pas surprenant puisque les bases de données utilisées sont insuffisantes, à la fois en nombre d'entrées et en générations.

Ensuite, depuis que le recours aux tests génétiques s'est généralisé, les groupes « not parent expected » (NPE), composés de personnes ayant découvert que celui qu'elles avaient toujours considéré comme leur père n'est pas leur père biologique, se sont multipliés sur Facebook. Chaque situation de ce type comporte le risque de voir une famille exploser, ce que personne ne peut souhaiter.

Enfin, il faut que les personnes qui ont recours à ces tests aient bien conscience du fait qu'elles donnent leurs données génétiques à quatre sociétés privées, qui peuvent ensuite en faire ce qu'elles veulent. Elles doivent également savoir qu'elles ne transmettent pas seulement leurs données génétiques, mais aussi celles des autres membres de leur famille, auxquels elles sont liées génétiquement ; or, elles n'ont pas obtenu pour cela le consentement de chacune des personnes concernées – oncles, cousins, etc. – qui peuvent être nombreuses.

Enfin, l'utilisation des données ainsi récoltées par les entreprises étrangères qui proposent ces tests n'est pas encadrée, comme l'a souligné la CNIL. Je termine par cette information : le laboratoire pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline, GSK, a récemment racheté l'Américain 23andMe, leader mondial de cette activité, ce qui lui donne aujourd'hui accès aux données de santé recueillies par cette société.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.

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Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire M. le rapporteur. Les données génétiques sont très proches de la personne humaine elle-même, et qu'il puisse être fait commerce de ces données pour des utilisations que nous ne connaissons pas est très préoccupant, d'autant que, considérées dans leur ensemble, les données génétiques constituent un patrimoine commun de l'humanité, qui ne devrait pas pouvoir être utilisé par des sociétés privées à des fins discutables. À mon sens, nous devrions mener une campagne d'information afin d'ouvrir les yeux de nos concitoyens sur la réalité de ce commerce.

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Pour ma part, je veux revenir sur la question des enfants nés à l'étranger d'une GPA, qui a été balayée d'un revers de la main, comme s'il s'agissait d'une broutille…

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Non, madame Thill, c'est terminé, nous sommes passés à autre chose.

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Je salue l'intervention de notre rapporteur sur la question des tests génétiques, dont il a parfaitement exposé les enjeux. Nos concitoyens doivent avoir conscience qu'en transmettant leurs données génétiques à des entreprises privées, de surcroît étrangères, ils entrent dans une logique où l'aspect récréatif peine à masquer la véritable nature de cette activité, d'ordre commercial. Je souhaite, moi aussi, que nos concitoyens soient informés sur les risques énormes qu'ils prennent en communiquant leurs données sans savoir où elles vont ni à quelles fins elles seront utilisées.

M. Berta a évoqué l'un des leaders du secteur, mais plusieurs sociétés se partagent aujourd'hui ce qui est un marché extrêmement lucratif, et nous devons faire preuve de vigilance à l'égard d'une activité qui pourrait avoir une incidence sur le patrimoine génétique de l'humanité.

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Si l'amendement de M. Fuchs ne constitue pas une solution satisfaisante, il a le mérite de soulever une question sur laquelle il conviendrait de lancer rapidement une réflexion nationale afin de déterminer par quels moyens – la mise en place d'une structure nationale, ou peut-être un partenariat public-privé – nous pourrions encadrer ce phénomène.

La commission rejette l'amendement n° 1224.

Elle examine les amendements identiques n° 1147 de Mme Natalia Pouzyreff et n° 1229 de M. Bruno Fuchs.

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En vertu de l'article 16-10 du code civil, « l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique. » Or, cet article est en décalage avec la réalité, puisqu'on estime que 100 000 à 200 000 Français recourent chaque année à des tests génétiques visant à rechercher leurs origines familiales ou géographiques.

Avec l'amendement n° 1147, nous proposons de légaliser cette pratique, afin de mieux l'encadrer et d'éviter que des tests ne soient effectués pour rechercher des prédispositions à certaines maladies, par exemple, ce qui pourrait ouvrir la porte à une forme d'eugénisme. Dans les faits, les sanctions prévues ne sont jamais appliquées, ce qui montre bien que la loi n'est pas adaptée. Enfin, j'insiste sur la nécessité de rétablir la souveraineté nationale sur les données génétiques des citoyens français, qui ne devraient pas pouvoir être commercialisées par des firmes étrangères.

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Si je partage une grande partie des propos qui ont été tenus par le rapporteur, celui-ci me semble perdre de vue le fait que cette activité existe et qu'elle est pratiquée massivement par les Français, ce qui nécessite de l'encadrer. À défaut, il me paraît nécessaire d'appliquer plus strictement les sanctions prévues par le code pénal, dont l'article 226‑25 indique que « le fait de procéder à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins autres que médicales ou de recherche scientifique, ou à des fins médicales ou de recherche scientifique, sans avoir recueilli préalablement son consentement dans les conditions prévues par l'article 16-10 du code civil, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. » En résumé, soit on se conforme à la loi existante et on poursuit les gens qui pratiquent ces tests, soit, prenant acte de la banalisation des tests, on décide de les encadrer.

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Il faudrait effectivement trouver une solution à la française, mais je suis défavorable à ces amendements.

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J'entends l'embarras du rapporteur, et je suis d'accord avec Mme Pouzyreff pour estimer qu'on ne peut ni laisser une loi être transgressée en permanence et dans les proportions où elle l'est actuellement, ni laisser partir à l'étranger une partie du patrimoine et de la richesse de notre pays sans aucun contrôle, car cela présente de grands risques à court terme. L'une des solutions, apparaissant en filigrane dans l'intervention du rapporteur, consisterait à développer une activité de ce type en France, en la confiant à des laboratoires français qui l'exerceraient en étant strictement contrôlés et encadrés par des conseillers en génétique, eux-mêmes chargés de veiller à ce que les tests soient prescrits, réalisés et rendus aux personnes dans des conditions conformes à la loi. Nous éviterions ainsi les dérives qui ont été évoquées.

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Je partage en partie ce qu'a dit le rapporteur, à une réserve près. Vous connaissez mon attachement aux intérêts de la France et des Français, mais j'estime que prétendre que des sociétés françaises préserveraient mieux les intérêts des Français est faire preuve d'une grande naïveté. En réalité, il sera impossible d'interdire qu'une société dont le siège social est en France soit détenue par des capitaux majoritairement étrangers.

Par ailleurs, la réussite des tests dépendant de la taille de la base de données, on ne pourra pas empêcher les Français d'envoyer leurs données à des sociétés étrangères disposant de bases plus importantes, dans l'espoir d'obtenir ainsi de meilleurs résultats.

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Je n'ai moi aussi qu'une nuance à apporter à ce qu'a dit le rapporteur. Si l'on fait confiance à des sociétés françaises, le plus simple serait qu'elles soient publiques et qu'elles s'intègrent à un pôle public du médicament, ce qui permettrait d'exercer un véritable contrôle sur les données recueillies en excluant l'entrée de capitaux étrangers.

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En matière de bioéthique, il n'est guère pertinent de comparer ce qui se fait en France et dans d'autres pays : ce qui compte, c'est ce que nous voulons faire dans notre pays, et le fait que des Français contournent le droit national ne justifierait pas pour autant que nous autorisions des pratiques jusqu'alors interdites.

Sur le fond, je partage complètement le point de vue du rapporteur : nous prendrions un risque excessif en autorisant l'activité consistant à effectuer ces tests génétiques. Nous venons de permettre, à l'article 3, un accès aux origines dans des conditions extrêmement précises et encadrées, et nous nous contredirions en autorisant, quelques articles plus loin, un accès aux origines non contrôlé, se faisant sur la base de tests qui ne sont pas fiables ! Pour ma part, j'estime qu'il serait vraiment prématuré d'appliquer aujourd'hui la solution préconisée par ces amendements.

La commission rejette les amendements n° 1147 et 1229.

Elle est saisie de l'amendement n° 157 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Cet amendement vise à préciser que l'examen des caractéristiques génétiques ne peut avoir ni finalité ni conséquence eugéniste – j'aurais dû ajouter « ou marchande ». La recherche génétique peut engendrer un certain nombre de dérives. Les derniers débats à l'Assemblée nationale avaient d'ailleurs suscité de vives réactions lorsque certains affirmaient vouloir « traquer les embryons porteurs d'anomalies ».

Parce qu'une société où l'on veut éliminer le plus faible, ou celui qui est différent, est une société en danger, il convient de rappeler que la recherche scientifique ne doit pas servir des fins eugénistes.

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Nous n'avons manifestement pas la même définition du mot « eugénisme » qui, pour moi, ne peut faire référence qu'à une politique d'État et ne saurait s'appliquer à des cas particuliers.

Sur le fond, la précision que vous voulez apporter n'est pas utile : cette interdiction est déjà posée par les articles 16 à 16-9 du code civil, parmi lesquels l'article 16-4 dispose que « toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite ». Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette l'amendement n° 157.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 91 de Mme Annie Genevard.

Elle est saisie des amendements identiques n° 938 de M. Pascal Brindeau et n° 1132 de Mme Sylvia Pinel.

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L'amendement n° 938 vise à rétablir le principe posé en première lecture à l'Assemblée nationale, selon lequel les tests génétiques dits « récréatifs » ne peuvent faire l'objet de publicité. J'espère qu'on ne va pas me répondre que cela se fait dans d'autres pays, car ce n'est pas une raison pour que cela se fasse chez nous !

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L'amendement n° 1132 vise à rétablir une disposition adoptée à l'Assemblée nationale, mais supprimée au Sénat, qui a pour objet l'interdiction de tout démarchage publicitaire sur les tests génétiques. Il est pourtant important de renforcer notre législation en matière d'interdiction de tels tests sans caractère médical.

Comme a déjà pu le dire en 1995, dans son avis n° 46, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), un test génétique est particulièrement intrusif. Il est une porte d'entrée dans l'intimité d'une personne, ce qui justifie que ces examens génétiques soient encadrés. Ainsi, en France, les tests génétiques sont faits uniquement sur prescription médicale dans des laboratoires autorisés par les ARS, et interprétés et rendus par des praticiens agréés. Pourtant, de nombreuses personnes font pratiquer ce genre de tests chaque année en recourant pour cela aux services d'entreprises privées étrangères sur internet, et ces personnes ne sont absolument pas accompagnées lors de la réception des résultats. De plus, la réalisation de tests génétiques à l'étranger induit le stockage des données génétiques de milliers de Français en dehors de notre pays, avec tous les risques de dérives que cela implique quant à leur conservation et à leur utilisation.

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Je vous rappelle que la publicité en faveur de tests génétiques commerciaux disponibles en accès libre relève de pratiques commerciales trompeuses, punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros.

Des actions d'information et de sensibilisation du grand public sur les risques encourus sont en cours de préparation par le Gouvernement. Par ailleurs, il revient aux organismes compétents, tel le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), d'agir afin de faire cesser la diffusion de telles publicités.

J'ajoute que poser une interdiction sans l'assortir de sanctions n'a pas une grande portée. Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.

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Les débats que nous avons sur cette question montrent qu'elle n'est pas anodine et que les choses doivent changer. Il faudrait insister auprès du Gouvernement sur la nécessité de mettre en œuvre une véritable politique publique afin d'alerter nos concitoyens sur les risques qu'ils prennent lorsqu'ils ont recours à de tels tests, car à l'heure actuelle la plupart d'entre eux ne le réalisent pas. Pour l'instant, le Gouvernement laisse faire, ce qui est bien dommage.

