Les termes du débat ont évolué au fil des lectures successives, la Cour de cassation ayant pris des décisions nouvelles au cours de l'une d'elles, nous poussant, nous législateurs, à prendre nos responsabilités en matière de filiation pour les enfants issus d'une GPA.
Bien évidemment, la GPA reste interdite en France ; il n'y a pas d'ambiguïté à ce sujet. Le texte ne revient en rien sur cette interdiction. En revanche, se pose la question de la filiation des enfants issus d'une GPA réalisée à l'étranger, qui résident en France et sont citoyens français. Ils ont droit au respect de leur vie familiale, d'où la nécessité d'une solution équilibrée.
Les tribunaux ont proposé différentes modalités, dont certaines ont été validées par la Cour de cassation. À un moment, la Cour a autorisé des transcriptions d'actes d'état civil étrangers. À un autre, elle a envisagé l'hypothèse de la reconnaissance par possession d'état. D'autres arrêts ont totalement proscrit l'établissement d'une filiation.
Si l'on dresse un tableau global, sans entrer dans la technique, nous nous sommes retrouvés avec une situation inéquitable : la législation demeurant floue en la matière, les décisions variaient d'un enfant à l'autre sur le territoire national. Dans certains territoires, l'acte de naissance était transcrit automatiquement et les enfants voyaient leur double filiation établie. Dans d'autres, les magistrats le refusaient systématiquement. À mon sens, une telle disparité n'est pas acceptable.
C'est précisément pour cette raison qu'il fallait prendre une position. En accord avec le Gouvernement et le groupe La République en marche, j'ai défendu en deuxième lecture une nouvelle rédaction du fameux article 4 bis. Certes, elle durcit probablement les positions en matière d'établissement de la filiation en vertu du titre VII du code civil « De la filiation ». Mais, en échange, on offre un véhicule législatif pour faciliter l'établissement de la filiation en vertu du titre VIII « De la filiation adoptive », et le traitement sera absolument équitable pour tous les enfants sur l'ensemble du territoire français.
En matière de droits de l'homme et de droits de l'enfant, nous avons des obligations internationales et européennes. La CEDH nous impose de garantir les droits de l'enfant et de prévoir une modalité pour établir le lien de filiation avec le deuxième parent. En revanche, depuis 2019, elle laisse aux États une marge d'appréciation : il leur revient de déterminer si ce lien doit être établi par une filiation d'engendrement ou par une filiation adoptive. Autrement dit, la CEDH ne condamnera pas les États pour le choix de tel ou tel mode de filiation pour le deuxième parent, mais elle le fera si aucun lien de filiation n'est établi entre l'enfant et lui. Elle a récemment confirmé cette jurisprudence, dans un arrêt du 18 mai 2021 : elle a refusé de condamner l'Islande pour le non-établissement d'une filiation d'engendrement pour des parents d'intention, tout en maintenant l'obligation d'établir au minimum une filiation au titre de l'adoption.
Le garde des sceaux a pris deux engagements. D'une part, nous allons poursuivre la discussion de la proposition de loi de Mme Limon, afin de rendre effective la voie de l'adoption. À ce jour, elle ne l'est pas – nous savons qu'il y a un manque de célérité et, parfois, d'objectivité dans l'examen des dossiers –, et c'est ce qui a motivé les décisions de la Cour de cassation. D'autre part, le garde des sceaux s'est engagé à adresser une circulaire aux magistrats pour que les enfants soient traités de façon parfaitement équitable dans le cadre des procédures d'adoption, quel que soit le mode de conception choisi par leurs parents.
Je demande le retrait des amendements de suppression. À défaut, mon avis sera défavorable.