La réunion

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La commission spéciale a auditionné, en visioconférence, M. Benoît Baubry, M. Pascal Beulque, M. Jean‑Pierre Cabrol, Mme Agnès Catoire, Mme Mélanie Cosnier, Mme Vita Evenat, Mme Agny Kapta, M. Guy Kulitza et Mme Isabelle Planté, membres de la Convention citoyenne pour le climat.

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Mes chers collègues, nous commençons nos travaux par l'audition de membres de la Convention citoyenne pour le climat : M. Guy Kulitza, accompagné de Mme Isabelle Planté, pour le groupe « Se nourrir », M. Jean-Pierre Cabrol, pour le groupe « Se loger », Mme Mélanie Cosnier, accompagnée de M. Pascal Beulque, pour le groupe « Se déplacer », Mme Agny Kapta, accompagnée de Mme Vita Evenat, pour le groupe « Produire et travailler », et Mme Agnès Catoire, accompagnée de M. Benoit Baudry, pour le groupe « Consommer ».

Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Notre commission spéciale, tout juste constituée, est chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Ce projet de loi est issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

Plusieurs membres de la Convention ont été entendus le 2 février par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale. La composition de la commission spéciale étant différente, il nous a semblé indispensable de vous entendre lors de notre première audition.

Durant cet exercice démocratique inédit, la Convention citoyenne pour le climat a mené des travaux approfondis pour répondre à la feuille de route qui lui était assignée : proposer des mesures pour réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Nous devons à présent traduire dans la loi une grande partie de vos propositions. C'est l'objet du projet de loi dit « Climat et résilience ».

Toutes les propositions émises par la Convention ne sont pas de nature législative. Certaines relèvent du domaine réglementaire, d'autres des compétences des collectivités locales ou de l'Union européenne. Quelques-unes ont trouvé une traduction dans d'autres textes, en particulier la loi de finances pour 2021.

Nous avons déjà abordé en commission du développement durable ou en séance publique plusieurs des sujets que vous portez, à l'occasion de l'examen de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGALIM », de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », de la loi relative à l'énergie et au climat, de la loi d'orientation des mobilités et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi « AGEC ». D'autres mesures, reprises dans le plan France relance, bénéficient d'un engagement financier très important de la France et de l'Union européenne. Enfin, certaines sont en cours d'examen au Parlement, comme la révision de l'article 1er de la Constitution.

Ce projet de loi nous offre l'occasion d'accélérer et d'approfondir notre action pour transformer notre modèle économique et atteindre nos objectifs en matière de développement durable et de neutralité carbone. Nous ne pourrons réussir cette transition écologique et climatique qu'à condition d'appliquer les mesures de manière juste, solidaire et ambitieuse pour nos concitoyens.

Au nom de la commission spéciale, je vous renouvelle mes remerciements pour l'ensemble des propositions que vous avez portées. Je salue votre travail et votre mobilisation en faveur des enjeux de transition écologique.

Après une phase de concertation, elle aussi inédite, pour l'élaboration du projet de loi, nous en arrivons au passage de relais et à l'étape des travaux parlementaires. Puisque vous êtes à l'origine des mesures dont nous débattrons, ce temps d'échange doit nous permettre de mettre en perspective nos futurs travaux législatifs et de recueillir vos observations sur le projet de loi.

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Agnès Catoire, groupe « Consommer »

. Merci de nous accueillir pour cette première audition et d'avoir décidé de reporter l'examen en commission spéciale de ce projet de loi ainsi que le délai de dépôt des amendements. En effet, l'ultime session de la Convention citoyenne pour le climat se tiendra le dernier week-end de février et il nous semblait primordial de faire entendre aux députés la voix collective de la Convention citoyenne à l'issue de ses réunions.

Je fais partie du groupe thématique « Consommer ». Des six familles d'objectifs initialement prévues, il n'en reste plus que cinq, puisque les mesures relatives à la sobriété numérique ont été abordées par le groupe « Produire et travailler ».

Nous avons établi qu'il était indispensable de changer nos habitudes pour consommer de manière plus sobre et vertueuse sur le plan environnemental, quel que soit notre pouvoir d'achat. Autrement dit, nous devons moins consommer et mieux consommer. Dans cette perspective, l'information, l'éducation et la sensibilisation sont des leviers puissants et efficaces. C'est pourquoi nous proposons de créer une obligation d'affichage de l'impact carbone des produits et services, par le biais d'un « CO2 score ».

Nous souhaitons également réguler dès aujourd'hui la publicité des produits frappés d'un malus écologique en nous appuyant, là encore, sur le dispositif du CO2 score. Une meilleure gestion de l'espace publicitaire français est possible si l'on favorise la promotion des comportements et des produits les plus vertueux et si l'on limite l'incitation à surconsommer.

Nous proposons de limiter le sur-emballage et l'utilisation du plastique à usage unique, en développant le vrac et les consignes dans les lieux de distribution.

Enfin, il est indispensable que les lois et règles existantes soient appliquées par tous. Si nécessaire, elles doivent être évaluées et revues en toute indépendance.

Notre groupe de travail s'inquiète de l'amoindrissement de nos recommandations dans le projet de loi « Climat et résilience ». Nous travaillerons à une réponse collective. Vous n'accordez pas tous la même importance à la parole citoyenne, ce que nous pouvons comprendre, mais l'essentiel est de prendre conscience de la réalité du changement climatique pour agir en conséquence.

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Agny Kapta, groupe « Produire et travailler »

Vous retrouverez nos propositions dans le titre II du projet de loi. Nous avons travaillé autour de l'économie circulaire et réfléchi à des mesures qui permettraient de renforcer la loi existante, par exemple en rendant obligatoire le recyclage de tous les objets en plastique d'ici 2025, en prolongeant la durabilité des produits manufacturés, en incitant à consommer de manière plus responsable et à limiter le gaspillage. Nous nous sommes également penchés sur la transformation de l'appareil de production, en soutenant les innovations en faveur de la transition. Il convient de transformer les emplois en rendant les modalités de travail plus vertueuses, en encourageant et en accompagnant la reconversion dans les entreprises et la transformation des métiers.

Nous proposons d'ouvrir au niveau régional un guichet unique pour les entreprises. Il faut créer une nouvelle gouvernance de la transition des emplois et des compétences au niveau national et régional pour décloisonner les instances existantes. Nous voulons également réduire l'impact écologique des entreprises en élargissant par exemple le périmètre des bilans d'émissions de gaz à effet de serre (BEGES) aux PME.

Nous voulons également renforcer les clauses environnementales dans les marchés publics.

Il est également nécessaire de mettre en place un contrôle international en instaurant un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne.

Nous proposons par ailleurs de prévoir des modalités de financement pour financer la transformation de l'appareil de production.

Concernant la communication, l'information et la formation, il nous semble nécessaire de sensibiliser les jeunes dès leur plus jeune âge et tout au long de leur éducation aux sujets environnementaux et climatiques.

Enfin, nous sommes attachés à la participation de tous à la production d'énergie à partir des ressources locales ainsi qu'à la régulation du secteur numérique pour réduire ses impacts environnementaux.

Vous avez ainsi une idée de l'étendue de notre champ de réflexion. Les thématiques que nous avons abordées, qu'il s'agisse de la transition écologique, de la cohésion sociale et territoriale ou de la compétitivité des entreprises, se retrouvent dans le plan de relance, la loi de finances et le projet de loi « Climat et résilience ». Ce sont des questions importantes et j'espère que vous prendrez en considération nos propositions dans le cadre de vos travaux.

Pour en venir plus précisément au titre II du projet de loi, j'aimerais revenir sur certaines des dispositions prévues aux articles 13 et 14 du chapitre Ier « Verdir l'économie ». Au chapitre II, « Adapter l'emploi à la transition écologique », nous aimerions voir évoluer le rôle des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (CREFOP). Au chapitre III, « Protéger les écosystèmes et la diversité biologique », nous estimons que certaines de nos propositions auraient pu être reprises, en particulier celles relatives à la forêt. Enfin, nous souhaiterions que soit inséré un chapitre IV, « Favoriser les énergies renouvelables pour tous et par tous », qui prévoie la création de ce fameux guichet unique et organise la coordination des projets autour de l'énergie.

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Mélanie Cosnier, groupe « Se déplacer »

Je me contenterai de dresser la liste des cinq familles dans lesquelles nous avons regroupé les quarante-trois propositions de notre groupe de travail.

La première traite du report modal des déplacements grâce à un important investissement dans les infrastructures pour inciter nos concitoyens à préférer le covoiturage, le vélo ou le train à la voiture individuelle.

La deuxième concerne le report modal du transport de marchandises par l'investissement et la fiscalité. Il s'agit de privilégier le fret, le ferroutage, le maritime et le fluvial au transport routier.

