COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE
Jeudi 3 juin 2021
La réunion est ouverte à neuf heures.
(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente)
La commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique procède à la suite de l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, M. Gérard Leseul, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique. Il reste 718 amendements en discussion.
Article 4 (suite) : Établissement de la filiation des enfants nés par recours à l'assistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée
Nous poursuivons l'examen des sous-amendements à l'amendement CS1041 de la rapporteure, en discussion commune avec les amendements CS714, CS716, CS718, CS717, CS720, CS429, CS992 et CS544.
Sous-amendements identiques CS1266 de M. Patrick Hetzel, CS1312 de M. Xavier Breton, CS1700 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1843 de Mme Anne-Laure Blin.
Le Gouvernement entend instituer un mode de filiation fondé sur la seule volonté concordante des membres d'un couple. Il est permis d'exprimer des inquiétudes compte tenu du caractère potentiellement fluctuant de celle-ci. En outre, aucun couple n'est à l'abri de la désunion, a fortiori à l'épreuve des parcours d'assistance médicale à la procréation (AMP), dont la probabilité de réussite est au demeurant très limitée. Nous avons entendu de nombreux témoignages à ce sujet.
Or une séparation des membres du couple aura des conséquences graves sur le lien de filiation de l'éventuel enfant à naître. Il sera possiblement l'enfant des deux femmes, ou celui de celle qui aura continué son parcours d'AMP en dépit de la séparation. C'est pourquoi il nous semble nécessaire de donner au consentement une durée de validité de trois ans, et de prévoir sa confirmation annuelle.
En matière d'adoption, le titulaire d'un agrément doit confirmer tous les ans qu'il maintient son projet. Il semble opportun et logique, en raison du principe d'égalité brandi à satiété pour justifier le présent projet de loi, de prévoir une disposition identique pour les couples ayant signé un consentement à l'AMP auprès d'un notaire.
Du point de vue juridique, les sous-amendements sont satisfaits par l'alinéa 20 de l'article 4 tel que nous l'avons adopté en deuxième lecture, et que nous pouvons rétablir :
« Le consentement est privé d'effet en cas de décès, d'introduction d'une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d'une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l'article 229‑1 ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l'insémination ou du transfert d'embryon. Il est également privé d'effet lorsque l'un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la réalisation de l'assistance médicale à la procréation, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette insémination ou ce transfert, ou du notaire qui l'a reçu ».
Dès lors que les membres d'un couple se séparent ou que l'un d'eux souhaite révoquer son consentement avant la réalisation de l'AMP, ils disposent des moyens de s'adresser au notaire ou au médecin. Chacun en est informé à la signature du consentement au don, et est donc parfaitement éclairé sur les modalités de rétractation de son consentement.
Du point de vue pratique, la durée de trois ans est très éloignée de la réalité vécue par les couples en matière d'AMP. Entre les stimulations hormonales, les ponctions d'ovocytes, la préparation des embryons et les inséminations, la procédure peut malheureusement durer trois ans. La disposition proposée aurait pour effet de ralentir les procédures d'AMP, notamment celles incluant une fécondation in vitro (FIV), qui suppose plusieurs essais intervenant selon une périodicité de deux ou trois ans. Avis très défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1268 de M. Patrick Hetzel, CS1314 de M. Xavier Breton et CS1845 de Mme Anne-Laure Blin.
Il s'agit de permettre aux personnes conçues par don de gamètes et d'embryons de disposer, à leur majorité, d'un document officiel relatif à leur conception avec donneur, en prévoyant qu'une copie de tout consentement au don de gamètes soit envoyée par le juge à l'Agence de la biomédecine aux fins d'archivage spécifique.
Ces sous-amendements ne nous semblent ni opportuns ni pertinents, dans la mesure où ni l'Agence de biomédecine ni les juges ne tiennent un registre des consentements. Chaque consentement est recueilli individuellement par un notaire. La disposition proposée n'est donc pas applicable. Elle n'est pas non plus souhaitable, car elle demanderait la création d'un nouveau registre de conservation des données personnelles. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1512 de M. Thibault Bazin.
Il s'agit d'insérer un nouvel alinéa disposant que le notaire envoie copie du consentement à l'Agence de la biomédecine.
Comme précédemment, la disposition proposée suppose la création d'un registre des consentements auprès de l'Agence de biomédecine, à laquelle nous sommes défavorables.
La commission rejette le sous-amendement.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette le sous-amendement CS1513 de M. Thibault Bazin.
Sous-amendements identiques CS1514 de M. Thibault Bazin et CS1652 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 20, qui abandonne l'enfant à un statut fragile, en lui fermant l'accès à des actions en recherche de paternité à l'égard du donneur et à des actions en contestation de filiation.
L'alinéa 20 inscrit dans la loi, me semble-t-il, une différence de traitement entre les enfants nés d'une AMP et les autres : les premiers ne pourront pas contester leur filiation, les autres si. Il convient de le supprimer – Mme la rapporteure n'est certainement pas animée par la volonté de créer une inégalité.
J'aimerais d'ailleurs revenir sur la réponse que vous m'avez faite hier soir, madame la rapporteure, lorsque je vous ai interrogée sur l'impossibilité pour le donneur de faire établir un lien de filiation avec l'enfant né du don, quand bien même l'un et l'autre le souhaiteraient. « J'ai une bonne nouvelle pour vous, il pourra l'adopter », avez-vous dit. En somme, vous écartez l'adoption pour la femme qui n'a pas engendré l'enfant, en lui permettant d'être mère par reconnaissance conjointe avant naissance, mais vous empêchez l'homme qui l'a engendré de le reconnaître et de faire établir un lien de filiation, tout en lui permettant cependant de l'adopter. Cela me semble assez discriminatoire.
Madame Ménard, l'engendrement est le fait de celui qui a causé la venue au monde de l'enfant, quelle que soit la méthode employée, charnelle ou par AMP. Je maintiens à 100 % ce que j'ai dit hier soir.
Par ailleurs, vous n'ignorez pas, mes chers collègues, qu'en supprimant l'interdiction de la filiation entre le donneur et l'enfant issu d'une AMP et en permettant à l'enfant d'entreprendre, une fois adulte, une action en recherche de paternité, les sous-amendements auraient aussi pour effet d'évacuer le père des couples hétéroparentaux, dès lors que nul ne peut avoir deux filiations paternelles. Je doute que vous souhaitiez revenir sur plus de trente ans d'acquis, en matière de filiation, pour les couples hétéroparentaux. Adopter les sous-amendements équivaudrait à mettre en doute la paternité dans le cadre d'une AMP avec tiers donneur dans un couple hétéroparental. Avis très défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1269 de M. Patrick Hetzel, CS1315 de M. Xavier Breton, CS1515 de Mme Thibault Bazin et CS1846 de Mme Anne-Laure Blin.
Il s'agit de proposer une rédaction du début de l'alinéa 20 assurant la cohérence du texte avec l'article 325 du code civil, qui dispose que la filiation est établie par la mention de la mère à l'état civil, non par le consentement.
Madame la rapporteure, vous avez indiqué hier soir que vous souhaitez procéder par une autre voie. Au demeurant, votre avis sur les sous-amendements précédents démontre qu'il y a bel et bien un problème. Vous dites vous-même que changer de logique aurait pour effet de toucher à l'édifice construit depuis trente ans pour les couples hétérosexuels en matière d'AMP, comme nous le déplorons depuis l'ouverture des débats. Juridiquement parlant, vous construisez un édifice à côté de l'édifice de la filiation tel qu'il existe, et vous fragilisez l'édifice initial.
L'alinéa 20 porte sur la prohibition de l'établissement d'un lien de filiation entre le donneur et l'enfant, non sur les modalités d'établissement de la filiation entre les parents diligentant une AMP et l'enfant. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1783 de M. Patrick Hetzel, CS1788 de M. Xavier Breton et CS1859 de Mme Anne-Laure Blin.
L'interdiction de contester la filiation oblige les adultes ayant recouru à l'AMP avec donneur à assumer leurs responsabilités et leur engagement vis-à-vis de l'enfant. Il est normal qu'ils ne puissent contester la filiation sous prétexte qu'elle n'est pas conforme à la réalité biologique. En revanche, une telle obligation ne peut être imposée à l'enfant qui, comme tout autre enfant, doit conserver la possibilité de contester, s'il le souhaite, sa filiation légalement établie afin de rechercher sa filiation biologique, à moins de soutenir que des enfants issus d'une AMP ont moins de droits que les autres. Nous nous interrogeons sur le véhicule juridique retenu pour procéder à l'extension de l'AMP.
Vous tentez la même chose sous une nouvelle forme, mais il n'existe toujours pas de filiation entre le donneur et l'enfant issu de l'AMP. Le don est un dessaisissement. Aucune paternité ne peut donc être envisagée, sous un angle ou sous un autre, avant ou après la majorité de l'enfant. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1517 de M. Thibault Bazin.
Même si l'alinéa 20 mentionne la cessation de la communauté de vie comme cause privant d'effet le consentement à l'AMP, il est nécessaire de préciser expressément, dans un souci de clarté, que la rupture du pacte civil de solidarité (PACS) le prive également d'effet. Toute rupture de la relation entre les deux personnes ayant un projet parental doit empêcher la mise en œuvre d'une AMP, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1516 de M. Thibault Bazin.
L'article 342-11 du code civil, tel qu'il est rédigé dans la nouvelle rédaction de l'article 4, instaure un système d'établissement spécifique du lien de filiation pour les enfants issus d'une AMP demandée par un couple de femmes. Le sous-amendement tend à s'y opposer. Ce nouveau système crée une reconnaissance conjointe de l'enfant par le couple de femmes ayant eu recours à une AMP. S'agissant de celle qui n'accouche pas, le lien de filiation peut être établi par la présomption de paternité si l'autre membre du couple est un homme marié à la mère, ou par une adoption dans les autres cas puisque, conformément à l'article 358 du code civil, l'adopté en forme plénière a les mêmes droits que l'enfant dont la filiation est établie par l'une des modalités prévues au titre VII du livre Ier.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements identiques CS1270 de M. Patrick Hetzel, CS1316 de M. Xavier Breton et CS1847 de Mme Anne-Laure Blin.
Il s'agit d'établir un lien de filiation à l'égard de la femme qui n'accouche pas par l'adoption simple, ce qui permet de consolider la situation de l'enfant à l'égard de la femme qui partage la vie de sa mère, sans le priver définitivement de la possibilité d'établissement d'une filiation paternelle. En outre, l'adoptante pourra être investie de l'autorité parentale à l'égard de l'adopté et participer ainsi pleinement à sa vie quotidienne. S'agissant de celle qui accouche, le lien de filiation est établi conformément à l'article 311-25 du code civil. Il s'agit d'assurer la cohérence du texte avec l'édifice de la filiation, que les dispositions du texte tendent à fragiliser, contrairement à ce que vous dites, madame la rapporteure.
Ces sous-amendements fragilisent l'établissement de la filiation dans le cadre de la PMA pour les couples hétéroparentaux. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1701 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit d'établir un lien de filiation à l'égard de la femme qui n'accouche pas par voie d'adoption simple, en lieu et place de la reconnaissance conjointe. Cette disposition n'est pas moins favorable pour l'autre femme ; elle lui permet tout autant de construire un lien juridique avec l'enfant. L'adoptante pourra être investie de l'autorité parentale à l'égard de l'adopté et participer ainsi à sa vie quotidienne. Cela permet de ne pas toucher à l'édifice français de la filiation. Madame le rapporteur, les modifications que vous y apportez sont sources de discrimination.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette le sous-amendement CS1317 de M. Xavier Breton.
Sous-amendements identiques CS1271 de M. Patrick Hetzel et CS1848 de Mme Anne-Laure Blin.
Il s'agit d'établir un lien de filiation avec l'autre membre du couple par le recours à l'adoption plénière. Le droit en vigueur offre une boîte à outils pour répondre aux questions soulevées par le texte. Nos divers sous-amendements visent à assurer la stabilité juridique, que vous voulez manifestement balayer d'un revers de main.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1702 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit d'établir un lien de filiation entre la femme qui n'a pas accouché et l'enfant par le recours à l'adoption simple.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements identiques CS1272 de M. Patrick Hetzel, CS1318 de M. Xavier Breton et CS1849 de Mme Anne-Laure Blin.
Ces sous-amendements visent à éviter l'inscription dans le droit d'une reconnaissance conjointe, qui prive l'enfant à naître de certains droits. Madame la rapporteure, j'aimerais que vous nous expliquiez comment vous comptez éviter cela.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1653 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 23. La reconnaissance conjointe pose problème, dans la mesure où elle ne peut avoir pour effet d'établir la filiation pour l'une des femmes et non pour l'autre – la sienne sera établie lors de l'accouchement. Cet alinéa me semble contraire à l'économie générale de la réécriture de l'article 4.
Cette observation est intéressante. La filiation ne peut être établie ab initio par un acte antérieur à la conception de l'enfant, car le sujet de droit n'existe pas à proprement parler. La reconnaissance conjointe demeure importante, car elle établit, pour les deux femmes, leur antériorité et leur responsabilité, ce qui garantit à l'enfant qu'il a deux mères en responsabilité à son égard, et à chacune d'entre elles qu'elle ne sera pas dédite par l'autre. L'antériorité sera acquise auprès de l'officier d'état civil par la reconnaissance conjointe comme mode de preuve de l'établissement de la filiation. Il s'agit d'une sécurité juridique pour l'enfant, les mères et l'officier d'état civil. Avis défavorable.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1518 de M. Thibault Bazin.
Il prévoit une nouvelle rédaction de l'alinéa 22 respectant le droit de la filiation par l'énonciation du principe selon lequel la femme qui accouche est reconnue comme mère, et en permettant l'adoption par l'autre femme du couple. C'est la rédaction qu'avait adoptée nos collègues sénateurs avant que la réécriture en dernière minute vienne bouleverser le droit de la filiation.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette le sous-amendement CS1519 de M. Thibault Bazin.
Sous-amendements identiques CS1273 de M. Patrick Hetzel, CS1319 de M. Xavier Breton et CS1850 de Mme Anne-Laure Blin.
Au sujet du lien de filiation entre l'enfant et le donneur, vous vous apprêtez à écrire dans la loi qu'il n'est pas envisageable – vous l'avez dit à plusieurs reprises hier et déjà ce matin, madame la rapporteure. Cette position est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui condamnera la France le jour où la paternité d'un enfant sera refusée au donneur qui la revendique. La jurisprudence existe et je suis surpris que vous fassiez comme si elle n'existait pas. Comment comptez-vous faire pour que la France puisse réagir lorsque cette situation se présentera, ce qui est inévitable compte tenu de la rédaction du texte que vous défendez ? Il s'agit d'un vrai sujet, que vous ne pouvez pas vous contenter d'ignorer.
Monsieur Hetzel, cessez d'instrumentaliser la jurisprudence de la CEDH ! Vous vous fondez sur la responsabilité qu'elle impose, en matière de filiation, à un homme ayant eu une relation charnelle avec une femme et désireux de se soustraire à sa paternité. Cette jurisprudence est issue d'un arrêt rendu dans une affaire d'adultère. Clairement, une procédure d'AMP exclut ce cas de figure. Il s'agit d'un don. Aucune comparaison n'est possible. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement CS1520 de M. Thibault Bazin.
Sous-amendements identiques CS1765 de M. Patrick Hetzel, CS1766 de M. Xavier Breton et CS1856 de Mme Anne-Laure Blin.
Madame la rapporteure, votre amendement reprend la version de l'article 4 adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, sauf à l'alinéa 30, d'où vous avez fait disparaître toute référence à l'homme. Je propose de l'y réintroduire. Je sais bien que la tendance est à l'exclusion des hommes de ces questions, mais il serait pertinent, me semble-t-il, de nommer les choses.
Sur ce point, la rédaction adoptée en séance publique lors de la deuxième lecture constitue une erreur du point de vue de la cohérence du code civil, qui emploie usuellement, en matière de filiation, les mots « celui » ou « celle ». La modification rédactionnelle adoptée en deuxième lecture n'est pas utile et n'a aucune dimension symbolique. Je suggère le retrait des sous-amendements et émets à défaut un avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1703 de Mme Emmanuelle Ménard.