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J'avoue ne pas comprendre la position du rapporteur : il dit être d'accord sur le principe mais, invoquant l'absence de sanctions, demande le retrait des amendements… Pourquoi ne pas avoir déposé un amendement visant à rétablir ce qui avait été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale ? Pourquoi ne pas proposer un sous-amendement visant à instituer une sanction, ce qui permettrait d'adopter ces amendements dès maintenant ?

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Je soutiens ces amendements. J'ai été choqué de voir, sur des médias très regardés, de la publicité pour une activité censée être interdite. Si on la voit moins aujourd'hui sur les chaînes d'information en continu, cette publicité se fait encore en toute impunité sur les réseaux sociaux. Nous devons renforcer l'arsenal législatif afin d'être en cohérence avec l'interdiction en vigueur. Les risques liés à ces tests, notamment en termes de paix sociale, sont beaucoup plus importants que les bénéfices qu'on peut en tirer, d'autant que leurs résultats sont peu fiables.

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Notre groupe est favorable à ces amendements. Certes, on pourrait mettre en place des sanctions, mais le simple fait d'inscrire dans la loi l'interdiction de la publicité pourrait inciter les pouvoirs publics à intervenir davantage pour faire respecter cette interdiction.

Le recours à ce type de tests renvoie à une conception biologisante de l'être humain et des origines. Nous sommes loin d'avoir épuisé le débat sur ces questions, mais je suis tenté de résumer la situation en une phrase : la vraie nature de l'homme, c'est sa culture. De ce point de vue, les débats que nous avons eus jusqu'à présent me semblent avoir mis en évidence des incohérences dans la conception de la bioéthique que veut affirmer ce texte.

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Je suis résolument opposé à la publicité pour les tests génétiques et, après avoir vu des spots publicitaires sur la chaîne BFM TV, j'ai adressé deux courriers de protestation au CSA, malheureusement restés sans suite. Il me semble qu'inscrire dans la loi l'interdiction de la publicité marquerait bien l'opposition du législateur français à ce type de pratiques dans notre pays.

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J'avais déposé des amendements similaires en première lecture. Il me semble qu'on peut difficilement dire que recourir à ces tests présente un danger grave en termes de fiabilité et de conséquences potentielles sur les familles, prévoir dans le code pénal une interdiction assez lourdement sanctionnée et, à côté de cela, ne rien faire pour interdire les publicités visant à promouvoir ces pratiques commerciales. Les amendements proposés pourraient apporter la cohérence qui fait actuellement défaut dans ce domaine.

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Je soutiens également les amendements visant à interdire la publicité, car on ne peut braver les interdits au vu et au su de tout le monde en diffusant des publicités sur des médias aussi regardés que les chaînes d'information en continu. De même, comme l'a dit M. Bazin, il est impensable que puissent se tenir en France des salons commerciaux qui permettent de contourner l'interdiction légale de la GPA dans notre pays. Confronté en permanence à des incitations implicites à enfreindre la loi, diffusées par des sociétés qui agissent en toute impunité, le citoyen français ne sait plus vraiment ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Nous devons mettre fin à cette situation.

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Si l'on considère que ces tests font courir un risque important, il ne faut pas accepter des publicités incitant nos concitoyens à les utiliser. Peut-être le dispositif mérite-t-il d'être précisé mais il serait intéressant que notre commission l'adopte, quitte à le retravailler d'ici à la séance. Il est important de poser un interdit et c'est le bon moment pour le faire.

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Le cadre juridique existe déjà, avec une peine de deux ans de prison et 300 000 euros d'amende. Notre difficulté est de faire appliquer la loi, non de la changer.

La commission adopte les amendements n° 938 et 1132.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements n° 1357 de M. Didier Martin et n° 1233 de M. Bruno Fuchs.

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Je vous propose d'adopter la rédaction de la commission du Sénat, qui a mis en place l'encadrement de ces tests génétiques tout en maintenant les interdictions du code civil.

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La levée de l'interdiction des tests, qui existent dans la pratique, a été suggérée par le Conseil d'État dans son étude « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? » de juin 2018. L'amendement propose d'encadrer ces pratiques et notamment de sécuriser le consommateur par une information en français sur les risques, les conséquences potentielles de la réalisation d'un test, comme la découverte de correspondances génétiques indiquant des liens biologiques précédemment inconnus, ou à l'inverse l'absence de correspondance génétique révélant l'inexistence de liens biologiques.

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Dans la mesure où ma position consiste à maintenir le principe d'interdiction, je n'ai pas à retenir des données sénatoriales. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements n° 1357 et 1233.

Puis elle adopte l'article 10 modifié.

La suppression de l'article 10 bis est maintenue.

La suppression de l'article 10 ter est maintenue.

Article 11 Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements n° 745 de M. Guillaume Chiche et n° 1469 du rapporteur.

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L'amendement n° 745 vise à mieux encadrer l'utilisation d'un traitement algorithmique de données massives dans le champ de la santé et à garantir l'expression du consentement du patient. Il se fonde sur les rapports et recommandation de la CNIL, du CCNE, du Défenseur des droits et du rapport de notre collègue Jean-Louis Touraine remis dans le cadre de l'élaboration du présent projet de loi.

La décision médicale ne doit pas se fonder exclusivement sur un traitement automatisé de données, conformément aux dispositions des articles 22 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de l'article 47 de la loi Informatique et libertés. Ainsi, l'amendement précise le cadre du recueil du consentement libre et éclairé du patient lors du recours à un algorithme pour des actes à visée préventive, diagnostique et thérapeutique. Il s'agit de garantir les principes fondateurs de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé figurant aux articles L. 1111‑2 et L. 1111‑4 du code de la santé publique.

Enfin, l'amendement vise à renforcer l'interdiction des discriminations fondées sur les données issues de l'usage de traitement algorithmique de données massives en santé en adaptant et complétant l'article 225‑3 du code pénal.

Cet amendement m'a été proposé par l'interassociative lesbienne, gaie, bi et trans.

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L'amendement n° 1469, reprenant en partie celui de M. Chiche et qui a reçu l'accord du Gouvernement, poursuit plusieurs objectifs : clarifier le périmètre des dispositifs visés par l'article 11, en précisant qu'il s'agit de traitements algorithmiques à partir de données massives ; maintenir l'obligation d'informer le patient avant l'utilisation d'un traitement algorithmique dans le cadre de sa prise en charge médicale ; garantir que les résultats issus de ce dispositif sont validés par un professionnel de santé ; et prévoir la traçabilité des actions et des données afin d'éviter que le dispositif ne fonctionne comme une pure et simple boîte noire.

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Ces amendements, en prévoyant la traçabilité, me semblent aller dans le bon sens. Je me demande s'il ne faudrait pas aller plus loin en créant des référentiels de bonnes pratiques et en introduisant la participation active des associations représentant les usagers. Comme pour les médicaments mis sur le marché, ne serait-il pas nécessaire de prévoir une certification pour l'utilisation des traitements de données massives existants et à venir ? Il faut rassurer les patients comme les professionnels de santé.

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Nous n'en sommes pas à ce stade. C'est aux professionnels de s'organiser et de réfléchir à la mise en place d'un label.

La commission rejette l'amendement n° 745.

Puis elle adopte l'amendement n° 1469.

En conséquence, les amendements n° 201 de M. Thibault Bazin, n° 1315 de M. Marc Delatte, n° 649 de Mme Elsa Faucillon, n° 275 de M. Thibault Bazin, n° 158 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1093 de M. Bastien Lachaud, n° 652 de Mme Elsa Faucillon et n° 479 de Mme Marine Brenier tombent.

La commission adopte ensuite l'article 11 modifié.

Article 12 Encadrement du recours aux techniques d'enregistrement de l'activité cérébrale et interdiction des discriminations fondées sur les résultats de ces techniques en matière d'assurance

La commission est saisie de l'amendement n° 159 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Cet amendement de suppression est en réalité un amendement d'appel, car, contrairement à ce que dit l'exposé des motifs du projet de loi, très peu de précisions sont données quant aux finalités du recours aux techniques d'enregistrement de l'activité cérébrale humaine.

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Avis défavorable. L'article 12 a pour objet de renforcer la lutte contre les discriminations fondées sur les données issues de l'enregistrement de l'activité cérébrale, en particulier en matière de prévention et de couverture de risque.

La commission rejette l'amendement n° 159.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 437 de M. Jean-François Eliaou et n° 1470 du rapporteur.

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L'important est de bien comprendre la différence entre l'imagerie, c'est-à-dire la description anatomique des structures du cerveau et du système neurologique, et les explorations fonctionnelles, qui montrent l'activité du cerveau. Cet amendement, conforme à celui que j'ai déposé en première lecture dans une rédaction en accord avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, vise à bien différencier les deux pour prévenir l'utilisation des explorations fonctionnelles dans un cadre judiciaire, en raison des dérives que l'on peut imaginer en termes de recherche de la vérité. Elles restent possibles pour des visées médicales et de recherche.

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L'amendement n° 1470 a pour objet de rétablir l'interdiction de l'usage de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle à des fins judiciaires, dans une rédaction qui doit permettre d'éviter les querelles sémantiques. Il apparaît en effet préférable de retenir les termes d'« imagerie cérébrale », plutôt que ceux d'« enregistrement de l'activité cérébrale » ou d'« imagerie ou exploration de l'activité cérébrale », trop vastes et qui pourraient nuire à des activités très légitimes de neuro-modulation.

Cette mesure, recommandée par le CCNE et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), a pour objet d'éviter le détournement ou la surinterprétation des usages de cette technique à des fins judiciaires, comme les détecteurs de mensonge qui peuplent de nombreuses séries télévisées.

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Peut-on nous réexpliquer la différence entre ces amendements des deux rapporteurs afin d'éclairer notre vote ?

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Cela a fait l'objet d'une longue discussion avec le Gouvernement. J'ai moi-même évolué dans ma position et me suis rangé à l'avis du Gouvernement qui propose de retenir le terme d'« imagerie », et non « enregistrement », lequel couvre bien plus de choses et détruirait un champ d'activité de dispositifs médicaux qui ont besoin de l'accès à certaines formes d'enregistrement de l'exploration cérébrale.

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Avec le ministère de l'enseignement supérieur d'alors, je considère que le terme d'« imagerie » est trop englobant. Nous préférions parler d'imagerie d'un côté et d'exploration fonctionnelle de l'autre – qui n'est pas seulement l'électroencéphalogramme que tout le monde connaît mais aussi l'enregistrement de l'activité du cerveau par des techniques d'imagerie. En effet, l'exploration fonctionnelle peut se faire de façon électrique mais également par imagerie. Il convient donc de bien séparer les choses, au moment où l'on veut utiliser ces techniques dans un cadre judiciaire.

Je prends un exemple. Quelqu'un qui se met tout nu dans la rue commet un délit. Il est appréhendé par la police et un scanner est pratiqué pour voir s'il a quelque chose, par exemple une tumeur, au cerveau ; c'est normal. Mais si on cherche par l'imagerie à savoir s'il dit ou non la vérité, cela pose un problème. La description anatomique du cerveau est une bonne chose dans tous les cas de figure, y compris judiciaires, mais l'enregistrement de l'exploration du cerveau avec des techniques d'imagerie me pose problème pour la recherche de la vérité judiciaire.

La commission adopte l'amendement n° 437.

En conséquence, l'amendement n° 1470 tombe.

La commission adopte l'article 12 modifié.

Article 13 Encadrement des dispositifs de neuro-modulation

La commission est saisie de l'amendement n° 1471 du rapporteur.

