Depuis le début de la crise, notre groupe a très largement soutenu les textes d'urgence proposés par le Gouvernement pour faire face le plus rapidement possible aux difficultés innombrables soulevées par cette situation inédite, car notre pays avait besoin de mesures urgentes, aussi bien sanitaires, qu'économiques et sociales. Je pense aux lois de finances rectificatives, nécessaires pour permettre aux entreprises et aux salariés de supporter le choc, mais aussi aux nombreuses ordonnances contenues dans la loi du 23 mars. Dans un contexte de confinement et de pic épidémique, ces nombreuses habilitations nous ont paru utiles, et même nécessaires. Nous pensions qu'il était de notre devoir de donner au Gouvernement des marges de manœuvre pour parer au plus pressé. Désormais, et même s'il convient de rester prudents, le contexte n'est plus le même : j'en veux pour preuve le fait que nous pouvons à nouveau nous réunir à l'Assemblée.
Les trente-trois habilitations demandées par le Gouvernement dans des domaines très divers suscitent des réserves au sein du groupe UDI, Agir et Indépendants. Premièrement, les délais d'examen de ce projet de loi sont extrêmement courts, pour ne pas dire trop courts, et ce qui pouvait sembler acceptable pour proroger l'état d'urgence sanitaire ou préparer le 11 mai ne l'est plus forcément. Notre groupe n'est pas hostile par principe aux ordonnances, car elles permettent d'avancer sur des sujets techniques, à condition d'être concertées avec les acteurs et avec les parlementaires, qui peuvent faire remonter les demandes du terrain. La période que nous traversons nécessite, plus que jamais, de tenir compte des différences locales et des retours du terrain.
L'utilité de chaque ordonnance doit être pesée au cas par cas. Certaines d'entre elles sont justifiées : il est par exemple logique de prolonger certains contrats arrivés à échéance durant l'état d'urgence sanitaire. D'autres devront être précisées, voire être inscrites directement dans la loi. D'autres encore doivent être revues : il n'est pas souhaitable que le Gouvernement repousse l'entrée en vigueur de certaines lois déjà votées, sans préciser lesquelles. Nous pouvons l'entendre pour la réforme du divorce, mais cette mesure ne saurait être systématique – je pense en particulier à la loi sur l'économie circulaire.
Troisièmement, il est difficile de demander aux parlementaires de voter de nouvelles ordonnances, alors qu'une cinquantaine d'ordonnances plus anciennes doivent encore être ratifiées. Le Parlement fonctionne désormais presque normalement : il doit donc assumer pleinement sa fonction de législateur et contrôler l'action du Gouvernement. Si nous approuvons bon nombre des mesures proposées, nous considérons toutefois que la méthode des ordonnances ne doit pas devenir le mode normal des relations entre l'exécutif et le Parlement. Certaines mesures pourraient tout à fait être inscrites dans un texte portant diverses mesures économiques et sociales et faire l'objet d'un examen dans les règles, sans précipitation inutile.
Nous regrettons d'autant plus cette méthode que nous partageons pleinement vos objectifs. Sur le fond, ce projet de loi vise à accompagner la reprise du pays à la sortie du confinement dans toutes ses dimensions, tout en le préparant aux échéances futures, comme le Brexit. Face à un risque de récession inédite, il est essentiel de relancer notre pays, aujourd'hui à l'arrêt. Les enjeux sont d'importance : il s'agit d'assurer la continuité des services publics et l'organisation des pouvoirs régaliens et de réamorcer la pompe en relançant notre économie, largement sous perfusion, tout en évitant que les difficultés des entreprises ne se traduisent par un chômage de masse et par un accroissement des difficultés de nos concitoyens.
Certaines des habilitations demandées nous posent question, notamment celles relatives à la remise en route du service public de la justice ou celle qui élargit l'obligation de dépôt au Trésor public, qui pourrait priver plusieurs organismes, notamment les collectivités territoriales, de ressources induites. Cela étant, nous notons avec intérêt l'assouplissement temporaire des dispositifs relatifs aux accords d'intéressement dans les entreprises de moins de onze salariés. D'autres mesures urgentes auraient pu utilement figurer dans ce projet de loi, comme le remboursement des masques pour les bénéficiaires d'une allocation pour affection de longue durée ou les bénéficiaires de la protection universelle maladie. Nous déposerons des amendements en ce sens.