Ce sous-amendement de précision rédactionnelle est analogue aux sous-amendements précédents.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1521 de M. Thibault Bazin.
Il s'agit de rédiger ainsi l'alinéa 32 : « Dans un couple de femmes, la femme n'ayant pas accouché qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l'enfant engage sa responsabilité envers lui ».
Dans un couple de femmes, la filiation à l'égard de la femme qui n'a pas accouché est établie par une reconnaissance conjointe et non par sa remise à l'officier d'état civil par la personne déclarant la naissance de l'enfant. Or la reconnaissance conjointe n'a pas systématiquement lieu lors de l'émission du consentement devant le notaire. Le refus de reconnaître l'enfant est susceptible de lui causer un préjudice.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements identiques CS1784 de M. Patrick Hetzel, CS1789 de M. Xavier Breton et CS1860 de Mme Anne-Laure Blin.
D'après la jurisprudence de la CEDH, le droit au respect de la vie privée, protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, « comprend non seulement le droit de chacun de connaître son ascendance, mais aussi le droit à la reconnaissance juridique de sa filiation ». La CEDH affirme que l'enfant a « un intérêt capital à obtenir les informations qui lui permettent de connaître la vérité sur un aspect important de son identité personnelle, c'est-à-dire l'identité de ses parents biologiques », et que l'intérêt de l'enfant est « avant tout de connaître la vérité sur ses origines » et dans « l'établissement de sa filiation réelle ».
Je vois mal pourquoi ces droits seraient reconnus aux enfants nés d'une relation sexuelle et refusés aux enfants issus d'une AMP. La CEDH n'ayant pas, à ce jour, été saisie sur la filiation des individus issus d'une AMP, il n'existe aucune jurisprudence spécifique sur ce point. Mais nous donnons l'alerte : tel sera nécessairement le cas, dans la mesure où le présent projet de loi prive de certains de leurs droits des enfants à naître.
Je maintiens que vous commettez une confusion. Les extraits que vous citez figurent dans un arrêt pris dans une affaire d'adultère. Si un homme, commettant un adultère, a une relation charnelle avec une femme et procrée, sa responsabilité est engagée. Aucun parallélisme des formes ne peut être établi avec une AMP avec donneur. L'AMP comme adultère sans joie était ainsi désignée dans les années 1970 ! Cette époque est dépassée et révolue, tant mieux ! N'y revenons pas. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1522 de M. Thibault Bazin.
Manifestement, madame la rapporteure, vous ne m'écoutez qu'en partie ! J'ai dit qu'il n'existe pas encore de jurisprudence de la CEDH sur cette question précise, car nous n'avons pas encore, en France, d'enfants issus d'une AMP.
Je parlais d'enfants issus d'une AMP telle que la prévoient les dispositions du présent texte. Inévitablement, les arguments développés devant la CEDH à l'origine de la jurisprudence que je viens de citer seront utilisés par les individus issus d'une AMP.
Madame Dubost, vous ne pouvez pas balayer cet état de fait d'un revers de main, en considérant que la question ne se posera pas. Ou alors, expliquez-nous quelles barrières juridiques vous prévoyez pour empêcher qu'une telle situation ne survienne. Vous privez des enfants à naître de certains droits. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire « circulez, il n'y a rien à voir ! ».
J'ai l'impression que nous sommes en première lecture. Des enfants issus d'une AMP, en France, il y en a énormément. Il existe des dispositions juridiques encadrant l'AMP avec tiers donneur pour les familles hétéroparentales. Aucune difficulté n'a été signalée. Aucun enfant qui en est issu n'a engagé une action en responsabilité contre la France devant la CEDH, ni même sollicité la Cour de cassation ou un tribunal ordinaire, au sujet d'une imaginaire, fantasmagorique et stéréotypée nécessité d'imputer une paternité à un donneur. Dans l'esprit des enfants issus d'une AMP, il n'existe aucune confusion. Que vous vous livriez à des projections caricaturales vous appartient. De grâce, laissez tranquilles les enfants issus d'une AMP, à la filiation heureuse et tranquille ! Avis défavorable.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements identiques CS1274 de M. Patrick Hetzel, CS1320 de M. Xavier Breton, CS1704 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1851 de Mme Anne-Laure Blin.
Si vous voulez que les débats restent sereins, madame la rapporteure, évitez de m'accuser de verser dans la caricature et de véhiculer des stéréotypes. Le respect, cela doit fonctionner dans les deux sens.
Vous prétendez que ce que je dis relève de l'imaginaire et du fantasme. Je ne vous demande pas de porter un jugement sur ce que je dis, je vous demande de m'apporter une réponse sur le fond. Or, quand vous n'avez pas de réponse, que vous faites-vous ? Vous essayez de disqualifier l'orateur et vous le tournez en dérision. C'est systématique. De telles méthodes sont réprouvables.
J'ai parfaitement conscience qu'il y a déjà eu un certain nombre d'AMP en France et que, fort heureusement, elles se sont bien passées. Ce que je dis, c'est que vous êtes en train de construire un nouvel édifice juridique et que ce faisant, vous fragilisez l'édifice actuel. Répondez à cette question sans projeter sur les autres vos propres difficultés à argumenter.
Nous attendons en effet de vous des réponses juridiques, non des jugements de valeur. Quand vous êtes prise en défaut, vous répliquez en nous renvoyant nos « schémas stéréotypés » et toute la musique habituelle. Ce n'est pas un argument ! Peut-être ce discours plaît-il aux militants qui suivent nos débats, mais ce n'est pas ce qu'on attend de nous. Nous sommes ici pour légiférer.
Nous ne sommes plus à la première lecture, nous en sommes à la troisième et si nous continuons à travailler sur ce texte et à vous interroger, c'est, vous le savez fort bien, parce que l'article 4 relève du bricolage juridique. On est quand même en train de toucher à l'un des piliers de notre société : le droit de la filiation ! Respectez donc nos arguments et répondez à nos questions.
Si je comprends bien, madame la rapporteure, un enfant issu de l'AMP aura moins de droits qu'un enfant issu de l'adultère : l'un pourra faire une recherche en paternité, quand l'autre ne le pourra pas. On introduit ainsi une discrimination entre les personnes en fonction du mode de conception. Je trouve ça moche.
Il y a vingt ans, on soutenait qu'aucun enfant n'avait besoin de connaître l'identité de son donneur et il n'existait aucun litige. Aujourd'hui, la France se retrouve devant la Cour européenne des droits de l'homme parce qu'elle a refusé de laisser des enfants issus d'un don accéder à leur dossier. On voit bien que les choses évoluent et on ne peut pas affirmer aujourd'hui qu'aucun enfant issu de l'AMP ne demandera jamais à connaître l'identité de son père. Dans vingt ans, les enfants qui seront nés dans un couple de femmes ou dans une famille monoparentale et qui n'auront pas eu de référent paternel voudront peut-être connaître leur lien de filiation.
Au risque de vous décevoir, messieurs Hetzel et Breton, je n'attaque pas le raisonneur mais le raisonnement. Je trouve le vôtre fragile, et je suis en total désaccord. Cela fait trois lectures que je vous l'explique et vous faites mine de ne pas comprendre !
Nous ne créons pas un nouveau dispositif. Nous reprenons celui qui existe depuis trente ans en matière d'AMP avec tiers donneur pour les hétérosexuels pour l'appliquer aux AMP engagées par des femmes seules et des familles homoparentales. Nous ne fragilisons donc pas le dispositif, nous ne portons pas atteinte au droit de la filiation. C'est faux.
Et si votre raisonnement est faux, c'est, je le maintiens, parce qu'il est empreint de stéréotypes et de caricatures. Quant au fait de plaire ou de déplaire aux militants, excusez-moi, mais n'est-ce pas la Manif pour tous qui est venue hier vous soutenir sur les réseaux sociaux pendant que nous débattions ?
Madame Ménard, vous ne pouvez pas comparer la situation d'un enfant qui est issu d'une procréation charnelle dans le cadre d'une relation adultérine et celle d'un enfant issu d'une AMP avec tiers donneur. C'est un retour aux débats des années 1990 ! Il convient de laisser ces familles tranquilles et de permettre à ces enfants de s'épanouir. C'est la prohibition de la filiation entre le donneur et l'enfant qui les protège, et qui protège aussi le donneur. Il ne faut absolument pas revenir sur cette excellente initiative prise en 1994 par Mme Veil.
Les problèmes de jurisprudence dans d'autres États membres de l'Union européenne que vous avez évoqués concernent l'Allemagne et proviennent précisément du fait que, là-bas, cette prohibition n'existe pas. L'Allemagne va d'ailleurs prendre exemple sur la France. La solution que nous avons trouvée permet en effet de distinguer ce qui relève de l'identité, à savoir l'accès aux origines personnelles, et ce qui relève de la filiation et de la vie familiale. Nous devons continuer à protéger les parents, les enfants, les donneurs, maintenir en l'état le dispositif juridique instauré par Mme Veil et l'appliquer aux familles monoparentales et homoparentales. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1523 de M. Thibault Bazin.
Vous n'avez pas répondu à la question de Mme Ménard concernant la discrimination en matière de recherche en paternité, madame la rapporteure. Pourtant, elle était claire et précise.
Je vous invite à vous reporter à l'enregistrement : je viens d'y répondre.
Avis défavorable sur le sous-amendement.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements identiques CS1275 de M. Patrick Hetzel, CS1321 de M. Xavier Breton et CS 1852 de Mme Anne-Laure Blin.
Considérons que notre raisonnement n'est pas le bon et adoptons le vôtre, madame la rapporteure : ne faudra-t-il pas, en toute logique, introduire, à un moment ou à un autre, une présomption de comaternité ? Vous avez beau dire que tout va bien, que tout est cohérent, on voit bien qu'un certain nombre de points font problème. Ce que vous ne voulez pas entendre, c'est que l'extension du dispositif actuel aux couples de femmes et aux femmes seules aura ipso facto des répercussions sur les couples hétérosexuels, notamment concernant l'apparition d'un certain nombre de droits. Nous vous alertons sur ce point.
Nous souhaitons que soit clairement énoncé que, pour les couples de femmes qui ont eu recours à une assistance médicale à procréation à l'étranger avant la publication de la loi, la filiation ne pourra être établie qu'à l'égard de la femme qui accouche, conformément aux dispositions de l'article 311-25 du code civil, et qu'elle ne pourra être établie par quelque moyen que ce soit à l'égard de l'autre femme. Il convient d'encadrer le dispositif de façon qu'aucun bricolage ne soit possible ; il y avait des règles antérieures, elles doivent s'appliquer à tous. À défaut, on risquerait d'ouvrir la voie, par l'intermédiaire notamment d'une QPC, à une reconnaissance de la GPA – mais peut-être est-ce votre dessein caché ?
Une présomption de comaternité n'est pas nécessaire puisque la reconnaissance conjointe anticipée garantit la responsabilité ab initio des deux femmes qui s'engagent dans le projet parental. La présomption de paternité a été inventée pour garantir, s'agissant de la responsabilité, la présence du père auprès de la mère et de l'enfant. La question a donc été envisagée, traitée et résolue dans le projet de loi. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1277 de M. Patrick Hetzel, CS1322 de M. Xavier Breton et CS1853 de Mme Anne-Laure Blin.
L'objet du débat, madame la rapporteure, ce n'est pas la famille, c'est l'enfant. Ce qui est en question, c'est son état civil et la possibilité qui lui est ou non donnée d'avoir un lien de filiation avec la personne dont il est biologiquement issu et de s'inscrire par là même dans la généalogie de la famille qui lui a transmis ses gènes. Nous avons auditionné des personnes qui se trouvent en grande souffrance parce qu'elles n'ont pas obtenu de réponses à leurs questions. Assumez-vous le risque de susciter de nouvelles souffrances à travers le dispositif que vous mettez en place ?
Si votre question est de savoir si j'assume et si, au-delà de moi, le groupe La République en Marche, la majorité présidentielle et peut-être d'autres groupes politiques assument de dire à un enfant issu d'une AMP avec tiers donneur que ses parents sont ceux qui ont engagé l'AMP et non le donneur génétique – qui, d'ailleurs, se dessaisit de tout lien de filiation lors du don –, oui, nous l'assumons totalement. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1278 de M. Patrick Hetzel, CS1323 de M. Xavier Breton et CS1854 de Mme Anne-Laure Blin.
Si certaines questions reviennent alors que nous en sommes à la troisième lecture, c'est que nous n'avons toujours pas obtenu de réponses satisfaisantes. Hier encore, je vous signalais des articles parus dans des revues juridiques et faisant état d'interrogations extrêmement fortes sur la rédaction de l'article 4. Vous faites comme si ces juristes – qui sont, pour le coup, des spécialistes du droit de la famille – étaient dans l'erreur. Ce n'est pas acceptable. Tant que nous n'aurons pas obtenu de réponses, nous continuerons à poser ces questions.
Oui, si la rédaction était si claire, on n'en serait pas à la énième version du texte ! On voit bien que les choses ne sont pas du tout stabilisées. Vous répondez, avec une certaine arrogance, que tout est clair et que c'est nous qui n'y comprenons rien, parce que nous sommes prisonniers de nos schémas et de nos stéréotypes, mais les questions que nous posons, ce sont aussi des juristes qui les posent. Je comprends que cela vous dérange, mais nous attendons des réponses de nature juridique.
Quand on passe aux arguments ad hominem et qu'on remet en cause la méthode, c'est que les questions de fond ont été réglées…
Il me semble normal que des juristes écrivent sur ce que nous sommes en train de faire ; cela me paraît même plutôt sain qu'ils débattent de la doctrine : c'est leur métier. Il y a aussi d'excellents professeurs de droit civil, spécialistes du droit de la filiation, qui ont soutenu des thèses sur le sujet, qui comprennent parfaitement ce dont il retourne et qui saluent les progrès apportés par ce texte. Si vous voulez des noms, je les tiens à votre disposition.
Quant à la méthode, je regrette que Mme Genevard ne soit pas là, parce qu'elle a salué hier soir le travail de coconstruction que nous avions réalisé avec l'ensemble des groupes politiques afin d'aboutir à une version aussi stable que possible et qui tienne compte des différents points de vue. Dans le cadre de cette troisième lecture, nous ne faisons que rétablir l'équilibre trouvé en deuxième lecture. Tout cela est donc parfaitement cohérent. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1279 de M. Patrick Hetzel, CS1324 de M. Xavier Breton et CS1855 de Mme Anne-Laure Blin.
Je n'ai pas la prétention de m'exprimer en lieu et place de Mme Genevard, mais ce que je l'ai entendu dire hier soir, c'est que l'une des questions que nous soulevons depuis le début, à savoir que dans un couple de femmes, il y avait une différence entre la femme qui accouche et l'autre membre du couple, a enfin été prise en considération et que cela a donné lieu à une réécriture. De là à prétendre que tout va bien et qu'on est arrivé à un équilibre, il y a loin ! Elle ne vous a pas adressé un satisfecit. Il existe d'autres points de fragilité, et c'est que nous allons continuer à démontrer.
Ces sous-amendements visent à faire établir par un juge plutôt que par un notaire l'acte de reconnaissance pour les AMP ayant eu lieu à l'étranger avant l'adoption de la loi. Il convient de lutter contre la tendance actuelle, en matière de droit de la famille, à supprimer l'intervention du juge au profit d'une vision contractuelle de celle-ci.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements CS1654, CS1655 et CS1698 de Mme Emmanuelle Ménard.
Dans l'intérêt de l'enfant, l'acte de reconnaissance doit faire intervenir non seulement le notaire, mais aussi le juge, car celui-ci dispose de pouvoirs, notamment d'un pouvoir d'investigation, dont est dépourvu le notaire. Tel est l'objet du sous-amendement CS1654.
Le sous-amendement CS1655 est de cohérence.
Sous couvert d'égalité, on est en train, à travers ce projet de loi, de créer de nouvelles discriminations : discrimination fondée sur leur mode de naissance, discrimination fondée sur le type de foyer dans lequel l'enfant naît et, maintenant, discrimination fondée sur la mère qui accouche. Celle-ci ne devrait jamais avoir à faire de reconnaissance. Cette disposition ne devrait s'appliquer qu'à la « seconde mère » – terme que je n'aime pas mais que j'utilise pour des raisons de clarté. Le dispositif de reconnaissance conjointe ne me semble pas adapté. C'est pourquoi le sous-amendement CS1698 tend à lui substituer une adoption simple.
