Intervention de Alexis Corbière

Réunion du lundi 11 mai 2020 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Ce projet de loi est inquiétant, car il méprise le Parlement : que ceux de nos collègues qui croient que nous aurons des moyens de contrôle ne s'abusent pas. En vérité, il va permettre à ce gouvernement de légiférer par ordonnance sur plus d'une trentaine de sujets qui, pour la plupart, ne relèvent pas de l'urgence, car ils ne sont pas directement liés aux conséquences de l'épidémie. Cette méthode, qui n'est pas nouvelle, est d'autant plus choquante que les ordonnances concernent une période qui va bien au-delà de l'état d'urgence. Le groupe La France insoumise y voit une dérive.

C'est plus qu'un cavalier législatif : c'est un véritable concours hippique ! Le texte est un vrai fourre-tout et balaie un nombre de sujets absolument exceptionnel. Et on nous demande, une fois encore, de l'examiner à la va-vite.

C'est un texte d'affaiblissement démocratique, du fait du recours aux ordonnances, dans les conditions que je viens de décrire.

C'est un texte d'affaiblissement social, puisqu'il s'agit essentiellement de permettre aux employeurs de multiplier les contrats à durée déterminée (CDD) hors de toute contrainte et de déroger au nombre de vacations dans toute une série de missions publiques. Il allonge aussi la durée de séjour des travailleurs étrangers, afin de disposer d'une main-d'œuvre peu contraignante. La plupart de ces affaiblissements pourront se prolonger six mois après la fin de l'état d'urgence. Au lieu de proposer un grand plan de relance, avec des droits sociaux nouveaux et des filets de sécurité pour tous, on étend la précarité.

C'est un texte d'affaiblissement écologique, puisqu'il propose notamment de reporter l'application de la loi contre le gaspillage et pour une économie circulaire. Le MEDEF qui, dans une lettre au Gouvernement, estimait que cette loi instaurait trop de contraintes, voit sa demande satisfaite. Alors que la crise du covid-19 nous rappelle l'urgence écologique et l'urgence sociale, vous voulez renouer avec les erreurs du passé.

C'est un texte d'affaiblissement des droits et des libertés, puisque l'état d'urgence sanitaire est maintenu.

Il est impossible de mesurer l'impact qu'aura, pour les salariés, la centralisation des trésoreries, que vous introduisez à l'article 3. Et il faudrait, sur le Brexit, avoir un vrai débat politique, au lieu de laisser les mains libres au Gouvernement.

Nous avons beaucoup de mesures d'urgences à vous proposer : il est temps de geler, bien au-delà des annonces faites aujourd'hui les frais d'incidents bancaires, qui pénalisent tant de ménages et tant d'entreprises. Lorsque j'ai pris position pour le maintien de l'article 6 ter du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire, le ministre Olivier Véran m'a dit qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. Je regrette que ses arguments soient à géométrie variable. On aurait pu introduire dans ce texte la gratuité des masques, l'extension du droit à l'interruption volontaire de grossesse à quatorze semaines, la gratuité des funérailles, le renforcement des moyens humains dans les services des douanes. Or on n'y trouve rien de tout cela : il ne vise pas à répondre à l'urgence de la crise du covid-19, mais il constitue une aubaine pour continuer de mener la politique qui nous a conduits là où nous sommes.

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