Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Réunion du vendredi 26 février 2021 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission spéciale a auditionné, dans le cadre d'une table ronde réunissant des représentants des organisations syndicales représentatives de salariés, M. Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT, accompagné de M. Renaud Recrosio, secrétaire confédéral, Mme Sophie Gaudeul, secrétaire confédérale, et Mme Caroline Leloup-Werkoff, secrétaire confédérale en charge de relations avec le Parlement ; Mme Véronique Martin, secrétaire confédérale de la CGT, accompagnée de Mme Déborah Blicq, conseillère confédérale ; Mme Béatrice Clicq, secrétaire confédérale de la CGT-FO en charge de l'égalité et du développement durable ; Mme Madeleine Gilbert, secrétaire nationale « RSE Développement durable » de la CFE-CGC, accompagnée de Mme Dalia Amara, chargée d'études « Économie et développement durable » ; et M. Denis Lavat, chargé des dossiers de transition énergétique de la CFTC.

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Nous avons le plaisir d'accueillir les représentants des organisations syndicales de salariés pour cette troisième audition de la journée.

La transition énergétique, écologique et climatique impliquera des mesures de transformation de notre économie qui auront des conséquences pour les salariés, notamment en matière d'emploi, de formation et d'accompagnement. Pour être conduite, cette transition doit susciter l'adhésion et l'implication de toutes les parties concernées. Il nous semblait donc indispensable de vous entendre au sujet de ce projet de loi et de recueillir vos analyses et vos observations. Les mesures contenues dans ce projet de loi vous semblent-elles aller dans le bon sens ? Formulez-vous des recommandations ?

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Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT

Ce projet est si dense que le temps imparti paraît bien court.

La CFDT a salué les travaux de la Convention citoyenne pour le climat, qui ont montré à quel point la démocratie est un exercice à la fois complexe et exigeant, mais aussi riche et utile. Le projet de loi est là pour le démontrer. Nous nous retrouvons dans l'essentiel des préconisations exprimées par la Convention citoyenne. Mais, dès juin dernier, nous avions demandé qu'elle soit pleinement démocratique, en associant les parties prenantes et selon des modalités précises de suivi et d'évaluation.

Le projet de loi a vocation à traduire les dispositions de nature législative recommandées par la Convention citoyenne. Nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer dans l'avis du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, et du Conseil national de la transition écologique, le CNTE. À cette occasion, nous avons émis le souhait que ce projet puisse être amélioré lors du débat parlementaire. Nous en sommes là.

Ce projet n'est pas « sans filtre », pour citer le Président de la République, puisque certaines propositions de la Convention citoyenne n'y figurent pas et certaines autres ont été atténuées ou amoindries. Nous ne sommes pas non plus satisfaits de sa construction, qui associe insuffisamment les parties prenantes. C'est un grand manque. S'agissant des questions sectorielles et d'emploi, notamment, il y aurait lieu d'associer beaucoup plus les représentants des entreprises et les organisations syndicales. Néanmoins, ce projet a le mérite d'exister et d'articuler entre elles les différentes dimensions de la transition écologique. C'est déjà une bonne chose.

Les mesures du texte sont nombreuses et, en général, pertinentes. Mais force est de reconnaître qu'elles peinent à dessiner une ambition globale, parce que leur concrétisation est limitée, différée, soumise à conditions ou laissée au seul volontariat. Le contexte de la crise sanitaire que nous traversons peut accroître la tentation de réduire les ambitions écologiques. Nous pensons, au contraire, que l'urgence écologique nous impose d'accélérer pour être à la hauteur de ces engagements.

À notre sens, les mesures de soutenabilité, de justice sociale et d'accompagnement dans la transition écologique, en particulier dans les secteurs touchés, restent lacunaires. C'est un vrai manque de ce projet de loi. Je pointerai quelques éléments. L'ambition en matière de rénovation énergétique nous semble très en deçà des attentes, notamment celles que nous formulons dans le « Pacte du pouvoir de vivre », qui regroupe soixante organisations non gouvernementales (ONG), syndicats et associations. De fait, l'étude d'impact montre que ce projet ne permettra d'atteindre qu'entre la moitié et les deux tiers de l'objectif initial, en l'occurrence la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre.

L'information du consommateur prévue à l'article 1er est une bonne mesure, qui donne l'occasion de mettre en avant une production locale à des conditions environnementales et sociales mieux-disantes. La CFDT sera particulièrement vigilante en la matière.