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Cet amendement a pour objet de supprimer l'exclusion, souhaitée par le Sénat, des dispositifs médicaux du champ de l'article 13. Cette exclusion n'apparaît en effet pas pertinente, ceux-ci étant couverts par les dispositions des articles L. 5211-1 et suivants du code de la santé publique.

La commission adopte l'amendement n° 1471.

Puis elle examine l'amendement n° 160 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Je souhaite ajouter à la première phrase de l'alinéa 4, après la première occurrence du mot « santé », les mots « et pour la dignité ». La question de la dignité humaine est tout aussi importante que celle de la santé. Il convient donc de se doter d'un garde-fou contre les risques encourus par la santé et par la dignité humaine avec ce genre de techniques.

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Avis défavorable. Nous sommes sur un chapitre de santé où il n'est nullement question de la dignité.

La commission rejette l'amendement n° 160.

Ensuite de quoi, la commission examine l'amendement n° 202 de M. Thibault Bazin.

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L'alinéa 4 de cet article 13 dispose : « Art. L. 1151‑4. – Les actes, procédés, techniques, méthodes et équipements, à l'exception des équipements relevant des dispositifs médicaux au sens de l'article L. 5211‑1, ayant pour effet de modifier l'activité cérébrale et présentant un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine peuvent être interdits par décret. »

Ces « actes, procédés, techniques, méthodes et équipements » pourraient, dès lors qu'il s'agit de neuro-modulation, ne pas respecter la dignité d'une personne. On pourrait prendre le pouvoir sur une personne avec ces appareils. Il faudrait donc ajouter, comme le propose cet amendement : « ou ne garantissant pas le respect de la dignité humaine ». C'est une affaire de santé mais aussi de respect de la dignité de la personne.

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Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

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Je partage les inquiétudes de M. Bazin et je ne vois pas en quoi cette précision relative à la dignité humaine poserait problème. Par le passé, des procédés médicaux n'ont pas respecté la dignité humaine. Cet ajout ne gêne en rien l'exercice de la médecine ou de la recherche.

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Dans un texte de bioéthique, c'est un débat qu'il faut avoir. Les dix règles formalisées dans le cadre du procès de Nuremberg ont plus que jamais du sens, avec les dérives scientistes, y compris dans le domaine médical, comme cela a du sens de rappeler la dignité humaine, qui doit être le primat de tout. Il faut trouver un équilibre face à une science qui cherche à s'imposer partout. La science est synonyme de progrès mais ce progrès ne peut se faire au détriment du respect de la dignité humaine. Le rappeler ne nuit pas.

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Je ne vois pas en effet au nom de quoi on ne pourrait ajouter la notion de dignité humaine. On ne la rappelle jamais assez et au contraire, ne pas l'indiquer c'est l'oublier et passer outre, surtout dans ces pratiques où l'on peut vouloir aller toujours plus loin.

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Dissocier la santé de la dignité humaine n'est pas défendable : les deux sont intimement liées. Au passage, je ne peux m'empêcher de faire remarquer que, quand je parle de dignité humaine, personne ne réagit, mais quand c'est M. Bazin, tout le monde se saisit du sujet.

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Je partage entièrement ce que j'entends là, bien évidemment, mais la dignité humaine est déjà un principe constitutionnel qui s'impose à nous.

La commission rejette l'amendement n° 202.

Elle examine ensuite l'amendement n° 919 de Mme Annie Genevard.

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La neuro-simulation est un moyen d'aider des personnes souffrant de certaines pathologies. C'est aussi un moyen qui peut améliorer les performances humaines, dans une perspective transhumaniste. Mme Genevard propose donc d'ajouter un alinéa ainsi rédigé : « Les actes, procédés, techniques, méthodes et équipements ayant pour objet de modifier l'activité cérébrale dans un but d'amélioration de l'individu et dépourvus de justification thérapeutique sont interdits. »

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Avis défavorable. Je me méfie de ce mot « transhumanisme », véritable tarte à la crème. Je sais à qui on le doit et qui l'exploite. L'objet de la médecine n'est pas d'améliorer l'homme ; il est déjà bien compliqué de le réparer, ce qui est notre objet au quotidien.

La commission rejette l'amendement n° 919.

Elle adopte ensuite l'article 13 modifié.

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Madame la présidente, je crois comprendre que l'article 1er du projet de loi tel qu'il résulte des travaux de la commission nous a été envoyé dans une version provisoire, ce qui ne permet pas de commencer à rédiger des amendements en vue de la séance, alors que nos équipes attendent de pouvoir le faire.

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La limite pour le dépôt des amendements sera a priori repoussée à vendredi dix-sept heures, vu que nous n'aurons pas fini aujourd'hui à dix-sept heures. Vous avez reçu les articles 1er et 1er bis, nous allons continuer d'avancer comme cela. Nous allons essayer de mettre à votre disposition l'article 2 dans la journée.

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Les versions des articles que nous avons reçues ne changeront pas d'ici à la séance ?

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Il est exact que seul le « texte adopté par la commission » final fait foi. Nous avons choisi cette méthode pour vous permettre d'avancer.

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Je rejoins les préoccupations de M. Chiche. Nous ne sommes pas dans les meilleures conditions pour examiner un texte aussi important et nous regrettons que l'ordre du jour ait été établi en vue de comprimer les débats dans des délais qui ne permettent pas un examen serein.

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Nous faisons partie des personnes qui souhaitaient l'examen de ce texte en juillet et nous l'assumons, mais si, alors que chacun se dépêche pour déposer des amendements avant dix-sept heures vendredi, on nous annonçait, lundi, que l'examen en séance est finalement reporté à jeudi ou vendredi prochain pour cause de remaniement, nous serions un peu en colère. Peut-être faudrait-il obtenir des réponses. Je me fiche des scoops mais il ne faut pas que le texte en pâtisse, que nous nous précipitions alors même qu'il n'y a pas lieu de le faire.

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Si le phénomène évoqué par Mme Faucillon devait intervenir, il conviendrait de rouvrir le délai de dépôt d'amendements. Vous ne prendrez aucun risque sur la durée des débats en séance puisque ce sera en temps programmé, mais cela améliorerait le travail, qui se déroule dans des conditions difficilement soutenables.

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Nous allons travailler avec le calendrier tel qu'il a été fixé et non à partir de politique-fiction. La limite est repoussée de vingt-quatre heures. Si un changement intervenait, la Conférence des présidents se réunirait et définirait les nouvelles modalités d'examen du texte en séance publique.

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Si nous finissons l'examen du texte cette nuit très tard, même le report que vous évoquez ne permettra pas de garantir des conditions raisonnables. Il vaudrait mieux, vu l'importance du texte, se donner un délai d'au moins quarante-huit heures une fois l'examen achevé.

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Plus on perd de temps à discuter de cela, moins on avance. En fonction de l'heure à laquelle nous terminerons ce soir, le délai pourra être repoussé à samedi matin.

Titre iv Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine

Chapitre Ier Encadrer les recherches sur l'embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites

Avant l'article 14

La commission est saisie des amendements identiques n° 867 de M. Xavier Breton et n° 890 de M. Patrick Hetzel.

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Il s'agit de nouveau de rechercher la sobriété dans les titres. Il nous est proposé, au titre IV, de « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine ». Les titres ne sont pas faits pour être des slogans mais pour indiquer un objet juridique. Une loi, y compris dans ses titres, doit être rédigée dans un souci de précision et non dans une optique marketing de nouveau monde.

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Le Gouvernement doit comprendre qu'il ne faut pas faire de fake news avec des textes de loi.

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Avis défavorable. Le titre correspond tout à fait, à mes yeux de scientifique, à l'objectif poursuivi.

La commission rejette les amendements n° 867 et 890.

Elle examine ensuite l'amendement n° 1079 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Il s'agit également de modifier l'intitulé du titre IV. Si le législateur adopte des lois de bioéthique, c'est pour que la recherche soit encadrée et non pas « libre ». Quant au terme « responsable », en droit il implique le devoir de réparation des dommages causés : on voit mal comment on pourrait réparer des recherches sur les embryons humains. Être responsable implique aussi de mesurer les conséquences de ses actes, or la recherche sur l'embryon ne le permet pas. Il convient de supprimer ces deux termes.

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Je suis en l'occurrence particulièrement attaché au mot « libre » car je ne connais pas un collègue impliqué dans la recherche en génétique ou en reproduction qui ne soit pas en permanence victime d'intimidations judiciaires – et l'on sait parfaitement d'où cela vient. Avis défavorable.

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Si l'on n'a rien à se reprocher, monsieur le rapporteur, pourquoi aurait-on peur d'actions en justice ? Cet argument me laisse pantois. Nous sommes dans un État de droit, et cela consiste à pouvoir intenter des actions en justice.

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Aucune de ces attaques judiciaires n'a jamais abouti ; c'est une simple volonté de nous empêcher de chercher, d'avancer, qui n'a d'autre effet que de risquer de faire prendre à la France un retard conséquent dans les acquis de la recherche, dont nos enfants ont tant besoin.

La commission rejette l'amendement n° 1079.

Puis elle examine les amendements identiques n° 868 de M. Xavier Breton et n° 891 de M. Patrick Hetzel.

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Le titre du chapitre Ier n'est pas, cette fois, un slogan, il est au contraire plutôt sobre : « Encadrer les recherches sur l'embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites ». Quand vous voulez rédiger des titres objectifs, vous le pouvez ! Le problème, c'est qu'est prévue la recherche sur les embryons. La question de ce qu'est l'embryon travaille l'humanité depuis des millénaires et ce n'est pas aujourd'hui que nous pourrons apporter une réponse. Dans le doute, nous appelons à la prudence et c'est pourquoi nous ne souhaitons pas que des recherches soient effectuées sur l'embryon.

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On nous dit qu'il s'agit d'encadrer des recherches sur l'embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites, mais c'est ce que faisaient déjà les lois précédentes. En fait, on va vers un système de plus en plus libéral où les recherches seront de moins en moins encadrées.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit « nous les chercheurs », à plusieurs reprises. Or, avec tout le respect que je vous dois, nous sommes quelques-uns ici à être des universitaires. Évidemment, il ne s'agit pas d'être schizophrène, mais, dans cette salle, vous vous exprimez en tant que député de la nation et pas au nom des chercheurs. Si nous prenons la parole comme représentant d'une corporation, nous ne sommes plus dans notre rôle de législateur. Nous devons être très au clair sur ces questions.

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Tout va bien, je suis au clair avec moi-même. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 868 et n° 891.

Article 14 Différenciation des régimes juridiques d'autorisation s'appliquant à l'embryon et aux cellules souches embryonnaires

La commission examine les amendements identiques n° 203 de M. Thibault Bazin, n° 322 de M. Xavier Breton et n° 404 de M. Patrick Hetzel.

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Je vous rassure : je ne défendrai à cet article que les amendements les plus importants pour moi.

L'article 14 vise à distinguer les recherches sur les embryons humains et sur les cellules souches embryonnaires, comme s'il s'agissait de deux choses totalement différentes. Ainsi, il prévoit de passer la recherche sur les cellules souches embryonnaires du régime d'autorisation encadrée à la simple déclaration à l'Agence de la biomédecine. Cela ne me semble pas éthique. Je ne comprends pas pourquoi on redescend à un simple régime de déclaration. Si une cellule souche embryonnaire n'est pas un embryon humain en soi, le législateur ne peut oublier qu'elle en émane et que son prélèvement en provoque la destruction. C'est pourquoi mon amendement vise à supprimer l'article 14.

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Une cellule souche embryonnaire n'est pas un embryon humain en soi, certes. Mais elle en émane et il y a eu destruction de l'embryon pour opérer ce prélèvement. C'est pourquoi il ne faut pas faire de pseudo-distinctions.