La troisième se rapporte à la transition du parc automobile au moyen de mesures fiscales et réglementaires.

La quatrième regroupe les propositions visant à réduire les déplacements professionnels, en particulier ceux entre le domicile et le lieu de travail, en les optimisant grâce à une collaboration avec les entreprises au niveau local.

La cinquième est axée sur la limitation des effets néfastes du transport aérien, très polluant, en réduisant certains de ses avantages et en développant les transports les moins carbonés.

Ces mesures sont interdépendantes – la transition de tout le parc automobile thermique vers l'électrique posera problème si elle n'est pas associée à un report modal, lui-même favorisé par une transformation des trajets entre le domicile et le travail. Elles sont liées aux mesures proposées par les autres groupes – réduire l'artificialisation des sols en densifiant permet de moins se déplacer.

Le sujet de la transition est, par conséquent, particulièrement complexe et la question de la priorisation se pose. Pour que les mesures soient acceptables, elles doivent être justes. L'effort doit donc être partagé entre les ménages, les entreprises et le Gouvernement. C'est parce que nous avons eu le souci de proposer des mesures justes qu'elles sont aussi nombreuses et liées les unes aux autres. Dès lors, il sera particulièrement délicat de définir des priorités. Il faudra veiller à ne créer aucun déséquilibre. C'est à cette condition que la transition sera réussie.

Concernant les actions menées par le Gouvernement, notre groupe de travail a constaté que les mesures reprises sans modification étaient celles qui avaient le moins d'effets sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, alors que celles qui auraient pu donner les meilleurs résultats ont été édulcorées, parfois à un point tel qu'elles en ont perdu toute efficacité. Enfin, certaines ont été discrètement abandonnées. Les mesures concernant les investissements ont été évacuées dans le plan de relance, et les durées ont été réduites – deux ou trois ans contre cinq à dix ans proposés.

Une grande partie des propositions liées à la fiscalité ont été reprises dans la loi de finances pour 2021 mais, là encore, en en atténuant fortement la portée. Ainsi, le malus au poids ne concerne presque aucun véhicule.

Le reste des propositions a été repris dans le projet de loi « Climat et résilience », avec le même constat. Ainsi, pratiquement aucune ligne aérienne intérieure ne sera arrêtée et le refus d'imposer une limitation de vitesse à 30 km/h en ville laisse au maire la liberté de prendre cette décision.

Ce manque d'ambition nous déçoit. La mise en œuvre de nos propositions demande de l'audace et du courage. Il en faudra si nous voulons vivre une transition douce, progressive, confortable et non prendre une claque en pleine figure lorsque notre système ne parviendra plus à suivre le rythme du changement climatique.

Notre groupe, comme tous les autres, se tient à votre disposition pour revoir en détail nos propositions, discuter de nos objectifs et de nos ambitions, expliquer nos intentions. N'hésitez pas à nous solliciter pour d'autres séances de travail.

Enfin, nous avons créé un site, sansfiltre.les150.fr, sur lequel sont répertoriées toutes nos propositions. Nous le mettons régulièrement à jour. N'hésitez pas à le consulter et à y piocher des idées d'amendements. Notre rapport est un projet de loi à lui seul.

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Jean-Pierre Cabrol, groupe « Se loger »

Merci, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre le temps de nous écouter et surtout, de nous entendre. Notre groupe propose quatorze mesures pour répondre à trois objectifs, que je vais vous présenter.

Le premier est la rénovation énergétique globale des bâtiments. Nous proposons de contraindre les propriétaires occupants et les bailleurs à rénover leurs bâtiments afin d'atteindre un niveau de performance énergétique A ou B, voire C pour les logements qui ne pourront pas parvenir à un niveau plus élevé. Le Gouvernement veut interdire, dès 2023, la location pour les logements classés F ou G, ceux que l'on appelle les passoires thermiques. Cette mesure, qui concernerait 90 000 logements, reste en deçà de nos propositions.

Nous proposons par ailleurs de déployer un réseau harmonisé de guichets uniques pour accompagner les ménages qui souhaitent rénover leur habitat, du diagnostic initial au contrôle final. Cette proposition n'a pas été reprise dans le projet de loi, même s'il est possible que le guichet unique voie le jour prochainement. Nous l'espérons tous.

Il conviendrait également d'engager un plan d'action national pour former les professionnels à l'utilisation de matériaux biosourcés et leur apprendre à collaborer les uns avec les autres afin de réaliser plus facilement les travaux nécessaires. Cette proposition n'a pas non plus été explicitement reprise dans le projet de loi.

Le deuxième objectif est la limitation de la consommation d'énergie. Nous proposons de contraindre par des mesures fortes les propriétaires des espaces publics et des bâtiments tertiaires à réduire leur consommation d'énergie, ensuite d'inciter les particuliers à réduire leur consommation d'énergie, et enfin d'inciter à limiter le recours au chauffage et à la climatisation dans les logements, les espaces publics et ceux ouverts au public ainsi que les bâtiments tertiaires. Nous suggérons d'imposer le changement des chaudières au fioul et à charbon d'ici à 2030 dans les bâtiments neufs et rénovés. Le Gouvernement a décidé d'interdire dès 2022 l'installation de nouvelles chaudières au fioul et au charbon mais il ne dit rien des chaudières déjà installées.

Enfin, le troisième objectif est la lutte contre l'artificialisation des sols. Les propositions que vous y trouverez dépendent de celles prévues par le groupe « Se déplacer ». Dès lors que l'on limite l'extension des zones habitables et commerciales, on réduit les trajets et donc les émissions de gaz à effet de serre. Nous proposons en particulier d'évaluer le potentiel de réversibilité des bâtiments avant toute démolition et toute nouvelle construction. L'article 54 du projet de loi prévoit une disposition en ce sens mais qui ne nous semble pas suffisamment contraignante.

Nous avons proposé des mesures très importantes pour freiner l'expansion des zones artisanales et commerciales. Le projet de loi fixe un principe général d'interdiction de créer de nouvelles surfaces commerciales qui entraîneraient une artificialisation des sols mais une dérogation pourra être accordée aux projets d'une surface de vente inférieure à 10 000 m2.

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Guy Kulitza, groupe « Se nourrir »

. Je n'étais pas particulièrement engagé dans la défense de l'écologie. J'avais de grandes idées, bien sûr, et je pensais bien faire, mais l'exposé de Mme Valérie Masson-Delmotte m'a laissé abasourdi. Je suis à présent convaincu que nous ne pouvons pas continuer à fonctionner ainsi. L'avenir de mes enfants et de mes sept petits-enfants est en jeu.

Quelles seront leurs conditions de vie et de survie ? Nous dépassons des limites géologiques que l'économie n'est pas en mesure de contrôler ou de sauvegarder. Ces limites sont aussi celles que l'on retrouve dans nos assiettes. Par nos propositions, nous avons souhaité inventer, pour notre agriculture, un modèle respectueux de nos paysans, de nos écosystèmes, de notre environnement et de notre santé, un modèle respectueux du travail agricole et créateur d'emplois. La transformation des aides à l'hectare en aides à l'actif agricole va dans ce sens.

La France, première puissance agricole européenne, compte la plus grande surface agricole utile. Pour peu que nous nous en donnions les moyens, nous pourrions largement participer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Combinés à des mesures de justice sociales, ces moyens nous offriraient les clés d'une agriculture résiliente. C'est le sens des mesures que notre groupe de travail a proposées.

Nous avons voulu garantir une alimentation saine, durable et de qualité, accessible à tous, en portant une attention particulière aux plus démunis qui n'ont d'autre choix que de se tourner vers des produits peu onéreux, aux vertus nutritives réduites, voire absentes, mais dont la teneur en sucre, sel, gras ou additifs les rend mauvais pour leur santé.

Nous recommandons ainsi la mise en circulation de chèques alimentaires pour acheter des produits durables issus de l'agroécologie ou de circuits courts. Nous proposons également d'interdire la publicité pour les produits proscrits par le Programme national nutrition santé (PNNS) et de mieux informer le consommateur des dispositions du plan national relatif à la nutrition et à la santé, auquel il pourrait être intégré une dimension climat.

Cette recherche d'un équilibre entre les vertus alimentaires, la santé et la protection du climat, nous a amenés à souhaiter que les services de restauration collective, dans le public comme le privé, proposent obligatoirement un menu végétarien. Cette proposition, tout comme celle relative aux protéagineux, s'explique par la nécessité de réduire drastiquement les émissions de méthane et de protoxyde d'azote, du fait notamment des élevages.

