Intervention de Philippe Berta

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur :

Avant tout, je dois redire que la communauté scientifique de ce pays ne joue pas aux apprentis sorciers. Son objet est de comprendre, pour ensuite soigner. Soyez aussi convaincus que mes collègues chercheurs n'ignorent rien des problèmes éthiques associés à leurs recherches, et qu'ils y portent toute l'attention nécessaire. Et si d'aventure ce n'était pas le cas, nombre d'institutions sont là pour surveiller leur activité – peut-être trop régulièrement d'ailleurs au vu de la paperasserie requise.

Supprimer l'article 17 conduirait à empêcher deux choses que je pense fondamentales.

La première est la possibilité d'adjoindre des cellules humaines à des embryons animaux. Ces recherches présentent un grand intérêt et font l'objet d'un flou juridique souligné tant dans l'étude du Conseil d'État que dans le rapport de la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique. L'article 17, prenant en compte ces conclusions convergentes, vise à sécuriser les recherches portant sur l'embryon animal tout en maintenant l'interdit portant sur les chimères humain-animal.

Pourquoi avons-nous besoin de ces recherches ? L'idée est bien sûr de faire progresser le champ des connaissances et le champ des thérapies. Les recherches sur ce que l'on appelle les chimères animal-homme sont extrêmement prometteuses. Certaines expériences pourraient permettre d'importants progrès, s'agissant par exemple des cellules pancréatiques chez la souris ou encore des cœurs humanisés chez les porcs – et nous connaissons la pénurie de greffons dans notre pays.

Ce qui m'amène à une précision à propos du péril zoonotique dont fait mention M. Hetzel : n'imaginez pas que ce sont des mini-porcs élevés en plein milieu d'un champ breton ! Il s'agit bien d'animaux de laboratoire, de niveau P3, qui vivent dans des conditions complètement aseptiques et ne risquent pas grand-chose sur le plan bactérien ou viral.

La deuxième chose à ne pas empêcher est la possibilité de recourir aux techniques de modification ciblée du génome des embryons humains faisant l'objet d'une recherche. La rédaction de l'article 17 permet justement de sécuriser les recherches effectuées dans un cadre in vitro impliquant une modification du génome. Bien sûr, ces recherches demeurent rigoureusement interdites dans le cadre de procréation médicalement assistée.

Pourquoi avons-nous besoin de ces recherches ? Parce que l'édition du génome, et donc cette fameuse technique de CRISPR dont tout le monde a entendu parler, présente un intérêt scientifique majeur. Sont concernés bien sûr des embryons non implantables dans l'utérus et destinés à être détruits.

Cette évolution permettrait aux chercheurs français de prendre part au développement de nouvelles thérapies dans un contexte de forte concurrence mondiale – 3 millions d'individus sont concernés en France, 30 millions en Europe. Nous devons absolument revitaliser notre recherche dans ce secteur. Il est temps de reprendre notre place dans le concert mondial, puisque la France, qui était troisième puissance dans le secteur il y a encore une dizaine d'années, est aujourd'hui au huitième rang. Les compétences scientifiques amont existent, il faut les aider, les maintenir, les développer, et ensuite beaucoup travailler sur la chaîne de valorisation ultérieure, jusqu'aux essais cliniques.

Avis défavorable sur ces amendements de suppression.

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