Que les cours d'assises aient été confrontées à une difficulté insurmontable pendant l'épidémie en raison de l'impossibilité pour les jurés de siéger, je le conçois parfaitement, mais, comme viennent de le souligner mes collègues, il ne s'agit pas d'une question banale : le fait que, pour les crimes les plus graves, la justice soit rendue par le peuple est le fondement de notre système judiciaire.
Par ailleurs, j'ai eu le plaisir, ou plutôt le déplaisir d'entendre la véritable raison de l'expérimentation : c'est plus rapide et cela coûte moins cher. Telle est votre seule préoccupation – j'avais eu l'occasion de le dire à Mme la garde des sceaux lors du débat sur la réforme de la justice. Qu'on ne vienne pas nous dire que neuf départements sont volontaires : ce sont neuf chefs de juridiction zélés qui le sont. Si vous interrogiez les neuf barreaux en question, vous ne pourriez plus déclarer que les départements sont volontaires : les avocats sont opposés à l'élargissement de l'expérimentation.
D'ailleurs, si les cours criminelles traitent davantage de dossiers, les cours d'assises d'appel seront ensuite saisies d'un plus grand nombre de demandes, auxquelles elles ne pourront faire face. Le problème que vous souhaitez contourner restera donc entier : on ne sera toujours pas en mesure d'examiner les dossiers dans les délais impartis. La solution est évidente, monsieur le ministre : il faut donner à la justice les moyens de fonctionner, en commençant par augmenter le nombre de magistrats. Prenez vos responsabilités. Nous n'avons cessé de le dire : cette crise démontre l'état d'extrême déliquescence de notre justice, que nous ne saurions accepter.