Intervention de Bernard Perrut

Réunion du lundi 8 juin 2020 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie et le projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Perrut :

Conçu en 1945, dans une période difficile, notre système de protection sociale a toujours su s'adapter aux réalités du temps et faire face aux exigences d'un financement qui n'a qu'un seul but : accompagner chacun dans les étapes de sa vie.

La crise sanitaire a un lourd impact sur les finances sociales, avec une forte détérioration de la masse salariale qui constitue la principale assiette des contributions sociales, et en raison des reports de paiement des cotisations sociales qui sont indispensables pour soutenir les entreprises en difficulté. Dans le même temps, la crise a conduit à une augmentation des dépenses de l'assurance maladie. L'ACOSS doit faire face à un financement supplémentaire important qui va s'accroître encore dans les années qui viennent, avec une augmentation de la dette des régimes obligatoires.

Vous proposez que la dette présente et à venir soit amortie par la CADES, dont la capacité à emprunter dans des bonnes conditions sur les marchés est connue. On peut toutefois s'interroger sur la sincérité budgétaire puisque la date de 2033 repose sur des hypothèses macroéconomiques fragiles dans un contexte bien incertain. Personne ne peut prédire quel sera, dans les années à venir, l'état du marché du travail et des cotisations. On peut aussi s'interroger, comme vous l'avez fait, monsieur le ministre, lorsque vous étiez rapporteur général, sur le manque de compensations dues par l'État à la sécurité sociale, celles du coût de la désocialisation des heures supplémentaires à laquelle nous sommes favorables comme des mesures d'urgence économique et sociale, dites mesures « gilets jaunes ». Alors que les branches de la sécurité sociale ont fait des efforts sans précédent pour redresser les comptes, le Gouvernement n'en tient pas compte et ne prend aucun engagement quant à des économies sur le budget de l'État. Il fait donc reposer une part massive de la dette sur la CADES.

La reprise de la dette des hôpitaux ne devrait-elle pas être assumée par l'État plutôt que financée par la CADES, donc par les contributions des Français ? Son transfert pourrait faire au moins l'objet d'un débat plus large sur une réforme globale du financement des établissements de santé. Comment ne pas craindre que les dettes d'autres structures puissent par la suite être mises sous le tapis de la même manière ?

Vous ne prévoyez le financement de la dépendance qu'en 2024, comme si les besoins n'étaient pas urgents. Il est basé sur une réduction de la part de CSG affectée à la CADES plutôt que sur une part accrue de CSG dédiée à ce sujet. Ne faut-il pas un financement beaucoup plus ambitieux ?

Pouvez-vous nous donner une vision claire de cette cinquième branche ? Vous prévoyez dans la loi organique l'adaptation des PLFSS pour suivre la dépendance, tandis qu'avec l'article 4 de la loi ordinaire vous renvoyez cela à un rapport ultérieur au Parlement. N'y a-t-il pas un problème de méthode ?

Vous proposez de discuter des financements de manière dispersée : maintenant, plus tard dans le PLFSS, puis dans la loi sur la dépendance. Nous voulons connaître et discuter d'un projet dépendance dont nous connaîtrions véritablement les objectifs, les moyens, le calendrier. Nous souhaitons que le financement de la dépendance débute dès 2021 sans attendre 2 024 et soit à la hauteur de l'enjeu, nous voulons que l'État assume la compensation des exonérations, des allégements de cotisations et/ou de la reprise de la dette des hôpitaux. À défaut, nous proposons que soit envisagé un remboursement de la dette sociale sur une durée plus longue, jusqu'à 2034, afin de pouvoir assurer de 2021 à 2024 le financement de la dépendance qui pèsera tôt ou tard sur les finances sociales. Si ces demandes ne sont pas prises en compte, les deux textes de loi ressembleront plus à un chèque en blanc fondé sur de la dette plutôt que sur un plan de financement sérieux, tant dans son calendrier que dans son ambition. Nous ne pourrions alors pas vous suivre, d'autant que la cinquième branche apparaît comme un choix sans que d'autres options soit discutées dans le cadre de cette loi organique. L'ajout d'une cinquième branche aux quatre branches de la sécurité sociale mérite le débat. On voit la distinction assez artificielle entre maladie et dépendance induite par la création d'un cinquième risque, et on sait que la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a permis d'extérioriser la gestion du risque sans problème majeur au niveau national.

Quant aux besoins de financement supplémentaire, ils s'élèvent à 4,5 milliards d'euros pour aller jusqu'à plus de 9 milliards d'euros en 2030, cela s'ajoutant aux 30 milliards que représente actuellement le financement de la dépendance – de l'autonomie devrais-je dire plus justement car cette période de la vie doit être considérée de manière positive. Le parcours de nos aînés mérite d'être valorisé dans le respect de chacun, tant à travers l'accueil en établissement que le maintien à domicile. Je suis convaincu que vous entendez les attentes des familles, notamment sur la question du reste à charge et celles des personnels. Toutes ces attentes doivent être prises en compte le plus rapidement possible. C'est un véritable défi que nous devons relever.

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