L'accent mis sur l'acceptabilité sociale est légèrement embarrassant pour ne pas dire parfaitement consternant. La Convention citoyenne pour le climat rassemblait des gens tirés au sort pour fixer précisément le niveau d'acceptabilité de la transition à engager, qu'il s'agisse de son rythme, de son contenu ou des moyens utilisés. Aujourd'hui, on discute d'un projet de loi censé donner suite à la feuille de route établie par cette Convention, et vous nous dites que ses propositions souffrent d'un défaut d'acceptabilité sociale ! On tourne en rond ! D'autre part, les mesures structurantes retenues ont fait l'objet d'un sondage et ont recueilli une majorité de suffrages favorables de l'ensemble de la population : c'est le cas pour l'obligation de rénovation thermique, l'interdiction des publicités pour les produits les plus polluants et l'éco‑responsabilité des grandes entreprises. Enfin, comme l'a relevé le Haut Conseil pour le climat dans son avis salé sur le projet de loi, aucune des mesures relatives à la transition juste ne figure dans le texte, qu'il s'agisse de la généralisation du forfait « mobilités durables », de la réduction à 5,5 % de la TVA sur les billets de train, des prêts à taux zéro sur les véhicules propres ou du reste à charge « zéro » pour les rénovations thermiques.
L'acceptabilité sociale, c'est le partage de l'effort de sobriété et de solidarité dans la contribution à la transition écologique. Il faut donc apprécier qui sont les premiers pollueurs et qui a le plus de moyens – en général, ce sont les mêmes – et les inviter à contribuer en premier à la transition. Cela se fait de trois manières. Dans l'appareil productif, par l'équité entre les différentes entités productives. Aujourd'hui, ce sont les grandes entreprises qui polluent le plus, avec une empreinte carbone démentielle. Le remède que nous vous proposons à ce sujet, c'est l'amendement sur l'éco-responsabilité, assignant des objectifs climatiques contraignants aux grandes entreprises et les soumettant ainsi à l'accord de Paris qui, à défaut, restera lettre morte pendant des années encore.
La contribution juste à la transition, c'est aussi l'équité entre les ménages. Aujourd'hui, le dernier centile des ménages les plus riches, soit le 1 % des ménages dont les avoirs financiers sont les plus élevés, polluent 66 fois plus que le décile des ménages les plus pauvres ; or, la fiscalité climatique pèse trois fois plus sur les 20 % de ménages les plus pauvres. Pour corriger cela, la Convention citoyenne pour le climat a proposé de lever un impôt écologique sur la fortune, un ISF climatique.
La contribution juste à la transition, c'est enfin le partage de l'effort entre les producteurs et les consommateurs. J'en viens donc à l'interdiction des publicités polluantes : vous ne pouvez pas dire constamment aux citoyens de prendre garde à leur empreinte carbone tout en laissant prospérer un système qui dépense des milliards d'euros chaque année pour les persuader du contraire !
Enfin, pour répondre à la question relative à l'appréciation qui sera portée sur le texte à l'étranger, je pense que le signal international sera désastreux : alors que le Conseil européen s'est engagé à rehausser l'ambition climatique, ce projet de loi vise encore une diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. Non seulement le texte est donc caduc au regard de l'évolution du régime de l'accord de Paris, mais les études d'impact, dont celle qu'a réalisée le Gouvernement, montrent que les mesures contenues dans le texte ne permettront pas de sécuriser l'objectif à 2030 – et on approche de la fin du quinquennat. Je pense donc que le signal ne sera malheureusement pas très bon.