Le changement climatique aura des impacts dramatiques dans le monde entier, et donc en France et sur le secteur agricole. Il est important de le rappeler, d'autant que nous en subissons déjà les conséquences. En effet, les impacts du réchauffement climatique se manifestent beaucoup plus rapidement que ce qu'avaient prévu les scientifiques. La trajectoire est aujourd'hui totalement incontrôlée. Même si c'est difficile, il convient donc à tout prix que le Gouvernement renforce l'ambition de ce projet de loi ; c'est maintenant ou jamais. Nous avons dix ans pour agir et chaque année compte.
J'ai déjà eu l'occasion d'échanger avec vous sur le volet « Artificialisation ». J'interviendrai donc aujourd'hui plus particulièrement sur la question du moratoire partiel s'agissant des zones commerciales. Cette mesure va dans le bon sens, la France s'étant dotée d'importantes capacités commerciales en périphérie ces dernières années, avec des conséquences dramatiques sur l'artificialisation des terres, mais aussi sur les emplois dans les centres villes. Il était donc temps de changer de braquet.
Néanmoins, tel qu'il est rédigé, l'article laisse la possibilité de détourner cette mesure. Le seuil de surface – moins de 10 000 m2 – qui déclenche des possibilités de dérogation est bien trop élevé par rapport à la moyenne des surfaces commerciales, qui est de 2 000 m2. En outre les critères d'exemption énoncés permettent de contourner la mesure en fractionnant les projets. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais pour que l'exception ne devienne pas la règle, le texte doit être renforcé.
Il conviendrait, par ailleurs, d'inclure dans la loi les entrepôts d'e-commerce, situés en général en plein champ et en très grande périphérie. Nous l'avons déjà souligné, pour bâtir un entrepôt, il faut artificialiser trois fois plus de sols que pour une zone commerciale. Il s'agit en outre de sauver plusieurs centaines de milliers d'emplois dans le commerce physique, qui sont menacés à très court terme.
Alors que la concurrence déloyale du e-commerce a provoqué de véritables ravages, avec 81 000 destructions d'emplois en dix ans selon les chiffres de 2018, alors que la crise de la covid-19 a mis le secteur du commerce physique à genou, ce texte enverrait un terrible signal aux groupes Zara, Gap et autres, qui sont déjà en train de fermer massivement des magasins dans toute l'Europe, en n'empêchant pas les entrepôts d'e-commerce de pouvoir continuer de s'implanter un peu n'importe où.
En outre, les prêts garantis par l'État (PGE) s'élèvent à près de 100 milliards d'euros pour le secteur du commerce physique. L'aggravation de la crise aurait donc un effet délétère sur les finances publiques à court terme. Vous l'aurez compris, le sujet est grave, non seulement pour l'environnement, mais aussi socialement, et vous devez, en tant que parlementaires, y prêter une attention particulière.
Enfin, la question de l'inégalité de traitement devant la loi entre le commerce physique et l'e-commerce, l'Autorité de la concurrence ayant déclaré l'identité de ces deux formes de commerce, peut fragiliser juridiquement le moratoire sur les zones commerciales en cas de saisine du Conseil constitutionnel.
Notre autre priorité majeure porte sur la redevance sur les engrais azotés. D'après le HCC, il s'agit, pour l'agriculture, de l'une des deux mesures les plus structurantes pour atteindre une baisse significative des émissions de GES.
Or, en l'état actuel, la rédaction n'est pas satisfaisante. Envisager de mettre en place une redevance sur les engrais azotés vide l'article de toute portée normative. Nous demandons donc qu'une taxe soit imposée dès aujourd'hui avec une redevance à 27 centimes le kilogramme. C'est un montant peu pénalisant et qui permet d'atteindre la moitié de l'objectif de réduction des émissions de GES. Par ailleurs, le produit de cette taxe devra être reversé directement aux agriculteurs, pour éviter le phénomène « bonnets rouges ». En fléchant cette redevance, vous montrerez qu'il ne s'agit pas d'une sanction, mais d'un accompagnement à la transition agro-écologique. Cette mesure est donc fondamentale et extrêmement structurante.
Enfin, si la France veut avancer, de façon rapide et brutale, dans la réduction des émissions de GES, elle doit se pencher sur l'activité de ses banques, notamment en ce qui concerne le financement des énergies fossiles à travers le monde.
Je rappelle que le bilan carbone des financements des banques françaises est égal à huit fois les émissions de la France. Si l'État agissait pour aligner les financements des grandes banques françaises – comme la BNP-Paribas – sur l'accord de Paris, il accélérerait énormément la lutte contre le changement climatique.
Nous pouvons vous proposer des amendements au titre III, « Produire et travailler », visant à aligner progressivement les banques françaises sur l'accord de Paris. Il s'agit d'une question qui occupe déjà le Gouvernement, mais pour l'instant il est resté dans de l'incitatif en demandant aux banques d'agir volontairement. Or force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous et que les banques trichent sur les mots et les périmètres, de sorte que l'Autorité des marchés financiers (AMF) a estimé que l'ambition, sur cette question, n'était pas à la hauteur. Ce projet de loi est l'occasion d'ajuster le curseur.