Plusieurs articles apportent des limitations à la publicité. Ce peut être une bonne chose, mais j'appelle votre attention sur l'article 9 qui prévoit une expérimentation de trois ans dans les collectivités locales volontaires. La filière concernée compte 40 000 emplois, souvent précaires. Aussi ces expérimentations devraient-elles être accompagnées de mesures visant à maintenir voire à augmenter le salaire de ces populations ou à leur proposer une autre activité.

L'objectif de 20 % des surfaces de vente consacrées à la vente en vrac, prévu à l'article 11, nous semble positif. Toutefois, cette anticipation est peut-être un peu trop marquée. Je ne suis pas certain que les entreprises y réfléchiront tout de suite, mais plutôt en 2026 ou 2027, l'échéance étant fixée à 2030.

Il est très positif que l'article 16 instaure un dialogue environnemental dans l'entreprise. En revanche, rien n'est dit des moyens à destination des représentants du personnel. En outre, le texte a été modifié à l'issue du Conseil des ministres et cela pose problème. Nous nous en sommes expliqués avec la rapporteure du titre II. Il semble qu'il y ait eu une confusion entre « consultation » et « information », notamment pour les consultations récurrentes.

Nous souhaitons que la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, la GPEC, figure dans les dispositions d'ordre public et non supplétives, afin qu'il ne puisse pas y être dérogé par accord. Nous demandons aussi des formations pour les représentants du personnel et des heures de délégation supplémentaires. En effet, les représentants du personnel sont déjà très occupés, avec des moyens qui ont été diminués.

La CFDT est favorable à l'article 18 relatif à l'OPCO, l'opérateur de compétences.

S'agissant de l'article 25 relatif à l'automobile et aux 95 grammes de CO2 émis par kilomètre, le texte a été transformé : « tendre vers » amoindrit son effet. Nous regrettons l'absence de trajectoire, qui apporterait une visibilité à moyen-long terme aux constructeurs qui devront s'adapter.

Il est assez difficile d'apprécier l'opérationnalité de la mesure portant sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Peu de visibilité est donnée aux acteurs du secteur, et les plus petites structures pourraient être fragilisées.

La CFDT est plutôt favorable à l'écotaxe poids lourds, sous réserve de garanties concernant les aménagements pour certaines entreprises.

Nous sommes favorables à l'article 33.

L'article relatif à l'aérien semble peu opérationnel, puisqu'il renvoie à la double condition d'un retour du trafic à ce qu'il était en 2019 et de l'absence de mesures européennes. Les dispositions relatives aux vols intérieurs ne nous posent pas de problème.

S'agissant de l'habitat, le texte nous semble trop peu ambitieux.

Concernant l'artificialisation des sols, les entrepôts ne semblent pas concernés par les mesures, ce qui pose la question de l'inégalité entre le commerce traditionnel et le e‑commerce.

L'article 58 est le seul à évoquer l'adaptation au changement climatique, notion qui fait défaut dans le projet de loi.

Nous sommes plutôt favorables aux articles 59 et 60 relatifs à la transformation de notre modèle alimentaire agricole. Toutefois, une étude de faisabilité permettrait d'élargir les mesures à la restauration des personnes et à la restauration collective privée.

Nous demandons que soit instauré un chèque alimentaire, dans cette loi ou dans un complément du plan de relance, car la crise a affaibli de nombreux ménages.

Enfin, la CFDT juge équilibrées les dispositions relatives à la répression pénale des atteintes à l'environnement.

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Véronique Martin, secrétaire confédérale de la CGT

L'avis que nous allons exprimer ne dérogera aucunement à ce que nous avons déjà indiqué lors des consultations du CNTE, du CESE, du Conseil national de l'habitat ou encore du Conseil national de l'industrie. La CGT, comme d'autres, porte un avis très critique sur ce projet de loi qui était censé être la déclinaison sans filtre des 149 propositions émises par les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat. Le « sans filtre » n'aura été qu'un effet d'annonce, puisque le Président de la République a utilisé trois jokers et puisque seules une soixantaine de propositions ont été retenues dans le texte, leur portée étant en outre souvent moins ambitieuse que celle formulée par la Convention. Les membres de la Convention eux-mêmes le déplorent.