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On voit bien qu'il y a un glissement progressif. Mais on ne peut pas balayer d'un revers de main la question de la dignité que l'on doit aux embryons humains et aux cellules souches embryonnaires.

Que se passera-t-il si des chercheurs transgressent cette déclaration simple à laquelle nous ne sommes pas favorables ? Rien, et c'est bien là le problème. Des droits et des obligations doivent être prévus. C'est pourquoi nous défendrons des amendements qui préciseront que les recherches qui auront fait l'objet d'une déclaration simple devront être interrompues en cas de transgression. Il conviendra également de rappeler aux équipes qu'elles ne peuvent pas agir comme s'il n'y avait plus de règles. Le rôle du législateur consiste à fixer des limites. Avec l'article 14, des lignes rouges sont susceptibles d'être franchies. Nous serons donc très vigilants au cours de la discussion.

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Cet article vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur l'embryon d'une part, et les cellules souches embryonnaires d'autre part. Une cellule souche embryonnaire n'a aucune vocation ni aucune possibilité de redonner un individu. Elle n'est pas totipotente, mais juste pluripotente.

Les cellules souches embryonnaires utilisées dans les laboratoires du monde entier depuis des décennies sont des lignées cellulaires qui pour certaines ont été établies il y a fort longtemps et qui de façon totalement contrôlée – je peux vous assurer que les contrôles de l'Agence de la biomédecine sont sérieux – pourront être utilisées dans un laboratoire puis, à la vue de tout le monde et de façon déclarative, être transmises à un autre laboratoire pour faire des études. L'intérêt de ces cellules souches embryonnaires est précisément de permettre de faire des études sans avoir à utiliser d'embryons supplémentaires.

L'article 14 établit d'abord une distinction entre les recherches portant sur l'embryon surnuméraire non destiné à naître, et qui a été donné à la recherche après consentement de la famille, et celles portant sur l'embryon destiné à naître – il s'agit par exemple de recherches effectuées dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation qui, elles, répondent aux conditions fixées pour les recherches impliquant la personne humaine.

Les enjeux et les interrogations éthiques ne sont pas les mêmes dans ces différents cas et c'est pour cela que le projet de loi, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale comme dans celui du Sénat, prévoit que les recherches sur les embryons sont soumises à l'autorisation de l'Agence de la biomédecine, tandis que les recherches sur les cellules souches font l'objet d'une simple déclaration auprès de cette même Agence.

Sur ce sujet, je voudrais faire deux rappels simples. Une cellule souche embryonnaire n'est pas un embryon, ce sont des lignées cellulaires qui sont dans l'incapacité de redevenir un embryon. S'agissant de la recherche sur l'embryon, hors des cas de recherche dans le cadre d'une PMA qui font l'objet d'un statut différencié comme je l'ai expliqué, l'embryon n'a pas vocation à naître et il doit même être obligatoirement détruit. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus loin. Ces recherches se font sur des embryons surnuméraires qui ne font plus l'objet d'un projet parental. Elles sont mieux définies et mieux encadrées par le dispositif prévu par le projet de loi. Nous ne devons pas nous priver des progrès majeurs de la thérapie cellulaire, qui n'apparaissent pas clairement aux yeux de certains, mais qui font l'objet de 400 essais cliniques en Europe et un peu plus de 600 aux États-Unis.

Pour toutes ces raisons, j'émettrai un avis défavorable à ces amendements de suppression de l'article, aux amendements de rédaction globale et aux amendements supprimant les alinéas centraux du dispositif.

La commission rejette les amendements n° 203, n° 322 et n° 404.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques n° 204 de M. Thibault Bazin, n° 324 de M. Xavier Breton et n° 406 de M. Patrick Hetzel, des amendements identiques n° 205 de M. Thibault Bazin, n° 325 de M. Xavier Breton et n° 407 de M. Patrick Hetzel, des amendements identiques n° 323 de M. Xavier Breton et n° 405 de M. Patrick Hetzel, et de l'amendement n° 1309 de M. Thibault Bazin.

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Je vous propose, par l'amendement n° 324, de revenir à la rédaction qui avait été retenue par le législateur de 2004. On voit bien que, de révision en révision des lois de bioéthique, un glissement progressif se fait vers un moins-disant éthique dont le seul but est l'absence de freins à la recherche.

Le rapporteur ne prend pas en compte le fait qu'au départ, il y a destruction d'un embryon. Ce n'est pas parce que la cellule souche embryonnaire n'est pas un embryon en elle-même et qu'elle ne pourra jamais le devenir qu'elle ne provient pas de la destruction d'un embryon. Ce n'est pas non plus parce qu'un embryon ne fait plus partie d'un projet parental qu'il doit être détruit. On sait bien qu'en France, la législation est très permissive pour la production d'embryons surnuméraires. La logique est ici encore de constituer des stocks d'embryons qui pourront ensuite servir à la recherche.

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La question de fond est de savoir où l'on fixe la barre éthique. La communauté des chercheurs rappelle fort légitimement que les règles sont différentes dans d'autres pays et que la France est en train de se faire dépasser sur certains sujets par la communauté internationale.

La tentation est celle du moins-disant éthique. Si l'on est sous la pression permanente des chercheurs, on oublie le fond qui est précisément qu'à aucun moment nous ne devons aller vers un moins-disant éthique. Or lorsqu'on remplace une autorisation préalable par une simple déclaration, on a le sentiment que les digues sont sur le point de céder, ce qui pose un vrai problème.

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En 2011, la recherche sur l'embryon était le grand sujet. La question était de savoir s'il fallait l'interdire pour protéger la vie à naître, conformément à l'article 16 du code civil, tout en permettant des dérogations, ou bien si on pouvait l'autoriser sous conditions. À l'époque, les débats ont été intenses, et finalement nous en sommes restés à une interdiction sauf dérogations.

Deux ans plus tard, au mépris des textes prévoyant que sur des questions bioéthiques l'évolution de la législation devait être précédée d'états généraux, le gouvernement de l'époque a institué un régime d'autorisation. Aujourd'hui, on va passer de l'autorisation à un simple système de déclaration. Autrement dit, chaque révision des lois de bioéthique donne lieu à un moins-disant éthique.

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Mon amendement n° 407, qui est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 406, propose d'en revenir à l'article L. 2157-5 du code de la santé publique tel qu'il a été adopté en 2007.

Le bilan de la législation en la matière montre une dérive vers une chosification de l'embryon humain. Or on peut s'interroger sur la légitimité de certaines recherches. On nous a fait miroiter beaucoup de choses. La relecture des débats depuis 1994 fait apparaître un profond décalage entre les promesses de la communauté scientifique et la réalité. Elle souhaite être le moins entravée possible, en France comme à l'échelle internationale. Notre rôle de législateur est de trouver le bon équilibre.

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Effectivement, il faut mettre en perspective l'évolution de notre législation en matière de recherche sur l'embryon avec les résultats obtenus. Or force est de constater qu'ils ne sont pas au rendez-vous. C'est pourquoi l'amendement n° 323 propose qu'une évaluation soit faite, dressant un bilan de quinze ans de recherche. Le seul essai clinique qui avait été initié en France a été arrêté, son pilote ayant pris depuis une autre voie de recherche dont il dit lui-même qu'elle peut indifféremment être menée avec des cellules souches embryonnaires ou des cellules souches alternatives dites IPS. Dans le monde, il n'y a pas de traitement de thérapie cellulaire à base de cellules souches embryonnaires mis sur le marché pour soigner un ensemble de patients atteints d'une même pathologie. En trente ans, seulement trois essais cliniques de phase 1 ont abouti. On peut vraiment s'interroger sur ces évolutions législatives, alors même qu'il n'y a aucun résultat concret en matière de recherche.

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Depuis deux décennies, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n'a pas dressé un bilan de ce qui a été fait en matière de recherches sur l'embryon et sur les cellules souches en France. Comme l'a dit M. Breton, on ne sait pas quels ont été les résultats des travaux annoncés par la communauté scientifique. Il n'y a aujourd'hui que des travaux très partiels et épars et pas de travaux de synthèse sur cette question. Il est paradoxal de légiférer alors que nous ne disposons pas des éléments en amont permettant de prendre les décisions qui s'imposent.

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La recherche en biologie a besoin de temps long. Si l'on n'a pas compris cela pendant la phase pandémique, on ne le comprendra jamais. C'est un combat que nous avons aussi vis-à-vis de nos autorités administratives.

Je le répète une fois encore, les embryons utilisés à des fins de recherche sont ceux qui ne font plus l'objet d'un projet parental et qui étaient destinés à la destruction. Ils seront détruits après avoir intégré une activité de recherche préalable. Je précise que cela concerne une très faible fraction des embryons qui sont destinés à la destruction.

Par ailleurs, c'est être déconnecté de la réalité que de dire que les biothérapies, les thérapies cellulaires et les thérapies géniques n'avancent pas. Je rappelle que ces thérapies cellulaires donnent enfin de vraies options possibles – je pense notamment aux cancers à travers les CAR-T cells (pour « lymphocytes T porteurs d'un récepteur chimérique »). Heureusement, les choses avancent, mais cela prend bien sûr du temps. Nous souhaiterions tous pouvoir être soignés plus rapidement.

Le projet de loi permet avant tout de mettre en cohérence le droit existant en matière de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. J'ai entendu le mot de permissivité : si vous saviez à quel point ce n'est pas le cas ! L'ensemble des professionnels, qu'ils fassent de la thérapie cellulaire, qu'ils travaillent sur les cellules souches embryonnaires ou sur les embryons, sont soumis à des contraintes administratives que vous n'imaginez pas et à des contrôles récurrents qu'ils admettent et avec lesquels ils vivent.

Il me semble avoir déjà expliqué l'utilité et l'importance cruciale de l'utilisation de ces différents matériels pour la recherche. Lors de nos précédents échanges, nous avons eu l'occasion de revenir sur de multiples exemples de résultats déjà obtenus et de tout ce que nous pouvons espérer obtenir dans ces champs d'investigation que représentent les recherches sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.

S'agissant des amendements identiques n° 204, n° 324 et n° 406, vous mentionnez encore une fois dans votre rédaction « lorsque l'homme et la femme qui forment le couple », ce qui est en contradiction totale avec le début du texte que notre commission a adopté. Cela suffit à prouver le caractère inopérant de votre rédaction globale dans l'économie générale du présent projet de loi.

En ce qui concerne les amendements identiques n° 205, 325 et 407, il me semble utile de rappeler que tout l'intérêt de l'article 14 est justement de différencier les statuts juridiques des recherches portant sur les embryons de celles portant sur des cellules souches embryonnaires puisque les enjeux éthiques ne sont nullement identiques.

Enfin, s'agissant des amendements identiques n° 323 et n° 405, et de l'amendement n° 1309 qui va dans le même sens, suspendre les recherches reviendrait à pénaliser la recherche française dans un domaine pourtant hautement stratégique. Je plaide pour que nous soyons convaincus du caractère stratégique des aspects santé qui sont de l'ordre de notre souveraineté, comme nous le montre tous les jours l'expérience du covid-19, et fondamentaux du point de vue des progrès médicaux.

Avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.

(Mme Monique Limon remplace Mme Agnès Firmin Le Bodo à la présidence.)