Nous avons identifié plusieurs pistes pour agir. Il conviendrait ainsi de créer une redevance en cas de pollution par les engrais azotés, qui sont responsables du phénomène d'eutrophisation des cours d'eau, des océans, de l'acidification des sols, de la pollution atmosphérique. Ils polluent également les eaux souterraines et altèrent la biodiversité. Nous avons identifié d'autres moyens pour lutter contre l'usage des pesticides et la déforestation importée.

Le choix d'une redevance sur les engrais azotés permettrait d'en redistribuer le produit vers les exploitations en transition agroécologique ou biologique qui, à leur tour, pourraient proposer leur production à l'élection du chèque alimentaire. Les surfaces, qui ont doublé en cinq ans, témoignent de la volonté des agriculteurs de se convertir.

J'en viens, pour conclure ce tour d'horizon, à notre proposition de légiférer sur le crime d'écocide pour tenir compte des limites de la planète. Nous ne cessons de les franchir, ce qui nous mène inexorablement vers la catastrophe. Je ne parle pas de ces délits de pollution, abusivement appelés écocides, mais bien de ces destructions, de ces agressions contre la nature, qui finiront par rendre inhabitables des régions entières, qui jetteront sur les routes, non pas des centaines de milliers, mais des centaines de millions de personnes, lesquelles n'auront d'autre choix que de venir frapper à la porte de mieux lotis. Nos petits-enfants auront peut-être à décider de leur sort.

Les limites planétaires, comme le réchauffement climatique, le changement d'usage des sols ou l'érosion de la biodiversité, sont les facteurs à l'origine de la pandémie actuelle et malheureusement, si l'on en croit l'ONU, à l'origine de pandémies futures.

C'est pourquoi nous vous proposons de légiférer pour créer le crime d'écocide et installer une Haute Autorité des limites planétaires chargée de déterminer les seuils nationaux et territoriaux en deçà desquels la vie restera toujours possible.

Nous ne pouvons plus vivre comme avant. Notre travail a consisté à réfléchir à un espace écologiquement sûr et socialement juste. Nous prions ardemment la représentation nationale de prendre les mesures susceptibles de rendre notre société résiliente.

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Je remercie tout d'abord mes collègues pour leur confiance et je voudrais dire à nouveau à mes collègues de l'opposition que je suis à leur écoute pour faire évoluer ce texte et trouver, à chaque fois que ce sera possible, le consensus le plus large possible car nous sommes d'accord sur beaucoup d'objectifs.

Il est hautement symbolique de commencer nos travaux par l'audition des membres de la Convention citoyenne pour le climat, que je salue chaleureusement. Voulue par le Président de la République, la Convention citoyenne nous a permis de donner la parole aux Français, de leur faire confiance et de construire une démocratie délibérative qui a enrichi notre démocratie.

Ce projet de loi est le fruit de vos réflexions. Cet exercice de démocratie directe, relayé par notre démocratie représentative et bientôt complété, du moins je l'espère, par un référendum, est une première, une innovation. L'ambition de cette démarche est simple : partir des attentes de nos concitoyens en matière de transition écologique et les solliciter pour formuler des propositions en faveur de la défense du climat.

La Convention n'a pas travaillé sur n'importe quel thème : elle a émis des propositions sur le sujet majeur de notre temps, la défense du climat. Il ne nous reste que quelques années pour réformer notre modèle économique et sociétal afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et empêcher l'effondrement de la biodiversité. Le sujet est majeur car la plupart des crises que nous traversons sont liées à l'environnement. C'est à l'aune de cet enjeu que nous devons apprécier votre travail et saluer votre engagement.

Le texte est maintenant au Parlement. Il ne faudrait pas voir dans cette étape une rupture, un retour aux habitudes de nos pratiques politiques. Députés, nous parcourons toute l'année nos circonscriptions car nous avons besoin, pour l'exercice de notre mandat, de connaître l'opinion et les suggestions de nos concitoyens. Jamais une loi n'aura tant puisé dans leur travail.

Je ne pense pas, comme je l'ai lu, qu'il faille opposer le Parlement et la Convention citoyenne pour le climat. Bien au contraire, nos travaux se nourriront de votre énergie afin que la loi réponde aux aspirations de nos concitoyens et respecte les limites qu'ils nous donnent. Cette énergie nous sera d'autant plus nécessaire que nous avons l'ambition de faire de ce texte l'une des grandes lois du quinquennat.

Vous avez émis des propositions, que nous avons étudiées avec attention. Le projet de loi « Climat et résilience » est ainsi le fruit des travaux de Français tirés au sort. Comment, à votre avis, sera-t-il jugé par les autres Français ? Seront-ils satisfaits ?

S'agissant des propositions qui n'ont pas été retenues, comprenez-vous les raisons qui ont guidé le choix du Gouvernement ? Comprenez-vous qu'il ait dû concilier plusieurs impératifs, en particulier la défense du secteur économique, très fragilisé et l'ambition climatique ?

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. Je remercie les membres de la Convention citoyenne pour le climat pour leur travail. Nous avons reporté au 8 mars le début de l'examen du projet de loi en commission pour nous laisser le temps de débattre de leurs propositions.

Selon le mandat confié à la Convention citoyenne pour le climat, elle devait dégager des propositions qui, tout en permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030, répondent aux enjeux de justice sociale.

Dès lors, quels seront les effets des mesures d'interdiction que vous proposez dans le secteur de la publicité sur la trajectoire carbone ? Comment les avez-vous évaluées ? Par ailleurs, avez-vous mesuré les conséquences sur les emplois ?

Enfin, vous souhaitez interdire les panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs, en dehors de ceux délivrant des informations locales et culturelles. Or, en France, la publicité finance une partie du mobilier urbain et permet, par conséquent, à cette information locale d'exister. Quelle charge pour les collectivités locales résulterait de votre proposition ?

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. Je salue, à mon tour, le travail réalisé par les membres de la Convention citoyenne pour le climat.

Ma première question concerne la méthode. Les propositions, dont je ne remets pas en cause la pertinence, sont-elles le fruit d'une concertation avec les collectivités territoriales ? En effet, qu'il s'agisse de zones à faibles émissions, de déploiement de parkings relais ou de voies réservées, les collectivités territoriales jouent un rôle dans l'application de telles mesures. J'ai bien pris connaissance de la liste des personnes auditionnées mais les collectivités locales ont-elles été parties prenantes ?

Vous proposez par ailleurs de renforcer le malus sur les véhicules polluants en introduisant le critère du poids – en l'espèce, 1,4 tonne. Cette mesure est-elle socialement acceptable ? L'ensemble de la population doit pouvoir acquérir des véhicules qui ne soient pas soumis à un tel malus.

Enfin, que pensez-vous du plan de relance qui dédie 11,5 milliards d'euros à la mobilité ?

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. Je salue, moi aussi, le travail réalisé mais aussi l'engagement naissant que nous percevons chez nos concitoyens qui ont pris conscience, parfois violemment, de l'enjeu climatique. Il doit nous aider à inscrire dans la loi des mesures majeures mais aussi à réfléchir au moyen d'entraîner l'ensemble de nos concitoyens dans l'action en faveur de la transition écologique.

De nombreuses propositions, très variées, ont enrichi la thématique « Se nourrir ». Vous avez reconnu, et je vous en remercie, le travail accompli par notre assemblée au travers de la loi EGALIM dont vous avez demandé la pleine application d'ici 2030.

Tout ne passe par la loi, cependant, et je commencerai par vous demander si le projet de loi vous semble à la hauteur de vos attentes. Qu'attendez-vous de nous ?

Par ailleurs, la crise que nous traversons depuis plus d'un an a-t-elle fait évoluer votre regard sur certains sujets ? Pensez-vous nécessaire d'atténuer ou de renforcer certaines mesures, d'en créer de nouvelles, pour assurer la réussite de notre trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

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Je remercie les citoyens de la Convention pour le travail qu'ils réalisent depuis plus d'un an.

Concernant les propositions relatives à la rénovation énergétique, quelles seront les conséquences de l'encadrement des loyers pour les logements que l'on appelle des passoires thermiques ? Ne craignez-vous pas que les propriétaires préfèrent retirer leurs biens du marché ? La même question se pose pour l'interdiction, à terme, de la location de tels logements. J'ai d'ailleurs bien noté vos réserves sur le calendrier prévu.

Par ailleurs, comment envisagez-vous l'ouverture d'un guichet unique ? Au-delà de l'objectif de mieux informer le public, que tout le monde partage, il serait sans doute nécessaire de clarifier le rôle des différents intervenants.

Enfin, vous avez raison, la loi ne fait pas tout et la voie réglementaire n'est pas négligeable. Ainsi, la loi ELAN a rendu le diagnostic de performance énergétique plus fiable et surtout, opposable. Un décret doit préciser la méthode de réalisation de ce diagnostic, pour tenir compte de la consommation d'énergie primaire ou des émissions de gaz à effet de serre. Comment envisagez-vous l'avenir d'un tel diagnostic ?

