Intervention de Guy Kulitza

Réunion du mercredi 17 février 2021 à 17h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Guy Kulitza, groupe « Se nourrir » :

. Je n'étais pas particulièrement engagé dans la défense de l'écologie. J'avais de grandes idées, bien sûr, et je pensais bien faire, mais l'exposé de Mme Valérie Masson-Delmotte m'a laissé abasourdi. Je suis à présent convaincu que nous ne pouvons pas continuer à fonctionner ainsi. L'avenir de mes enfants et de mes sept petits-enfants est en jeu.

Quelles seront leurs conditions de vie et de survie ? Nous dépassons des limites géologiques que l'économie n'est pas en mesure de contrôler ou de sauvegarder. Ces limites sont aussi celles que l'on retrouve dans nos assiettes. Par nos propositions, nous avons souhaité inventer, pour notre agriculture, un modèle respectueux de nos paysans, de nos écosystèmes, de notre environnement et de notre santé, un modèle respectueux du travail agricole et créateur d'emplois. La transformation des aides à l'hectare en aides à l'actif agricole va dans ce sens.

La France, première puissance agricole européenne, compte la plus grande surface agricole utile. Pour peu que nous nous en donnions les moyens, nous pourrions largement participer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Combinés à des mesures de justice sociales, ces moyens nous offriraient les clés d'une agriculture résiliente. C'est le sens des mesures que notre groupe de travail a proposées.

Nous avons voulu garantir une alimentation saine, durable et de qualité, accessible à tous, en portant une attention particulière aux plus démunis qui n'ont d'autre choix que de se tourner vers des produits peu onéreux, aux vertus nutritives réduites, voire absentes, mais dont la teneur en sucre, sel, gras ou additifs les rend mauvais pour leur santé.

Nous recommandons ainsi la mise en circulation de chèques alimentaires pour acheter des produits durables issus de l'agroécologie ou de circuits courts. Nous proposons également d'interdire la publicité pour les produits proscrits par le Programme national nutrition santé (PNNS) et de mieux informer le consommateur des dispositions du plan national relatif à la nutrition et à la santé, auquel il pourrait être intégré une dimension climat.

Cette recherche d'un équilibre entre les vertus alimentaires, la santé et la protection du climat, nous a amenés à souhaiter que les services de restauration collective, dans le public comme le privé, proposent obligatoirement un menu végétarien. Cette proposition, tout comme celle relative aux protéagineux, s'explique par la nécessité de réduire drastiquement les émissions de méthane et de protoxyde d'azote, du fait notamment des élevages.

Nous avons identifié plusieurs pistes pour agir. Il conviendrait ainsi de créer une redevance en cas de pollution par les engrais azotés, qui sont responsables du phénomène d'eutrophisation des cours d'eau, des océans, de l'acidification des sols, de la pollution atmosphérique. Ils polluent également les eaux souterraines et altèrent la biodiversité. Nous avons identifié d'autres moyens pour lutter contre l'usage des pesticides et la déforestation importée.

Le choix d'une redevance sur les engrais azotés permettrait d'en redistribuer le produit vers les exploitations en transition agroécologique ou biologique qui, à leur tour, pourraient proposer leur production à l'élection du chèque alimentaire. Les surfaces, qui ont doublé en cinq ans, témoignent de la volonté des agriculteurs de se convertir.

J'en viens, pour conclure ce tour d'horizon, à notre proposition de légiférer sur le crime d'écocide pour tenir compte des limites de la planète. Nous ne cessons de les franchir, ce qui nous mène inexorablement vers la catastrophe. Je ne parle pas de ces délits de pollution, abusivement appelés écocides, mais bien de ces destructions, de ces agressions contre la nature, qui finiront par rendre inhabitables des régions entières, qui jetteront sur les routes, non pas des centaines de milliers, mais des centaines de millions de personnes, lesquelles n'auront d'autre choix que de venir frapper à la porte de mieux lotis. Nos petits-enfants auront peut-être à décider de leur sort.

Les limites planétaires, comme le réchauffement climatique, le changement d'usage des sols ou l'érosion de la biodiversité, sont les facteurs à l'origine de la pandémie actuelle et malheureusement, si l'on en croit l'ONU, à l'origine de pandémies futures.

C'est pourquoi nous vous proposons de légiférer pour créer le crime d'écocide et installer une Haute Autorité des limites planétaires chargée de déterminer les seuils nationaux et territoriaux en deçà desquels la vie restera toujours possible.

Nous ne pouvons plus vivre comme avant. Notre travail a consisté à réfléchir à un espace écologiquement sûr et socialement juste. Nous prions ardemment la représentation nationale de prendre les mesures susceptibles de rendre notre société résiliente.

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