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Monsieur le rapporteur, vous dites que la nature d'un être et le respect qu'on lui doit ne dépendent pas du projet d'autrui sur cet être et que tous les embryons à l'origine font l'objet d'un projet parental puisqu'on ne peut concevoir des embryons que dans le cadre d'une PMA, et que les embryons surnuméraires étaient destinés à la destruction. Votre distinction suppose que l'embryon mériterait d'abord un respect en raison du projet parental dont il est l'objet, puis qu'il ne le mériterait plus puisque le projet parental aurait disparu, enfin qu'il le mériterait à nouveau s'il était accueilli par un autre couple. Cet impact donné au projet parental n'est pas tenable puisqu'il est à double tranchant. L'embryon est le plus petit individu humain, le plus vulnérable, et il n'existe pas seulement en fonction du projet ou de l'absence de projet le concernant. Le rôle du législateur est de faire respecter tout le monde, que l'embryon soit destiné à un projet ou non, à commencer par le plus faible, qui dépend totalement des autres et qui est donc plus vulnérable.

Je vous remercie pour la réponse que vous pourrez me donner par rapport à ce projet parental.

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Il y a plus de 200 000 embryons congelés. Moins de 20 000 ont été destinés à la recherche et 3 000 seulement ont été utilisés.

La recherche sur l'embryon est indispensable. La ministre Agnès Buzyn nous l'a expliqué ici même s'agissant de la recherche sur les cancers pédiatriques, ou sur l'efficacité des techniques sur la fécondité. Le bien-fondé de la recherche est donc tout à fait évident. Le régime de l'autorisation pour faire de la recherche sur les embryons et celui de la déclaration pour faire de la recherche sur les cellules souches embryonnaires fixent un cadre juridique protecteur. Ce débat passionnant ne date pas d'hier. Il remonte non pas à deux décennies mais à vingt-cinq siècles, depuis Galien jusqu'au grand acte transgressif de Vésale au XVIe siècle qui a été le premier à disséquer le corps humain. La démarche scientifique va à son rythme, avec ses méthodes et ses moyens. Nous ne pouvons pas l'entraver en limitant cette recherche nécessaire.

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À l'origine, il y a dans tous les cas de figure destruction de l'embryon, de ce groupe de cellules – je n'aime pas le mot « amas », plus péjoratif – pour en faire des lignées cellulaires. Comme il est extrêmement long et compliqué de faire des lignées cellulaires, la tendance est le plus souvent d'utiliser des lignées de cellules souches embryonnaires. On devrait tous se féliciter que l'on sanctuarise la recherche sur l'embryon, qui nécessitera une autorisation tandis qu'une déclaration suffira pour les lignées embryonnaires. Dans un laboratoire, on travaille d'ailleurs la plupart du temps sur des lignées cellulaires et non l'embryon, dont l'utilisation est très difficile.

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L'embryon est utilisé pour générer assez régulièrement, mais parfois sur des temps très longs, de nouvelles lignées de cellules souches, parce que les cultures cellulaires évoluent et perdent leurs caractéristiques. Le scientifique doit pouvoir être certain, à tout moment, de travailler sur des cellules qui ont encore cette caractéristique de cellule souche embryonnaire puisque c'est son matériel d'étude. Je précise une fois encore que ce sont des embryons pour lesquels il n'y a plus de projet parental, qu'ils ne seront pas congelés indéfiniment et qu'ils sont destinés à la destruction.

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Monsieur le rapporteur, ce que vous décrivez n'apparaît pas dans le texte. Ne faudrait-il pas l'amender pour que cela soit bien clair ?

Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui sont contre la recherche, et de l'autre ceux qui y sont favorables. Nous devons réfléchir aux conditions les plus éthiques en fonction de l'évolution des connaissances et des techniques, et peu importe qu'il y ait ou non un projet parental. Des lignées de cellules souches embryonnaires existent déjà ; il faut les privilégier dans la mesure du possible.

La question que pose ce texte, c'est la différenciation réglementaire et législative entre les embryons et les cellules souches embryonnaires humaines. Aujourd'hui, la recherche est possible ; elle est soumise à autorisation à la fois pour les embryons et les cellules souches embryonnaires humaines. En passant à un régime de déclaration pour la recherche sur ces dernières, on a le sentiment, vu de l'extérieur, d'une sorte de facilitation. Or il existe à Bordeaux une entreprise qui développe des recherches sur les cellules IPS. J'ai l'impression que ce qu'on permet dans le texte en ce qui concerne les IPS sur les gamètes, c'est justement ce qu'il ne faudrait pas faire. Je ne comprends pas les stratégies des différents pays, ni celles d'entreprises qui viennent en France et qui développent des lignées d'IPS. Ont-ils raison ou tort ? Nous avons une stratégie. Mais qui a raison ? Qu'est-ce qui est le plus éthique ?

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Il serait bon de s'en tenir à des interventions d'une minute, sachant que la question des IPS sera abordée à l'article 15.

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La crise mondiale qui sévit nous montre qu'il est nécessaire d'assurer notre souveraineté. Ce projet de loi vise à simplifier les choses, non à les déréguler. On continue à encadrer, à procéder par autorisation lorsque c'est nécessaire. Je n'ai pas le sentiment que nos chercheurs qui travaillent sur les cellules souches ou les embryons font les zouaves. Ils ont besoin de ce temps long. Il ne s'agit pas ici de révolutionner les choses, seulement d'encadrer et d'accorder la souplesse nécessaire pour assurer notre souveraineté.

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Les débats sur l'encadrement des travaux de recherche concernant les embryons et les cellules souches sont passionnants mais sensibles. Je suis atterrée par vos propos, madame Thill. Vous considérez l'embryon comme le plus petit être humain qui soit. Ce n'est pas vrai. En disant cela, vous mettez en porte-à-faux les femmes qui recourent à une interruption volontaire de grossesse, vous laissez penser qu'elles mettent fin à une vie, ce qui n'est pas du tout le cas. Après la crise épidémique difficile que nous venons de traverser, au cours de laquelle l'accès à l'IVG a été très compliqué, il est dangereux de revenir sur la définition de l'embryon en le qualifiant de plus petit être humain qui soit. Vous êtes la seule à le présenter de la sorte ; c'est une dérive proprement obscurantiste qui n'élève jamais le débat.

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J'ai dû m'absenter quelques instants pour me rendre dans l'hémicycle afin de voter un amendement sur les chambres de commerce et d'industrie, ce qui m'a empêché de défendre un amendement prévoyant un moratoire d'au moins un an en matière de recherche sur l'embryon.

Vous établissez une distinction entre les embryons selon qu'ils font, ou non, l'objet d'un projet parental. Or cette approche me gêne beaucoup : elle n'est pas liée à l'embryon en tant que tel, mais à la destination qu'on lui applique. Quoi qu'on en dise, la destination naturelle de l'embryon est de devenir un enfant. Or on se place une fois de plus du côté de la volonté de l'adulte et du projet qu'on lui fait porter. L'embryon en lui-même a une existence propre.

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Il est important de rappeler l'avis 129 du Comité consultatif national d'éthique qui propose de ne plus soumettre la recherche sur l'embryon et celle sur les lignées de cellules souches embryonnaires au même régime juridique puisque les enjeux éthiques associés à ces deux types de recherche s'avèrent très différents. Il considère qu'il est légitime de ne pas soumettre les cellules souches embryonnaires humaines au régime juridique de l'autorisation mais à une simple déclaration quand l'embryon reste soumis à autorisation dans le cadre de l'Agence de la biomédecine.

Il est important enfin de rappeler les trois prérequis sur l'autorisation des recherches : la pertinence scientifique et la qualité de l'équipe, la finalité médicale et l'absence d'alternative, et ce dans l'esprit de la convention d'Oviedo sur les interdits éthiques.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 204, 324 et 406, les amendements identiques n° 205, 325 et 407, les amendements identiques n° 323 et 405, et l'amendement n° 1309.

Puis elle examine les amendements identiques n° 326 de M. Xavier Breton, n° 408 de M. Patrick Hetzel, n° 805 de M. Thibault Bazin et n° 1084 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Minimiser le nombre d'embryons, comme le font le rapporteur ou M. Martin, montre que des questions éthiques se posent. Or j'ai l'impression qu'il n'y en a pas pour mon collègue Chiche. On ne peut pas dire que l'IVG, ce n'est pas mettre fin à une vie. La question est de savoir de quelle vie il s'agit. En l'absence de réponse claire et définitive pour savoir si l'embryon est ou non une personne humaine, ayons au moins une attitude prudente et considérons l'embryon comme une personne humaine de telle sorte que le respect qui lui est dû ne dépende pas de la volonté d'autrui. En disant cela, certes on ne résout pas la question de la définition de l'embryon, mais on s'accorde pour dire qu'il y a une interrogation éthique sur l'embryon. Les options radicales empêchent le débat et le questionnement éthique que nous devons partager sur ce sujet si sensible.

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Lorsque nous cherchons à maintenir un certain nombre de garde-fous, nous nous opposerions à la communauté des chercheurs ! Universitaire, je suis très attaché à la recherche mais elle doit être encadrée et c'est le rôle du législateur de le faire.

Vous mentionnez des avancées en matière de thérapies cellulaires, monsieur le rapporteur, mais d'autres pays ont fait des choix différents des nôtres en travaillant sur les cellules IPS. Libéraliser les règles, cela revient à privilégier une orientation, en l'occurrence les travaux sur les cellules souches embryonnaires, en risquant de laisser de côté la voie des IPS, qui a pourtant donné des résultats comme l'attestent les travaux prometteurs d'une start-up bordelaise. Il ne faut pas avoir une vision unilatérale des choses, bien au contraire.

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Les premiers alinéas de l'article 14 reprennent quasiment mot pour mot un certain nombre d'éléments que le Gouvernement avait introduits au dernier moment dans un article additionnel à la loi de modernisation du système de santé de 2016, alors que ce texte ne traitait absolument pas de questions bioéthiques. Vous vous inscrivez donc dans la continuité de la majorité socialiste, laquelle avait supprimé dans la loi du 6 août 2013 des conditions de la recherche sur l'embryon qui comportaient pourtant deux garanties : ne pas porter atteinte à ce dernier et une recherche menée à son bénéfice. Pour éviter les dérives, ne devrait-on pas revenir au régime de la loi de 2011 et supprimer les réformes votées en dehors des lois bioéthiques ?

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Selon M. Chiche, défendre l'embryon reviendrait à remettre en cause l'IVG ; or, c'est le contraire, la loi sur l'IVG étant une loi d'exception. L'article L. 2211-1 du code de la santé publique dispose : « Comme il est dit à l'article 16 du code civil ci-après reproduit : “La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie”. » Selon l'article suivant, « Il ne saurait être porté atteinte au principe mentionné à l'article L. 2211-1 qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par le présent titre. » Les positions défendues par Mme Thill sont sans cesse attaquées mais il faut revenir à la raison et à la vérité de la loi.

Mon amendement n°1084 vise à supprimer l'alinéa 1, qui soulève beaucoup de questions auxquelles on ne répond pas. Des recherches « pourront être réalisées sur un embryon (…) avant ou après son transfert » mais conduiront-elles à une sélection des embryons implantés et sur quels critères ? Des embryons seront-ils détruits ou pourraient-ils être abîmés avant leur implantation ou après leur transfert ? La modification de gamètes ou d'embryons créera-t-elle des embryons génétiquement modifiés ?

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Les biologistes n'ont jamais eu besoin de qui que ce soit pour s'imposer eux-mêmes des moratoires – je renvoie à la conférence d'Asilomar sur les premières données en biologie moléculaire : tout a été arrêté pendant un an avant que les études ne reprennent. Ne vous inquiétez pas : nous avons affaire à une communauté particulièrement responsable – en tout cas dans les régimes démocratiques.