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. Je tiens à rassurer les membres de la Convention citoyenne pour le climat : le rôle des députés est d'écouter tous les citoyens ; ne doutez pas que nous continuerons de le faire.

Beaucoup de vos propositions ont déjà été prises en compte dans la loi AGEC, qui était en discussion pendant que vous meniez vos travaux. Publiée au Journal officiel le 11 février 2020, cette loi est récente et il est délicat d'y revenir, alors même que tous les décrets d'application ne sont pas encore parus. Cependant, elle est renforcée par plusieurs mesures du projet de loi.

Nous partageons l'idée selon laquelle les entreprises jouent un rôle essentiel pour respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Selon vous, quel est le degré d'acceptabilité par nos concitoyens de certaines énergies renouvelables, telles celles issues de la méthanisation ou de l'éolien, dont les installations sont souvent contestées ?

S'agissant de la classification européenne des activités économiques durables, ou taxonomie, je souhaiterais connaître votre avis sur la décision du Conseil relative aux ressources propres de l'UE – le Parlement a définitivement adopté la loi autorisant son approbation le 4 février dernier.

Avez-vous examiné les investissements de la « banque du climat », formée par Bpifrance et la Banque des territoires, en faveur de projets d'avenir publics ou privés pour la transition écologique ?

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Madame la présidente, l'ordre des interventions peut-il respecter les diverses sensibilités présentes au sein de la commission ?

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. Je reviens sur les propos de M. Guy Kulitza : notre devoir de protection de la nature doit se traduire par un droit efficient. La définition de l'écocide dans les propositions de la Convention citoyenne dépasse le cadre national. Elle sera extrêmement utile dans des enceintes internationales, de même que la définition des limites planétaires que vous proposez. Mais il appartient au Parlement, au travers du projet de loi que nous examinons, d'améliorer le droit français pour mieux protéger l'environnement et punir davantage les « tricheurs ».

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Une fois n'est pas coutume : afin de donner un caractère plus équilibré à nos échanges, je propose que M. Damien Adam, rapporteur pour les articles 20 et 21 relatifs au code minier, intervienne après les orateurs des groupes.

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J'ai fait part de mon mécontentement de voir les orateurs de l'opposition s'exprimer après sept interventions de la majorité, sans compter la présidente. Ce n'est pas de cette manière que nous pourrons avoir un débat serein, d'autant que nous ne disposons que de deux minutes de temps de parole chacun ; on pourrait faire le calcul des temps cumulés dont disposent la majorité et les groupes d'opposition !

Nous respectons la parole citoyenne, qui a au moins servi à une chose : faire émerger des propositions que certains d'entre nous formulions depuis longtemps.

Si je me retrouve dans beaucoup des propositions de la Convention citoyenne, je ne me considère pas comme un commis voyageur qui n'aurait d'autre fonction que de les relayer. Je représente les citoyens de ma circonscription, la nation et j'appartiens au groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Je pense que la question de l'écologie doit être beaucoup plus intimement liée à la question sociale. Habitant un petit hameau au fin fond de l'Auvergne, je mesure le décalage. Trop souvent, on ne tient pas compte des conséquences sur la vie dans les territoires ruraux – ainsi, les mesures de prévention de l'artificialisation des sols empêchent quasiment d'y construire une maison.

J'avais proposé dans une question posée au Gouvernement qu'un travail d'analyse des propositions de la Convention citoyenne soit organisé beaucoup plus en amont, dans le cadre d'une commission spéciale ; nous aurions alors sans doute pu conserver certaines des propositions qui n'ont pas été retenues, détricotées ou renvoyées à la Saint-Glinglin.

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Chers membres de la Convention citoyenne pour le climat, je compatis : vous en avez vu de toutes les couleurs depuis le rendu de vos travaux.

Il avait été dit que vos propositions seraient reprises sans filtre, mais c'était avant que le Président de la République ne sorte ses innombrables jokers : la taxe de 4 % sur les dividendes, le moratoire sur la 5G – en vous qualifiant au passage d'Amish qui s'éclairent à la lampe à huile –, le malus écologique sur les véhicules les plus polluants, la taxe sur les engrais azotés, la baisse de la TVA sur les transports en commun, l'investissement massif dans le secteur ferroviaire et l'écocide, finalement transformé en délit environnemental, ont ainsi été écartés.

Tout cela pour aboutir à ce projet de loi élaboré en catimini, sans même attendre la fin des sessions de travail de la Convention citoyenne. On peine à y retrouver vos propositions, tant elles ont été édulcorées. Il faut dire que les industriels et les lobbyistes sont passés par là : selon l'Observatoire des multinationales, « Les principaux secteurs industriels concernés […] ont mobilisé tous les leviers d'influence à leur disposition […]. »

Résultat : les interdictions deviennent des incitations, les contraintes de douces caresses, et l'objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 ne sera pas respecté.

Ma question porte sur les conditions d'examen du projet de loi, qui vous concernent aussi. Le délai de dépôt d'amendements avait été initialement fixé – il fallait oser ! – avant votre dernière session de travail. L'examen du projet de loi par la commission spéciale se superposera à celui, en séance publique, du projet de loi constitutionnelle relatif à la protection de l'environnement, ce qui empêchera une partie des députés d'y participer. En outre, le Gouvernement et la majorité envisagent de recourir au temps législatif programmé – il ne faudrait surtout pas discuter trop longtemps de ce qui constitue le plus grand défi de ce siècle, le dérèglement climatique.

Après un projet de loi vidé de son contenu, que vous inspire son examen bâclé ?

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Mesdames et Messieurs les membres de la Convention citoyenne pour le climat, en vous engageant comme vous l'avez fait, en donnant de votre temps, vous avez pu mesurer les sacrifices que consentent, quotidiennement, les 500 000 élus de France.

Vous êtes les otages d'un jeu politicien et je crains que la profondeur de vos travaux, notamment sur l'économie circulaire, ne soit pas à la hauteur. Avez-vous intégré les travaux du Club de Rome ainsi que ceux de la Commission européenne ? Connaissez-vous les travaux sur les marchandises et les déplacements effectués par l'Institut national de l'économie circulaire (INEC), référence française en la matière et dont je suis le président ? Né en France et désormais mondial, le concept de « ville du quart d'heure » est-il intégré dans la réflexion ? On prône des réponses technologiques plutôt qu'une remise en question complète de notre modèle de développement.

Mais nous allons rebondir, en nous saisissant de cette occasion de travailler, enfin, sur l'urgence écologique, et pas seulement climatique. Le groupe Libertés et territoires fera des propositions allant bien au-delà des soixante-neuf articles du projet de loi.

Pour que les choses soient claires : nous allons reprendre vos propositions mais surtout les dépasser ; d'une certaine manière, nous allons vous oublier, en nous focalisant sur les objectifs urgents, sans attendre demain.

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L'objectif assigné à la Convention citoyenne pour le climat était de proposer des mesures pour lutter contre le dérèglement climatique et ses conséquences sur la biodiversité, dans le respect de la justice sociale.

Que pensez-vous de la proposition du groupe Agir ensemble visant à compléter l'évaluation de l'impact environnemental de certaines mesures par celle de leurs conséquences économiques, sociales et territoriales ? Une clause de revoyure permettrait de dresser un bilan intermédiaire, dans deux ou trois ans, et le cas échéant de proposer des modifications des dispositions votées. Une loi traitant de l'adaptation aux changements climatiques devrait elle-même pouvoir être adaptée, dans une perspective de justice sociale pour les Français.

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Selon vous, le projet de loi est-il à la hauteur des objectifs de développement soutenable, que nous devons respecter dans un esprit de justice sociale ?

Plusieurs sujets sont absents : trop peu sur le reporting, la comptabilité environnementale et sociale ; pas grand-chose sur les études d'impact ; rien sur les infrastructures ferroviaires et fluviales, ni sur l'écoconditionnalité des aides publiques versées aux entreprises.

Vous avez souhaité accorder une grande importance à l'acceptabilité sociale des mesures que vous proposeriez. Le projet de loi comporte trop peu de mesures sociales structurantes et ne me semble pas traduire cette ambition.

À la lumière des formations sur le dérèglement climatique qui vous ont été dispensées, pensez-vous que ce texte soit à la hauteur du défi ? N'est-il pas indispensable d'y introduire des mesures sociales d'accompagnement pour prévenir l'apparition d'un sentiment d'incompréhension, voire de colère, qui remettrait en question l'architecture globale du projet ? Nous proposerez-vous des amendements complémentaires ?

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En complément du plan de relance, le projet de loi doit permettre de progresser vers un avenir meilleur : décarboné, respectueux des écosystèmes et résilient. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés entend traduire les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, ce qui n'est pas les trahir.