Je suis, pour ma part, intimement convaincue que la reconnaissance conjointe anticipée vient surtout garantir la responsabilité partagée des mères entre elles et envers l'enfant. Pour la mère qui accouche, la filiation s'établit à travers la mention sur l'acte de naissance. La reconnaissance conjointe sert, pour la deuxième mère, de preuve d'antériorité auprès de l'officier d'état civil, et c'est précisément en quoi elle répond aussi aux préoccupations exprimées hier par Mme Battistel et M. Chiche. S'il y avait une grande réforme du droit de la filiation et une coparentalité établie, comme vous le prétendez, on n'aurait pas besoin de reconnaissance conjointe anticipée. Elle permet de sécuriser le dispositif en l'absence de coparentalité.
Par conséquent, je pense que le sous-amendement CS1698 est satisfait. Avis défavorable sur les trois sous-amendements.
La commission rejette successivement les sous-amendements.
Sous-amendement CS1078 de Mme Laurence Vanceunebrock.
Lors des précédentes lectures, je n'ai cessé de mettre l'accent sur la situation des enfants déjà nés d'une PMA réalisée à l'étranger par un couple de femmes. On court le risque de voir émerger, après l'adoption de ce texte, une inégalité entre les enfants en matière de filiation suivant leur date de conception. En deuxième lecture, nous avions adopté un mécanisme transitoire pour que les couples de femmes en mesure de s'entendre pour établir le lien de filiation entre l'enfant et sa seconde mère puissent, même plusieurs années après la naissance de l'enfant, sécuriser leur famille devant le notaire. Toutefois, il avait été décidé d'exclure du dispositif les couples de femmes qui étaient en conflit, donc dans l'impossibilité de faire une reconnaissance conjointe.
Si l'on n'adopte pas la proposition de loi sur l'adoption de notre collègue Monique Limon, une inégalité entre les enfants risque d'apparaître suivant que leurs parents sont en conflit ou non. À moins d'accepter de voir naître une discrimination simplement liée au calendrier législatif, il semble pertinent d'intégrer la mesure contenue dans cette proposition de loi dans le texte relatif à la bioéthique, en complément du mécanisme de reconnaissance de filiation tardive déjà prévu.
Ce sous-amendement est bien le fruit de nos discussions durant les précédentes lectures. Nous avons en effet créé un mécanisme rétroactif pour les enfants issus d'une AMP avec tiers donneur dans un couple de femmes ayant eu lieu avant la promulgation de la loi afin de sécuriser leur filiation. Dans l'hypothèse où les deux femmes s'entendent, tout va bien, mais s'il y a conflit, cela peut soulever des difficultés pour l'établissement de la deuxième branche de la filiation de l'enfant, raison pour laquelle Mme Limon, ici présente, a engagé un vaste travail sur l'adoption qui s'est concrétisé par une proposition de loi, examinée en première lecture par l'Assemblée en décembre. On a ainsi pu trouver avec les services de la Chancellerie et de la protection de l'enfance un dispositif qui sécurise les situations que vous décrivez.
Ce dispositif doit-il être maintenu dans le cadre de la proposition de loi de Mme Limon ou est-il préférable de l'intégrer au présent texte ? Une raison de fond me fait préférer la première option : le texte de Mme Limon permet de faire sauter le verrou du mariage pour l'adoption. Si l'on adoptait votre sous-amendement, cela exclurait du dispositif les concubines, les pacsées et les femmes vivant en union libre : il ne s'appliquerait qu'aux couples de femmes mariées au moment où elles ont eu recours à l'AMP. Je ne pense pas que ce soit l'objectif.
Nous avons impérativement besoin du véhicule législatif de Mme Limon pour faire sauter la condition du mariage, car cela sort du champ de la bioéthique. Nous pourrons demander au garde des sceaux de réitérer dans l'hémicycle son engagement que la proposition de loi de Mme Limon sera adoptée dans les plus brefs délais, afin qu'elle soit promulguée en même temps que la loi relative à la bioéthique et que toutes les situations soient ainsi mises en concordance. C'est pourquoi je vous demande de retirer le sous-amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Vous parlez de mariage mais, en l'occurrence, ces femmes ne sont pas mariées, vu qu'elles ne s'entendent pas. Je maintiens mon sous-amendement.
La commission rejette le sous-amendement.
Nous avons terminé l'examen des sous-amendements à l'amendement CS1041. Madame la rapporteure, quel est votre avis sur les amendements soumis à discussion commune ?
Pour clore cette longue discussion sur un point essentiel du texte, concernant le droit de la filiation, je voudrais rappeler la position du groupe LR sur le sujet.
Ce n'est qu'au terme d'un échange constant, argumenté et difficile avec le Gouvernement que notre groupe a réussi, par ma voix, à faire reconnaître le statut particulier de la femme qui accouche.
Il n'a pas été si facile que cela de vous convaincre …
Il reste que notre dialogue a abouti à une solution qui permet de conserver à la femme qui accouche sa spécificité, à savoir que, comme le dit l'adage latin, la mère est toujours certaine. Je m'en réjouis et je vous en remercie.
Il n'en demeure pas moins que, s'agissant de l'autre femme du couple, nous ne sommes pas d'accord avec ce que vous proposez. Vous aviez la possibilité de rester à droit de la filiation constant, en lui permettant d'établir un lien de filiation à part entière par la voie de l'adoption. Je rappelle que cette solution avait été ardemment souhaitée au moment de l'examen du projet de loi sur le mariage pour tous. Or vous avez décidé de bousculer le droit de la filiation, et vous le faites de manière très importante. Nous le regrettons, et c'est pourquoi nous ne voterons pas pour l'amendement de Mme la rapporteure.
La commission adopte l'amendement CS1041.
L'article 4 est ainsi rédigé.
En conséquence, tous les amendements s'y rapportant tombent.
Article 4 bis : Interdiction de la transcription totale d'un acte de naissance ou d'un jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une gestation pour autrui lorsqu'il mentionne le parent d'intention
Amendements de suppression CS404 de M. Jean-Louis Touraine, CS419 de M. Raphaël Gérard et CS560 de Mme Sylvia Pinel.
En 2017, le candidat Emmanuel Macron s'engageait devant les Français « à reconnaître l'existence et donner un statut juridique aux enfants qui vivent en France et qui sont nés de GPA à l'étranger, car ces enfants ne peuvent pas être les victimes ». De fait, quelle que soit notre opinion sur la GPA, les enfants qui en sont issus n'en sont pas responsables et ils ne peuvent raisonnablement pas être pénalisés en lieu et place de leurs parents. L'adoption de l'article 4 bis, tel que proposé par nos collègues sénateurs, poserait d'importantes difficultés, tout comme celle d'un amendement visant à empêcher toute reconnaissance rapide de ces enfants en dehors des voies de l'adoption. Cela reviendrait à faire un pas en arrière, aux dépens de l'intérêt de ces enfants, la jurisprudence ayant évolué positivement ces dernières années.
D'abord, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné notre pays à plusieurs reprises, estimant qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'enfant de voir sa filiation intégrale reconnue avec célérité et de façon effective. Ensuite, selon le droit positif tel qu'il résulte de deux arrêts de la Cour de cassation de 2019, explicités par les instructions du procureur de la République de Nantes en 2020 et par une note diplomatique d'avril 2020, il n'est procédé en aucun cas à une transcription automatique. La transcription intégrale des actes de naissance de ces enfants n'est possible que si, et seulement si, certaines conditions sont réunies, afin d'éviter toute fraude. Enfin, cette transcription ne fait pas obstacle à ce que la filiation puisse être contestée devant les tribunaux, conformément aux dispositions des articles 332 et suivants du code civil.
À travers mon amendement, je propose d'en rester à l'état actuel du droit, sans aller plus loin et, surtout, sans revenir en arrière. Il permet en effet d'éviter la fraude et de respecter l'intérêt supérieur de l'enfant.
La proposition de loi de notre collègue Monique Limon visant à réformer l'adoption n'a pas encore été examinée par le Sénat, et nous ne savons pas quand elle le sera, alors qu'un engagement avait été pris concernant son examen rapide et son adoption avant la fin de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique. Ce ne sera pas le cas. Cette proposition de loi contient des dispositions très bénéfiques, mais qui ne seront pas effectives avant 2022 au plus tôt. Empêcher toute reconnaissance en dehors de la voie de l'adoption reviendra donc à exposer nombre d'enfants français à une situation d'insécurité juridique extrême. Qu'adviendra-t-il, notamment, si leurs parents – non reconnus – sont victimes d'un accident ?
Je propose, moi aussi, de supprimer l'article 4 bis.
On peut sérieusement regretter que certains chantres du droit des enfants et de l'intérêt supérieur de l'enfant soient davantage préoccupés par les gages qu'ils souhaitent donner aux opposants au texte plutôt que par l'intérêt supérieur des enfants issus d'une GPA réalisée à l'étranger. Ceux-ci méritent, comme tous les enfants, d'être protégés, indépendamment de leur mode de conception.
En proposant de rétablir l'article 4 bis dans sa rédaction issue de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale sans se soucier de la possibilité de faire reconnaître le lien de filiation avec le parent d'intention, quelles que soient les circonstances, certains choisissent délibérément de faire peser sur les épaules de ces enfants l'incrimination morale que la société édicte à propos du choix effectué par leurs parents. Le Gouvernement s'était engagé, par la voix de deux gardes des sceaux successifs, à faciliter le recours à l'adoption, mais nous n'avons aujourd'hui aucune certitude quant à une promulgation avant la fin du quinquennat de la proposition de loi de Mme Limon visant à réformer l'adoption.
Pis, la promulgation cet été du présent texte relatif à la bioéthique risque de placer certains enfants dans une forme de purgatoire, comme vient de le dire Jean-Louis Touraine. Ils seront amputés d'une partie de leur filiation établie de manière régulière en attendant l'éventuelle promulgation d'une loi à venir. Je rappelle que la proposition de loi de Mme Limon, qui tend à ouvrir l'adoption aux couples non mariés – vous l'avez indiqué à l'instant, madame la rapporteure –, n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour du Sénat.
Pendant ce laps de temps, les enfants seront placés dans une situation de précarité juridique insupportable et soumis aux aléas de la vie : séparation du couple ou décès du parent biologique. Plus tard, si la loi visant à réformer l'adoption voit enfin le jour, ils seront prisonniers des aléas judiciaires.
Pour ces raisons, il serait plus sage de supprimer l'article 4 bis et d'écarter du projet de loi la question de la GPA – cela ferait plaisir à nos amis du groupe Les Républicains –, comme la majorité l'entendait initialement.
La rédaction adoptée par le Sénat en deuxième lecture interdit la transcription totale de l'acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une GPA lorsqu'il mentionne comme mère une autre femme que celle qui a accouché ou lorsqu'il mentionne deux pères.
L'adoption de cet article entraînerait une trop grande insécurité juridique pour les enfants concernés. Elle signerait un retour en arrière inacceptable, l'article étant contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation. Celle-ci a en effet ouvert la possibilité de transcrire l'acte de naissance d'un enfant issu d'une GPA régulièrement réalisée à l'étranger. La Cour a rappelé qu'elle construisait cette jurisprudence sur la recherche d'un équilibre entre l'interdit d'ordre public et l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel est proclamé par la Convention internationale des droits de l'enfant.
L'objectif de cet amendement n'est évidemment pas de revenir sur l'interdiction de la GPA en France, mais bien d'éviter que ces enfants ne souffrent en raison de la manière dont ils ont été conçus, parce qu'ils n'en sont pas responsables.
Les termes du débat ont évolué au fil des lectures successives, la Cour de cassation ayant pris des décisions nouvelles au cours de l'une d'elles, nous poussant, nous législateurs, à prendre nos responsabilités en matière de filiation pour les enfants issus d'une GPA.
Bien évidemment, la GPA reste interdite en France ; il n'y a pas d'ambiguïté à ce sujet. Le texte ne revient en rien sur cette interdiction. En revanche, se pose la question de la filiation des enfants issus d'une GPA réalisée à l'étranger, qui résident en France et sont citoyens français. Ils ont droit au respect de leur vie familiale, d'où la nécessité d'une solution équilibrée.
Les tribunaux ont proposé différentes modalités, dont certaines ont été validées par la Cour de cassation. À un moment, la Cour a autorisé des transcriptions d'actes d'état civil étrangers. À un autre, elle a envisagé l'hypothèse de la reconnaissance par possession d'état. D'autres arrêts ont totalement proscrit l'établissement d'une filiation.
Si l'on dresse un tableau global, sans entrer dans la technique, nous nous sommes retrouvés avec une situation inéquitable : la législation demeurant floue en la matière, les décisions variaient d'un enfant à l'autre sur le territoire national. Dans certains territoires, l'acte de naissance était transcrit automatiquement et les enfants voyaient leur double filiation établie. Dans d'autres, les magistrats le refusaient systématiquement. À mon sens, une telle disparité n'est pas acceptable.
C'est précisément pour cette raison qu'il fallait prendre une position. En accord avec le Gouvernement et le groupe La République en marche, j'ai défendu en deuxième lecture une nouvelle rédaction du fameux article 4 bis. Certes, elle durcit probablement les positions en matière d'établissement de la filiation en vertu du titre VII du code civil « De la filiation ». Mais, en échange, on offre un véhicule législatif pour faciliter l'établissement de la filiation en vertu du titre VIII « De la filiation adoptive », et le traitement sera absolument équitable pour tous les enfants sur l'ensemble du territoire français.
En matière de droits de l'homme et de droits de l'enfant, nous avons des obligations internationales et européennes. La CEDH nous impose de garantir les droits de l'enfant et de prévoir une modalité pour établir le lien de filiation avec le deuxième parent. En revanche, depuis 2019, elle laisse aux États une marge d'appréciation : il leur revient de déterminer si ce lien doit être établi par une filiation d'engendrement ou par une filiation adoptive. Autrement dit, la CEDH ne condamnera pas les États pour le choix de tel ou tel mode de filiation pour le deuxième parent, mais elle le fera si aucun lien de filiation n'est établi entre l'enfant et lui. Elle a récemment confirmé cette jurisprudence, dans un arrêt du 18 mai 2021 : elle a refusé de condamner l'Islande pour le non-établissement d'une filiation d'engendrement pour des parents d'intention, tout en maintenant l'obligation d'établir au minimum une filiation au titre de l'adoption.
Le garde des sceaux a pris deux engagements. D'une part, nous allons poursuivre la discussion de la proposition de loi de Mme Limon, afin de rendre effective la voie de l'adoption. À ce jour, elle ne l'est pas – nous savons qu'il y a un manque de célérité et, parfois, d'objectivité dans l'examen des dossiers –, et c'est ce qui a motivé les décisions de la Cour de cassation. D'autre part, le garde des sceaux s'est engagé à adresser une circulaire aux magistrats pour que les enfants soient traités de façon parfaitement équitable dans le cadre des procédures d'adoption, quel que soit le mode de conception choisi par leurs parents.
Je demande le retrait des amendements de suppression. À défaut, mon avis sera défavorable.
Il s'agit d'une question difficile, mais sur laquelle notre position est constante : nous ne voulons pas de la GPA.
Nous ne la voulons pas dans notre pays, alors même qu'elle s'y déploie – peut-être avez-vous écouté samedi après-midi l'émission de France Culture dans laquelle une femme racontait avoir fait trois GPA en France. Nous ne voulons pas des salons tels que « Désir d'enfant », qui promeuvent la GPA sur notre sol.
Nous ne voulons pas davantage de la GPA à l'étranger. Vous parlez de l'intérêt supérieur de l'enfant – qui devient tout à coup primordial à vos yeux, alors que vous avez contesté sa portée lorsque nous avons examiné les articles précédents –, mais vous ne parlez jamais des femmes dont on exploite le ventre, dans des pays étrangers, pour satisfaire le désir d'enfant des Européens. Vous fermez les yeux, lâchement, sur cette réalité. Dans certains pays, la GPA est un esclavage moderne, et il faut le dénoncer.