La création d'une cellule IPS consiste à prendre n'importe quelle cellule et à lui injecter quatre gènes – Sox2, Oct3/4, KLF4 et c-MYC – afin qu'elle revienne à l'état souche. Nous souhaitons tous ardemment que ce soit la solution, or, tel n'est pas encore le cas pour différentes raisons, en particulier parce que le gêne c-MYC est oncogène. Il y a donc un risque que l'injection de ces cellules à un patient favorise le développement d'une tumeur. C'est pourquoi des recherches parallèles sont menées sur les cellules souches embryonnaires. Elles restent nécessaires tant que nous n'aurons pas acquis la certitude scientifique que les premières pourront se substituer aux secondes.

Je répète qu'il n'a jamais été question de créer des embryons pour la recherche. Il me semble que vous confondez deux types d'embryons : l'embryon « à visée PMA », qui fera l'objet d'un diagnostic préimplantatoire dès lors que les parents sont porteurs d'une pathologie génétique comme, par exemple, la mucoviscidose, afin de réimplanter un embryon sain, et la recherche sur de très rares embryons surnuméraires. Il n'a jamais été envisagé de procéder à une modification génétique de gamètes ou d'embryons à réimplanter.

Je rappelle que le paragraphe I de l'article 14 a été voté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Il permet de clarifier le régime juridique des recherches portant sur les gamètes destinées à constituer un embryon ou sur un embryon destiné à naître en les identifiant au sein d'un nouvel article du code de la santé publique, car la loi de 2016 était très ambiguë.

Il existe donc bien deux régimes juridiques distincts : les recherches portant sur les embryons à naître, impliquant la personne humaine, et celles portant sur les embryons surnuméraires, destinés à la destruction. Il fallait séparer ces deux régimes et c'est précisément ce que fait le texte.

Avis défavorable.

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Je suis d'accord avec vous, monsieur Hetzel, des questions éthiques se posent et je ne veux pas opposer science et convictions.

Madame Ménard, vous avez jugé bon de prendre la défense de notre collègue Thill mais ce n'est pas la personne que j'attaque : ce sont les propos. M. Xavier Breton considère également que l'embryon est une personne humaine ou porteuse de vie humaine, or, ce genre de propos insinue que les femmes recourant à l'IVG mettraient fin à une vie humaine, ce qui est inacceptable.

La commission rejette les amendements n° 326, 408, 805 et 1084.

Elle examine les amendements identiques n° 327 de M. Xavier Breton, n° 409 de M. Patrick Hetzel et n° 806 de M. Thibault Bazin.

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Je n'ai jamais dit, monsieur Chiche, que l'embryon était une personne humaine mais que la question se pose. Dans le doute, j'en appelle à ce qu'il soit considéré comme tel. En revanche, les femmes qui avortent mettent bien un terme, oui, à une vie humaine, dont il reste à savoir en effet si elle constitue ou non une personne. L'article 16 du code civil garantit d'ailleurs le respect de l'être humain « dès le commencement de la vie » et la seule vocation de l'embryon est bien de devenir une personne humaine.

Un autre principe existe aussi, celui de la liberté de la femme. Ce sont ces deux principes qu'il convient de concilier et c'est précisément ce à quoi visent nos débats, à la fois passionnants et douloureux.

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La Convention internationale des droits de l'enfant ne pose aucun seuil à partir duquel définir l'enfance. Plus précisément, rien n'indique que l'enfance commencerait à partir de la naissance. Son Préambule dispose qu'« en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, [l'enfant] a besoin d'une protection spéciale… ». Lors de sa ratification, la France a précisé : « Le Gouvernement de la République déclare que la présente Convention, notamment l'article 6, ne saurait être interprétée justement comme faisant obstacle à l'application des dispositions de la législation française relative à l'interruption volontaire de grossesse. » Selon la cour d'appel de Lyon, cette réserve démontre a contrario que « ladite Convention est susceptible de concerner le fœtus ». Nous sommes donc bien dans un droit d'exception, même si personne ne le remet en cause. Pour un certain nombre de pays, la vie ne commence pas avec la naissance. C'est aussi une réalité juridique.

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Monsieur le rapporteur, ce n'est pas parce que le Sénat n'est pas revenu sur ce paragraphe I que c'est de bonne politique. Il me semble d'ailleurs que nous essaierons ensemble de modifier les alinéas 6, 10, 18 et 19 pour supprimer des dispositions sénatoriales risquées. En tout cas, il faut distinguer recherche observationnelle et recherche interventionnelle.

L'amendement n° 806 est défendu.

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Nous ne nous comprenons pas : de tels embryons ne font pas l'objet de recherches. Les rares embryons surnuméraires qui en font l'objet n'ont aucune vocation à être réimplantés pas plus qu'à être créés pour la recherche. En l'occurrence, c'est de diagnostic qu'il s'agit, afin de rechercher des pathologies génétiques existantes dans le couple concerné.

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Je rejoins M. Bazin à propos de la recherche observationnelle mais je voudrais m'assurer que les embryons qui font l'objet de recherches et d'études ne sont jamais réimplantés et sont détruits.

La commission rejette les amendements n° 327, n° 409 et n° 806.

Elle examine l'amendement n° 807 de M. Thibault Bazin.

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Par l'amendement n° 807, je propose que les recherches sur l'embryon humain destiné à être implanté dans le cadre d'une AMP soient observationnelles et non interventionnelles.

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Dans la majorité des cas d'AMP, votre amendement est satisfait puisque la recherche est purement observationnelle sur les embryons à réimplanter.

En revanche, chaque année, deux cents ou trois cents couples souhaitant avoir des enfants sont porteurs d'une mutation génétique et l'embryon risque de développer une pathologie. Dans ces cas-là, nous sommes dans le domaine de l'interventionnel puisque l'une de ses cellules est prélevée – ce qui n'emporte aucune conséquence pour lui – et l'on vérifie la présence ou non, par exemple, d'une mucoviscidose.

La commission rejette l'amendement n° 807.

(La réunion, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures dix.)

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 808 de M. Thibault Bazin.

Elle examine l'amendement n° 1291 de M. Thibault Bazin.

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Il précise que les recherches « sont menées au bénéfice » de l'embryon.

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Avis défavorable, cet amendement étant satisfait.

La commission rejette l'amendement n° 1291.

Elle examine l'amendement n° 809 de M. Thibault Bazin.

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Le régime de recherches biomédicales adopté par la loi du 26 janvier 2016 était non interventionnel et observationnel. Il a ainsi donné une base légale à un décret du 11 février 2015 cantonnant ce régime aux recherches observationnelles. Le Conseil constitutionnel, saisi de ces recherches biomédicales en AMP, les avait validées. Comment vous situez-vous par rapport à son jugement ?

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Votre amendement renvoie au 3° de l'article L. 1121‑1 du code de la santé publique définissant dans le cadre de la recherche impliquant la personne humaine – la fameuse RIPH – les recherches non interventionnelles comme celles ne comportant aucun risque ni contrainte, dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle.

La problématique est donc la même que celle de votre amendement n° 807 visant à restreindre les recherches sur l'embryon à l'observationnel. Ceci n'est pas souhaitable tant pour l'avenir de la recherche sur les embryons, dont c'est la finalité, que pour celui de la médecine pour les embryons destinés à la PMA. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement n° 809.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 337 de M. Xavier Breton et n° 418 de M. Patrick Hetzel, ainsi que les amendements identiques n° 300 de M. Xavier Breton et n° 383 de M. Patrick Hetzel.

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Je me permets de défendre à la fois les amendements n° 337 et n° 300.

Le premier vise, après l'alinéa 1, à insérer l'alinéa suivant : « La création de gamètes à partir de cellules souches embryonnaires ou à partir de la dérivation de cellules somatiques est interdite. » Le second dispose que : « La création de gamètes à partir de cellules souches embryonnaires humaines ou à partir de la dérivation de cellules somatiques est interdite. »

Nous savons en effet qu'il serait possible de fabriquer des gamètes de manière artificielle, in vitro. Or, la recherche sur les cellules souches n'est pas exempte d'interrogations éthiques lorsqu'il s'agit de les différencier en gamètes. L'article 16-4 du code civil dispose que « Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine » et l'article 16-2 : « Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci, y compris après la mort. »

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Les différentes techniques rendent possibles un certain nombre de choses et il convient donc de repréciser certains éléments pour éviter de potentielles dérives. Il s'agit de ne pas franchir une ligne rouge éthique. Tel est le sens des amendements n° 418 et n° 383.

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Dans le texte issu du Sénat, l'alinéa 27 prévoit que les protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires peuvent avoir pour objet la différenciation des cellules souches embryonnaires en gamètes. Ce type de protocole fait d'ailleurs l'objet d'un régime spécifique de déclaration auprès de l'Agence de la biomédecine. La mise en place de ce régime est au cœur de l'équilibre proposé par l'article 14, avec quoi vos amendements n° 337 et n° 418 entrent en contradiction.

Il en est de même pour les cellules souches pluripotentes induites – les fameuses IPS – pour lesquelles vos amendements n° 300 et n° 383 visent à exclure le protocole impliquant la différenciation de ces cellules en gamètes.

Sur le fond, vos amendements soulèvent un problème pour les recherches portant sur la gamétogénèse et nuiraient à la compréhension des mécanismes responsables de l'infertilité. Il importe aussi bien, pour la médecine, de comprendre comment se différencient un ovule et un spermatozoïde. Il ne convient pas en effet d'interdire la possibilité de mener in vitro les principales étapes de la spermatogénèse et de l'ovogénèse alors qu'environ un couple sur dix rencontre des problèmes d'infertilité dans notre pays. Vous me comprendrez, puisque notre objectif commun est bien de comprendre les bases de la fertilité et de l'infertilité afin que n'ayons plus à discuter de procréation médicalement assistée dans les années à venir.

Toutefois, cela soulève des questions éthiques. Que ce soit pour les cellules souches embryonnaires ou les cellules IPS, la différenciation en gamètes fait l'objet d'un régime d'encadrement spécifique avec déclaration obligatoire à l'Agence de la biomédecine, à quoi s'ajoute un système de contrôle, notamment à travers l'avis public du conseil d'orientation de l'Agence.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 337 et 418, puis les amendements identiques n° 300 et 383.

Elle examine les amendements identiques n° 338 de M. Xavier Breton et n° 419 de M. Patrick Hetzel.

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Au regard des enjeux de ces recherches – modification de gamètes destinés à devenir un embryon ou d'un embryon destiné à être implanté – qui pourraient aller, dans quelques années, jusqu'à la naissance de bébés génétiquement modifiés par la technique de la FIV à trois parents ou de CRISPR-Cas9, la France est en droit de savoir quels travaux ont été menés sur les gamètes ou les embryons depuis trois ans.

Nous proposons qu'une mission d'information soit constituée afin de faire un état des lieux et des recherches qui ont été menées depuis 2016 en application du V de l'article L. 2151‑5 du code de la santé publique. Les recherches biomédicales menées dans le cadre de l'AMP seraient suspendues.

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Nous constatons les possibles dérives d'une utilisation de la technologie CRISPR-Cas9, comme en atteste un article du généticien Gaëtan Burgio, de l'université de Canberra, paru dans la revue Nature le 25 juin dernier, évoquant un « chaos chromosomique ». Nous devons être plus que jamais précautionneux sur ces questions car c'est l'évolution du patrimoine génétique de l'humanité qui est en jeu.

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Je vais tenter de réfuter cette figure du scientifique apprenti sorcier.

