La crise sans précédent traversée par notre pays depuis deux mois et les conséquences exceptionnelles qui en découlent mettent à l'épreuve l'ensemble de notre société et de notre économie. Notre cadre juridique a d'ores et déjà été adapté à cinq reprises depuis le début de l'épidémie : par deux lois organique et ordinaire d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, par la loi de prorogation de l'état d'urgence sanitaire et par les deux lois de finances rectificatives du 23 mars et du 25 avril. Ces adaptations législatives ont permis de doter l'État des moyens juridiques et budgétaires indispensables pour répondre sans tarder à l'urgence, accompagner le confinement et atténuer l'effondrement de notre économie.
Le temps est encore à l'urgence qui appelle de nouvelles adaptations juridiques dans le contexte de l'après-confinement.
Le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19 s'inscrit dans cette perspective en habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance dans de nombreux domaines. Ses quatre articles partagent un objectif commun, clair et assumé : répondre le plus rapidement possible aux difficultés soulevées par l'épidémie, qu'il s'agisse de difficultés non résolues par les ordonnances précédentes ou de nouvelles difficultés suscitées par la durée de la crise ou la mise en œuvre du déconfinement.
Je ne ferai pas l'inventaire de toutes ces dispositions. Nos débats en commission et en séance publique nous permettront de les aborder une à une et de préciser le sens et la portée de certaines. Je tiens néanmoins à saluer l'ampleur de la transformation proposée qui ne laisse aucun secteur d'activité sur le bord du chemin. Le projet de loi donne matière à trente-six ordonnances, décompte amené à varier si des regroupements étaient effectués.
La grande diversité de ces mesures et de leurs champs d'application donne tout son sens à une commission spéciale rassemblant l'ensemble des compétences et des expertises de membres de nos huit commissions permanentes.
L'article 1er apporte une réponse d'ensemble à de nombreuses matières régaliennes, sociales, économiques et culturelles, en tenant compte des dysfonctionnements et des obstacles rencontrés depuis le début de l'épidémie. Il vient compléter les ordonnances prises sur le fondement de la précédente loi d'habilitation du 23 mars dernier, allant du fonctionnement des cours d'assises à l'organisation des compétitions sportives en passant par la préservation des moyens humains des armées, de la police et de la gendarmerie, la sécurisation des droits des travailleurs saisonniers étrangers et la prolongation des indemnités des demandeurs d'emploi.
L'article 2 aménage les échéances d'application de dispositions rendues urgentes ou, au contraire, difficilement atteignables dans le contexte actuel.
L'article 3 centralise les trésoreries d'organismes publics ou d'organismes privés chargés d'une mission de service public afin d'améliorer la gestion de la dette de l'État.
L'article 4 prépare les conséquences de la fin de la période de transition instituée par l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne dans l'attente de l'issue des négociations de l'accord de partenariat.
Le choix d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, qui irrigue l'ensemble du projet de loi, se justifie pleinement par l'urgence. L'ampleur de la crise sanitaire mais aussi sociale et économique implique de répondre au plus vite aux difficultés posées par l'épidémie et à ses conséquences sur l'ensemble de nos territoires. La publication rapide des ordonnances et de leurs textes d'application constitue à ce titre une garantie de réactivité et d'opérationnalité. La durée de trente mois de l'habilitation à légiférer par ordonnances sur les mesures concernant le retrait britannique de l'Union européenne se justifie, quant à elle, par l'incertitude de l'échéance de la période de transition qui ne sera connue qu'au 30 juin prochain.
Certaines de ces ordonnances nécessitent un important travail technique de rédaction qui mobilisera, comme depuis le début de l'épidémie, l'ensemble des administrations. D'autres ne posent pas de difficultés techniques particulières et mériteraient de voir leur portée précisée dans nos débats.
Je vous proposerai, comme l'avis du Conseil d'État sur l'avant-projet de loi y invite de manière pressante, à inscrire en clair dans le texte les dispositions législatives que le Gouvernement prévoyait d'adopter par la voie d'ordonnances qui seraient prêtes. Elles portent sur des sujets en nombre limité : mise à disposition d'agents publics auprès d'établissements de santé ou médico-sociaux, « CDIsation » des agents publics ayant été sous contrat pendant six ans, simplification de l'accès des très petites entreprises (TPE) à l'épargne salariale, fonctionnement des fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs, indemnisation des victimes d'essais nucléaires français, extension des fonctions attribuables aux volontaires internationaux en administration (VIA).
Tout au long de nos débats, je veillerai à clarifier le sens des habilitations face d'éventuelles ambiguïtés ou difficultés de compréhension. Il est indispensable que notre assemblée soit éclairée sur l'intention associée à chacune d'entre elles et sur leur portée normative. Je formule le vœu que les ordonnances dont la rédaction est d'ores et déjà stabilisée puissent nous être présentées par le Gouvernement dans leurs grandes lignes. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement, tiendra à cet égard un rôle essentiel pendant nos débats.
Compte tenu de l'étendue des champs législatifs couverts et de la durée de certaines habilitations, je propose aussi d'insérer un dispositif de contrôle parlementaire renforcé afin d'assurer le suivi des habilitations législatives. Il nous reviendra ensuite de prêter attention à la publication des ordonnances avant d'en débattre à nouveau lors de leur ratification qui devra faire l'objet de votes sur des projets de loi spécifiques à chacune d'entre elles. D'ici là, les pouvoirs publics auront pu s'appuyer sur des outils juridiques renouvelés et renforcés pour affronter cette épreuve inédite, dans le respect des principes de notre Constitution et des garanties posées par l'État de droit.