Vos recommandations s'inscrivent dans une démarche en faveur d'un modèle plus solidaire, car l'acceptabilité sociale doit être au cœur de ce changement. Ce projet de loi doit aussi être le moyen d'améliorer l'éducation en matière d'environnement. Il faut accélérer la prise de conscience par les Français de la nécessaire évolution en profondeur des modèles agricole et de consommation.

Au travers des six titres du projet de loi, nous agirons sur les habitudes de vie et sur la manière de produire et de travailler. Il faut rendre l'économie plus verte et favoriser les circuits courts et l'agroécologie, pour une alimentation saine.

L'ambition est accrue avec l'objectif « zéro artificialisation nette », destiné à lutter contre la destruction, chaque année, de 30 000 hectares d'espaces naturels, agricoles ou forestiers.

Depuis l'accord de Paris sur le climat, la neutralité carbone est devenue le principal levier des stratégies de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.

Nous aurons à cœur de compléter vos travaux avec des propositions sur les écosystèmes aquatiques, terrestres et marins, qui constituent des puits de carbone exceptionnels ; je pense par exemple aux tourbières. Pourquoi avez-vous omis de travailler sur ces sujets-là ?

Il ne s'agit pas de se donner bonne conscience, mais d'anticiper, d'adapter nos territoires au réchauffement climatique et de léguer aux générations futures une planète habitable. Après avoir subi des étés secs, un confinement de l'homme et un déconfinement de la nature, nous ne devons pas oublier que la relance économique devra tenir compte de ces engagements.

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Ma question est simple : pensez-vous que le projet de loi soit fidèle à vos travaux ? Les parlementaires se trouvent face à un dilemme. Soit ils reprennent les propositions de la Convention sans les modifier, en renonçant à leur droit constitutionnel d'amendement ; soit ils les enrichissent. Vous sembleront-elles alors dénaturées ? Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, il est important de connaître votre sentiment sur ce point.

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L'examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique constitue une nouvelle étape de l'aventure humaine ouverte avec la Convention citoyenne pour le climat, décisive pour la transition écologique. Chacun doit prendre sa part dans cette œuvre collective : vous avez fait des propositions ; le Gouvernement les a traduites dans le projet de loi ; les députés, en l'examinant, auront l'occasion de poursuivre les travaux engagés depuis trois ans.

Je rappelle que nous avons adopté de nombreux textes, dont la loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures, les lois ELAN et EGALIM, la loi énergie-climat et la loi AGEC. La France a ouvert un chemin, qui inspire l'Europe. Le projet de loi s'inscrit dans cette continuité.

Beaucoup des mesures que vous avez proposées sont consensuelles, comme celles sur l'affichage de l'impact environnemental ou sur les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Mais il faudra s'interroger sur celles qui suscitent des débats, tant parmi nos concitoyens que dans certaines filières économiques – je pense à ce que vous avez recommandé pour l'évolution de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ou pour les infrastructures aéroportuaires. Nous proposerons aussi des ajouts, par exemple pour le secteur fluvial.

L'expérience menée avec la Convention citoyenne pour le climat est-elle une réussite ? Les commentaires vont bon train, mais à la fin du compte, la seule question qui vaudra sera de savoir si nous avons pris collectivement les bonnes décisions. Pour le groupe LaREM, ce sont celles qui contribueront aux changements effectifs et à la réussite de la transition écologique. Pour les membres de la Convention citoyenne, quels sont les facteurs clés de succès du projet de loi ?

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Madame la présidente, la méthode que vous avez employée est anormale : vous ne pouvez pas décider unilatéralement de modifier l'ordre de passage des rapporteurs arrêté par le Bureau de la commission, parce que tel ou tel député exprime son mécontentement.

Les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont formulé des propositions qui complètent le travail mené par les précédentes majorités et par l'actuelle, avec l'adoption de nombreuses mesures depuis trois ans. Il faut aussi souligner l'effort réalisé par les Français. Si la moitié du chemin est faite, il faut aller plus loin pour atteindre l'objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre tout en respectant un esprit de justice sociale.

Pourriez-vous préciser la méthode que vous avez employée pour intégrer cette dimension de justice dans vos propositions ? La transition écologique ne sera un succès que si elle suscite l'adhésion de l'ensemble de la société.

Je suis rapporteur pour les articles relatifs au code minier. Il ne s'agit certes pas d'un sujet majeur pour la Convention citoyenne, mais comptez-vous l'évoquer lors de la dernière session et avez-vous quelque chose à en dire aujourd'hui ?

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Benoît Baubry, groupe « Consommer »

Il n'est pas toujours facile de calculer l'effet des mesures sur les émissions de gaz à effet de serre. Cela peut l'être cependant dans quelques cas, telles les mesures de lutte contre les passoires thermiques.

Nous n'avons pas demandé la suppression de la publicité, mais sa régulation. Il ne devrait donc pas y avoir de pertes d'emplois. Nous sommes conscients de l'importance économique de la publicité pour les médias. Ce que nous souhaitons c'est une autre publicité, aux messages plus vertueux.

Pour répondre à la question du rapporteur général sur la perception de nos propositions par les Français, je dois souligner que, pour ma part, je n'avais aucun avis sur les questions climatiques avant d'être tiré au sort. C'est l'accès à l'information pertinente qui m'a permis de juger.

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Agny Kapta, groupe « Produire et travailler »

Le rapporteur général a posé la question de l'acceptabilité des propositions formulées par la Convention citoyenne. Tous les groupes ont souhaité la mise en place de guichets uniques pour délivrer une information beaucoup plus claire sur l'ensemble des mesures. Il s'agit de ne plus travailler en silo, mais d'établir une gouvernance concertée.

Plusieurs études d'opinion ont été lancées pour analyser l'acceptabilité de nos 149 propositions, dont une à l'échelle européenne. Il en ressort que 64 % des personnes interrogées voient dans le changement climatique une urgence mondiale – 91 % au Royaume-Uni, 79 % en France. Sur l'ensemble de ces personnes inquiètes pour la situation de la planète, 59 % considèrent que tous les moyens nécessaires devraient être mis en œuvre.

Par ailleurs, nous considérons que les citoyens doivent être acteurs. Ils doivent pouvoir participer aux enquêtes publiques, réagir aux projets d'aménagements.

On nous oppose souvent les conséquences financières, mais notre mandat portait sur l'objectif national de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030. Il ne faut pas avoir une vision statique ; nous avons défini pour nos propositions des échéances à court, moyen et long termes.

Dans la présentation faite de nos travaux, on a trop souvent mis l'accent sur les contraintes sans relever que beaucoup de nos propositions portent sur le nécessaire accompagnement social. Nous avons demandé un effort plus important en faveur du programme d'investissements compétences (PIC) pour augmenter le nombre de formations dispensées en faveur des métiers verts et verdissants.

Vous connaissez les conséquences économiques du dérèglement climatique : le besoin de financements additionnels représente entre 15 et 18 milliards d'euros pour le deuxième budget carbone 2019-2023, et entre 35 et 41 milliards d'euros pour le troisième budget carbone 2024-2028. On sait aussi que les investissements dans le domaine des énergies fossiles sont beaucoup trop élevés, et qu'il faudra encore réparer les dégâts qu'ils ne manqueront pas de causer.

J'aimerais qu'on nous dise lesquelles de nos propositions sont préjudiciables à l'économie et ne facilitent pas la transition écologique. Le groupe « Produire et travailler » a précisément proposé d'accompagner et de faciliter la transformation des outils de production et des métiers, car il est vrai que certains disparaîtront avec la transition écologique.

Rassurez-vous, Madame Motin, nous savons parfaitement que les députés sont avant tout des citoyens et qu'ils sont à l'écoute. Aujourd'hui, ce sont d'autres citoyens qui viennent vous aider à répondre à l'objectif commun.

Nous savions que le Parlement examinait le projet de loi AGEC pendant que se tenait la Convention citoyenne ; il était légitime qu'il continue de légiférer. Nous avons voulu aller un peu plus loin. Dans cette loi et dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique, nous ne retrouvons pas notre proposition sur l'extension de l'obligation de fournir des pièces détachées ni celle sur l'obligation d'affichage du taux de matières recyclées incorporées dans un produit mis sur le marché.

En ce qui concerne l'acceptabilité des énergies renouvelables, nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas retenu notre proposition de mettre en place un coordinateur régional, chargé de faciliter les échanges entre les différents acteurs au sujet des projets d'aménagement. Il est aussi primordial de retravailler le contenu des baux emphytéotiques et de favoriser l'indépendance des commissaires enquêteurs vis-à-vis des promoteurs.