Plus fondamentalement, ce projet de loi n'est pas du tout à la hauteur de l'urgence sociale et économique du pays. Il ne répond en aucun cas aux difficultés des travailleurs et des travailleuses. Rappelons que la Convention citoyenne a été instaurée après la mobilisation des gilets jaunes. Vous deviez entendre de ce mouvement et d'autres qui lui ont succédé que la transition écologique est certes nécessaire, mais qu'elle doit être impérativement juste ; que les premiers concernés doivent être directement impliqués ; que l'évolution de l'outil de production, des emplois et de la formation doit être systématiquement débattue dans toutes les entreprises avec les instances représentatives du personnel, les IRP, là où elles existent ; que la transition écologique touche à tous les segments de la vie quotidienne et que nombre d'entre eux exigeaient, avant même la crise sanitaire, d'être profondément améliorés – notamment l'accès au logement, aux transports, à l'eau et à l'alimentation, la revalorisation du travail, tant dans son contenu qu'en termes salariaux, et d'autres sujets encore.

La Convention citoyenne ne s'y était pas trompée, en ayant à l'esprit que répondre à l'étroite question de la baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, c'était aussi repenser le mode de fonctionnement global de notre société, avec la préoccupation constante d'aller vers plus de justice sociale. C'est ce que la CGT défend de longue date, au regard de l'enjeu du développement humain durable. C'est la manière dont nous appréhendons l'urgence climatique, avec le slogan « fin du monde, fin du mois, même combat ». Que reste-t-il de ce socle d'exigences, qui sont pour nous non négociables, dans votre projet de loi ? Rien concernant la justice sociale : le projet de loi aligne des dispositions techniques certes utiles pour certaines, mais qui gomment tout débat de fond quant à la transition écologique et la mutation du modèle de société qu'elle impose. Le projet de loi ne vise, en fait, qu'à adapter le système capitaliste en place à la pénurie des ressources D'ailleurs, l'utilisation du terme « résilience » n'est pas anodine. Le projet consacre aussi le désengagement de l'État en misant tout sur la capacité des individus à modifier leurs habitudes de consommation, de production et de vie, enfermant ainsi les travailleurs et les travailleuses dans une doctrine d'adaptation. Il n'y a aucune rupture avec le modèle de croissance des dernières décennies, modèle qui a pourtant démontré ses limites sociales et écologiques, notamment dans la gestion de la crise sanitaire mondiale actuelle.

L'avis du CESE, auquel nous avons fortement contribué, pointe d'ailleurs que l'efficacité de certaines mesures dépend plus des moyens humains et budgétaires qui y seront consacrés que de dispositions législatives ou réglementaires particulières. Or, en parallèle, le Gouvernement poursuit sa politique d'austérité et d'étranglement financier des services de l'État, en particulier du ministère de l'écologie, et des services des collectivités territoriales indispensables à l'application de cette future loi, ainsi que l'étranglement des services publics. La politique de déconcentration qui concentre en fait les pouvoirs dans les mains des préfets au détriment du ministère de l'écologie, ajoutée à la politique de différenciation territoriale en matière de réglementation, participe de la non-efficacité du projet de loi pour préserver et améliorer notre environnement, et ainsi protéger les générations futures.

Nous ne pouvons pas non plus rester silencieux quant aux conséquences des privatisations en cours – de l'Office national des forêts, d'EDF avec le projet Hercule ou encore de la SNCF avec son passage en société anonyme et l'ouverture à la concurrence des lignes de voyageurs et de marchandises. Nous voyons là toutes les contradictions entre les paroles et les actes. Il y a, selon nous, urgence à prendre des mesures d'une autre ampleur, notamment en matière de relocalisation de la production industrielle à proximité des consommateurs, d'investissement dans le développement des services publics dans l'ensemble du territoire, de politique de transports multimodale permettant d'irriguer l'ensemble du territoire dans le cadre d'un pôle public de transports publics – politique dont l'État serait le garant dans le cadre de son rôle d'aménageur du territoire, de même qu'il serait garant de l'égalité d'accès aux différents services.

Il y a urgence à planifier à long terme l'évolution de l'outil de production et à accompagner avec les moyens nécessaires les salariés, à baisser le temps de travail, à soutenir la recherche et le développement. Il s'agit de décisions politiques pour lesquelles les moyens financiers existent. Nous en avons déjà fait la démonstration et nous pourrons y revenir au cours des débats.

En l'état, ce projet de loi est très loin des enjeux sociaux et environnementaux. Il ne constitue, à nos yeux, qu'une opération de communication et de verdissement de la politique gouvernementale.