Or, pour le dénoncer, il faut mettre un frein au phénomène. Nous pensons que la disposition adoptée par le Sénat est la bonne. Nous pensons que la décision prise par la CEDH dans son arrêt du 18 mai 2021 est la bonne. C'est pourquoi nous vous demandons, chers collègues de la majorité, de ne pas verser dans la duplicité, qui consiste à dire non à la GPA tout en prévoyant une reconnaissance automatique de la filiation d'intention – car telle est bien votre position.
Nous ne voulons pas de cette hypocrisie. Les parents qui se rendent à l'étranger pour réaliser une GPA ne pensent pas suffisamment à l'intérêt supérieur de l'enfant, pas plus qu'ils ne pensent aux femmes dont on loue le ventre, parfois à bas prix, pour qu'elles enfantent.
Il convient de prendre en considération les arrêts rendus par la Cour de cassation en décembre 2019 et en novembre 2020. Il importe de préciser que la Cour n'a pas cherché alors à établir le caractère impossible ou inadapté de l'adoption.
Néanmoins, l'intervention du législateur est indispensable, pour revenir à un contrôle plus strict de la reconnaissance de la filiation établie à l'étranger à l'issue d'une GPA. Cela confirme d'ailleurs la justesse de l'initiative prise par le Sénat. Contrairement à ce que j'ai entendu, le Sénat n'a pas été convaincu par la rédaction retenue par l'Assemblée nationale pour faire obstacle à la jurisprudence que j'ai évoquée. Il a craint qu'elle ne suffise pas à combler le vide juridique actuel, puisqu'elle renvoie au juge le soin d'apprécier la situation résultant d'une GPA, sans délimiter les contours de son interprétation. Si vous rétablissez l'article 4 bis dans sa version adoptée par l'Assemblée, il y aura bien un problème juridique.
Le Sénat a voté l'amendement proposé par sa rapporteure, Muriel Jourda, pour rétablir la rédaction qu'il avait adoptée en première lecture. Celle-ci paraît bien plus opérationnelle que la vôtre, puisqu'elle prohibe toute transcription complète de l'acte étranger dans les cas de GPA.
Par ailleurs, l'ouverture de l'adoption aux couples non mariés, prévue par la proposition de loi de Mme Limon, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, devrait assurer l'effectivité et la célérité de la reconnaissance du lien de filiation, ce que requiert la CEDH.
Les jugements d'adoption sont exclus du champ de la prohibition édictée par le Sénat. Leur transcription demeurera régie par les règles de droit commun, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, sans qu'il soit utile de le préciser dans la loi.
Je le répète, votre rédaction est bien plus fragile ; elle sera source de nombreux problèmes. Vous avez l'occasion de promouvoir un vrai travail de coconstruction. Manifestement, vous voulez balayer là encore les propositions du Sénat. C'est assez incompréhensible.
La question est effectivement très importante. Si vous supprimez l'article 4 bis tel qu'il a été adopté par le Sénat, vous en arrivez de facto – ne tournons pas autour du pot – à légaliser la GPA de façon détournée.
Mais si ! Permettre la transcription de jugements d'adoption étrangers revient à permettre le contournement de la loi française, qui prohibe tout recours à la GPA. Et ne nous accusez pas d'être des sans-cœur qui ne penseraient pas aux enfants issus d'une GPA !
Je rappelle que, même en l'absence de transcription, la filiation des enfants découlant de leur acte de naissance établi à l'étranger est reconnue en France, et l'a toujours été. Les parents, y compris les parents d'intention, exercent l'autorité parentale et sont les représentants légaux des enfants. À titre d'exemple, ils agissent en justice en leur nom. Comment le pourraient-ils si la filiation n'était pas établie ?
On s'abrite derrière des sigles. Or la GPA, je le rappelle, c'est le recours aux mères porteuses ; c'est la pratique intolérable qui consiste à louer le ventre d'une femme, que l'on a auparavant choisie sur un catalogue. L'interdiction doit être totale, afin de dissuader nos concitoyens de commander des GPA. Faciliter les démarches de régularisation, c'est, à terme, autoriser la pratique.
On dit qu'il ne faut pas pénaliser ces enfants en raison d'une décision prise par leurs parents contraire à l'option « morale » – c'est le terme que j'ai entendu – relative à la GPA. Certes, mais les parents ont pris cette responsabilité en toute connaissance de cause : ils savaient qu'en recourant à une GPA à l'étranger, ils se plaçaient dans une situation d'illégalité par rapport au droit français. Or nous ne pouvons pas balayer cela d'un revers de la main et considérer qu'il est nécessaire de trouver un dispositif, quel qu'il soit, pour permettre l'établissement de la filiation de manière définitive et totale, sans qu'on ait à en discuter.
C'est pourquoi le Sénat s'appuie sur l'adoption, et non sur la reconnaissance automatique de la filiation. C'est ce qui est le plus conforme à l'intérêt de l'enfant et à la volonté affichée par la majorité – le groupe La République en Marche et ceux qui le soutiennent – de ne pas ouvrir la voie à la GPA en France. Telle est la position que vous martelez, mais, à ce jour, vous n'avez pas apporté de garanties en ce sens en matière de droit de la filiation. Il faut trouver les voies et moyens d'y parvenir, nous ne disons rien d'autre.
La jurisprudence a effectivement tâtonné. La CEDH nous impose de prévoir un mode d'établissement de la filiation, mais ne nous impose pas de retenir tel ou tel mode, Mme la rapporteure l'a rappelé. Nous ne sommes donc pas obligés d'opter pour la reconnaissance automatique de la filiation.
Si nous adoptons la rédaction de l'article 4 bis proposée par le Sénat et la proposition de loi de Mme Limon, qui sont complémentaires, nous aurons sécurisé l'établissement de la filiation des enfants nés d'une GPA sans nous exposer au danger d'avoir à légaliser demain la GPA en France.
Madame la rapporteure, j'ai bien écouté les arguments que vous avez fournis à mon collègue Jean-Louis Touraine. Toutefois, il y a un sérieux problème de calendrier. On nous fait beaucoup de promesses en la matière, mais les échéances fixées ne sont jamais tenues. Nous n'avons aucune garantie, je le crains, concernant l'inscription de la proposition de loi de Mme Limon à l'ordre du jour du Sénat. Qui plus est, nous ne connaissons pas sa position sur ce texte. Nous ignorons donc quel sera le résultat de l'examen par le Sénat.
Si nous allons dans le sens des souhaits de l'opposition, nous risquons de laisser encore des enfants sur le bord du chemin, ce que nous voulons précisément éviter. J'espère que plusieurs d'entre nous soutiendront les amendements de suppression, afin d'éviter de tels désagréments.
Je vous remercie pour les explications que vous nous avez apportées, madame la rapporteure. Ce qui m'anime depuis de nombreuses années, comme vous toutes et tous, c'est l'intérêt des enfants, de tous les enfants.
Pour garder une cohérence à la proposition de loi visant à réformer l'adoption, que j'ai présentée, je souhaite vraiment qu'on y traite aussi de la situation des enfants issus d'une GPA. La GPA n'est absolument pas l'objet du texte ; celui-ci vise à améliorer le sort des enfants, en favorisant l'accès à l'adoption pour les enfants placés à l'aide sociale à l'enfance, mais aussi en permettant aux enfants qui vivent en France avec des parents d'intention d'avoir un statut, une situation égale à celle de tous les enfants de France.
Je souhaite vraiment que l'examen de la proposition de loi arrive à son terme. J'ai eu dernièrement l'assurance qu'elle serait examinée par le Sénat à l'automne. Le Gouvernement pourra le confirmer en séance publique, mais je tenais à vous le dire aujourd'hui. Je crois à cette perspective, et j'espère beaucoup pour tous ces enfants.
Je soutiens les positions exprimées par Mme la rapporteure et par ma collègue Monique Limon, dont nous connaissons l'engagement et le travail sur la question de l'adoption. Le Gouvernement s'est engagé à ce que sa proposition de loi soit examinée par le Sénat dès cet automne. Il importe avant tout que le texte revienne à l'Assemblée, après avoir fait l'objet d'un débat et d'un vote au Sénat, quel que soit le sens de ce vote.
Vous l'avez dit, madame la rapporteure, nous avons besoin d'un dispositif d'ensemble. C'est pourquoi le groupe La République en Marche a déposé des amendements visant à rétablir la version équilibrée adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Ainsi, il n'y aura pas d'ambiguïté quant à nos intentions à propos de la GPA : il n'a jamais été question de la légaliser dans notre pays, en aucune manière et en aucun cas ; ni le Président de la République, ni le Gouvernement, ni la majorité ne l'ont envisagé.
Par ailleurs, il ne faut pas laisser sans solution, dans une indifférence qui serait insupportable, les enfants issus d'une GPA, qui n'ont pas choisi la manière dont ils sont venus au monde. Nous devons respecter les obligations conventionnelles qui sont les nôtres ; la France ne peut s'en exonérer.
Il nous paraît sain de préserver cet équilibre. Nous pourrons ensuite, lorsque nous examinerons la proposition de loi de Mme Limon, apprécier la question de manière plus large.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS396 de M. Jacques Marilossian et CS1011 de Mme Aurore Bergé.
Il s'agit de rétablir la rédaction de l'article 4 bis adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Avis favorable, pour les raisons que j'ai évoquées précédemment. La rédaction de l'article 4 bis retenue par le Sénat ne me semble pas du tout opportune, notamment pour l'avenir, d'autant qu'elle introduirait dans le code civil des stéréotypes de genre : elle fait référence à une mère « autre que celle qui a accouché » et à « deux pères ». Je préfère la formulation « au regard de la loi française », qui est moins discriminatoire.
La commission adopte les amendements identiques.
L'article 4 bis est ainsi rédigé.
En conséquence, tous les amendements s'y rapportant tombent.
Mes chers collègues, nous allons suspendre notre réunion quelques instants à l'occasion du changement de rapporteur.
La réunion est suspendue de dix heures vingt-cinq à dix heures trente-cinq.
TITRE II PROMOUVOIR LA SOLIDARITÉ DANS LE RESPECT DE L'AUTONOMIE DE CHACUN
Chapitre Ier Conforter la solidarité dans le cadre du don d'organes, de tissus et de cellules
Article 6 : Extension du bénéfice d'un prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur un mineur ou un majeur protégé à ses parents pour accroître les possibilités de greffes intrafamiliales en l'absence d'autre alternative thérapeutique
Amendements de suppression CS156 de M. Patrick Hetzel, CS288 de M. Xavier Breton, CS585 de Mme Annie Genevard, CS673 de Mme Anne-Laure Blin, CS845 de Mme Emmanuelle Ménard et CS975 de M. Philippe Gosselin.
Il s'agit de supprimer l'article 6. L'extension des possibilités de prélèvement de cellules souches hématopoïétiques n'est pas opportune, car elle ne serait pas conforme à l'objectif de protection de la personne des majeurs protégés. Cette protection est pourtant garantie par l'article 415 du code civil. Compte tenu de leur moindre capacité de discernement, les majeurs protégés devraient faire l'objet d'une protection supplémentaire.
L'article 6 prévoit d'étendre les possibilités de prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur les mineurs et sur les majeurs protégés. Selon moi, ce n'est pas du tout souhaitable, car ce serait contraire à l'objectif de protection consacré par l'article 415 du code civil. Celui-ci dispose : « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique. »
Compte tenu de leur moindre capacité de discernement, les majeurs protégés devraient faire l'objet d'un surcroît de protection. L'article 6 contrevient à l'article 415 du code civil. Il convient de supprimer.
Les majeurs protégés ont vraiment besoin d'un surcroît de protection. Il ne nous paraît donc pas opportun d'étendre les possibilités de prélèvement de cellules souches sur ces personnes. On doit à la fois mieux les protéger et mieux concevoir les techniques de prélèvement.
L'article 6 a pour objet de développer le don de cellules souches hématopoïétiques dans le cadre intrafamilial.
Pour mémoire, les mineurs peuvent déjà donner des cellules souches, notamment à leurs frères ou sœurs. En outre, seul le don des cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse est concerné par les modifications apportées par l'article 6. L'ouverture de ce don au bénéfice des parents est très encadrée ; le projet de loi prévoit des garanties très importantes en la matière.
En supprimant l'article, vous reviendriez aussi – mais peut-être est-ce votre objectif – sur les évolutions positives relatives aux majeurs protégés, que vous avez évoqués.
En cohérence avec le droit civil et les évolutions prévues par l'article 7 du projet de loi, les procédures seront allégées lorsque les majeurs protégés sont aptes à exprimer leur consentement. Une distinction est désormais opérée entre les majeurs protégés avec représentation relative à la personne et les autres, considérés comme aptes à exprimer leur consentement.
Je suis défavorable aux amendements de suppression. Dans tous les cas, le refus du majeur protégé continuera à faire obstacle au prélèvement.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS1036 du rapporteur.
Il vise à rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première puis en deuxième lecture. Il s'agit de revenir sur l'abaissement à 16 ans de l'âge à partir duquel un mineur peut consentir lui-même au prélèvement de cellules souches hématopoïétiques. Cette disposition a été introduite par le Sénat.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 6 ainsi modifié.
Article 7 : Renforcement des droits des personnes sous mesure de protection de leurs biens dans l'exercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS1035 du rapporteur.
Amendements identiques CS724 de M. Bastien Lachaud et CS1017 de M. Marc Delatte.
L'article 7 permet à des personnes faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation d'exprimer leur consentement au don d'organes, de tissus ou de cellules. Permettre ce don de leur vivant tout en l'interdisant une fois qu'elles sont décédées n'a, selon nous, pas de sens.
Les personnes qui ne font pas l'objet d'une mesure de protection peuvent, après leur décès, faire don de leurs organes, tissus ou cellules. Si le respect de la personne décédée est évidemment une préoccupation majeure, aucune distinction ne devrait être faite dans la mort entre les personnes ayant fait l'objet d'une mesure de protection juridique et les autres. C'est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 5 et 6.
Le consentement au don d'organes après la mort obéit à la règle du consentement présumé : tous ceux qui n'ont pas dit qu'ils ne souhaitaient pas donner leurs organes sont considérés comme donneurs. Il s'agit du principe cardinal en matière de droit du don.
Le projet de loi interdit aux majeurs protégés avec représentation relative à la personne de donner leurs organes de leur vivant – alors qu'il étend cette faculté à tous les autres majeurs protégés. Il s'agit en effet des personnes protégées les plus vulnérables, dont on estime qu'elles ne sont malheureusement pas, ou plus, en mesure de décider pour elles-mêmes et, donc, de consentir.
Le Sénat a adopté un amendement visant à ne pas appliquer le droit commun du prélèvement post mortem aux majeurs faisant l'objet d'une protection juridique avec représentation relative à la personne. Par cohérence avec ce qui a été décidé pour le don de leur vivant, on doit considérer que leur consentement éclairé ne peut pas être présumé après leur mort et qu'effectuer des prélèvements dans ces conditions ne serait pas respectueux de leur personne.
J'estime que nous devons mettre le consentement au cœur de toutes nos réflexions et aller au bout de cette démarche. Si l'on considère qu'une personne n'est pas apte à consentir de son vivant, comment pourrait-on présumer son consentement après sa mort ? Je suis donc très défavorable à ces amendements.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte l'article 7 ainsi modifié.
Chapitre Ier bis Conforter la solidarité dans le cadre du don du sang
Article 7 bis : Levée partielle de l'interdiction du don du sang applicable aux majeurs protégés et ouverture du don du sang aux mineurs de 17 ans
Amendements identiques CS1037 du rapporteur et CS562 de Mme Sylvia Pinel.
L'amendement a pour objet de rétablir le principe de non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle des donneurs, adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale en deuxième lecture, avec l'appui de collègues de la majorité comme de l'opposition. Il s'agit d'uniformiser les règles applicables aux donneurs de sang et à inscrire dans la loi un droit identique pour tous, car c'est bien la pratique, et non l'orientation, sexuelle qui constitue un risque, en particulier de transmission du VIH.
Lors de la deuxième lecture, le Gouvernement avait écouté ces arguments sans les entendre entièrement : la disposition qu'il avait introduite en séance est insuffisante. Tout d'abord, en nuançant l'affirmation selon laquelle « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle », elle envoie un signal ambigu. Ensuite, elle n'apporte rien par rapport au droit en vigueur.