Les membres de la Convention citoyenne se sont interrogés sur la manière d'arriver à une définition commune des investissements verts. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur les critères figurant à l'article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Nous avons souhaité que l'ensemble des acteurs, dont le secteur bancaire, soient associés à l'élaboration d'une taxonomie s'appuyant sur la classification européenne des activités durables ; ce travail est très prometteur et nous attendons d'en connaître le résultat.

La Convention citoyenne a proposé d'utiliser l'épargne réglementée gérée par la Caisse des dépôts et consignations et les banques pour financer les investissements verts tels qu'ils sont définis par l'UE. On nous a indiqué que cette idée était prise en compte, mais nous ignorons quels sont les montants et les projets qui seront concernés.

M. Lambert s'est interrogé sur la façon dont nous avions élaboré nos propositions en matière d'économie circulaire. Si vous souhaitez les enrichir, faites-le ! Nous ne le prendrons pas mal, bien au contraire. Nous savions dès le départ que le Parlement reprendrait notre travail ; tel était le contrat moral.

En matière de justice sociale pour les agriculteurs, nous proposons d'adopter une position ambitieuse dans le cadre des négociations de la politique agricole commune (PAC), de réformer l'enseignement et la formation agricoles, de transformer l'attribution des aides à l'hectare, d'évoluer vers une agriculture durable et de rendre les négociations tripartites plus transparentes et plus justes.

Nous proposons également que la rénovation énergétique des logements soit accessible à tous, grâce à des systèmes d'aides progressifs – prêts, subventions pour les plus démunis ou un reste à charge zéro –, qu'un fonds de garantie pour les copropriétaires les plus précaires soit créé et qu'un réseau de guichets uniques soit mis en place afin de rendre l'information accessible.

Par ailleurs, nous préconisons une production, un stockage et une redistribution d'énergie pour tous et par tous ainsi que la production d'énergies vertes à tous les échelons territoriaux. Nous proposons également que les salariés puissent bénéficier de formations ; nous nous réjouissons que le rôle du comité social et économique (CSE) soit intégré dans le projet de loi, mais les salariés doivent être informés et force de proposition dans l'entreprise.

En matière de marchés publics, nous demandions que le critère environnemental soit pris en compte à hauteur d'au moins 20 % dans la note d'attribution. Si le projet de loi impose aux acheteurs publics de prendre en compte ces considérations, il prévoit que l'un au moins des critères sur lesquels est retenue l'offre tienne à ses caractéristiques environnementales – ce n'est pas suffisant.

S'agissant de la biodiversité, notre recommandation concernant la préservation des hydrosystèmes a été intégrée dans le projet de loi. Par ailleurs, il est tout à fait possible de déposer des amendements – nous comptons sur vous – pour y intégrer nos propositions relatives à la gestion des forêts ainsi que nos préconisations concernant le volet numérique, que le Gouvernement a préféré traduire sous la forme d'une feuille de route.

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Vita Evenat, groupe « Produire et travailler »

En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous voulons mettre le citoyen au centre de la production et donner un fondement législatif à la démarche, qui repose actuellement sur le volontariat. À cette fin, un guichet unique doit être créé pour aider ceux qui ont des projets de production, quelle qu'en soit la forme : individuelle, coopérative… Produire sa propre énergie, voire la vendre, c'est une forme de solidarité.

Chaque collectivité doit pouvoir choisir son type d'énergie renouvelable – nous ne voulons rien imposer en la matière. Toutefois, nous constatons que la méthanisation n'est pas suffisamment développée alors que les 25 % des déchets alimentaires que contient chaque poubelle ménagère pourraient être mis à profit. Il faut donc y travailler.

En matière de préservation de la biodiversité, nous avons émis de nombreuses propositions concernant aussi bien la protection des forêts que celle des espaces aquatiques. Dans ce dernier domaine, nous avons proposé l'ajout de filtres supplémentaires dans les stations d'épuration afin d'éliminer celles des particules polluantes qui ne sont pas prélevées à la source par les industries. Nous souhaitons également que les lave-linge et les lave-vaisselle soient équipés le plus rapidement possible de systèmes permettant de capter les résidus polluants.

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Mélanie Cosnier, groupe « Se déplacer »

L'Assemblée nationale, le Sénat et la Convention citoyenne sont complémentaires. Le rôle de cette dernière est consultatif ; nous avons validé des propositions qui existent depuis longtemps. C'est à vous, parlementaires, de voter les lois.

Monsieur Cazeneuve, nous estimons que l'information, la communication et la sensibilisation sont fondamentales – c'est ainsi que nous avons pris conscience de l'urgence de la situation. Nous avons donc créé une association pour communiquer non seulement avec les institutions mais aussi avec les citoyens.

Comprenons-nous pourquoi certaines propositions n'ont pas été retenues ? Oui. Nous préconisons un changement systémique. Or cela ne se produit pas du jour au lendemain ; c'est très lent. Mais il va tout de même falloir accentuer les transformations !

Monsieur Zulesi, nous avons auditionné les acteurs locaux – notamment les régions, l'Association des maires de France, l'Association des maires ruraux de France… –, puis nous avons pris nos décisions, avec l'aide d'un groupe d'appui, d'un comité légistique et de « fact checkers », qui étaient là pour répondre à nos questions. Mais ces intervenants venaient de divers horizons : ils n'étaient pas tous écologistes.

Pourquoi proposons-nous de taxer les voitures dont le poids dépasse 1,4 tonne ? Nous nous sommes aperçus que le poids d'une voiture, qu'elle soit électrique, hybride ou thermique, influe fortement sur son empreinte carbone : plus elle est petite, moins sa construction nécessite de matériaux et moins elle consomme d'énergie pour rouler. Par ailleurs, la voiture électrique n'est pas la panacée ; elle ne convient pas à tous les Français. Dans la commune de 630 habitants dont je suis la maire, par exemple, il n'y a même pas de boulangerie – la voiture est indispensable en milieu rural. Mais on n'a pas forcément besoin d'un véhicule qui pèse deux ou trois tonnes, quand bien même ce serait un signe de richesse. Nous avons proposé de fixer la limite à 1,4 tonne, après consultation du groupe d'appui qui étudie la question depuis longtemps.

Qu'en est-il de l'acceptabilité sociale de nos propositions ? Nous avons été tirés au sort selon six critères de représentativité. La Convention compte ainsi 27 % de retraités, mais aussi de nombreuses personnes dont le niveau d'études est inférieur au bac, des allocataires des minima sociaux… Pour chaque proposition, il se trouvait toujours quelqu'un pour poser la question de savoir si elle était socialement juste et pour l'évaluer de son propre point de vue – celui, par exemple, d'une personne habitant un logement HLM, véritable passoire thermique.

En ce qui concerne les 11 milliards d'euros du plan de relance consacrés à la mobilité, je considère que le fléchage n'est pas correct.

Monsieur Chassaigne, nous n'avons inventé aucune de nos propositions : elles étaient déjà défendues par des think tanks, des associations, des ONG, voire des élus. Notre rôle a consisté à les valider. Par ailleurs, un tiers seulement des Français n'ont pas accès aux mobilités douces. Il faut donc les développer pour permettre au plus grand nombre d'y accéder.

Madame Petit, encore une fois, nous sommes là pour défendre nos propositions et non pour vous dire ce que vous devez voter. Néanmoins, il faut bien avoir conscience de l'urgence climatique – et je sais, pour rencontrer beaucoup de gens, que ce n'est pas le cas de tout le monde. Nous commençons à subir les effets du réchauffement, mais nous voulons surtout que la Terre reste vivable pour nos enfants et nos petits-enfants. Or, si nous parvenons à limiter le réchauffement à quatre degrés, ce sera déjà bien. Pourtant, ce sera catastrophique pour la planète et surtout pour l'humanité !

Monsieur Leseul, peut-être le transport ferroviaire et le transport fluvial sont-ils absents du texte, mais ils sont bien présents dans notre rapport ! Le projet de loi est-il à la hauteur des défis ? Non. Chacune des mesures que nous proposons est, nous nous en sommes assurés, socialement acceptable.

Madame Tuffnell, il est prévu dans le projet de loi de sensibiliser les jeunes, de la maternelle à l'enseignement supérieur. Mais il me semble nécessaire de sensibiliser chacun des 67 millions de Français. Nous préconisons ainsi que chaque citoyen puisse suivre une journée de formation à l'environnement, notamment dans les entreprises.

Vous m'interrogez par ailleurs sur les puits de carbone. Le problème, lorsqu'on compense les émissions, c'est qu'on a le sentiment de pouvoir continuer à émettre. Or l'urgence est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et non de les compenser ; c'était d'ailleurs l'objet de notre mandat – et je l'ai souvent rappelé aux autres membres de la Convention. Néanmoins, nous avons également proposé de nombreuses mesures de compensation.