Les recherches sur les embryons destinés à être implantés sont totalement encadrées en France. Le nouvel article L. 2141-3-1 précise qu'aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l'embryon ne peut être entreprise. Il n'a jamais été et il ne sera jamais question de faire des enfants génétiquement modifiés. Ne marchons pas sur la tête ! Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 338 et 419.

Elle examine l'amendement n° 1088 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Nous sommes dans notre rôle de législateur, monsieur le rapporteur, en proposant un encadrement législatif. La bioéthique est un sujet suffisamment sérieux pour que nous nous dotions de quelques garde-fous et garanties. Il ne me paraît pas utile de montrer du doigt certains députés qui, peut-être, seraient plus précautionneux que d'autres.

Je souhaite que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) donne une autorisation expresse « et motivée ». En effet, les recherches menées dans le cadre de l'AMP peuvent concerner des embryons qui ne font plus l'objet de projets parentaux. Or, cette forme la plus jeune de l'être humain peut être destinée à en devenir un à part entière et il convient donc de se montrer particulièrement précautionneux.

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Je suis très fier de mon pays, à l'origine d'un Comité consultatif national d'éthique qui a servi de modèle. J'ai moi-même été membre d'un comité consultatif de protection des personnes et je partage vos préoccupations éthiques.

En l'occurrence, la précision que vous proposez est superflue et s'appliquerait aux recherches effectuées dans le cadre d'une PMA ainsi qu'à celles visées dans le premier alinéa de l'article L. 1125-3 du code de la santé publique. Avis défavorable.

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Je viens d'entendre des propos sur la création par des apprentis sorciers de bébés génétiquement modifiés et M. le rapporteur rappeler la loi française en assurant que cela n'existera jamais chez nous. Méfions-nous de cet adverbe ! Des politiques, des scientifiques ont dit « Jamais ! » il y a quelques mois ou quelques années. J'ai aussi entendu : « Cela se fait dans d'autres pays, d'autres pays ont légiféré », ou « Jamais la PMA, jamais la GPA » ! Je vous invite à faire preuve de beaucoup plus de prudence. Tout est vrai jusqu'à ce que le contraire soit démontré !

La commission rejette l'amendement n° 1088.

La commission est saisie des amendements identiques n° 347 de M. Xavier Breton et n° 428 de M. Patrick Hetzel.

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La suppression par le Sénat des mots : « impliquant la personne humaine » dans le second alinéa de l'article L. 1125-3 du code de la santé publique crée une ambiguïté. En effet, les recherches menées sur l'embryon pourraient ainsi échapper au cadre plus protecteur des recherches impliquant la personne humaine. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'alinéa 3.

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Monsieur le rapporteur, vous avez raison d'affirmer que la loi française interdit de concevoir des bébés génétiquement modifiés. Pourtant, en 2016, l'Agence de la biomédecine a autorisé, par exemple, un protocole de recherche du professeur Julie Steffann consistant à expérimenter une « FIV à trois parents ». Certes, le processus ne sera pas mené à son terme. Mais on s'aperçoit que tout dépend, en fait, de l'interprétation que l'Agence de la biomédecine fait de la loi et des autorisations qu'elle accorde ou non. C'est une question que nous ne pouvons pas écarter, car notre rôle de législateur est de poser des garde-fous.

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Comme je ne voudrais pas que M. Hetzel effraie tout le monde avec la FIV à trois parents, je vais vous expliquer en quoi cela consiste. Cette recherche porte, en fait, sur une pathologie génétique qui affecte les petites machines respiratoires de nos cellules, appelées mitochondries. Il arrive en effet que le génome de ces mitochondries subisse des mutations – c'est, hélas, très fréquent – qui peuvent être à l'origine de pathologies très graves. Le protocole en question consiste donc à prélever les mitochondries malades de l'ovocyte – car ce sont celles de la mère qui seront transmises à l'enfant –, à les remplacer par des mitochondries saines, puis à réaliser une fécondation in vitro. Voilà en quoi consistait cette expérimentation qui a, du reste, me semble-t-il, réussi. Cette technique, qui n'est malheureusement pas passée dans la pratique, permettrait de remédier à des centaines de pathologies très lourdes.

J'en viens à l'objet des amendements en discussion. L'alinéa 3 est issu d'un amendement de la rapporteure au Sénat. Il est vrai que, dès les travaux de la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, nous avions perçu un certain malaise provoqué par l'emploi des mots « impliquant la personne humaine » pour désigner des études qui portent, non pas sur une personne humaine, mais sur un embryon, qui relève d'un statut ad hoc. Il me semble donc que la démarche de notre collègue sénatrice est la bonne et que cet alinéa doit être maintenu.

Je tiens toutefois à rassurer les auteurs de ces amendements : il s'agit là d'un enjeu de terminologie. Au plan purement juridique, ces recherches s'inscrivent bien dans les conditions qui sont fixées par le titre II du livre Ier de la première partie de la partie législative du code de la santé publique. C'est d'ailleurs dans cette même optique que le présent projet de loi prévoit d'identifier clairement les recherches portant sur les embryons destinés à être implantés dans la même partie du code de la santé publique.

Je demande donc le retrait de ces amendements ; sinon, j'y serai défavorable.

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Il est toujours intéressant d'examiner la manière dont peuvent se conjuguer les différentes dispositions d'un projet de loi, en l'espèce l'extension de l'accès à l'AMP aux couples de femmes et l'apparition de nouvelles techniques telles que la FIV à trois parents. Certes, nous avons vu que, pour la majorité, l'extension de l'accès à l'AMP impliquait la disparition du lien biologique, mais il ne faudrait pas qu'un couple de femmes puisse être tenté de recourir à ces techniques afin que chacune apporte quelque chose à l'enfant à naître. Pourriez-vous me rassurer sur ce point, monsieur le rapporteur ? La barrière éthique permet-elle bien d'éviter ce type de manipulations inutiles au plan médical ?

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Monsieur Bazin, n'ayez pas peur de l'extension de l'accès à la PMA aux couples de femmes. Dans ses explications, le rapporteur a bien montré que ces recherches ont pour objectif d'éviter la transmission de pathologies graves et qu'elles sont donc menées dans l'intérêt de l'enfant. Cessons de mélanger les genres !

(Sourires.)

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Je savais que cela vous ferait sourire… Le chapitre de la PMA est clos. Il faut se féliciter que la science et la médecine permettent de tels progrès.

La commission rejette les amendements n° 347 et n° 428.

(Mme Agnès Firmin Le Bodo remplace Mme Monique Limon à la présidence.)

La commission examine l'amendement n° 1086 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Cet amendement a trait à l'organisation du texte. L'alinéa 4 de l'article 14 vise à placer la recherche sur l'embryon dans le titre IV du code de la santé publique, relatif à l'AMP. Ce choix obéit à une certaine logique dans la mesure où cette recherche devrait avoir pour seule finalité d'améliorer l'aide médicale à la procréation. Néanmoins, il soulève un problème éthique et juridique, car la protection des embryons et des gamètes relève du titre V du même code, intitulé : « Recherche sur l'embryon et les cellules-souches embryonnaires ». Il me semble donc nécessaire de conserver la rédaction en vigueur.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 1086.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 1505 du rapporteur, n° 442 de M. Xavier Breton, n° 458 de M. Patrick Hetzel, n° 1092 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1293 de M. Thibault Bazin.

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Il s'agit de supprimer l'alinéa 6. En effet, la modification apportée par le Sénat, qui porte sur le premier alinéa de l'article L. 2151-2, vise à prévoir explicitement l'interdiction de la conception in vitro d'un embryon humain par fusion de gamètes. Or, cette précision législative revient à autoriser la création de « modèles embryonnaires à usage scientifique » et, partant, à franchir l'interdiction de toute conception d'embryons à des fins de recherches. Il est donc proposé de s'en tenir à l'interdiction en vigueur, qui concerne tous les embryons, quel que soit leur mode de conception.

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Notre analyse est identique à celle du rapporteur : il convient de supprimer l'alinéa 6 afin de maintenir un véritable garde-fou.

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L'alinéa 6 autoriserait la création d'embryons à des fins de recherche alors qu'elle n'est actuellement autorisée que dans le cadre de l'AMP. Cette disposition contrevient ainsi à l'article 18 de la convention d'Oviedo, qui stipule que « la constitution d'embryons humains aux fins de recherche est interdite ».

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Une fois n'est pas coutume, le Sénat est ici, non pas réactionnaire, mais extrêmement permissif. Mais il n'est pas possible d'accepter la création de modèles embryonnaires à des fins de recherche. C'est pourquoi il faut supprimer l'alinéa 6. Je me réjouis, monsieur le rapporteur, que vous souhaitiez maintenir cette interdiction. Mais, par cohérence, il faudra supprimer l'alinéa 27 de l'article 14 et l'alinéa 6 de l'article 15, qui contreviennent également à la convention d'Oviedo – nous y reviendrons.

La commission adopte les amendements identiques n° 1505, n° 442, n° 458, n° 1092 et n° 1293.

En conséquence, l'amendement n° 1296 de M. Thibault Bazin tombe.

La commission examine l'amendement n° 1299 de M. Thibault Bazin.

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À l'instar des amendements n° 337 et suivants, sur la forme, cet amendement est contradictoire avec le texte et, sur le fond, il ne peut que nuire à la recherche et aux espoirs de progrès thérapeutiques. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement n° 1299.

Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 1300 de M. Thibault Bazin.

La commission est saisie des amendements identiques n° 531 de M. Xavier Breton et n° 533 de M. Patrick Hetzel.

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Il s'agit d'amendements très importants. Actuellement, l'article L. 2151-2, alinéa 2, du code de la santé publique interdit la création d'embryons chimériques. Toutefois, il n'interdit pas explicitement l'introduction dans des embryons humains existants de cellules animales, et réciproquement. Or, ce flou juridique permet que soient désormais menées des recherches comme l'insertion de cellules souches pluripotentes induites (IPS) humaines dans des embryons animaux pour obtenir des organes humains développés à partir de cellules souches pluripotentes humaines chez l'animal. Certaines d'entre elles donnent lieu à un transfert d'embryon chez une femelle. Il n'y a pas eu, à ce jour, de naissance d'animaux chimères mais, sans l'intervention du législateur, ce pas sera rapidement franchi. Nous devons opposer un non ferme à ces tentations de la recherche.

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Que des travaux soient menés sur des animaux afin de sécuriser les recherches avant de les étendre à l'humain, on le comprend. Mais lorsqu'on franchit la barrière des espèces, dans un sens ou dans l'autre, en développant des chimères, l'on entre dans une logique très différente. La loi de bioéthique doit établir des garde-fous pour éviter ce type d'évolution.

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Je comprends que vous ayez déposé ces amendements à l'article 14, l'article 17 ayant été supprimé par le Sénat. Mais nous aurons cette discussion lorsque nous examinerons cet article. J'émets donc, pour l'instant, un avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 531 et n° 533.

Puis elle en vient à l'examen, en discussion commune, de l'amendement n° 1303 de M. Thibault Bazin et des amendements identiques n° 329 de M. Xavier Breton, n° 411 de M. Patrick Hetzel et n° 1098 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Nous proposons de substituer aux alinéas 8 à 19 l'alinéa suivant : « Art. L. 2151-5. – La recherche entraînant la destruction de l'embryon humain, des cellules souches embryonnaires et des lignées de cellules souches sont interdites. »

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En matière de bioéthique, la valeur centrale est le respect de la dignité humaine et de la vie. Ainsi, certains principes doivent être clairement énoncés dans la loi. Tel est l'objet de l'amendement n° 411.

