Intervention de Samuel Leré

Réunion du vendredi 26 février 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Samuel Leré, responsable plaidoyer de la fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme (FNH) :

Je commencerai par insister sur l'importance de cette loi, qui sera certainement la dernière de la présente mandature, pour que la France se positionne sur la bonne trajectoire s'agissant de ses objectifs climatiques et puisse respecter ainsi l'accord de Paris. Car pour l'instant, nous n'y sommes pas.

Des études ont été évoquées par Mme Meike Fink ; je vous citerai pour ma part celle de Carbone 4, publiée hier, et qui montre qu'en additionnant les mesures prises dans les lois votées – telles que la loi d'orientation sur les mobilités (LOM) et la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) – et dans le plan de relance, nous n'atteindrons pas nos objectifs. Ce texte doit donc nous permettre de modifier notre trajectoire. Or les dispositions qu'il comporte actuellement n'y suffiront pas.

Nous comptons sur vous, parlementaires, pour placer la France sur la bonne trajectoire. Et vous pouvez compter sur nous pour travailler avec vous.

N'ayant pas le temps de revenir sur l'ensemble du texte, j'insisterai sur trois mesures.

D'abord, la rénovation. L'étude de Carbone 4 indique que, en ajoutant les mesures du projet de loi à toutes celles qui ont déjà été adoptées, nous ne réaliserons, d'ici à 2030, que 2,7 millions de rénovations énergétiques performantes des bâtiments, ce qui est largement insuffisant, puisque l'objectif est de 4,5 millions.

Nous avons deux propositions à vous présenter pour atteindre notre objectif. D'une part, définir ce qu'est une rénovation énergétique performante – une définition que nous ne trouvons pas dans le projet de loi. Nous le savons tous, souvent les rénovations se limitent à un changement de fenêtres, ce qui est largement insuffisant. D'autre part, instaurer une obligation conditionnelle de rénovation énergétique performante dès 2024, qui serait progressive et bénéfique pour tous. Il s'agit d'une question de justice sociale, chère à la fondation Nicolas-Hulot et à toutes les ONG qui sont aujourd'hui autour de la table : nous ne pourrons pas faire la transition écologique sans justice sociale.

Une différence doit cependant être faite entre les maisons individuelles et les copropriétés. S'agissant des maisons individuelles, nous proposons d'instaurer cette obligation dès 2024 – au moment du changement de propriétaire –, si et seulement si deux conditions cumulatives sont remplies : d'une part, qu'il existe une offre technique performante sur tous les territoires ; d'autre part, que l'État propose une offre financière adaptée, permettant aux ménages de ne pas subir de perte de leur pouvoir d'achat. Pour ce faire, le reste à charge devra être couvert par les économies de chauffage réalisées par la rénovation des bâtiments.

Il conviendra, en outre, pour les ménages les plus modestes, de prévoir des dispositifs plus spécifiques afin qu'ils n'aient aucun reste à charge à payer – ils n'ont pas, en effet, la capacité d'emprunter.

Concernant les copropriétés, l'obligation de rénovation énergétique devra être réalisée au moment du ravalement de façade.

Ensuite, les grandes entreprises – une préoccupation que nous portons avec Greenpeace, WWF, Réseau Action Climat et Oxfam France. Aucune mesure du projet de loi ne pèse en effet sur les plus grandes entreprises qui, pourtant, ne font pas ce qu'il faudrait. Nous devons donc les mettre à contribution.

Nous proposons, non pas de les pointer du doigt ou de les pénaliser, mais de les orienter vers une économie bas-carbone. Pour ce faire, nous proposons qu'une obligation soit instaurée pour toutes les grandes entreprises, celles qui sont déjà soumises à une obligation de reporting extra-financier. Il s'agirait d'imposer à ces entreprises de publier un plan climat dans lequel seraient comptabilisées leurs émissions directes et indirectes – scope 1, scope 2 et scope 3. Par ce plan, elles s'engageraient à réduire leur empreinte carbone – un engagement qui devra être respecté et qui sera différent selon les secteurs. Il appartiendra à la puissance publique de fixer un niveau minimum par secteur d'activité, qui soit compatible avec nos objectifs climatiques.

En outre, l'entreprise devra, dans ce plan climat, expliquer ses investissements, notamment en matière de formation, car pour qu'une entreprise puisse s'orienter vers une économie bas-carbone, elle aura à supprimer certains métiers et à en développer d'autres. Pour remplir ses obligations, l'entreprise devra transformer son modèle économique et les compétences des salariés.

Par ailleurs, une autorité publique devra vérifier si les émissions de GES de ces grandes entreprises sont bien en diminution, et prononcer des sanctions si les objectifs ne sont pas remplis – ou si une entreprise refuse de publier son plan climat ou de prendre un engagement. En effet, nul ne l'ignore, sans sanction, le secteur privé ne jouera pas le jeu.

Enfin, le transport, le secteur qui accuse le plus grand retard en termes de réduction de GES et qui en émet le plus. L'étude de Carbone 4 fait état du retard de la France s'agissant du nombre de voitures bas-carbone en circulation. En effet, en additionnant toutes les mesures prises dans les différentes lois, notamment la LOM, ce projet de loi, les différentes lois de finances (PLF) et dans le plan de relance, 3 % seulement de véhicules bas-carbone seront en circulation en 2030 – l'objectif étant de 15 %.

Pour atteindre cet objectif, nous devons mettre fin à la commercialisation des véhicules diesel et essence et transformer les flottes – publiques et privées – qui alimentent le marché des particuliers. Nous avons besoin que des véhicules bas-carbone soient mis en vente sur le marché de l'occasion. Nous proposons également de renforcer les obligations de l'État et des collectivités territoriales, qui devront respectivement atteindre 100 % de véhicules bas-carbone neufs dans leur flotte en 2025 et 2027.

S'agissant des flottes privées, les objectifs existants sont trop faibles. Nous proposons de les doubler à partir de 2022 pour atteindre 100 % de véhicules bas-carbone en 2030 – la fin de la commercialisation des véhicules diesel et essence devant être prévue à cette date, pour une neutralité carbone en 2050.

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