Monsieur Adam, la justice sociale, je l'ai dit, est liée aux six critères de représentativité qui ont été pris en compte dans le tirage au sort des membres de la Convention.

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Jean Pierre Cabrol, groupe « Se loger »

M. Cazeneuve nous a interrogés sur la manière dont les Français pourraient réagir à nos propositions ou au projet de loi. Comme cela a été dit, lorsque nous avons été tirés au sort, nous ne nous préoccupions pas de l'environnement et du réchauffement climatique au-delà des limites de notre jardin. De fait, je me suis aperçu, en discutant avec mes voisins, que personne n'était vraiment sensibilisé à cette question ni, surtout, informé des causes et conséquences du réchauffement climatique. Mais, dès lors que les Français pourront être parfaitement informés, je crois que chacun sera prêt à consentir les efforts nécessaires.

M. Nogal nous a interrogés tout d'abord sur le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE). D'après ce que j'en ai lu dans la presse, il répond à un véritable besoin et correspond parfaitement aux attentes des conventionnels, dans la mesure où il doit déterminer précisément les différentes catégories et prendre en compte, outre les émissions de gaz à effet de serre, les émissions polluantes.

Il a ensuite évoqué les conséquences sur le marché de l'encadrement des loyers et, surtout, de l'interdiction à terme de louer une passoire thermique. Il me semble que la véritable question est plutôt celle de savoir – et cela rejoint les préoccupations de justice sociale – s'il est acceptable que de tels logements puissent être loués. Pour le reste, dès lors qu'un propriétaire souhaite obtenir un retour sur investissement en louant son bien, il fera les efforts nécessaires pour se conformer à la loi. En tout état de cause, je le répète, il ne me paraît pas admissible de laisser des gens vivre mal dans des logements mal isolés et avoir froid tout en acquittant des factures d'électricité exorbitantes.

Enfin, pourquoi créer un guichet unique et comment l'organiser ? Dès lors qu'on s'inscrit dans le cadre d'une rénovation globale des habitations, il faut pouvoir apporter aux particuliers une aide précise et construite sur l'évaluation du bien et sa nécessaire rénovation ainsi que sur le choix des artisans – pour éviter toute dérive des coûts. Il faut aussi les accompagner en matière d'assurance et de suivi des travaux et dresser un bilan pour vérifier que l'objectif visé a été atteint. Dans le projet de loi, il est prévu de proposer une aide téléphonique plutôt que physique. Cependant, le président de la région Centre-Val de Loire nous a indiqué qu'il avait créé, dans une ou deux villes, un guichet unique physique qui avait été très profitable car les gens souhaitent être informés de ce qu'ils doivent faire et être aidés dans le choix des artisans. De même, j'ai participé, à Chambéry, à une conférence TEPOS (Territoires à énergie positive), dont l'objet était d'aider les communes à rénover leurs locaux : le principal obstacle auquel se heurtent les maires est lié au fait qu'ils ne savent pas ce qu'ils doivent faire ni si ce qui a été fait a été convenablement fait. On peut en conclure que, si on demande aux gens de rénover leur logement, il faut pouvoir les orienter précisément et les accompagner, car tout le monde n'a pas les compétences nécessaires. Cette aide nous semble être la plus précieuse et, surtout, la plus importante au plan social.

Le texte est-il fidèle à nos travaux ? Non, pas tout à fait… Dont acte : ce n'est pas grave. Ce qui nous importe surtout, c'est que l'objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre soit atteint. Si nous voulons y parvenir, il faut, à partir d'aujourd'hui et jusqu'à 2030, les réduire de 7,5 % par an. En 2019, elles ont baissé de 1,8 % ou 1,9 % ; on peut toujours s'en féliciter, mais nous ne sommes, hélas, pas dans les clous. De ce point de vue, ce n'est donc pas à la hauteur.

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Guy Kulitza, groupe « Se nourrir »

Le projet de loi est-il à la hauteur ? Je répondrai en passant en revue plusieurs de nos propositions. Le choix végétarien, par exemple, se retrouve dans le texte, mais il se ferait sur la base du volontariat et ne serait donc pas obligatoire, comme nous le préconisions. Plus grave, la redevance pour pollution diffuse que nous proposions d'appliquer aux engrais azotés est renvoyée à 2024-2026, alors que cette mesure est urgente en raison du danger auquel ces produits exposent nos écosystèmes. Il manque également une mesure concernant les pesticides. Ces deux dernières mesures ayant fait l'objet d'une transcription légistique, nous croyions qu'elles vous seraient transmises sans filtre, pour que vous vous en saisissiez, quitte à les rejeter. Il nous semblait en effet que c'était à vous de faire ce choix, et non aux ministres.

Par ailleurs, notre proposition relative à la déforestation importée se retrouve dans le projet de loi sous la forme d'un mécanisme d'alerte non contraignant pour les entreprises, de sorte que ces dernières ne feront sans doute pas les efforts attendus.

Nous ne retrouvons pas non plus dans le texte l'interdiction de la publicité pour les produits proscrits par le Plan national nutrition santé (PNNS) ; une telle mesure, nous a-t-on dit, mettrait en péril l'économie du secteur publicitaire. Mais pourquoi interdire la publicité pour le tabac et l'alcool et pas la publicité pour les produits contenant trop de sucre, de sel ou d'acides gras, qui aggravent les problèmes de santé ?

Voilà pour les mesures qui sont absentes du projet de loi ou qui ont été édulcorées.

Monsieur Lambert, nous sommes tous convaincus de la nécessité de réaliser une évaluation de l'impact du projet de loi, ne serait-ce que pour savoir s'il correspond au mandat qui nous a été confié ou s'il est très en deçà, auquel cas il faudra peut-être réunir une nouvelle convention citoyenne en lui fixant, cette fois, pour objectif une réduction de 55 %, et non plus de 40 %, des émissions de gaz à effet de serre…

Monsieur Balanant, nous sommes conscients que notre proposition de lier le crime d'écocide au dépassement des limites planétaires est très ambitieuse. C'est pourtant une évidence pour un certain nombre de chercheurs et de juristes environnementaux – je pense notamment à Mireille Delmas-Marty. Au demeurant, fin juin, le Président de la République a donné son joker, non pas pour le crime d'écocide lui-même, mais pour sa définition, qui serait inconstitutionnelle dans la mesure où les seuils applicables ne sont pas déterminés.

De fait, il aurait fallu prendre les choses dans l'autre sens. Nous aurions dû commencer par créer une Haute Autorité des limites planétaires, laquelle aurait déterminé les seuils applicables au niveau national puis au niveau des territoires – il faudrait deux ou trois ans de travail pour y parvenir mais, selon le Sockholm Resilience Center, cela est faisable – et, ensuite, nous aurions créé le crime d'écocide. Nous aurions pu ainsi défendre une ambition beaucoup plus élevée au plan international, notamment auprès de la Cour pénale internationale, comme l'a souhaité le Président de la République.

Quoi qu'il en soit, nous avons travaillé avec des juristes et des scientifiques pour revoir la définition proposée, comme l'a demandé le Président de la République, tout en conservant l'ambition et la philosophie de notre projet. Nous avons ainsi soumis, à deux reprises, un document de travail au ministère. Celui-ci ne nous a pas répondu et a fini par nous présenter le projet de création d'un délit d'écocide qui n'a rien à voir avec nos travaux.

La définition de l'écocide que nous proposions, et qui nous semblait pourtant correspondre à cette ambition, s'inscrivait dans le cadre des atteintes aux intérêts écologiques fondamentaux de la nation. En effet, dès lors qu'on dépasse un seuil, on met en péril l'habitabilité du territoire, et donc on porte atteinte à un intérêt fondamental de la nation. Nous aurions souhaité, en attendant la désignation d'une Haute Autorité des limites planétaires et la détermination des seuils applicables, qu'au moins la notion d'écocide soit introduite dans le droit français.

L'écocide, je le précise, est un crime et non un délit de pollution, puisqu'il qualifie, non pas le non-respect d'une réglementation, mais une atteinte fondamentale portée à l'habitabilité du territoire, à notre maintien sur la planète. Par ailleurs, nous avons évoqué la création d'un délit d'imprudence, car il nous semble normal que des agissements non intentionnels soient également pénalisés, afin que les gros industriels et, le cas échéant, les particuliers soient amenés à modifier leur business plan. Telle est la philosophie de notre proposition, que nous ne retrouvons pas dans le projet de loi.

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Pourquoi avez-vous écarté la taxe carbone, qui est pourtant considérée comme un outil très efficace par de nombreux experts, y compris au niveau international ? En quoi les mesures que vous proposez sont-elles moins contraignantes et plus efficaces pour atteindre l'objectif environnemental fixé ?