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Béatrice Clicq, secrétaire confédérale de la CGT-FO en charge de l'égalité et du développement durable

L'exercice est un peu compliqué en quelques minutes, car le projet de loi est dense. De façon très synthétique, nous souhaitons rappeler que FO est investie de longue date dans les réflexions relatives à l'environnement, à l'écologie et aux enjeux climatiques. Comme d'autres ont pu l'exprimer avant moi, notre ligne principale consiste à défendre une cohérence entre les politiques économiques et les objectifs – qui, pour nous, doivent primer – de justice sociale et de protection de l'environnement et des conditions de vie des populations. C'est dans cet esprit que nous appréhendons le projet de loi, pour la rédaction duquel les organisations syndicales déplorent d'avoir trop été laissées de côté. Nous avons rédigé une note à ce sujet.

Il importe de prendre en considération la question du dérèglement climatique tout en veillant aux conséquences pour les emplois et le pouvoir d'achat. C'est avec l'acceptation de la population, donc des travailleurs, qu'on peut espérer réussir à agir efficacement.

Cela a été rappelé, nous avons déjà exprimé nos avis devant le CNTE et le CESE. Je reprendrai les points qui nous semblent les plus importants. Dans le titre Ier, nous émettons une alerte concernant la police de la publicité. Alors que cette mission est exercée par les directions départementales, qui disposent des ressources nécessaires, la décentralisation et le transfert aux communes risquent de conduire à une police de l'affichage publicitaire qui serait appliquée de manière désordonnée et inégale selon les territoires, et qui pourrait s'accompagner à terme d'une dégradation de nos paysages avec la remise en cause de l'interdiction de toutes les publicités hors agglomération.

Nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer au sujet du titre II. S'agissant des obligations juridiques pesant sur les acheteurs publics, nous soulevons le fait que la commande publique est souvent guidée par des impératifs économiques. Aussi craignons-nous que les acheteurs publics soient confrontés à de réelles difficultés dans la prise en compte des nouveaux critères, notamment dans un contexte de baisse des ressources des collectivités territoriales et de contractualisation des dotations financières de l'État. La commande et les marchés publics sont souvent guidés par la règle du moins-disant, qui ne permet pas de prendre en compte tous les aspects relevant de l'hygiène et de la sécurité des conditions de travail, ainsi que du droit du travail. D'où notre crainte d'une difficulté à prendre aussi en compte les aspects environnementaux. Il est indispensable que l'État préserve les dotations globales de fonctionnement pour répondre aux nouveaux défis environnementaux tout en maintenant le service public de proximité et de qualité indispensable pour remplir les missions qui ont été transférées depuis des années aux collectivités territoriales.

Concernant le chapitre relatif à la GPEC et aux comités sociaux et économiques (CSE), nous avons déjà été auditionnés avant-hier. Il est important d'anticiper au maximum les conséquences pour les emplois, afin de répondre par de la reconversion et par des formations. Avant-hier, j'ai pris l'exemple de ce qui a été fait pour les centrales à charbon : dans certains endroits, des projets alternatifs sont pensés dans le bassin d'emploi. Cette pratique mériterait d'être généralisée. Assurer un emploi à tous, y compris à ceux qui subissent les dommages collatéraux de choix qui les dépassent, est indispensable.

Je ne reprends pas nos réponses au questionnaire, que nous avons transmises hier.

Concernant les énergies renouvelables, FO rappelle que le mix électrique français garantit un prix parmi les plus bas d'Europe, et adapté pour atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il importe de faire en sorte de conserver ce service public pour assurer une égalité d'accès à un moindre coût, mais aussi notre indépendance énergétique et la sécurité d'approvisionnement. Avant de cesser d'utiliser une énergie, il convient de s'assurer d'avoir suffisamment développé l'autre option, pour garantir la fourniture d'électricité.

Le titre III et les dispositions relatives aux véhicules neufs très émetteurs auront des conséquences pour l'industrie automobile. Face à l'enjeu de préservation des emplois, il est fondamental que les pouvoirs publics œuvrent pour la localisation des futures technologies de l'industrie automobile française sur le territoire.

Enfin, le Conseil d'État a indiqué qu'il n'existait pas d'obstacle constitutionnel à l'interdiction des centres-villes aux véhicules les plus polluants. Pour autant, il a pointé du doigt les conséquences potentiellement lourdes pour les propriétaires les plus modestes, qui sont dans l'incapacité financière de changer de véhicule. Aussi faudrait-il prévoir des mesures d'aide suffisantes et plus importantes. FO avait notamment proposé la création d'un prêt à taux zéro pour faciliter le changement de véhicule et mettre tout le monde en capacité de le faire.

