Intervention de Philippe Berta

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur :

J'ignore si nous attaquons la partie plus bioéthique du texte, mais nous entrons du moins dans la partie plus scientifique. Mme Genevard m'ayant reproché de tenir un discours trop scientifique lors de l'une des lectures, je m'efforcerai de me contenir.

L'article 14 vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur les embryons et celui des recherches effectuées sur des cellules souches embryonnaires. Soit les recherches portent sur un embryon destiné à naître, et elles sont à visée diagnostique, par exemple un diagnostic préimplantatoire (DPI) ; soit les recherches portent sur des embryons non destinés à naître, des embryons surnuméraires, pour lesquels les couples peuvent faire le choix de la destruction ou d'un don à la recherche – dans ce cas, ils sont maintenus en congélation pendant dix ans au maximum, puis détruits.

La large majorité des embryons qui sont donnés à la recherche par les couples vont à la destruction sans jamais passer par la recherche. L'appel à embryon surnuméraire à des fins de recherche ne répond finalement qu'à la nécessité de rétablir les lignes souches assez régulièrement – une fois par an, voire moins souvent. À force d'être multipliées et mises à croître, les cellules souches embryonnaires dégénèrent. Pour continuer à avoir un état souche de ces cellules, il faut parfois retourner à l'embryon. Les mêmes lignées de cellules souches embryonnaires circulent depuis des années dans les quelques laboratoires habilités en France – ils sont moins d'une dizaine – et font l'objet d'échanges internationaux, dûment contrôlés par l'Agence de la biomédecine.

Les enjeux et les interrogations éthiques ne sont pas les mêmes pour les recherches sur les embryons et pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires. C'est pourquoi le projet de loi prévoit que les premières sont soumises à autorisation de l'Agence de la biomédecine, tandis que les secondes font l'objet d'une simple déclaration auprès de celle-ci.

Les cellules souches dont il est question n'ont aucune capacité à donner un embryon : elles ne sont pas totipotentes, c'est-à-dire capables de redonner un individu. Ce sont des cellules souches pluripotentes, capables de donner un certain type de cellules et, à terme, de tissu. Le distinguo est important.

Quant à la recherche sur l'embryon, elle porte sur des embryons qui n'ont pas vocation à naître et ne font aucunement l'objet d'un projet parental. Ils doivent être détruits après leur utilisation à des fins de recherche.

L'enjeu du projet de loi est de mieux définir et encadrer ces recherches. Nous ne devons pas nous priver des progrès majeurs de la thérapie cellulaire, une notion que certains d'entre vous récusent. Les mois passant, ces progrès explosent. Un grand plan pour la bioproduction des biothérapies, l'Alliance France Bioproduction, sera d'ailleurs officialisé début juillet. Plus de 3 000 exemples d'applications et essais cliniques de thérapies géniques et thérapies cellulaires sont en cours à travers le monde. Il serait vraiment dommage que la France renonce à de telles thérapies, qui pourraient concerner 3 millions d'enfants atteints de maladies rares. Un Français sur vingt est touché par une maladie rare, majoritairement génétique, dont 80 % d'enfants – en tant que président du groupe d'études parlementaires sur le sujet, je m'y intéresse tout particulièrement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.