Intervention de Philippe Portier

Réunion du vendredi 26 février 2021 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT :

Ce projet est si dense que le temps imparti paraît bien court.

La CFDT a salué les travaux de la Convention citoyenne pour le climat, qui ont montré à quel point la démocratie est un exercice à la fois complexe et exigeant, mais aussi riche et utile. Le projet de loi est là pour le démontrer. Nous nous retrouvons dans l'essentiel des préconisations exprimées par la Convention citoyenne. Mais, dès juin dernier, nous avions demandé qu'elle soit pleinement démocratique, en associant les parties prenantes et selon des modalités précises de suivi et d'évaluation.

Le projet de loi a vocation à traduire les dispositions de nature législative recommandées par la Convention citoyenne. Nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer dans l'avis du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, et du Conseil national de la transition écologique, le CNTE. À cette occasion, nous avons émis le souhait que ce projet puisse être amélioré lors du débat parlementaire. Nous en sommes là.

Ce projet n'est pas « sans filtre », pour citer le Président de la République, puisque certaines propositions de la Convention citoyenne n'y figurent pas et certaines autres ont été atténuées ou amoindries. Nous ne sommes pas non plus satisfaits de sa construction, qui associe insuffisamment les parties prenantes. C'est un grand manque. S'agissant des questions sectorielles et d'emploi, notamment, il y aurait lieu d'associer beaucoup plus les représentants des entreprises et les organisations syndicales. Néanmoins, ce projet a le mérite d'exister et d'articuler entre elles les différentes dimensions de la transition écologique. C'est déjà une bonne chose.

Les mesures du texte sont nombreuses et, en général, pertinentes. Mais force est de reconnaître qu'elles peinent à dessiner une ambition globale, parce que leur concrétisation est limitée, différée, soumise à conditions ou laissée au seul volontariat. Le contexte de la crise sanitaire que nous traversons peut accroître la tentation de réduire les ambitions écologiques. Nous pensons, au contraire, que l'urgence écologique nous impose d'accélérer pour être à la hauteur de ces engagements.

À notre sens, les mesures de soutenabilité, de justice sociale et d'accompagnement dans la transition écologique, en particulier dans les secteurs touchés, restent lacunaires. C'est un vrai manque de ce projet de loi. Je pointerai quelques éléments. L'ambition en matière de rénovation énergétique nous semble très en deçà des attentes, notamment celles que nous formulons dans le « Pacte du pouvoir de vivre », qui regroupe soixante organisations non gouvernementales (ONG), syndicats et associations. De fait, l'étude d'impact montre que ce projet ne permettra d'atteindre qu'entre la moitié et les deux tiers de l'objectif initial, en l'occurrence la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre.

L'information du consommateur prévue à l'article 1er est une bonne mesure, qui donne l'occasion de mettre en avant une production locale à des conditions environnementales et sociales mieux-disantes. La CFDT sera particulièrement vigilante en la matière.

Plusieurs articles apportent des limitations à la publicité. Ce peut être une bonne chose, mais j'appelle votre attention sur l'article 9 qui prévoit une expérimentation de trois ans dans les collectivités locales volontaires. La filière concernée compte 40 000 emplois, souvent précaires. Aussi ces expérimentations devraient-elles être accompagnées de mesures visant à maintenir voire à augmenter le salaire de ces populations ou à leur proposer une autre activité.

L'objectif de 20 % des surfaces de vente consacrées à la vente en vrac, prévu à l'article 11, nous semble positif. Toutefois, cette anticipation est peut-être un peu trop marquée. Je ne suis pas certain que les entreprises y réfléchiront tout de suite, mais plutôt en 2026 ou 2027, l'échéance étant fixée à 2030.

Il est très positif que l'article 16 instaure un dialogue environnemental dans l'entreprise. En revanche, rien n'est dit des moyens à destination des représentants du personnel. En outre, le texte a été modifié à l'issue du Conseil des ministres et cela pose problème. Nous nous en sommes expliqués avec la rapporteure du titre II. Il semble qu'il y ait eu une confusion entre « consultation » et « information », notamment pour les consultations récurrentes.

Nous souhaitons que la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, la GPEC, figure dans les dispositions d'ordre public et non supplétives, afin qu'il ne puisse pas y être dérogé par accord. Nous demandons aussi des formations pour les représentants du personnel et des heures de délégation supplémentaires. En effet, les représentants du personnel sont déjà très occupés, avec des moyens qui ont été diminués.

La CFDT est favorable à l'article 18 relatif à l'OPCO, l'opérateur de compétences.

S'agissant de l'article 25 relatif à l'automobile et aux 95 grammes de CO2 émis par kilomètre, le texte a été transformé : « tendre vers » amoindrit son effet. Nous regrettons l'absence de trajectoire, qui apporterait une visibilité à moyen-long terme aux constructeurs qui devront s'adapter.

Il est assez difficile d'apprécier l'opérationnalité de la mesure portant sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Peu de visibilité est donnée aux acteurs du secteur, et les plus petites structures pourraient être fragilisées.

La CFDT est plutôt favorable à l'écotaxe poids lourds, sous réserve de garanties concernant les aménagements pour certaines entreprises.

Nous sommes favorables à l'article 33.

L'article relatif à l'aérien semble peu opérationnel, puisqu'il renvoie à la double condition d'un retour du trafic à ce qu'il était en 2019 et de l'absence de mesures européennes. Les dispositions relatives aux vols intérieurs ne nous posent pas de problème.

S'agissant de l'habitat, le texte nous semble trop peu ambitieux.

Concernant l'artificialisation des sols, les entrepôts ne semblent pas concernés par les mesures, ce qui pose la question de l'inégalité entre le commerce traditionnel et le e‑commerce.

L'article 58 est le seul à évoquer l'adaptation au changement climatique, notion qui fait défaut dans le projet de loi.

Nous sommes plutôt favorables aux articles 59 et 60 relatifs à la transformation de notre modèle alimentaire agricole. Toutefois, une étude de faisabilité permettrait d'élargir les mesures à la restauration des personnes et à la restauration collective privée.

Nous demandons que soit instauré un chèque alimentaire, dans cette loi ou dans un complément du plan de relance, car la crise a affaibli de nombreux ménages.

Enfin, la CFDT juge équilibrées les dispositions relatives à la répression pénale des atteintes à l'environnement.

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