Effectivement, en deuxième lecture, la commission spéciale avait adopté une proposition transpartisane, que le Gouvernement avait modifiée en séance et qui visait le don du sang pour les hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes. À ce jour, selon l'arrêté du 17 décembre 2019 en vigueur, ces personnes peuvent donner leur sang si elles n'ont pas eu de relation sexuelle entre hommes au cours des quatre derniers mois. En revanche, le don de plasma leur est ouvert dans les mêmes conditions que pour les autres donneurs.
Si nous convenons que la rédaction actuelle de l'article 7 bis est préférable aux dispositions en vigueur, puisqu'elle ouvre la voie à une révision régulière des critères de sélection, en rétablissant la version initialement adoptée par la commission, l'amendement permettrait, lui, d'acter dans la loi la fin de ce traitement discriminatoire.
Dans les associations de donneurs de sang, les avis sont partagés. Pour ma part, je ne fonde pas mon interrogation sur l'aspect de la non-discrimination – évidemment, nous ne voulons pas de discrimination en fonction de l'orientation sexuelle –, mais j'ai été troublée par le doute qu'avait exprimé Mme Buzyn au nom du Gouvernement. Ce doute doit-il être balayé en vertu du principe de non-discrimination, alors même qu'il a été exprimé par un médecin ? N'est-il pas plus prudent de s'abstenir ?
Les deux ministres de la santé, Agnès Buzyn puis Olivier Véran, se sont largement exprimés sur ce sujet – le député Olivier Véran en avait d'ailleurs fait un de ses combats. Pour autant, il a considéré, comme Agnès Buzyn, qu'il ne fallait pas que la loi change, se conformant au point de vue émis par certaines associations.
L'association AIDES, par exemple, que l'on ne peut pas soupçonner d'être opposée à la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes, notamment en raison de l'orientation sexuelle, estimait ainsi que poser par principe dans la loi que le type de partenaires et leur nombre ne peuvent être une source d'enjeu de sécurité sanitaire est un non-sens, non seulement au regard de l'histoire, mais aussi du point de vue scientifique, et témoigne d'une méconnaissance du droit actuel. Elle considère donc que l'on prendrait un risque sanitaire en retirant de la loi ce type de critère. Dès lors que les associations particulièrement engagées sur le sujet et les ministres de la santé nous interpellent, il est sage de maintenir la disposition telle qu'elle a été votée au Sénat, avec l'avis du Gouvernement.
Le don de sang n'est pas un droit, c'est une nécessité qui est justifiée pour protéger tant le donneur que le receveur. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ces amendements.
Le groupe MODEM avait majoritairement soutenu la rédaction adoptée en deuxième lecture. Il est temps de sortir de cette discrimination infondée, et les réserves ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il s'agit d'offrir aux homosexuels la possibilité de donner leur sang dans les mêmes conditions que les hétérosexuels.
Je partage votre analyse : les réserves ne sont pas à la hauteur des enjeux. Dans plusieurs pays, il n'existe aucune discrimination parmi les donneurs de sang. Vos interrogations, vos doutes sont légitimes, madame Genevard, mais le sur-risque est infime, d'autant que chaque poche de sang est traitée.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS847 de Mme Emmanuelle Ménard.
Amendement CS1012 de M. Marc Delatte.
Les travaux de la commission du Sénat ont abouti à l'adoption de l'article 7 bis, qui autorise le don de sang des mineurs âgés de plus de 17 ans et des personnes majeures protégées, hormis celles faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. L'amendement vise à rétablir le principe d'interdiction du don de sang des mineurs : l'ouverture n'est pas souhaitable en considération de la sécurité des jeunes donneurs.
Par ailleurs, l'amendement réaffirme la compétence du ministre chargé de la santé pour fixer les critères de sélection. En matière de don de sang, les enjeux de sécurité sanitaire doivent toujours prévaloir.
La mesure ouvrant le don de sang aux mineurs de plus de 17 ans reprend une disposition de la proposition de loi visant à la consolidation du modèle français du don du sang de notre collègue Damien Abad, que l'Assemblée nationale a adoptée à l'unanimité en octobre 2018. Elle avait toutefois été supprimée en deuxième lecture du présent projet de loi, au vu des éléments donnés par le ministre. L'ouverture pose en effet des questions tant juridiques et pratiques que de sécurité sanitaire pour les donneurs. Sagesse.
Les amendements suivants, qui tomberont si celui-ci est adopté, visent à supprimer les alinéas 7 et 8. En France, le don se fonde sur le principe du volontariat. Pour qu'il devienne possible pour les mineurs de plus de 17 ans, il faudrait introduire dans le processus la personne qui exerce l'autorité parentale – ce serait complexifier le dispositif et le fragiliser. C'est pourquoi nous sommes favorables à la suppression des alinéas 7 et 8.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements identiques CS102 de M. Thibault Bazin, CS157 de M. Patrick Hetzel, CS289 de M. Xavier Breton, CS674 de Mme Anne-Laure Blin et CS976 de M. Philippe Gosselin tombent.
La commission adopte l'article 7 bis ainsi modifié.
Chapitre Ier ter Encadrer les conditions de dons de corps à des fins d'enseignement médical et de recherche
Article 7 ter : Don de corps à des fins d'enseignement médical et de recherche
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS1038 du rapporteur.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS103 de M. Thibault Bazin.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS1039 du rapporteur.
Amendement CS725 de M. Bastien Lachaud.
Il s'agit d'ajouter un alinéa précisant que « Les établissements de santé, de formation ou de recherche s'engagent à apporter respect et dignité aux corps qui leur sont confiés. »
En 2020 a été révélée la façon dont l'université Paris-Descartes traitait les corps : laissés à pourrir, rongés par les souris au point que certains ont dû être incinérés sans avoir pu être disséqués, les corps étaient empilés les uns sur les autres, sans aucune dignité, en contravention à toute règle éthique.
Il faut garantir aux personnes faisant don de leur corps à la science ou à la recherche médicale que celui-ci sera traité avec respect. C'est le minimum, mais il semble nécessaire de le rappeler étant donné l'expérience récente.
Comment ne pas être d'accord avec vous ? Le respect du corps humain est le premier principe formulé par l'article 16-1 du code civil. Il ne cesse pas avec la mort. L'amendement est donc largement satisfait par un principe plus général et plus fort, ancré dans le code civil. Il s'applique, bien évidemment, aux centres du don du corps, même s'il apparaît qu'il n'a pas été respecté à l'université Paris-Descartes.
L'article 7 ter vise davantage à garantir l'application pratique de ce principe fondamental par des centres du don du corps. Nous avons d'ailleurs adopté en deuxième lecture un amendement permettant de le renforcer, en précisant notamment les modalités de restitution des cendres. Avis défavorable.
L'amendement soulève un vrai problème. S'il n'est pas adopté, il conviendra de le déposer en séance pour interroger le ministre sur les modalités de contrôle. Après les insuffisances et les manquements graves qui ont été constatés, il importe que le Gouvernement s'engage pour que ces contrôles soient effectifs, et que de telles situations ne se reproduisent pas.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 7 ter modifié.
TITRE III APPUYER LA DIFFUSION DES PROGRÈS SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LE RESPECT DES PRINCIPES ÉTHIQUES
Article 11 : Garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé
Amendement CS1042 du rapporteur.
Le présent amendement propose une nouvelle rédaction de l'article 11, afin de procéder à plusieurs évolutions : supprimer la mention selon laquelle aucune décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement algorithmique ; préciser le périmètre des dispositifs visés, en indiquant qu'il concerne des données algorithmiques dont l'apprentissage a été réalisé à partir de données massives ; maintenir l'obligation d'informer le patient avant l'utilisation d'un traitement algorithmique ; prévoir que les informations utiles relatives au recours à un traitement algorithmique, les données du patient utilisées dans ce cadre et les résultats qui en sont issus sont accessibles aux professionnels de santé concernés ; renvoyer à un arrêté du ministre chargé de la santé le soin de fixer les types de traitements entrant dans le champ de cet article.
Lors de leur audition, les représentants de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ont relevé que le texte ne précise pas le moment où l'information doit être délivrée au patient : avant ou après l'usage du traitement ou au moment de la communication des résultats ?
En toute logique, le principe de transparence devrait conduire à une information préalable. C'est d'ailleurs l'esprit du code de la santé publique, qui dispose qu'un patient prend les décisions concernant sa santé en détenant toutes les informations utiles. En matière d'information des personnes, on sait que le moment de la communication des résultats est crucial et que le contexte qui l'entoure est susceptible d'affecter la perception du patient. Pouvez-vous répondre aux interrogations formulées légitimement par la CNIL sur ce sujet sensible ?
L'article 11 a pour vocation de maintenir une information au préalable du patient qui serait concerné par l'utilisation d'un traitement algorithmique.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements CS545 de M. Guillaume Chiche, CS104 de M. Thibault Bazin, CS726 de Mme Danièle Obono, CS418 de M. Cyrille Isaac-Sibille, CS105 de M. Thibault Bazin et CS547 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.
La commission adopte l'article 11 modifié.
Article 12 : Encadrement du recours aux techniques d'imagerie cérébrale et interdiction des discriminations fondées sur les résultats de ces techniques en matière d'assurance
Amendements identiques CS873 du rapporteur et CS1013 de M. Marc Delatte.
Il s'agit de rétablir l'article 12 dans sa rédaction issue de la deuxième lecture de notre assemblée, afin d'interdire le recours à des techniques d'imagerie cérébrale fonctionnelle dans le domaine de l'expertise judiciaire, par exemple en matière de détection de mensonges, celui-ci n'étant pas exempt de risques.
Comme le rapporteur, monsieur Delatte souhaite que soit rétablie l'interdiction expresse de l'usage de la seule imagerie par résonance magnétique fonctionnelle à des fins judiciaires.
Je n'ai rien inféré du tout ; simplement, l'écrire permet de redoubler de précaution et d'écarter le risque d'une utilisation à ces fins.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte l'article 12 ainsi modifié.
TITRE IV SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE
Chapitre Ier Encadrer les recherches sur l'embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites
Avant l'article 14
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS57 de Mme Emmanuelle Ménard et CS9, CS10, CS11 et CS7 de Mme Marie-France Lorho.
Article 14 : Différenciation des régimes juridiques d'autorisation s'appliquant à l'embryon et aux cellules souches embryonnaires
Amendements de suppression CS6 de Mme Marie-France Lorho, CS106 de M. Thibault Bazin, CS158 de M. Patrick Hetzel, CS290 de M. Xavier Breton et CS775 de Mme Anne-Laure Blin.
Toute atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine est condamnée par l'article 16-4 du code civil. L'amendement vise à le faire respecter, en revenant sur la possibilité de mener des recherches sur les cellules souches embryonnaires et l'embryon humain. Dans certains pays, la recherche sur l'embryon humain est interdite. L'Irlande, notamment, l'a rendue inconstitutionnelle, au nom du droit à la vie. Cette législation de bon sens pourrait nous inspirer.
Nous avions indiqué précédemment que tout ce qui relevait de la procréation médicalement assistée (PMA) ou de son élargissement n'était pas un sujet strictement bioéthique. Avec l'article 14, qui traite de la recherche sur l'embryon, nous entrons véritablement dans la dimension bioéthique du présent projet de loi.
M. Bazin souhaite rappeler que l'interdiction des recherches sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires est un principe qui nous est cher et que nous voulons le défendre. Alors que le législateur l'avait décidé en 1994, 2004 et 2011, le gouvernement socialiste l'a supprimé en 2013, à la faveur d'une loi adoptée sans respect des règles applicables aux lois de bioéthique. Nous demandons donc la suppression de l'article 14.
L'article 14 opère une distinction entre les recherches sur les embryons humains et celles sur les cellules souches embryonnaires, de manière à faire passer ces dernières du régime actuel d'autorisation encadrée à celui de la simple déclaration à l'Agence de la biomédecine. Déclarer ou attendre de recevoir une autorisation n'est pas de même nature. Si une cellule souche embryonnaire n'est pas un embryon humain, le législateur ne peut pas oublier qu'elle en émane et que son prélèvement en provoque la destruction.
Nous proposons de supprimer l'article 14, car il nous engagerait dans une libéralisation des recherches. L'absence de dispositif d'autorisation préalable et de contrôle revenant à l'Agence de la biomédecine, risquerait de produire un effet de cliquet et un effet domino. Nous ne le souhaitons pas, car c'est contraire au principe de contrôle en matière d'éthique.
On constate un assouplissement progressif du cadre législatif et réglementaire d'utilisation des cellules souches embryonnaires, qui vise à lever toutes les contraintes. Pourtant, toute cellule souche embryonnaire provient d'une destruction de l'embryon. Il y a d'autres moyens de faire des recherches : l'exemple de l'Irlande le montre. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 14.
Le projet de loi prévoit de dissocier les recherches portant sur les cellules souches embryonnaires du régime applicable aux embryons humains. Nous considérons la distinction comme fallacieuse puisque les cellules souches embryonnaires sont nécessairement obtenues à partir de la destruction d'un embryon humain. À ce titre, dans son arrêt Brüstle du 15 octobre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne avait décidé qu'une invention réalisée à partir d'une lignée de cellules souches embryonnaires ne pouvait donner lieu à la délivrance d'un brevet, car elle portait atteinte à la dignité de la personne humaine.
J'ignore si nous attaquons la partie plus bioéthique du texte, mais nous entrons du moins dans la partie plus scientifique. Mme Genevard m'ayant reproché de tenir un discours trop scientifique lors de l'une des lectures, je m'efforcerai de me contenir.
L'article 14 vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur les embryons et celui des recherches effectuées sur des cellules souches embryonnaires. Soit les recherches portent sur un embryon destiné à naître, et elles sont à visée diagnostique, par exemple un diagnostic préimplantatoire (DPI) ; soit les recherches portent sur des embryons non destinés à naître, des embryons surnuméraires, pour lesquels les couples peuvent faire le choix de la destruction ou d'un don à la recherche – dans ce cas, ils sont maintenus en congélation pendant dix ans au maximum, puis détruits.
La large majorité des embryons qui sont donnés à la recherche par les couples vont à la destruction sans jamais passer par la recherche. L'appel à embryon surnuméraire à des fins de recherche ne répond finalement qu'à la nécessité de rétablir les lignes souches assez régulièrement – une fois par an, voire moins souvent. À force d'être multipliées et mises à croître, les cellules souches embryonnaires dégénèrent. Pour continuer à avoir un état souche de ces cellules, il faut parfois retourner à l'embryon. Les mêmes lignées de cellules souches embryonnaires circulent depuis des années dans les quelques laboratoires habilités en France – ils sont moins d'une dizaine – et font l'objet d'échanges internationaux, dûment contrôlés par l'Agence de la biomédecine.
Les enjeux et les interrogations éthiques ne sont pas les mêmes pour les recherches sur les embryons et pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires. C'est pourquoi le projet de loi prévoit que les premières sont soumises à autorisation de l'Agence de la biomédecine, tandis que les secondes font l'objet d'une simple déclaration auprès de celle-ci.
Les cellules souches dont il est question n'ont aucune capacité à donner un embryon : elles ne sont pas totipotentes, c'est-à-dire capables de redonner un individu. Ce sont des cellules souches pluripotentes, capables de donner un certain type de cellules et, à terme, de tissu. Le distinguo est important.
Quant à la recherche sur l'embryon, elle porte sur des embryons qui n'ont pas vocation à naître et ne font aucunement l'objet d'un projet parental. Ils doivent être détruits après leur utilisation à des fins de recherche.
L'enjeu du projet de loi est de mieux définir et encadrer ces recherches. Nous ne devons pas nous priver des progrès majeurs de la thérapie cellulaire, une notion que certains d'entre vous récusent. Les mois passant, ces progrès explosent. Un grand plan pour la bioproduction des biothérapies, l'Alliance France Bioproduction, sera d'ailleurs officialisé début juillet. Plus de 3 000 exemples d'applications et essais cliniques de thérapies géniques et thérapies cellulaires sont en cours à travers le monde. Il serait vraiment dommage que la France renonce à de telles thérapies, qui pourraient concerner 3 millions d'enfants atteints de maladies rares. Un Français sur vingt est touché par une maladie rare, majoritairement génétique, dont 80 % d'enfants – en tant que président du groupe d'études parlementaires sur le sujet, je m'y intéresse tout particulièrement.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS159 de M. Patrick Hetzel, CS291 de M. Xavier Breton et CS780 de Mme Anne-Laure Blin.