Le temps m'étant compté, nous vous adresserons une contribution écrite. J'indique juste que nous sommes favorables au fait que le nouveau barème ne soit pas retenu dans l'impôt sur le revenu. La façon dont cette mesure était initialement proposée ne nous semblait pas juste. Nous y reviendrons dans notre contribution, car il nous semble important d'insister sur ce point, qui ne figure pas dans le projet de loi et qui pourrait être repris dans les amendements.

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Je ne doute pas que le rapporteur sur le titre III, M. Jean-Marc Zulesi, en a pris bonne note.

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Madeleine Gilbert, secrétaire nationale « RSE Développement durable » de la CFE-CGC

Je suis accompagnée de ma collègue Dalia Amara, qui interviendra si elle le souhaite. Sept minutes, c'est très court pour évoquer un projet de loi très dense, alors que l'étude d'impact nous a été transmise au dernier moment et que les contributions des organisations syndicales n'ont pas toujours été entendues : nous avons un peu été mises sur la touche.

La CFE-CGC est favorable à une meilleure inclusion des parties prenantes, notamment des organisations syndicales, concernant les enjeux relatifs au développement durable. En effet, ces dernières possèdent une légitimité en tant que représentantes des salariés, et ont une connaissance des enjeux auxquels font face les entreprises. C'est pourquoi il est primordial de favoriser le dialogue social, afin de parvenir à l'instauration d'un modèle économique respectueux intégrant les impératifs écologiques et sociaux. J'ai commencé par là parce que nous sommes une organisation syndicale. Nous sommes référents dans le monde de l'entreprise et nous avons une légitimité et une reconnaissance, conférées par les élections professionnelles, pour nous prononcer sur ce qui se passe et pour défendre des salariés.

Comme l'ont dit mes collègues, ce projet de loi traduit une partie des propositions de la Convention citoyenne. Le but était de définir des mesures permettant d'atteindre une baisse d'au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre. La CFE-CGC, qui porte une vision globale, y souscrit. Toutefois, il y a lieu de se demander si ce texte est à la hauteur et s'il permettra la baisse effective des émissions de gaz à effet de serre. Notre organisation craint que les moyens associés au projet soient insuffisants pour répondre à l'urgence climatique.

Le projet de loi se décline en plusieurs titres. Nous n'allons pas tous les passer en revue. Puisque le temps est compté, j'ai choisi d'aborder deux thèmes qui sont essentiels pour les organisations syndicales catégorielles qui représentent les salariés et les cadres. Nous proposerons des amendements au titre II, que nous avons déjà présentés lors de notre audition d'hier. Le texte est très vague : dans l'entreprise, on doit évaluer les conditions dans lesquelles la transition écologique et énergétique peut être conduite. Pour s'approprier ces nouveaux enjeux, un véritable dialogue social et environnemental est indispensable. Il permettra aux partenaires sociaux de s'inscrire avec efficacité et justesse dans la transition écologique et dans celle des entreprises. Aussi demandons-nous que soient associées à ces prérogatives les dispositions suivantes : intégrer une procédure de consultation spécifique relative aux conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise ; attribuer au CSE d'une possibilité de recours à une expertise spécifique financée par l'employeur ; faire bénéficier les membres du CSE d'une formation spécifique ; créer une commission « environnement » obligatoire du CSE, dotée d'un budget propre ; attribuer des heures de délégation supplémentaires aux membres de cette commission. Une telle structure permettrait aux employés comme aux employeurs d'avoir une vision cohérente et de prendre les mesures efficaces pour arriver à cette transition énergétique.

S'agissant du logement, je souhaiterais revenir sur la transition énergétique, notre indépendance énergétique et notre mix énergétique. Comme l'ont dit nos collègues, différents projets s'entrechoquent avec ce projet de loi climat. C'est le cas du projet Hercule et de la RE2020, dont on cherche la cohérence. En France, nous avons un mix énergétique efficace. La CFE-CGC est favorable aux énergies renouvelables, mais le nucléaire est très efficace. C'est l'énergie bas carbone qui nous permet d'être approvisionnés et qui garantit notre indépendance et notre souveraineté énergétiques. Mais nous voulons aussi promouvoir des énergies alternatives comme le gaz vert ou bas carbone, donc la biométhanisation – enjeu énergétique vis-à-vis du monde agricole dans les territoires, pour créer des emplois, et atout essentiel pour le verdissement de la production d'électricité. Il existe aussi l'énergie hydroélectrique, qui est stockable. Nous voudrions que ces pistes soient davantage appuyées et portées dans le projet de loi.