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L'article 14 maintient les dispositions de la proposition de loi adoptée en 2013 qui visaient à élargir les conditions d'autorisation de la recherche sur l'embryon humain. Or, il me semble que considérer celui-ci comme un matériel de laboratoire ne marque pas forcément un progrès de la civilisation. Nous pourrions, en la matière, nous inspirer du modèle en vigueur dans les pays qui interdisent les recherches sur l'embryon.

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Nous avons eu cette discussion au début de l'examen de l'article 14. Je rappelle que les scientifiques sont tout à fait conscients de ce qu'ils font ; ils savent qu'ils utilisent un matériel humain et respectent donc tous les principes éthiques qui s'attachent à cette utilisation. Avis défavorable.

La commission rejette successivement l'amendement n° 1303 et les amendements identiques n° 329, n° 411 et n° 1098.

Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements n° 921 de Mme Annie Genevard, n° 207 et n° 208 de M. Thibault Bazin, n° 1094 de Mme Emmanuelle Ménard et les amendements identiques n° 209 de M. Thibault Bazin, n° 330 de M. Xavier Breton et n° 412 de M. Patrick Hetzel.

La commission en vient ensuite à l'examen des amendements identiques n° 331 de M. Xavier Breton et n° 413 de M. Patrick Hetzel.

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Nous proposons de préciser que l'Agence de la biomédecine vérifie, préalablement à toute recherche sur l'embryon humain, la réalisation d'une expérimentation sur l'animal concluante. Dans la pratique, ce prérequis de l'expérimentation a toujours été respecté, mais il n'a jamais été inscrit dans la loi. Pour des raisons éthiques et de clarté juridique, il semble nécessaire de l'y inscrire.

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Ces amendements sont satisfaits, dans la mesure où cette vérification découle bien du critère selon lequel, en l'état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons humains. Avis défavorable.

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Le critère évoqué par M. le rapporteur ne s'applique pas de manière automatique puisqu'il arrive, dans certains cas, que l'on mène directement des recherches sur l'humain avant toute expérimentation sur l'animal.

La commission rejette les amendements n° 331 et n° 413.

Puis elle examine, en discussion commune, deux séries de trois amendements identiques : les amendements n° 211 de M. Thibault Bazin, n° 333 de M. Xavier Breton et n° 415 de M. Patrick Hetzel, et les amendements n° 210 de M. Thibault Bazin, n° 334 de M. Xavier Breton et n° 416 de M. Patrick Hetzel.

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Il s'agit de préciser que les recherches sur l'embryon humain doivent être « susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs identifiés ou identifiables », et non avoir simplement une finalité médicale.

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Les chercheurs défendent leurs travaux, et c'est tout à fait légitime. Mais il importe que ces derniers s'inscrivent dans la perspective d'un saut qualitatif de la recherche.

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La substitution du critère médical au critère thérapeutique semble avoir été motivée par la volonté de lever les blocages constatés lors de la soumission de projets très fondamentaux, dont on ne peut évidemment pas anticiper l'applicabilité, c'est-à-dire la transformation en un outil thérapeutique. À cet égard, les deux rédactions proposées – « progrès médicaux majeurs identifiés ou identifiables » ou « progrès thérapeutiques majeurs » – soulèvent des difficultés, car on ne peut établir d'emblée que des progrès médicaux ou thérapeutiques sont possibles. De fait, l'évaluation de tels progrès et de leur importance au regard des autres progrès médicaux ou thérapeutiques ne peut se faire qu'après la recherche. Les rédactions proposées pour ce critère sont donc trop restrictives et difficilement applicables. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques n° 211, n° 333 et n° 415 et les amendements identiques n° 210, n° 334 et n° 416.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 1095 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1301 de M. Thibault Bazin et n° 1506 du rapporteur.

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Alors que la recherche sur l'embryon comporte de nombreux enjeux éthiques, il est incompréhensible d'élargir encore les conditions dans lesquelles cette recherche est autorisée en ajoutant à la « finalité médicale » un objectif d'amélioration de « la connaissance de la biologie humaine ». Cette terminologie est tellement large et floue qu'elle ouvrirait la porte à des autorisations de plus en plus libérales qui n'ont pas lieu d'être au regard de l'éthique.

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Là encore, le Sénat abaisse les exigences éthiques. Or, la recherche française aura, dans le monde d'après, qui reste à construire, d'autant plus de valeur qu'elle sera mieux-disante en matière d'éthique. C'est pourquoi je vous propose également de supprimer, à la fin de l'alinéa 10, les mots : « ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine ». Comment accepter, en effet, qu'un protocole de recherche sur un embryon humain puisse être autorisé à cette seule fin ?

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Le texte adopté par le Sénat modifie les critères qui doivent être respectés par les protocoles de recherche portant sur les embryons. Actuellement, ces recherches, qui sont soumises à autorisation, doivent notamment comporter une finalité médicale. Le Sénat a ajouté que cette finalité pouvait être également « l'amélioration de la connaissance de la biologie humaine ». Or, cette expression un peu surannée ne renvoie à aucune des matières que nous enseignons. Surtout, une telle précision n'est pas nécessaire pour favoriser la recherche fondamentale puisque des travaux peuvent d'ores et déjà être conduits depuis l'adoption, en 2013, du critère de la « finalité médicale ».

La commission adopte les amendements n° 1095, n° 1301 et n° 1506.

Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques n° 266 de M. Thibault Bazin et n° 345 de M. Xavier Breton.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements n° 332 de M. Xavier Breton et n° 212 de M. Thibault Bazin.

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La prudence fait défaut à l'article 14, puisque celui-ci élargit à l'extrême les conditions devant être réunies pour mener des recherches sur l'embryon humain. Or, en application du principe de précaution, il convient d'encadrer strictement l'autorisation et la réalisation de telles recherches, afin de prévenir toute dérive éthique. Aussi proposons-nous de compléter l'alinéa 10 par les mots : « et répond à un impératif thérapeutique absolu pour lequel aucune solution alternative n'est connue ».

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L'impératif thérapeutique est un critère inopérant. Quant à l'absence d'alternative, elle est déjà prévue par le texte. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements n° 332 et n° 212.

Puis elle est saisie des amendements identiques n° 213 de M. Thibault Bazin et n° 336 de M. Xavier Breton.

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La formulation de l'alinéa 11 est trop floue ; elle n'encadre pas aussi strictement que nécessaire la recherche sur l'embryon humain. C'est pourquoi nous proposons d'ajouter la mention : « il est expressément établi », qui modifie la charge de la preuve. Ainsi, les scientifiques auraient à justifier le bien-fondé de leurs travaux.

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Je rappelle que l'absence de méthode alternative constitue bien une condition de l'autorisation des recherches sur l'embryon. Même si cette expression n'est plus expressément utilisée, il s'agit bien de démontrer qu'en l'état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons ou à des cellules souches embryonnaires. Sur ce fondement, sont donc privilégiées les recherches sur les animaux ou leurs embryons avant les études sur l'être humain, même au stade potentiel attaché à l'embryon. Ainsi, ces amendements sont donc déjà satisfaits. Qui plus est, la rédaction actuelle me paraît plus pertinente. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements n° 213 et n° 336.

Elle en vient à l'amendement n° 214 de M. Thibault Bazin.

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Il s'agit en quelque sorte d'un amendement rédactionnel puisque nous proposons, à l'alinéa 11, de substituer aux mots : « cette recherche ne peut être menée » les mots : « il est impossible de mener cette recherche ». La notion d'impossibilité renvoie en effet automatiquement aux recherches alternatives, ce qui doit être l'esprit du texte.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 214.

Puis elle est saisie des amendements identiques n° 1507 du rapporteur et n° 1097 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Le texte adopté par le Sénat modifie les critères qui doivent être respectés par les protocoles de recherche portant sur les embryons. Il tend ainsi à préciser le troisième critère, relatif à la démonstration de l'absence de méthodologie alternative au recours aux embryons humains. Selon l'exposé sommaire de l'amendement adopté par le Sénat, la « méthode alternative au recours aux embryons n'est recevable que s'il est démontré qu'elle présente une pertinence scientifique comparable avec l'embryon humain ». Une telle évolution ne sécurise pas davantage les protocoles de recherche. Il est donc proposé de s'en tenir au droit actuel, dont la rédaction, plus générale, ne lie pas l'évaluation opérée par l'Agence de la biomédecine à la pertinence scientifique.

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La recherche comprend forcément un certain nombre d'inconnues. Dès lors, comment peut-on juger, avant sa réalisation, si sa pertinence scientifique est comparable à celle d'une autre recherche ? Il faudrait en passer par un certain nombre de suppositions. Mais, compte tenu des enjeux éthiques soulevés par la recherche sur embryon, cette insertion ne me paraît pas souhaitable.

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J'avoue avoir du mal à mesurer l'impact de la modification proposée par le rapporteur et Mme Ménard : va-t-elle renforcer ou, au contraire, affaiblir l'exigence éthique ?

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Mentionner la « pertinence scientifique comparable » me semble fragiliser les protocoles de recherche puisque les critères reposeraient non plus seulement sur l'existence, ou l'absence, d'une méthode alternative, mais sur une appréciation comparée, qui est parfaitement subjective.

La commission adopte les amendements n° 1507 et n° 1097.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 922 de Mme Annie Genevard.

Puis elle examine l'amendement n° 848 de M. Hervé Saulignac.

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La référence aux articles 16 à 16-8 du code civil, qui portent sur les recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, induit une confusion sur le statut de l'embryon. Celui-ci n'est pas une personne. Il convient donc de supprimer ces références, ce qui n'aurait aucune conséquence sur le respect des principes éthiques de ces recherches.

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Je comprends bien vos intentions ; c'est d'ailleurs dans la même logique que j'ai souhaité conserver le troisième alinéa de l'article 14, qui tend à supprimer les mots « impliquant la personne humaine » s'agissant des recherches menées sur embryon dans le cadre d'une AMP. Toutefois, la suppression de cette référence aux articles du code civil ne me semble pas opportune, y compris, d'un point de vue pratique, pour les chercheurs. Mieux vaut disposer d'une liste d'articles et de principes clairs plutôt que des notions floues. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement ; sinon, j'émettrai un avis défavorable.

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Je ne comprends pas très bien vos arguments. Vous vous dites conscient des difficultés liées à cette confusion, mais vous ne proposez pas d'y mettre fin.

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L'embryon n'est pas une personne humaine et les enjeux éthiques sont bien différents. C'est dans cet esprit que le projet de loi a plus clairement distingué les recherches sur les embryons destinés à naître et celles sur les embryons destinés à être détruits. Ainsi les recherches sur les embryons ne sont pas définies dans le même cadre que les recherches impliquant la personne humaine.

Cela n'empêche toutefois pas que ces recherches soient liées aux articles du code civil auxquels vous faites allusion. Certains articles sont même directement liés aux problématiques des recherches sur l'embryon, comme l'article 16-4, qui dispose : « Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine. Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite. Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée. Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne. »

La commission rejette l'amendement n° 848.

La réunion s'achève à treize heures.

Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9 h 00

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, M. Guillaume Chiche, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre-Henri Dumont, M. Jean-François Eliaou, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Bruno Fuchs, Mme Camille Galliard-Minier, M. Patrick Hetzel, Mme Caroline Janvier, M. Bastien Lachaud, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, M. Thomas Mesnier, M. Maxime Minot, M. Matthieu Orphelin, Mme Bénédicte Pételle, Mme Sylvia Pinel, Mme Claire Pitollat, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Florence Provendier, M. Pierre-Alain Raphan, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Philippe Vigier

Excusés. – Mme Annie Genevard, Mme Marie-Pierre Rixain

Assistait également à la réunion. – Mme Agnès Thill