Nous proposons que les recherches sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires humaines soient suspendues pendant un an, le temps que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dresse un bilan de quinze années de recherches dans ces domaines, de manière que nous puissions avoir le recul nécessaire. Un tel bilan serait d'autant plus pertinent que, s'agissant des articles du projet de loi strictement relatifs à la bioéthique, l'étude d'impact est extrêmement faible. Il pourrait notamment nous éclairer sur les controverses portant sur le point de savoir lequel des différents dispositifs de recherche – cellules totipotentes, cellules pluripotentes, cellules souches pluripotentes induites (IPS)… – est le plus pertinent.
Monsieur le rapporteur, en rappelant que 3 millions d'enfants sont atteints de maladies rares, vous laissez à penser que, du fait de nos prises de position, nous serions indifférents à leur sort. Bien entendu, nous voulons, comme vous, que la recherche progresse et que ces maladies puissent être traitées. Mais nous estimons que des précautions éthiques doivent être prises dès lors que l'on touche aux embryons et aux cellules souches embryonnaires. C'est pourquoi il ne nous paraît pas souhaitable d'affaiblir, comme vous le proposez, la protection de ces dernières. Par ailleurs, il convient de dresser des bilans réguliers des recherches effectuées dans ces domaines, ce qui suppose de suspendre les travaux, le temps d'évaluer leurs apports exacts. L'évaluation est insuffisante, en France.
Ma réponse portera sur les différents amendements de rédaction globale de l'article 14.
Tout d'abord, certains d'entre eux font référence à « l'homme et la femme qui forment le couple » ; une telle rédaction est en contradiction avec ce que nous venons de voter et les rendrait inopérants.
Ensuite, nous avons assisté, en moins de dix mois, à l'occasion de la pandémie, à une innovation de rupture fondamentale dans le domaine de la vaccination, voire dans celui du traitement du cancer. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de suspendre les recherches pendant un an : la compétition internationale est telle qu'il nous serait impossible de rattraper le retard pris.
D'autres amendements tendent à rétablir le régime d'autorisation pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires. Encore une fois, ces cellules, qui se caractérisent par leur pluripotence, ne sont pas des embryons ; elles n'ont pas non plus la capacité de le devenir. Il n'y a donc aucune raison de continuer de les soumettre à un régime identique à celui qui s'applique à ces derniers. Tout l'intérêt de l'article 14 est précisément de différencier les statuts juridiques des recherches portant respectivement sur les uns et sur les autres. Le projet de loi permet avant tout de mettre en cohérence le droit existant en matière de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires.
Enfin, il me semble avoir expliqué l'utilité et l'importance cruciale de ces cellules pour la recherche. Demain matin, se tient le congrès des 320 associations de l'Alliance maladies rares, qui aura pour thème « Thérapies géniques et thérapies cellulaires ». Vous y êtes bien entendu invités ! Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS107 de M. Thibault Bazin, CS160 de M. Patrick Hetzel, CS292 de M. Xavier Breton et CS783 de Mme Anne-Laure Blin.
Il faut être très clair : les thérapies géniques doivent être distinguées des thérapies cellulaires.
Le Journal officiel nous apprend qu'au mois de mars dernier, l'autorisation a été donnée de mener des recherches sur 200 embryons humains. Je ne suis donc pas certain de la validité de l'argument selon lequel il faut desserrer l'étau au motif que les autorisations seraient très rares. Par ailleurs, à ce jour, à ma connaissance, un seul essai clinique, dirigé par Mme Monville, est mené sur des cellules souches embryonnaires humaines, et l'on n'a pas encore pu mesurer quel serait l'impact de ces travaux. Enfin, par rapport à quoi la suspension des recherches nous ferait-elle prendre du retard ? Aux États-Unis, par exemple, certains travaux portant sur des éléments viraux ont été suspendus à la suite de la pandémie parce qu'on estime ne pas avoir de recul suffisant sur les techniques utilisées.
Notre objectif est de veiller au respect de l'esprit des lois de bioéthique, dont l'objet est bien de prévoir des garde-fous. Où sont-ils ? L'éthique à la française doit continuer à être montrée en exemple.
La dichotomie que vous établissez entre thérapie génique et thérapie cellulaire n'existe pas. Si certaines thérapies géniques recourent directement à des vectorisations virales, la plupart d'entre elles consistent à sélectionner une cellule et à corriger le gène impliqué dans la pathologie avant de la réimplanter en tant qu'agent thérapeutique. Par ailleurs, votre allusion aux recherches américaines en virologie n'a guère de rapport avec le sujet de notre discussion. Néanmoins, je le précise, en France, et c'est une chance, l'ensemble des recherches dont nous parlons ce matin sont menées au sein d'organismes publics – Centre national de la recherche scientifique, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Institut Pasteur… – et sont donc soumises à un contrôle très strict, et tant mieux ! J'ai toute confiance dans l'Agence de la biomédecine. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS108 de M. Thibault Bazin, CS161 de M. Patrick Hetzel, CS293 de M. Xavier Breton, CS785 de Mme Anne-Laure Blin et CS988 de M. Philippe Gosselin.
Monsieur le rapporteur, vous venez de plaider en faveur du contrôle exercé par l'Agence de la biomédecine, mais le projet de loi tend à sortir les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines du régime actuel en substituant aux autorisations de simples déclarations. Quant à ma comparaison avec les recherches en virologie, elle visait simplement à illustrer le fait qu'on juge parfois utile de suspendre certaines recherches scientifiques pour prendre le recul nécessaire – et je parle là de grands pays dont on ne peut pas dire qu'ils soient en retard dans le domaine de la recherche. Je peux entendre que vous ne partagiez pas notre point de vue, mais il est légitime de soulever la question.
J'ajoute qu'au Japon, les recherches ont été orientées vers les cellules IPS, qui permettent d'éviter la destruction de nouveaux embryons. C'est un choix intéressant du point de vue éthique. Du reste, Mme Buzyn, qui avait affirmé dans un premier temps que l'embryon était un amas de cellules, était ensuite revenue sur sa déclaration, estimant qu'il importait de prendre certaines précautions dès lors que des travaux portaient sur l'embryon ou sur les cellules souches embryonnaires humaines, qui nécessitent la destruction d'embryons.
La collectivité scientifique ne travaille pas seule dans son coin : les questions éthiques font l'objet de réunions très régulières à l'échelle nationale, européenne et mondiale. On se souvient, par exemple, qu'à la fin des années 1970, le traité d'Asilomar avait interrompu les recherches en biologie moléculaire après qu'eut été découverte la possibilité de recombiner les ADN de deux espèces différentes. Et ces derniers mois, de nombreuses réunions ont porté sur la technique révolutionnaire des ciseaux moléculaires, pour laquelle la Française Emmanuelle Charpentier a obtenu le prix Nobel l'an dernier. Ne vous inquiétez donc pas !
Quant aux cellules IPS, elles offrent certes des perspectives très intéressantes mais, à ce jour, elles ne sont pas encore, hélas ! une solution de remplacement, ne serait-ce que parce que, produites à partir d'une cellule d'adulte dans laquelle on injecte quatre gènes, dont c-Myc, qui est l'un des plus puissants gènes du cancer, elles présentent un risque de cancérisation. En outre, on ne dispose pas encore de toutes les études qui permettent de comparer l'état d'une cellule souche embryonnaire – dont on aimerait bien se passer – avec celui d'une cellule IPS. Or, pour réaliser ces travaux de comparaison, il faut pouvoir recourir aux deux types de cellules. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS162 de M. Patrick Hetzel, CS294 de M. Xavier Breton, CS678 de Mme Anne-Laure Blin et CS977 de M. Philippe Gosselin.
Une précision, monsieur le rapporteur : la thérapie génique consiste à modifier un ou plusieurs gènes alors que la thérapie cellulaire consiste à greffer des cellules souches – c'est du moins ce que j'ai retenu de mes échanges avec les professeurs Fischer et Munnich.
La thérapie génique consiste à apporter, soit un gène qui fait défaut, soit un gène qui corrige un défaut. Pour apporter le gène dans le tissu ou l'organe concerné, on peut recourir à la voie virale, en utilisant des adénovirus désarmés, ou modifier la cellule pour la réinjecter – cette dernière technique étant d'ailleurs celle qui est utilisée dans la plupart des traitements du cancer. Les deux thérapies sont ainsi très fréquemment associées. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS109 de M. Thibault Bazin, CS163 de M. Patrick Hetzel, CS295 de M. Xavier Breton, CS681 de Mme Anne-Laure Blin et CS978 de M. Philippe Gosselin.
Il s'agit de réécrire le I de l'article 14, qui tend à autoriser certaines recherches sans prendre en compte les risques qu'elles pourraient présenter pour la descendance.
La rédaction de la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 était très ambiguë, comme l'a relevé le Conseil d'État. Il y a deux régimes juridiques distincts : celui des recherches portant sur des embryons à naître – qui impliquent la personne et doivent avoir pour motifs le bénéfice de l'embryon et la protection de la santé de la femme – et celui des recherches portant sur des embryons qui ne naîtront pas. Il fallait séparer très clairement ces deux régimes. Ainsi les dispositions sur les recherches portant sur l'embryon figurent-elles désormais à deux endroits distincts pour éviter toute confusion.
Par ailleurs, vous proposez de préciser que « ces recherches ne peuvent porter atteinte à l'embryon humain » et qu'elles « sont menées au bénéfice de celui-ci ». Sur ce point, les amendements sont satisfaits par le texte. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS110 de M. Thibault Bazin.
Il convient, pour des raisons éthiques, de circonscrire les potentielles recherches sur l'embryon humain destiné à être implanté.
Le cadre des recherches sur les embryons menées lors d'une PMA est bien celui des recherches impliquant la personne. Ce cadre semble tout à fait adapté et cohérent avec les précédentes dispositions législatives, notamment celles de la loi de modernisation de notre système de santé. Nos chercheurs agissent de manière responsable. Bien entendu, ces recherches ne portent pas atteinte au développement de l'embryon et permettent d'accroître les chances de succès de la PMA. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS510 de Mme Annie Genevard et CS1018 de M. Julien Aubert.
Il s'agit d'interdire la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.
Vous voulez mettre un terme à des centaines de recherches en cours. Je ne peux évidemment pas vous suivre : notre priorité est la santé publique. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS59 de Mme Emmanuelle Ménard, amendements identiques CS167 de M. Patrick Hetzel, CS299 de M. Xavier Breton et CS694 de Mme Anne-Laure Blin (discussion commune).
Il ne me semble pas souhaitable d'affaiblir, comme cela est proposé à l'article 14, la protection qui entoure la recherche sur les cellules souches embryonnaires, car des garde-fous sont nécessaires.
Monsieur le rapporteur, thérapie génique et thérapie cellulaire sont intimement liées, avez-vous dit, l'une étant utilisée dans le cadre de l'autre. Il me semblait pourtant qu'elles étaient très différentes et que la recherche sur l'embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires concernait exclusivement la thérapie cellulaire. Or il semble que la thérapie cellulaire utilisant les cellules souches embryonnaires n'ait pas fait ses preuves, puisqu'elle n'aurait obtenu aucun résultat. Dès lors, pourquoi vouloir absolument faciliter la recherche sur ce type de cellules en affaiblissant le régime de protection qui l'entoure ?
L'une des questions fondamentales est de savoir s'il existe d'autres pistes de recherche afin d'éviter à tout prix la chosification des embryons ou des cellules souches embryonnaires humaines. Monsieur le rapporteur, le risque de cancérisation que vous avez évoqué à propos des thérapies cellulaires ne concerne pas exclusivement les IPS : le problème est le même, semble-t-il, si l'on travaille sur des cellules souches embryonnaires humaines. L'apport de ces dernières par rapport aux IPS n'est donc pas un argument.
Deux exemples d'utilisation de thérapies cellulaires avec cellules souches embryonnaires : l'infarctus, dans les zones infarcies du cœur, où les résultats sont éloquents – je renvoie aux travaux pionniers du professeur Menasché – et la chorée de Huntington, pour laquelle nous connaissons le dysfonctionnement du gène qui la cause, la huntingtine. Il faut donc à la fois injecter le gène correcteur et faire en sorte que les cellules souches embryonnaires puissent remplacer les cellules mortes, par exemple celles de l'hippocampe afin d'endiguer la dégénérescence des neurones. La thérapie est forcément double, à la fois génique et cellulaire. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Serait-il possible aux services de l'Assemblée de mettre en ligne les articles sur Eloi dès leur vote, de manière à ce que nous puissions déposer à temps nos amendements pour la discussion en séance publique ?
Le délai de dépôt sera reporté, vraisemblablement à samedi midi, compte tenu de la durée de nos travaux. Nous attendons une réponse officielle. Les services mettent en ligne les articles dès qu'ils le peuvent et font le maximum mais ils sont très sollicités.
Je les remercie pour leur célérité, qui nous sera précieuse, ainsi qu'à nos collaborateurs.
Amendement CS58 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'alinéa 5 exclut la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines du périmètre de la loi sur la recherche sur l'embryon.
Il convient de rappeler que ces cellules sont issues de la masse interne de l'embryon de quatre ou cinq jours. Leur extraction d'un embryon humain implique donc inévitablement la destruction de celui-ci. L'utilisation de lignées de cellules embryonnaires dans le cadre de protocoles de recherche a donc pour préalable la destruction d'embryons humains. Il convient d'être particulièrement vigilant sur ces utilisations.
Puisque la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines présente, me semble-t-il, les mêmes enjeux éthiques que la recherche sur l'embryon, je ne comprends pas ce qui justifie deux régimes de recherche ou de déclaration différents.
Nous souhaitons en effet distinguer juridiquement les deux « modèles ». Les cellules souches embryonnaires proviennent de la masse interne de l'embryon mais, dans la quasi-totalité des cas, le travail s'effectue sur des souches établies dans tel ou tel laboratoire ou transférées après autorisation de l'ABM ; ce n'est que dans une proportion infinitésimale que l'on a recours à l'embryon afin d'établir de nouvelles lignées, lorsque les cellules perdent leurs caractéristiques souches, après plusieurs années. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS8 et CS13 de Mme Marie-France Lorho.
Amendements identiques CS113 de M. Thibault Bazin, CS168 de M. Patrick Hetzel, CS300 de M. Xavier Breton et CS695 de Mme Anne-Laure Blin.
Dans un souci de transparence, le bien-fondé scientifique et médical de la recherche doit être prouvé et rendu intelligible par tous les acteurs du processus d'autorisation du protocole de recherche, a fortiori lorsque les recherches sont menées sur fonds publics au sein d'organismes publics.
J'entends bien les incertitudes inhérentes à la recherche fondamentale mais nous devons connaître les orientations de cette dernière. Les demandes d'autorisation, de ce point de vue, sont parfois lacunaires.
La loi ne doit jamais être trop bavarde. Les protocoles de recherches soumis à autorisation ou à déclaration sont très rigoureux. La pertinence scientifique, la finalité médicale, l'absence d'autres alternatives doivent être démontrés – faute de quoi les projets ne seront pas retenus –, dans le cadre, bien sûr, du respect des principes fondamentaux attachés à la recherche sur l'embryon. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS169 de M. Patrick Hetzel, CS301 de M. Xavier Breton, CS697 de Mme Anne-Laure Blin et CS980 de M. Philippe Gosselin.
Le prérequis d'une expérimentation animale avant l'expérimentation humaine doit être inscrit dans la loi.
Ces amendements sont satisfaits par le troisième critère de vérification de l'ABM : « En l'état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons humains ». Malheureusement, ce sera parfois le cas faute de correspondances entre les modèles embryonnaires. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS12 de Mme Marie-France Lorho.
Amendements identiques CS171 de M. Patrick Hetzel, CS303 de M. Xavier Breton , CS701 de Mme Anne-Laure Blin et CS982 de M. Philippe Gosselin, et amendements identiques CS170 de M. Patrick Hetzel, CS302 de M. Xavier Breton et CS699 de Mme Anne-Laure Blin (discussion commune).
Je propose de compléter l'alinéa 7 en indiquant que les recherches doivent être susceptibles de « permettre des progrès thérapeutiques majeurs », ce qui revient à en connaître les attendus, même si j'entends les contraintes de la recherche fondamentale. Il me paraît nécessaire d'inscrire une telle précision dans la loi, des travaux effectués à partir de cellules souches embryonnaires humaines ayant débouché sur des impasses, comme l'a fait remarquer le professeur Menasché lui-même.
