Intervention de M'jid El Guerrab

Réunion du lundi 11 mai 2020 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaM'jid El Guerrab :

Ce texte est effectivement un fourre-tout. On demande au Parlement de se dessaisir de ses prérogatives pour laisser le Gouvernement faire ce qu'il veut. Quelle est la cohérence de ce projet de loi, aussi indigeste que brinquebalant, qui n'a que peu à voir avec les conséquences de l'épidémie de covid-19, le Conseil d'État l'a souligné. C'est d'ailleurs pourquoi le groupe Libertés et Territoires a déposé un amendement visant à en modifier le titre, afin qu'il corresponde davantage à son contenu. Quelle urgence nous oblige à examiner ce texte en commission et en séance publique la même semaine ? Aucune, d'autant que certaines des habilitations demandées par le Gouvernement courent sur plusieurs mois.

Le covid-19 a bouleversé la vie de nos concitoyens et nous avons dû prendre des mesures d'urgence. En agissant dans la précipitation, nous risquons de voter des textes mal rédigés, c'est-à-dire inconstitutionnels ou inadéquats. Le Conseil constitutionnel a censuré aujourd'hui certaines des dispositions relatives au traçage et à l'isolement des malades contenues dans la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire. C'est une manière de sanctionner les méthodes du Gouvernement, qui bafoue le Parlement et les libertés fondamentales.

Oui, nous avons dû réorganiser le fonctionnement de nos institutions pour répondre à la crise et limiter son impact sur les plans économique, sanitaire et social. Demain, nous devrons peut-être réinventer notre société et notre démocratie, mais cela n'implique pas de mépriser le Parlement. Vous nous proposez un texte qui, tant sur la forme que sur le fond, s'assoit sur la qualité du travail parlementaire, avec un délai de dépôt des amendements extrêmement courts et un champ d'application des ordonnances extrêmement vaste : justice, agriculture, immigration, entreprises, travail, trésorerie, sport, Brexit, j'en passe. Ce n'est pas notre conception de la manière dont notre institution doit fonctionner. Ce n'est pas notre conception de la démocratie, où les députés sont les seuls représentants du peuple.

Le projet de loi que vous nous proposez n'est pas à la hauteur des enjeux, alors que l'état d'urgence sanitaire est amené à se prolonger, alors que le déconfinement commence et que sa réussite dépendra en grande partie de la responsabilité individuelle de nos concitoyens. Or celle-ci dépend pour beaucoup de leur confiance dans la capacité du Gouvernement à gérer la crise et la sortie de crise. Las, votre projet, en ce premier jour de déconfinement, ne fait que miner un peu plus la confiance des Français. Notre groupe, même s'il a eu peu de temps pour déposer des amendements, tentera de le faire évoluer dans la bonne direction, dans le sens du pragmatisme, de la responsabilité, de la justice et de l'humanité.

Nous proposerons l'allongement des titres de séjour et de la durée de séjour annuel autorisée pour les travailleurs saisonniers : nous le leur devons. Nous demanderons également la « CDIsation » des agents de la fonction publique, car il ne faut pas ajouter de l'injustice à la violence de cette crise sanitaire. Il convient également d'adapter l'activité partielle pour tenir compte de la situation particulière de nos concitoyens français bloqués à l'étranger : ils ne peuvent rester à l'écart de nos dispositifs de maintien dans l'emploi. D'autres amendements portent sur la justice : nous veillerons à ce que vous ne réintroduisiez pas dans le texte ce que nous ne voulions pas dans les textes précédents. Nous nous opposons radicalement à l'article 3, qui nous paraît disproportionné et contre-productif. Les membres du groupe Libertés et Territoires ont bien l'intention de jouer leur rôle de représentants du peuple, en dépit de votre volonté d'expédier des mesures importantes, sous couvert d'une urgence qui n'en a que le nom.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.