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Notre pays compte 250 000 collectionneurs de véhicules d'époque, lesquels ne peuvent pas, compte tenu de l'ancienneté de leur fabrication, respecter les normes Crit'Air. Ils représentent toutefois moins de 1 % du parc automobile français, roulent quinze fois moins que la moyenne des véhicules et seulement 5 % d'entre eux sont équipés d'un moteur diesel, si bien qu'en matière d'émissions de particules fines, leur impact est négligeable. Pouvez-vous nous donner votre avis sur cette question ?

Sachez qu'en tant que membres de la commission spéciale, nous sommes ouverts à vos propositions concernant le secteur de la forêt.

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Je tiens à saluer à mon tour le travail considérable que vous avez accompli et à vous dire que vos impatiences sont partagées. Je souhaite vous poser une question de méthode. Comptez-vous, lors de la dernière session de la Convention citoyenne, qui se tiendra à la fin du mois, rendre un avis précis sur le projet de loi et suggérer au Parlement les principales modifications qu'il pourrait apporter au texte ?

Madame la présidente, pouvons-nous envisager l'organisation d'un temps d'échange à l'issue de l'ultime session de la Convention afin que nous puissions interroger ses membres sur le rapport ou l'avis qu'ils rendront ?

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Je vous remercie pour votre suggestion ; nous ferons notre possible, de notre côté, pour que des échanges puissent avoir lieu.

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Merci pour la présentation de vos travaux. Nous entrons à présent dans une nouvelle phase du processus inédit voulu par le Président de la République. Il s'agit de passer des conclusions de la Convention au travail parlementaire de construction d'une loi ambitieuse pour le climat, qui est notre objectif à tous. Les députés de la majorité sont pleinement mobilisés en ce sens. Jamais – je le rappelle aux oppositions – une majorité n'aura autant agi pour l'environnement et le climat. Ce texte est une nouvelle preuve de notre engagement en faveur de la transition écologique.

Je remercie en particulier Mme Cosnier, qui a insisté sur sa volonté d'aborder cette nouvelle étape dans une logique de coconstruction. Sachez, à cet égard, qu'il ne s'agit pas, pour nous, de compter les points qui peuvent être attribués aux uns ou aux autres, mais bien de bâtir avec vous un texte ambitieux et équilibré qui témoigne de notre capacité à concilier démocratie participative et démocratie parlementaire.

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Ma question a trait à l'agriculture. Vous proposez de supprimer les labels privés. Or nombre d'entre eux contribuent à une montée en gamme de nos productions locales ; c'est le cas de Bleu-Blanc-Cœur, par exemple. Si votre objectif est de favoriser la lisibilité – nécessaire, je vous l'accorde – pour le « consomm'acteur », ne peut-on pas estimer, avec le recul, que la suppression des labels privés est inadaptée ?

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Agny Kapta, groupe « Produire et travailler »

La taxe carbone est toujours d'actualité, même si sa trajectoire d'évolution est figée. Nous demandons de la transparence dans les finances et les investissements. La taxe avait permis de collecter près de 9 milliards d'euros par an, qui étaient principalement affectés au financement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Il n'existe plus aujourd'hui, et les fonds ont été réaffectés à la sécurité sociale. On n'a pas su ce qui a été fait avec ces 9 milliards, et comment les sommes ont été réorientées.

Vous avez souvent évoqué l'acceptabilité des mesures. Or la taxe carbone n'a pas été acceptée par la majorité de la population française. Nous avons plutôt mis l'accent sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, une proposition que la France défend à l'échelle européenne. Son efficacité est discutée car elle est limitée à certains secteurs, la sidérurgie par exemple. Actuellement, les quotas carbone ou Emission trading system (ETS) ont un fonctionnement très complexe et ne concernent pas tous les secteurs. Il faudrait un mécanisme d'ajustement aux frontières, ainsi qu'une taxe carbone aux frontières pour atteindre l'objectif de 40 %, voire de 60 % de réduction des émissions sur le marché de l'énergie. L'avantage de ce mécanisme est de limiter les « fuites de carbone », donc la délocalisation de nos entreprises. C'est un point fort, puisque l'on veut redynamiser nos emplois. Il s'agit aussi de limiter les émissions importées, qui comptent pour 47 % dans l'empreinte carbone de la France.

Madame Batho, je vous remercie d'avoir soulevé la question de la temporalité entre la session 8 et le dépôt des amendements. Votre demande, me semble-t-il, a été entendue.

Nous n'attendons pas tout du projet de loi. Certaines de nos propositions se retrouveront dans les règlements et les décrets, d'autres ne seront reprises qu'en partie – nous ne savons pas quand, ni selon quelles modalités. Nous souhaiterions un suivi bien plus précis et détaillé. Nous avons déjà obtenu des réponses dans le plan de relance et dans la loi de finances, mais elles demeurent très en deçà de ce que nous pouvions espérer, notamment en matière de financement.

Monsieur Leseul, nos propositions traitent bien du BEGES et du reporting annuel. Nous avons demandé à élargir cette obligation à toutes les organisations, alors qu'elle ne visait que les entreprises de plus de 500 salariés. Nous avons aussi souhaité un bilan annuel plutôt que triennal. Surtout, nous avons demandé l'écoconditionnalité.

Enfin, Monsieur Damien Adam, nous voulons bien revenir avec vous sur le code minier et les articles 20 et 21 du projet de loi car le secteur est un grand émetteur de gaz à effet de serre. Nous avons déploré le fait que la Convention citoyenne n'ait pas été consultée avant que le projet de réforme ne soit intégré au projet de loi.

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Mélanie Cosnier, groupe « Se déplacer »

Dans un contexte qui faisait suite à la crise des gilets jaunes, nous avons écarté la taxe carbone car nous la jugions injuste. Il nous semble qu'il ne faut pas l'imposer, mais donner d'abord aux Français la possibilité de s'y préparer, en construisant par exemple des pistes cyclables.

Madame Tiegna, les voitures de collection représentent une faible minorité des véhicules et leur impact n'est pas considérable.

La session 8 permettra de faire un point sur les propositions qui auront été reprises ; elle n'a pas pour objet de statuer spécifiquement sur le projet de loi. Nous donnerons notre avis général, celui des 150 citoyens.

Quant à la coconstruction, nous y sommes naturellement favorables. Madame Lebec, vous avez notre adresse mail, n'hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez nous rencontrer.

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Isabelle Planté, groupe « Se nourrir »

S'agissant de l'interdiction des labels privés, je m'appuie sur l'avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le projet de loi : « Les annonces gouvernementales visent à ‘‘garantir les allégations sur le commerce équitable dont le volet environnemental sera renforcé pour que les consommateurs sachent très concrètement que les produits qu'ils achètent respectent bien les engagements affichés sur l'étiquette » ne permettent pas de se prononcer sur la pertinence des mesures législatives éventuelles en la matière. De plus, les labels privés ne concernent pas seulement le commerce équitable. » Il y a aussi eu des tentatives d'abus : certains labels privés ont tenté de jouer sur la méconnaissance de la loi EGALIM pour se faire une place dans les 50 % de produits de qualité et durables prévus pour la restauration collective. Ce flou, et notamment celui qui est organisé autour des produits issus de l'agriculture biologique, est très contestable.

Un autre enjeu est de mieux encadrer la haute valeur environnementale (HVE).

Le groupe « Se nourrir » a présenté quarante-trois mesures : six n'ont pas été reprises, seize l'ont été partiellement et dix ont été placées dans le cadre international ; quatre ont déjà été adoptées dans des lois ou des réglementations existantes.

Je rejoins Mélanie Cosnier sur la nécessité de prévoir une rencontre entre les parlementaires et les rapporteurs des différents groupes thématiques. Nous pourrons balayer l'ensemble des mesures et identifier celles qui pourraient être améliorées – tout est perfectible. Je tiens à vous remercier de nous avoir donné la parole. Nous avons pu constater que vous partagiez les préoccupations qui nous ont animés pendant dix-huit mois, ce qui est rassurant.

Il faudra en particulier débattre de l'agriculture. Une agriculture durable et faiblement émettrice de gaz à effet de serre est essentielle. Les pratiques en agroécologie doivent être mises en place. Le modèle de l'agriculture biologique, faiblement exploité, ne demande qu'à être étendu. Il pourrait sans difficulté être multiplié par cinq.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Certains députés sont agriculteurs de profession – c'est notamment le cas de Mme Le Peih, dans le Morbihan. Ils auront à cœur de confronter leur point de vue aux vôtres, et de coconstruire des propositions.

Je vous remercie d'avoir participé à cette audition, un exercice que nous savons compliqué et déstabilisant. Nous tenterons de vous rencontrer à nouveau, après vos travaux de fin février, bien que l'agenda de la commission spéciale soit très contraint par le calendrier d'examen du projet de loi. Merci encore pour votre présence, et votre franchise – cela fait du bien !