Nous souhaitons aussi que l'axe relatif à la recherche et développement soit plus puissant, compte tenu de toutes les actions pour la transition énergétique. Nous souscrivons à l'intermodalité, à l'extension du forfait mobilités durables à tous les salariés de toutes les entreprises.

Nous vous ferons passer toutes nos remarques. Nous souhaitons que ce projet aboutisse, sa finalité étant la neutralité carbone et des énergies renouvelables et bas carbone qui nous permettent de réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre.

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Denis Lavat, chargé des dossiers de transition énergétique pour la CFTC

Je ferai court, car je n'ai préparé qu'un petit avant-propos concernant deux points relevant de notre domaine d'intervention spécifique. La CFTC s'est réjouie des conclusions de la Convention citoyenne qui, dans la lignée des débats qui se sont tenus au CNTE, soulignent la nécessité d'accélérer les processus pour atteindre les objectifs visés. Notre bureau confédéral a reçu une délégation des citoyens de la Convention et a pu mesurer le travail accompli dans cette instance, même si notre préférence reste à la démocratie représentative.

Au-delà, si nous partageons les pistes évoquées, nos préoccupations ciblent davantage les délais et les priorités à accorder à l'emploi et à la formation pour créer les conditions propices à la reconversion des secteurs appelés à se réformer, ainsi que la compensation des postes perdus. Par ailleurs, si nous soutenons les efforts locaux et leur réalité, tant dans le secteur public que dans les entreprises privées, il nous semble opportun de créer un observatoire permettant de faire le lien entre les actions effectives, notamment dans les branches comme l'énergie, le bâtiment, l'agriculture ou les transports, afin de faciliter l'appétence des jeunes qui voudraient s'engager dans ces filières professionnalisées, voire créer des passerelles entre les formations existantes ou à venir. Car aujourd'hui, tout est contenu dans les secteurs et le lien entre tous ces travaux est insuffisant.

Pour ce qui est des négociations internes aux entreprises, il nous paraît essentiel de verdir la gestion des emplois et des parcours professionnels, la GEPP, et de booster les pratiques au sein des CSE, en préférant pour autant le concept de commission spécifique pour y imposer un débat approfondi et éviter de voir noyer les sujets de la transition au milieu des commissions économiques ou sociales.

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Je remercie les représentants des syndicats pour leurs propos. Il est essentiel pour nous de les écouter. Il est difficile d'évaluer le volet social du projet de loi, en particulier ses conséquences sociales. La Convention citoyenne a travaillé dans un esprit de justice sociale. Plusieurs propositions ont ainsi vocation à aider les ménages modestes, comme les mesures tarifaires attractives pour prendre le train ou le financement de la rénovation énergétique – plusieurs d'entre vous en ont parlé –, un réseau de guichets accessibles pour la performance énergétique de l'habitat, une alimentation saine pour tous ou encore le micro-crédit pour l'achat des véhicules propres.

Le représentant de la CFDT nous reproche, d'une certaine manière, de ne pas avoir repris telles quelles les propositions de la Convention citoyenne. Vous considérez que les mesures prévues aux articles 9 et 30, que vous avez cités et qui viennent de la Convention citoyenne, doivent être engagées sans impact social. Or cela revient à ne pas les appliquer, ou à rendre leur application très difficile.

Je remercie la représentante de la CGT pour son intervention très critique. Nous sommes tous conscients des enjeux, de la gravité de la situation et de la nécessité d'un accompagnement. Pour avancer, il faut être concret. J'espère que vous nous transmettrez une contribution écrite, car nous aimerions connaître vos propositions précises.

Je tiens à rassurer la représentante de FO : les dotations de l'État aux collectivités territoriales ne baissent pas. Chaque année, ces ressources augmentent. Peut-être les collectivités ont-elles des moyens limités, mais elles disposent de ressources pour accompagner cette transition. Vous avez raison, elles occupent une place importante.

Retrouvez-vous l'esprit social de la Convention citoyenne dans le projet de loi tel qu'il est rédigé ?

La transition écologique est un processus de longue haleine, qui induira de profondes mutations de l'appareil productif et des métiers. Êtes-vous inquiets pour l'emploi de manière générale, notamment dans l'industrie en raison de la transformation de plusieurs filières – vous avez évoqué l'automobile –, ou avez-vous confiance dans les plans de filière qui sont négociés sous l'égide du Conseil national de l'industrie ? Êtes-vous en mesure d'indiquer si le projet de loi vous apparaît positif, neutre ou négatif pour l'emploi ?