La formule « finalité médicale » manque de précision et nous avons en effet besoin d'être plus ambitieux.
La loi de bioéthique de 2004 n'avait pas autorisé la recherche sur les embryons. Néanmoins, un moratoire instituant un cadre dérogatoire de cinq ans avait été prévu pour autoriser les projets de recherche s'ils apportaient des progrès thérapeutiques majeurs. Entre 2004 et 2011, soixante projets ont été autorisés sans que, au bout du compte, des progrès thérapeutiques majeurs aient été accomplis, en France ou ailleurs. D'où la loi de bioéthique de 2011, maintenant l'interdiction des recherches embryonnaires, avec une dérogation pour les embryons surnuméraires sous réserve de l'accord du couple. On le voit, la question demeure fondamentale.
Je propose, en repli, de préciser que ces recherches permettent « des progrès médicaux majeurs identifiés ou identifiables ». Ne soyons pas naïfs : la dimension médicale est parfois un simple prétexte pour certains chercheurs.
Personne ne fait de la recherche sous des prétextes. Ce sont des objectifs qui sont visés.
La formule « finalité médicale » a été adoptée après dix ans de discussions, à la suite d'un rapport de l'OPECST soulignant la nature restrictive du caractère thérapeutique, lequel pouvait faire obstacle à la recherche fondamentale. En outre, il ne faut pas laisser croire que des progrès thérapeutiques seront nécessairement au rendez-vous alors que de nombreux espoirs peuvent être déçus. Ne faisons pas trop rêver les gens… Enfin, le critère thérapeutique ne permet pas d'inclure d'autres activités médicales, comme, par exemple, le diagnostic ou la prévention. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS478 de M. Thibault Bazin et CS761 de M. Julien Ravier.
Il convient de limiter la recherche sur des embryons aux seules perspectives médicales. La simple « connaissance de la biologie humaine », si elle n'a pas d'intérêt médical, ne doit pas primer sur une vision éthique de l'embryon.
La rédaction du Sénat, qui inclut également la possibilité de viser à l'« amélioration de la connaissance de la biologie humaine », me semble appropriée. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS407 de M. Patrick Hetzel, CS412 de M. Xavier Breton, CS420 de Mme Emmanuelle Ménard, CS628 de Mme Agnès Thill, CS704 de Mme Anne-Laure Blin et CS983 de M. Philippe Gosselin.
Il convient de supprimer la fin de l'alinéa 7 relative à l'« amélioration de la connaissance de la biologie humaine ».
La modification, pour la quatrième fois en dix ans, des textes concernant la recherche sur l'embryon humain ne s'impose pas. Cet ajout effectué en deuxième lecture au Sénat consiste à rendre possible la recherche fondamentale sur l'embryon humain pour la pure connaissance, sans finalité thérapeutique, et donc à le priver de la protection adéquate exigée par la convention d'Oviedo.
L'embryologie se passe de l'embryon humain depuis de nombreuses années, notre connaissance du développement embryonnaire ayant été acquise grâce notamment à la recherche sur l'embryon animal. John Gurdon, prix Nobel de physiologie et de médecine en 2012, leader en embryologie du développement, a réalisé tous ses travaux à partir d'embryons d'amphibiens. Le spectre peut être sans doute un peu plus large que ne le laisse accroire un certain discours.
Le Sénat a en effet souhaité élargir les conditions pour autoriser la recherche afin d'« améliorer la connaissance de la biologie humaine ». Nous devons faire preuve de prudence tant une telle amplitude peut laisser la porte ouverte à un libéralisme de plus en plus grand alors que, au contraire, un plus grand contrôle s'impose.
M. le rapporteur est dans son rôle lorsqu'il met en avant les arguments scientifiques, mais nous discutons d'une loi de bioéthique et il ne parle jamais d'éthique !
La création de modèles embryonnaires à usage scientifique ne doit pas être une façon de contourner la convention internationale d'Oviedo. Nous devons veiller, en tant que législateurs, aux dimensions à la fois scientifiques et éthiques, donc, revoir la rédaction de cet alinéa 7 sénatorial.
Est-ce moi, madame Genevard, qui évoque des travaux menés sur des embryons d'amphibiens, plus précisément, sur le crapaud africain Xenopus laevis, par notre ami Gurdon dans les années 1970 pour comprendre la division des cellules ? Je suis donc obligé de parler de science tant le niveau scientifique des amendements de M. Bazin est de plus en plus élevé !
En deuxième lecture, j'avais supprimé ce que votre collègue Les Républicains du Sénat, Corinne Imbert, vient de réintroduire. Finalement, je lui donne raison lorsqu'elle déclare que « toute recherche sur l'embryon participe potentiellement de l'ambition de réaliser des progrès médicaux sans qu'il puisse être démontré avec précision et ab initio l'intérêt d'une recherche fondamentale en termes thérapeutiques. » De fait, il ne faut pas s'imaginer que c'est en travaillant sur le cancer qu'on va le soigner. C'est bien plutôt en élevant les connaissances globales, transdisciplinaires, que l'on pourrait espérer, un jour, guérir, par exemple les cancers. L'objectif premier est toujours l'augmentation de notre niveau de connaissances, avant d'en tirer d'éventuelles applications, d'ailleurs sans garantie aucune – c'est ce qui distingue recherches fondamentale et appliquée. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS494 de Mme Agnès Thill, amendements identiques CS172 de M. Patrick Hetzel, CS304 de M. Xavier Breton et CS702 de Mme Anne-Laure Blin, amendement CS495 de Mme Agnès Thill (discussion commune).
Il convient d'encadrer strictement l'autorisation et la réalisation des recherches sur embryon afin de préserver ce fondement du modèle bioéthique français qu'est le principe de précaution, en complétement l'alinéa 7 par une référence à « un impératif thérapeutique absolu ».
Ne fait-on pas « trop rêver les gens » avec la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, qui est bien loin de pouvoir sauver des patients ? La « finalité médicale » est une formule suffisamment évasive pour que les chercheurs aient les coudées franches. Or il convient de trouver un équilibre entre la recherche fondamentale et l'effectivité des progrès. La recherche vise à améliorer le niveau des connaissances mais aussi la vie des gens.
Cette recherche d'un équilibre est en effet souhaitable et s'inscrit dans la philosophie de ce texte. Or nous avons insuffisamment évoqué les autres solutions possibles. C'est pourquoi les recherches doivent être subordonnées à « un impératif thérapeutique absolu pour lequel aucune solution alternative n'est connue ». Que pensez-vous donc de ces alternatives, monsieur le rapporteur ?
Personne ne souhaite opposer recherche fondamentale et appliquée à vocation thérapeutique. Nous savons que la première fait progresser le niveau global des connaissances lesquelles, parfois, peuvent être appliquées sur un plan médical et thérapeutique. Seulement, outre que la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires est très particulière, les procédures de déclaration et d'autorisation ont été libéralisées. Vous comprendrez donc que nombre d'entre nous s'inquiètent des dérives qui peuvent exister à l'étranger et qui, par capillarité, peuvent remettre en cause notre modèle bioéthique tel qu'il s'est constitué depuis des dizaines d'années.
Je souscris à vos propos, monsieur Brindeau. Je pense, par exemple, au chercheur chinois qui a voulu rendre des jumelles résistantes au sida : c'était tout simplement du délire. Heureusement, il a été mis au ban de la société scientifique et il est désormais en prison. Mais nous ne pouvons pas, hélas ! contrôler ce qui se fait en Chine, même si je serais curieux de savoir ce qui se fait dans les laboratoires de Wuhan…
Monsieur Hetzel, j'ai le sentiment que vous êtes en train d'évoluer. Vous êtes parti d'une exigence thérapeutique absolue et vous semblez désormais reconnaître que le fait d'imposer une visée thérapeutique serait inopérant. On ne peut jamais garantir qu'une recherche va conduire à une thérapeutique. C'est toujours un espoir, mais ce serait une folie de vouloir en faire une certitude.
Madame Genevard, si une alternative existe, l'Agence de la biomédecine ne donnera pas son autorisation : c'est aussi simple que cela. Il faut prouver qu'il n'y a pas d'alternative pour être autorisé à utiliser des cellules embryonnaires. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS114 de M. Thibault Bazin, CS173 de M. Patrick Hetzel, CS305 de M. Xavier Breton et CS706 de Mme Anne-Laure Blin.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu'il faudra prouver l'absence d'alternative. Il me semble que la rédaction adoptée dans la loi de 2011 était plus explicite et garantissait mieux ce cadre. Nous proposons donc de la rétablir en rédigeant ainsi la fin de l'alinéa 8 : « il est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ; ».
Je répète que pour obtenir l'autorisation de passer à un modèle embryonnaire humain, le chercheur devra faire la démonstration qu'il n'y a pas d'alternative et qu'il est déjà passé par les modèles animaux – lesquels sont rarement conclusifs, a fortiori si l'on a une visée thérapeutique. Vos amendements me semblent donc satisfaits. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS509 de Mme Annie Genevard et CS1006 de M. Julien Aubert.
Amendement CS60 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'article L. 2141-8 du code de la santé publique dispose qu'« un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles ». Il convient de le rappeler ici, alors que l'article L. 2151-5, correspondant aux modalités d'autorisation de la recherche sur l'embryon, est totalement refondu.
L'article L. 2141-8 du code de la santé publique concerne les embryons conçus dans le cadre d'une PMA et nous parlons ici des embryons utilisés dans le cadre de la recherche. Or il existe une interdiction générale de création d'embryon dans ce cadre – j'aurai l'occasion d'y revenir. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS61 de Mme Emmanuelle Ménard, CS174 de M. Patrick Hetzel, CS306 de M. Xavier Breton et CS707 de Mme Anne-Laure Blin.
Il s'agit d'encadrer encore davantage la recherche sur l'embryon humain. Parce qu'il n'est pas un simple objet de laboratoire, des protections particulières lui sont accordées. Il convient de lui en assurer davantage et d'inscrire cela dans le code de la santé publique.
Il faut absolument nous assurer que ce que nous inscrivons dans la loi ne peut constituer un contournement de la convention d'Oviedo.
Vous proposez d'ajouter un critère supplémentaire : l'intégrité de l'embryon. La ficelle est un peu grosse ! Vous savez bien qu'en prélevant des cellules souches sur des embryons surnuméraires, on les détruit. Voter ces amendements reviendrait donc à interdire purement et simplement la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS115 de M. Thibault Bazin.
Amendements identiques CS175 de M. Patrick Hetzel, CS307 de M. Xavier Breton et CS708 de Mme Anne-Laure Blin.
Nous proposons d'insérer, après l'alinéa 9, l'alinéa suivant : « Aucune recherche sur l'embryon humain ne peut être autorisée pour l'exécution de travaux de recherche portant sur la modélisation des pathologies et sur le criblage des molécules. »
En admettant que l'on puisse autoriser les recherches sur l'embryon humain lorsqu'elles sont « susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs » ou lorsqu'elles ont une « finalité médicale », il faut définir ce que l'on entend par « médical ». Il ne saurait être question d'autoriser la recherche sur l'embryon humain pour la recherche pharmaceutique et d'utiliser des cellules embryonnaires dans ce but. Quant aux techniques d'AMP, leur amélioration peut résulter de la recherche sur les cellules souches animales sans que l'on ait besoin de recourir aux cellules souches embryonnaires humaines. Il faut donc exclure totalement ces recherches.
Les cellules souches embryonnaires sont prélevées sur des embryons qui présentent de graves anomalies génétiques. L'étude des cellules souches porteuses de mutations doit d'abord nous permettre de comprendre ce qui ne marche pas : c'est ce qui relève de la recherche fondamentale. Mais il y a un continuum et on passe à la recherche appliquée en essayant de corriger ce qui ne marche pas, afin de lutter contre certaines pathologies. Or cela peut passer par le criblage de certaines molécules. Vos amendements nous priveraient de cette opportunité : j'y suis donc défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS63 de Mme Emmanuelle Ménard et CS117 de M. Thibault Bazin (discussion commune).
L'embryon est la forme la plus jeune de l'être humain. À ce titre, il doit être protégé. Sa dignité ne saurait être conditionnée à l'existence d'un projet parental : il a une dignité propre.
Nous proposons de rédiger l'alinéa 10 de la manière suivante : « Le fait que l'embryon humain fasse ou non l'objet d'un projet parental ne conditionne pas le respect dû à sa dignité et à son intégrité physique. »
À travers cet amendement, notre collègue Thibaut Bazin pose des questions essentielles. Est-ce qu'un embryon qui fait l'objet d'un projet parental a plus de valeur qu'un autre embryon ? L'absence de projet parental enlèverait-elle à l'embryon son humanité ? Chaque embryon n'est-il pas un être en devenir, unique et donc irremplaçable ?
Pour revenir un peu en arrière, vous avez dit, monsieur Hetzel, que l'on pourrait s'en tenir aux modèles animaux. Mais c'est impossible pour les recherches sur la stérilité, car certains de ses facteurs sont propres à l'espèce humaine : ils sont liés à certaines activités ou codés par certains gènes. J'ai moi-même travaillé sur les facteurs de fertilité portés par le chromosome Y et, malheureusement, ce type de recherche ne peut se faire que chez l'homme.
Madame Ménard, les embryons ne sont pas revêtus de la personnalité morale mais ils n'en sont pas moins appréhendés comme des personnes humaines potentielles, à qui nous devons effectivement le respect. C'est pourquoi le législateur a encadré les recherches qui portent sur eux en interdisant certaines finalités, sans pour autant interdire toutes les recherches.
Rappelons enfin que l'embryon, dans le cadre des recherches, est détruit au bout de quatorze jours – c'est la durée qu'a retenue le Sénat. On ne peut donc pas l'appréhender comme une personne.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS116 de M. Thibault Bazin, CS176 de M. Patrick Hetzel, CS308 de M. Xavier Breton, CS710 de Mme Anne-Laure Blin et CS984 de M. Philippe Gosselin.
Il s'agit de revenir à une rédaction antérieure de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, qui prévoit que le consentement du couple fait l'objet d'une vérification.
Vos amendements sont déjà satisfaits. La rédaction du II de l'article L. 2151-5 a été modifiée par l'article 16 du projet de loi adopté conforme en deuxième lecture par nos collègues sénateurs. Les conditions relatives à l'absence de projet parental, à l'information portant sur les autres finalités assignées à l'embryon, au consentement et au délai de réflexion demeurent, mais de manière plus implicite. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS62 de Mme Emmanuelle Ménard.
Amendements identiques CS408 de M. Patrick Hetzel, CS413 de M. Xavier Breton, CS511 de M. Thibault Bazin, CS675 de Mme Emmanuelle Ménard et CS721 de Mme Anne-Laure Blin.
Il s'agit de vérifier le consentement des parents dont l'embryon va être utilisé. Cette exigence de vérification semble essentielle pour respecter la volonté des parents et assurer un encadrement de la recherche digne de ce nom.
L'Agence de la biomédecine délivre depuis quelque temps des autorisations de recherche qui utilisent 40, 50, voire 200 embryons humains. Compte tenu du volume important d'embryons humains utilisés pour la recherche, et donc détruits, il est primordial de s'assurer que les parents ont bien donné leur consentement.
Il s'agit de reprendre l'actuelle rédaction de l'alinéa 6 de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique pour s'assurer du consentement des parents à donner leurs embryons conçus in vitro.
Les modalités de recueil du consentement sont prévues par le texte. Il va de soi que les embryons destinés à la recherche ne peuvent l'être qu'après le recueil du consentement.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS64 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il importe de préciser les conditions du recueil du consentement. Le fait de proposer un embryon à la recherche doit faire l'objet d'une acceptation venant des deux membres du couple.
Votre amendement est satisfait par l'article 16, qui réécrit globalement l'article L. 2141-4 du code de la santé publique
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS177 de M. Patrick Hetzel, CS309 de M. Xavier Breton, CS713 de Mme Anne-Laure Blin et CS985 de M. Philippe Gosselin.
