Intervention de Philippe Berta

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur :

Je vais faire une réponse d'ensemble à tous les amendements qui visent à élargir les finalités des tests génétiques pour autoriser le recours aux tests génétiques dits « récréatifs » destinés à parfaire les connaissances généalogiques, mais aussi parfois à obtenir des informations relatives à la santé, ce qui est beaucoup plus discutable.

En 1994, le législateur avait considéré qu'il fallait circonscrire le recours aux tests génétiques aux seuls champs médicaux et de recherche, afin d'éviter toute possibilité d'étude génétique à des fins industrielles, commerciales ou de convenance. En tant que rapporteur, je suis convaincu qu'il faut maintenir cette prohibition car les tests récréatifs, auxquels de plus en plus de Français ont recours sur internet sans savoir le plus souvent qu'ils encourent une amende de 3 750 euros, présentent plusieurs dangers.

Tout d'abord, ces tests, essentiellement proposés par quatre sociétés dans le monde, présentent des biais importants. Si le recours à l'intelligence artificielle est susceptible d'améliorer les choses au cours des années à venir, pour le moment les résultats obtenus sont de piètre qualité, ce qui n'est d'ailleurs pas surprenant puisque les bases de données utilisées sont insuffisantes, à la fois en nombre d'entrées et en générations.

Ensuite, depuis que le recours aux tests génétiques s'est généralisé, les groupes « not parent expected » (NPE), composés de personnes ayant découvert que celui qu'elles avaient toujours considéré comme leur père n'est pas leur père biologique, se sont multipliés sur Facebook. Chaque situation de ce type comporte le risque de voir une famille exploser, ce que personne ne peut souhaiter.

Enfin, il faut que les personnes qui ont recours à ces tests aient bien conscience du fait qu'elles donnent leurs données génétiques à quatre sociétés privées, qui peuvent ensuite en faire ce qu'elles veulent. Elles doivent également savoir qu'elles ne transmettent pas seulement leurs données génétiques, mais aussi celles des autres membres de leur famille, auxquels elles sont liées génétiquement ; or, elles n'ont pas obtenu pour cela le consentement de chacune des personnes concernées – oncles, cousins, etc. – qui peuvent être nombreuses.

Enfin, l'utilisation des données ainsi récoltées par les entreprises étrangères qui proposent ces tests n'est pas encadrée, comme l'a souligné la CNIL. Je termine par cette information : le laboratoire pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline, GSK, a récemment racheté l'Américain 23andMe, leader mondial de cette activité, ce qui lui donne aujourd'hui accès aux données de santé recueillies par cette société.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.

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