Nombre d'entre vous ont évoqué la formation des salariés. C'est un point extrêmement critique. Estimez-vous que l'appareil de formation en France – qu'il s'agisse de l'enseignement général, technique ou professionnel – prépare les salariés aux métiers qui naîtront de la transition écologique ? J'inclus, dans la notion de formation, la reconversion des salariés dont les métiers pourraient disparaître.

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Je fais mienne la demande du rapporteur général que vous formuliez des propositions concrètes, car cela nous aidera dans notre prise de décision. Pouvoir écouter toutes les parties prenantes et retravailler les mesures, y compris avec les partenaires sociaux, est notre raison d'être.

Le mandat confié à la Convention citoyenne pour le climat visait à allier l'enjeu de la trajectoire bas carbone et celui de justice sociale. Considérez-vous que cette mission est satisfaite de manière générale, ou que des points d'alerte demeurent quant à des risques qui pèseraient sur l'emploi ?

Le titre Ier, que je rapporte, regroupe les articles 1 à 12. Certains d'entre vous ont évoqué l'article 9 et alerté quant au risque présenté par le passage de « stop pub » à l'expérimentation « oui pub », notamment pour les emplois précaires au sein de cette filière. Cette crainte est-elle partagée par toutes vos organisations syndicales ? Je souhaite disposer d'un point de vue partagé concernant cet article.

S'agissant des articles relatifs à la publicité, considérez-vous qu'il faudrait renforcer les mesures d'interdiction ou celles de régulation du secteur ? Le secteur de la communication et des médias pourvoit de nombreux emplois. Certains médias sont fragiles, en particulier dans la presse quotidienne régionale. Avez-vous des propositions ou des orientations dans ce domaine ?

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Vous avez un rôle majeur à jouer dans l'accompagnement des salariés et la transformation des métiers et des emplois, dans les entreprises comme dans les instances paritaires. Je pense aux centres régionaux de l'éducation et de la formation continue (CREFOC) mais aussi aux opérateurs de compétences. Que pensez-vous du rôle des observatoires des métiers ? La réunion des branches au sein de onze OPCO a permis de mutualiser plusieurs études. Comment entendez-vous influer sur les études prospectives de ces observatoires pour anticiper les changements de métiers ?

Comment pourriez-vous encourager les acheteurs publics et les agents de la fonction publique à s'engager dans une démarche plus responsable et à promouvoir l'exemplarité que nous visons au niveau de l'État et des collectivités ? Et comment pourrions-nous vous aider à le faire ?

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Il y a la loi et il y a ce que nous prévoyons à côté de la loi. Le contrat stratégique de la filière automobile se décline en quatre volets, dont l'un est consacré à l'anticipation de l'évolution des besoins en compétences et emplois. Quel est votre avis sur ce dispositif ? Avez-vous été associés à son élaboration ?

Beaucoup souhaitent rendre obligatoire l'application du forfait mobilités durables. Dans la loi d'orientation des mobilités, nous avons prévu des dispositions vous permettant d'en négocier le déploiement. Avez-vous fait entrer la mobilité dans le cadre de la qualité de vie au travail ? Quels sont vos premiers retours de négociations ? C'est un élément essentiel pour nous permettre de trancher sur le caractère obligatoire ou non des dispositifs prévus par la loi d'orientation des mobilités.

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J'ai toujours considéré que les salariés devaient disposer de pouvoirs et de droits non limités au droit social et au droit du travail. Les salariés sont les mieux placés pour savoir comment limiter les émissions de gaz à effet de serre dans le processus de production et la chaîne d'approvisionnement, mais force est de constater qu'ils sont écartés. D'ailleurs, depuis l'accord national interprofessionnel (ANI) et les lois relatives au travail du mandat de François Hollande, les droits des salariés ont été amoindris. J'en profite pour dire que je partage beaucoup d'observations, critiques et propositions faites par les uns et par les autres.