Afin de protéger la liberté de choix des individus au sein du couple et d'éviter que l'un des deux membres ne s'exprime à la place de l'autre, nous proposons de compléter l'alinéa 10 par la phrase suivante : « Aucune autorisation ne peut être donnée si l'un des deux membres du couple ne donne pas son consentement exprès. »
Ces amendements sont satisfaits par l'article 16, qui a été adopté conforme par le Sénat. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS178 de M. Patrick Hetzel, CS310 de M. Xavier Breton et CS719 de Mme Anne-Laure Blin.
Il s'agit d'améliorer la qualité de l'information donnée au patient en complétant l'alinéa 10 par la phrase suivante : « Dans le cas où les deux membres du couple ou le membre survivant consentent à ce que leurs embryons humains surnuméraires fassent l'objet de recherches, ils sont informés de la nature des recherches projetées afin de leur permettre de donner un consentement libre et éclairé. »
La fin du projet parental modifie la destination de l'embryon, dont le destin ne concerne plus le couple, le membre survivant ou la femme seule ; il concerne désormais le chercheur.
Il peut s'écouler beaucoup de temps, plusieurs années, entre le moment où l'embryon est donné à la recherche et celui où il fait effectivement l'objet d'une recherche. Dans ces conditions, il est difficile de donner d'emblée des indications sur la nature des recherches qui seront faites ; et il est tout aussi difficile de recontacter les personnes a posteriori.
Enfin, un embryon donné à la recherche ne fait pas nécessairement l'objet d'une recherche ; c'est même le cas le plus fréquent. La rédaction que vous proposez est inopérante, car elle ne prévoit pas ce cas de figure.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS65 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il serait intéressant que la décision de l'Agence de la biomédecine, en plus de l'avis de son conseil d'orientation, soit motivée, afin que soit démontrée la pertinence d'une recherche sur l'embryon.
L'Agence doit motiver, c'est-à-dire justifier, les décisions individuelles défavorables ou dérogatoires. Autrement dit, elle doit motiver son refus, non son autorisation. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS1022 du rapporteur.
Amendements identiques CS179 de M. Patrick Hetzel et CS311 de M. Xavier Breton, amendements identiques CS66 de Mme Emmanuelle Ménard et CS722 de Mme Anne-Laure Blin et amendement CS118 de M. Thibault Bazin (discussion commune).
Si un projet de recherche viole la loi, le règlement ou les conditions de l'autorisation, on ne peut se contenter de suspendre les travaux : il faut sanctionner les chercheurs et leur retirer sans délai l'autorisation qui leur a été accordée. Se contenter de suspendre la recherche, c'est rester dans un entre-deux.
Si l'Agence de la biomédecine découvre des violations de prescriptions législatives ou réglementaires ou de celles fixées par l'autorisation, elle doit immédiatement retirer cette autorisation, et non se contenter d'émettre des recommandations.
Vous revenez à la charge pour envisager d'emblée le retrait de l'autorisation de recherche plutôt que sa suspension. Or celle-ci est nécessaire pour diligenter des inspections, vérifier le respect du droit et garantir le respect du principe du contradictoire ; le retrait pourra intervenir dans un deuxième temps. Ces deux phases sont tout à fait nécessaires. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS67 de Mme Emmanuelle Ménard.
Je propose que tout organisme suspectant un laboratoire de pratiquer des manipulations sur des embryons humains non autorisées par l'Agence de la biomédecine puisse saisir celle-ci afin qu'elle procède à une inspection. Elle vérifiera que les recherches respectent bien le cadre légal.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS120 de M. Thibault Bazin.
Notre collègue Thibault Bazin demande la suppression de l'alinéa 15 et pose la question suivante : tout ce qui devient techniquement possible doit-il être autorisé ?
La conservation des embryons in vitro est autorisée jusqu'au quatorzième jour. Depuis que la France a rendu possible la recherche sur l'embryon, il est d'usage de ne pas conserver les embryons au-delà du septième jour de leur développement, qui correspondait, jusqu'à très récemment, à la faisabilité technique. Or, en 2016, deux équipes, l'une aux États-Unis, l'autre au Royaume-Uni, ont réussi à maintenir en vie des embryons jusqu'à leur quatorzième jour de développement. Devenue techniquement possible, la conservation des embryons jusqu'au quatorzième jour est-elle éthique ? Ne doit-on pas poser au délai de conservation une limite éthique indépendante de ce que permet la technique ? Certains scientifiques étrangers proposent déjà une extension jusqu'au vingt-huitième jour.
Les équipes citées plus haut n'étaient pas tenues de respecter la convention d'Oviedo, mais les chercheurs basés en France le sont, puisque la France a ratifié cette convention par la dernière loi de bioéthique de 2011. Et son article 18 garantit « une protection adéquate de l'embryon humain ».
Supprimer l'alinéa 15 reviendrait à supprimer, premièrement, l'interdiction de transférer les embryons sur lesquels une recherche a été conduite et, deuxièmement, toute fixation d'un délai maximal pour les embryons sur lesquels une recherche est conduite. Bref, supprimer cet alinéa, c'est mettre fin à l'encadrement de la recherche sur les embryons. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS68 de Mme Emmanuelle Ménard, CS119 de M. Thibault Bazin, CS180 de M. Patrick Hetzel, CS312 de M. Xavier Breton, CS516 de Mme Annie Genevard, CS723 de Mme Anne-Laure Blin et CS762 de M. Julien Ravier.
Cet article autorise la manipulation sur l'embryon humain jusqu'au quatorzième jour après la fécondation, contre sept jours à l'heure actuelle. Nous proposons de conserver le délai actuel de sept jours.
L'allongement de la durée de culture des embryons in vitro est fondé sur la seule faisabilité technique, sans considération des enjeux éthiques. Cette proposition est née parce que, depuis peu, les scientifiques savent conserver l'embryon in vitro en vie jusqu'à son quatorzième jour de développement. Or ce mode de raisonnement pose un certain nombre de questions. Quand on saura maintenir l'embryon en vie jusqu'à son vingt-huitième, son trentième ou son cent cinquantième jour, s'autorisera-t-on à faire des recherches sur une durée aussi longue ?
Nous souhaitons également nous en tenir au délai de sept jours, prévu par la législation actuelle. Certains chercheurs souhaitent porter la durée de culture des embryons in vitro de sept à quatorze jours, parce que c'est techniquement possible. Mais est-ce souhaitable ?
Dans le rapport des États généraux de la bioéthique de juin 2018, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a noté que 92,3 % de nos concitoyens étaient opposés à l'allongement de la durée de culture des embryons in vitro. Le CCNE réfute l'argument selon lequel il faudrait autoriser une recherche en France, sous prétexte qu'elle est déjà autorisée à l'étranger ou qu'elle est techniquement possible. Le Conseil d'État, quant à lui, ne se prononce pas sur la durée de conservation elle-même – sept ou quatorze jours –, mais il estime nécessaire de fixer dans le droit positif une durée maximale de culture in vitro, considérant que c'est pleinement le rôle du législateur. Cette extension du délai ne risque-t-elle pas, à terme, de nous mener vers l'expérimentation de l'utérus artificiel ?
Pour l'instant, le délai maximal de culture des embryons est seulement soumis à l'appréciation de l'Agence de la biomédecine et il pourrait toujours faire l'objet de recours contentieux. Il y a eu de longs débats pour savoir s'il fallait retenir une durée de sept, quatorze, voire vingt et un jours. Ce qui est primordial, en tout cas, c'est de fixer une limite dans la loi. C'est une garantie supplémentaire d'encadrement.
La question d'un possible allongement du délai s'explique par les progrès techniques réalisés dans la culture des embryons. Plusieurs raisons ont conduit à choisir quatorze jours.
D'abord, cette limite a été reconnue comme acceptable, parce qu'elle correspond au début de la différenciation de l'embryon et à l'apparition du système nerveux : à quatorze jours, la masse cellulaire interne de l'embryon conduit à l'apparition de trois feuillets, l'ectoderme, l'endoderme et le mésoderme. La limite de quatorze jours est retenue dans la quasi-totalité des autres pays.
Cette extension va permettre de conduire de nouvelles recherches pour mieux connaître non seulement le développement de l'embryon, mais aussi sa nidation, autrement dit son implantation dans la paroi utérine – étape très importante car tout se joue là, et les défauts d'implantation sont cause de nombreuses stérilités. Il s'agit également de comprendre la contribution de tel ou tel gène au développement harmonieux de l'embryon. Nous espérons que ces recherches fondamentales sur les phases initiales du développement embryonnaire trouveront des applications thérapeutiques.
En fixant la limite à quatorze jours, nous avons trouvé un équilibre qui a été accepté par tous, y compris au niveau international. Je suis donc défavorable aux amendements visant à réduire ou à allonger ce délai.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS517 de Mme Annie Genevard.
Il convient d'interdire explicitement la possibilité de mener des recherches sur des gamètes ou des embryons destinés à se développer pour donner naissance à un enfant. De telles recherches, qualifiées par Jean-François Mattei d'« essais d'homme », se heurtent autant au principe de dignité qu'à l'interdiction de créer des embryons pour la recherche prononcée par la convention d'Oviedo.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS181 de M. Patrick Hetzel, CS313 de M. Xavier Breton et CS728 de Mme Anne-Laure Blin.
Il s'agit d'insérer, après l'alinéa 15, un alinéa ainsi libellé : « À titre exceptionnel, des études sur les embryons humains visant notamment à développer les soins au bénéfice de l'embryon et à améliorer les techniques d'assistance médicale à la procréation ne portant pas atteinte à l'embryon humain peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation si le couple y consent, dans les conditions fixées au IV. » Il convient de replacer ces dispositions parmi celles se rapportant à la recherche sur l'embryon humain et sur les cellules souches embryonnaires humaines.
Il n'est question dans le texte que des recherches sur des embryons qui ne sont pas destinés à naître. Vos amendements introduiraient donc une ambiguïté. Du reste, ils sont déjà satisfaits par le premier alinéa de l'article 14, qui identifie au sein d'un nouvel article du code de la santé publique le régime juridique des recherches portant sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon destiné à naître. Ces dernières relèvent en effet du régime des recherches impliquant la personne humaine (RIPH) nécessitant une autorisation de l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) et le suivi d'un comité de protection des personnes (CPP). Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS69 de Mme Emmanuelle Ménard.
Amendements identiques CS182 de M. Patrick Hetzel, CS314 de M. Xavier Breton et CS729 de Mme Anne-Laure Blin et CS986 de M. Philippe Gosselin.
L'âge moyen de la première grossesse est passé, en quelques décennies, de 24 ans à plus de 28 ans. Or les chances de grossesse ont tendance à s'amenuiser à chaque cycle. Il est donc indispensable que la recherche porte aussi sur la mise au point de thérapies de restauration de la fertilité. Tel est l'objet de ces amendements. En outre, restaurer la fertilité devrait permettre de faire diminuer le recours à la PMA.
Puisqu'il est question de fertilité, vous me permettrez d'avoir une pensée pour le professeur Bernard Jégou, décédé il y a quelques semaines. La recherche française dans le domaine de la fertilité a perdu avec lui l'un de ses principaux acteurs. Nous l'avions auditionné à plusieurs reprises.
Il n'est pas nécessaire d'inscrire explicitement ici une référence aux recherches concernant la fertilité : ce domaine est déjà inclus dans le projet de loi. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS121 de M. Thibault Bazin, CS518 de Mme Annie Genevard et CS1007 de M. Julien Aubert.
Amendements identiques CS689 de Mme Anne-Laure Blin, CS165 de M. Patrick Hetzel, CS297 de M. Xavier Breton et CS979 de M. Philippe Gosselin.
Les recherches dont nous parlons – qu'il s'agisse de la modification des gamètes destinés à devenir un embryon ou de celle d'un embryon destiné à être implanté – pourraient conduire dans quelques années à la naissance de bébés génétiquement modifiés par des techniques de FIV. Au regard des enjeux, la France est en droit de savoir quels travaux ont été menés sur les gamètes ou les embryons depuis cinq ans. Nous proposons donc de mettre en place une mission d'information ayant pour objet de faire un état des lieux des recherches menées depuis 2016. Les amendements disposent par ailleurs : « Les recherches biomédicales menées dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation sont, le temps de cette mission d'information, suspendues pour une durée de trois ans ».
Le nouvel article L. 2141-3-1 du code de la santé publique précise qu'aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l'embryon ne peut être entreprise. Nous ne marchons pas sur la tête : il est totalement exclu de faire des bébés génétiquement modifiés. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS70 de Mme Emmanuelle Ménard.
Je vous avoue que je n'ai pas beaucoup d'espoir de voir cet amendement adopté, puisqu'il vise à supprimer les alinéas 18 à 28, à propos desquels M. le rapporteur nous a déjà répondu en partie.
Ces alinéas organisent la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Dans ce type de recherche, on manipule ce qui constitue la plus jeune forme de l'être humain, puisque l'on extrait ces cellules d'un embryon. Or il existe une solution alternative à l'usage des cellules souches embryonnaires humaines, ne posant de surcroît aucun problème éthique : c'est la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites, définies à l'article 15.
J'ai bien entendu vos propos concernant celles-ci, monsieur le rapporteur, mais je suis troublée par vos arguments qui tendaient à montrer leur efficacité moindre. Or les Japonais utilisent les IPS avec efficacité ; ils mènent déjà des essais cliniques. Ils sont donc très en avance par rapport à nous. Cela veut-il dire que nous ne savons pas utiliser les IPS ? Dans ce cas, il faudrait mettre un peu plus d'énergie et d'ambition dans ce domaine. Ou bien choisissons-nous en quelque sorte la voie de la facilité, parce qu'il est plus commode de travailler avec des cellules souches embryonnaires ?
Ne vous inquiétez pas, tous nos scientifiques impliqués dans ce domaine travaillent indifféremment, et de manière parallèle, sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules IPS. Je ne vois pas de retard particulier de notre pays dans ce domaine. Par ailleurs, à ma connaissance, les essais cliniques menés par les Japonais n'ont pas abouti à grand-chose pour l'instant.
Nous espérons améliorer la production des cellules IPS pour éviter l'ajout des quatre gènes, dont on ne connaît pas très bien le devenir : une fois qu'ils ont été injectés dans la cellule, ils s'intègrent de manière totalement aléatoire au génome, car il s'agit d'ADN et non pas d'ARN – remarque qui me permet, au passage, de couper court aux faux débats concernant la vaccination par ARN. Nous souhaitons tous pouvoir nous passer des cellules souches embryonnaires. Ne nous méprenons pas, si nous y avons recours, ce n'est pas par facilité : cultiver des cellules souches embryonnaires n'a rien de simple. Nous préférerions travailler à partir d'IPS. Toutefois, en l'état actuel de l'art, nous sommes obligés de mener les deux stratégies de front.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS71 de Mme Emmanuelle Ménard et CS222 de M. Thibault Bazin.
Amendements identiques CS183 de M. Patrick Hetzel, CS220 de M. Thibault Bazin, CS315 de M. Xavier Breton, CS732 de Mme Anne-Laure Blin et CS990 de M. Philippe Gosselin.
L'article 14 procède à une dissociation des régimes applicables à la recherche sur l'embryon et à celle sur les cellules souches embryonnaires humaines. Le présent amendement entend maintenir le régime commun, reposant sur une autorisation préalable de l'Agence de la biomédecine.
En définitive, il ressort des propos de M. le rapporteur que les choses se passent plutôt bien, et le Journal officiel publie régulièrement des autorisations. On a donc du mal à comprendre en quoi le changement proposé est nécessaire. Il serait pertinent de maintenir une autorisation dans les deux cas. Qui plus est, une simple déclaration irait dans le sens du moins-disant éthique.
Nous n'allons pas refaire le débat. Je persiste à considérer que les contraintes éthiques liées à l'embryon ne sont pas du tout les mêmes que celles concernant les cellules souches, et qu'il était donc important d'établir une distinction, avec, dans un cas, une déclaration et, dans l'autre, une autorisation. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Chers collègues, il reste 357 amendements en discussion. Nous reprendrons leur examen cet après-midi
La séance est levée à treize heures.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique
Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 9 h 00
Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, Mme Anne-France Brunet, Mme Bérangère Couillard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Camille Galliard-Minier, M. Raphaël Gérard, M. Patrick Hetzel, M. Gérard Leseul, Mme Monique Limon, M. Jacques Marilossian, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Danièle Obono, Mme Sylvia Pinel, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Florence Provendier, M. Julien Ravier, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs