Intervention de Benoît Leguet

Réunion du vendredi 26 février 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Benoît Leguet, directeur de l'Institut de l'économie pour le climat (l4CE) :

J'entends bien que le projet de loi s'inscrit dans une action plus vaste et c'est pourquoi mon intervention liminaire portait sur un champ plus large que ce seul texte. Je constate, et ce n'est pas un jugement, que les investissements bas-carbone sont insuffisants pour atteindre les objectifs de la SNBC. L'action publique est certainement en cause, mais aussi l'action privée. Comment, alors, allouer efficacement l'argent public et faire en sorte que l'action privée suive ?

Il n'y a pas assez d'investissements bas-carbone en France, et aussi trop d'investissements fossiles. Je ne dispose pas encore des chiffres pour 2019 mais, en 2018, 70 milliards d'euros ont été consacrés aux investissements de formation brute de capital fixe pour des installations de production d'énergie fossile et d'utilisation de ces énergies – je pense notamment aux voitures de classe B et au-delà en termes d'émissions de gaz à effet de serre. L'argent ne manque donc pas, mais avant la crise il allait au mauvais endroit ; on verra ce qu'il en sera après la crise. L'exécutif a notamment veillé à protéger le pouvoir d'achat et la capacité d'investissement des ménages ; espérons que cela permettra de préserver la partie verte des objectifs de la France.

Oui, Monsieur Balanant, j'ai dit que les montants retenus dans le plan de relance, en tout cas l'ordre de grandeur, sont les bons, mais je nuancerai mon propos : le « job » sera fait à condition que le plan se déroule comme prévu et notamment qu'il soit territorialisé afin que les investissements aient lieu.

Comment attirer plus d'argent vers des projets verts ? Je vous transmettrai le plan de financement de la transition que nous avons publié en juillet 2020 ; nous y proposions plusieurs mesures qui permettraient de combler le manque d'investissement. Certaines sont d'ordre budgétaire au sens large, mais nous parlions aussi d'investissements publics – de co‑financements, c'est-à-dire de subventions – et, outre les mesures fiscales incitatives, des normes et des mesures plus « molles », notamment l'information. Ces travaux portent sur la partie énergétique de l'économie – bâtiment, transports et énergie. Nous travaillons actuellement sur l'agriculture ; nos conclusions à ce sujet seront malheureusement prêtes avec un peu de retard par rapport à vos préoccupations immédiates mais nous pourrons poursuivre la discussion au cours des prochains mois et des prochaines années.

Qui investit, en France, dans la production bas-carbone ? Les entreprises pour un tiers environ, les ménages et les pouvoirs publics ; les investissements publics sont essentiellement le fait des collectivités locales. Comment faire pour que l'ensemble de ces acteurs investissent désormais dans du « vert » et non du « marron » ? Il a souvent été question des normes et des obligations ce matin. Il faut comprendre qu'une norme peut être une contrainte pour certains acteurs, une incitation et une clarification pour d'autres. On peut discuter pour savoir s'il n'y a pas assez ou trop d'argent en France pour la rénovation des bâtiments ; je peux vous dire qu'il y en a déjà beaucoup mais que, malheureusement, il ne va pas toujours vers la rénovation énergétique faite aujourd'hui par les ménages. Il ne faut pas oublier que les choses se jouent dans les deux sens et que si l'on fixe une norme de rénovation, cela ouvrira des marchés aux entreprises, ce qui peut aussi, sous condition évidemment, contribuer à la relance économique.

Je sais que les mesures fiscales doivent, en bonne logique, se retrouver dans le prochain projet de loi de finances et les suivants et c'est pourquoi je vous invitais à penser une stratégie climat des finances publiques. Puisque nous sommes partis pour agir jusqu'en 2050, essayons au moins de nous projeter dans les cinq ou dix prochaines années. Il y aura certainement besoin de plus d'argent public ; comment fera-t-on, après la pandémie, avec des finances publiques contraintes ? Vaste question…

Une nouvelle méthode vise essentiellement à rendre le budget de l'État transparent, en établissant ce qui est vert et ce qui ne l'est pas. L'enjeu véritable est désormais de verdir le budget, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Il faut donc utiliser cet exercice pour verdir le budget progressivement, avec plus de dépenses favorables à l'environnement et moins de dépenses défavorables, jusqu'à ramener peu à peu ces dernières à zéro. On peut aussi décliner cette approche budgétaire au niveau local. Pour ce qui est de l'investissement des collectivités locales, je vous communiquerai le lien vers les conclusions de l'exercice que nous avons conduit avec cinq villes et métropoles. Nous avons réalisé un cadre d'évaluation climat du budget des collectivités locales pour aider, sans juger, les élus à apprécier ce qui, dans leur budget, contribue à la transition énergétique ou qui va dans le sens contraire. Ce type d'instrument d'information des élus qui votent le budget nous semble extrêmement utile et puissant pour éclairer le débat ; ensuite, chacun vote en son âme et conscience.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.