Avez-vous des propositions concrètes à faire pour aider les salariés à peser sur l'orientation des investissements des entreprises, notamment dans les grands groupes ? Quelles sont vos propositions pour faire évoluer les articles 16 et 18, qui se limitent dans le projet de loi à l'information du comité social et économique dans le domaine environnemental ? Ne faut-il pas aller plus loin ? Je pense au droit de veto dans les conseils d'administration des grands groupes en cas de choix contraires à l'intérêt général climatique. Un tiers seulement des groupes du CAC 40 ont réduit leurs émissions depuis la COP21. Les chiffres sont effarants : Dassault Systèmes, plus 85 % d'émissions de gaz à effet de serre ; PSA, plus 60 % ; L'Oréal, plus 59 % ; Hermès, plus 32 % ; Crédit agricole, plus 27 % ; Renault, plus 27 %. Il est indispensable de donner des pouvoirs nouveaux aux salariés et de protéger ceux qui intentent une action en justice pour atteinte à l'environnement. Quelles propositions en ce sens pourrions-nous relayer par voie d'amendements ?

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. Des propositions d'amendements visent à renforcer l'article 16 fixant deux seuils, l'un de cinquante, l'autre de 300 salariés, pour accorder au CSE de nouvelles attributions, que certains trouvent insuffisantes. Comment sensibiliser les salariés aux notions de développement durable, de respect de l'environnement et de réduction de l'empreinte carbone dans l'activité de l'entreprise ? Je pense aux petites entreprises artisanales, souvent en première ligne en matière de transition écologique. Le grand chapitre consacré à la rénovation thermique des bâtiments les concerne directement, puisque leur activité y sera consacrée pour les prochaines années, voire pour la décennie.

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À la veille de l'examen de ce projet de loi, le groupe socialiste est attentif au conditionnement des aides publiques aux entreprises à un minimum de décence publique passant par l'inscription dans la stratégie nationale bas-carbone du respect des devoirs de vigilance et, simplement, de la loi de la République. Un autre critère est la lutte contre l'évasion fiscale. Nous souhaitons que les entreprises percevant des aides publiques ne pratiquent pas d'évasion fiscale. Quel est votre avis sur ces éléments de conditionnement de la dépense publique ?

En outre, en termes de prospective, nous sommes attentifs au lien entre les revenus trop bas empêchant des travailleurs pauvres de s'inscrire dans la transition énergétique et des revenus tellement élevés qu'ils encouragent des comportements destructeurs de la planète. Les 1 % les plus riches sont responsables de deux fois plus d'émissions que la moitié la plus pauvre de l'humanité. L'indécence des écarts de revenus est pour nous un sujet grave. Nous savons comment redistribuer l'argent. Nous avons démontré dans notre rapport d'information sur le partage de la valeur que grâce au mécanisme fiscal du « facteur 12 », il est facile pour les deux premiers déciles de salariés de redistribuer 233 euros en écrêtant les revenus à douze fois le salaire du premier décile, soit une importante redistribution de pouvoir d'achat. Comment mettre le pouvoir d'achat des classes populaires et du monde du travail au service de la transition énergétique ? Comment articuler des décisions publiques avec un travail à la source sur la réduction des inégalités dans l'entreprise pour en faire un facteur d'engagement des milieux populaires dans la transition énergétique ? Comment mettre un terme au grand gaspillage des super-privilèges et donner à ceux percevant moins que le revenu médian les moyens d'engager la transition énergétique ? Sur ce sujet peu documenté, les travaux syndicaux peuvent-ils éclairer le travail du Parlement ?

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Je suis surpris par l'écart entre le discours tenu ici, partageant les enjeux du projet en en relevant les limites ou les insuffisances, et le discours des centrales syndicales sur le terrain face aux difficultés des entreprises qui doivent se reconvertir ou qui se trouvent dans des impasses. D'un côté, vos adhérents sont des citoyens soucieux de plus de protection de l'environnement, de l'autre, ce sont des salariés d'entreprises parfois mises en difficulté par des transitions demandées. J'ai une impression de schizophrénie, notamment de la part de la représentante de la CGT. Dans ma circonscription, la Fonderie du Poitou Fonte est dans une impasse. Le changement de modèle de construction automobile exigeant une transition plus rapide, vos représentants locaux demandent le prolongement de la fabrication des moteurs thermiques pour leur ménager une voie de sortie.

Nous avons besoin de vous, représentants syndicaux, pour accompagner et faciliter les transitions. Nous manifestons souvent une résistance individuelle à la transition. Doit-on jouer le rôle de facilitateur, de boutefeu ou d'épouvantail ? Une collaboration entre la puissance publique, les entreprises et les partenaires devrait faciliter cette transition.

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Il est indispensable d'échanger avec les représentants des salariés sur un texte qui aura une forte incidence sur la vie quotidienne des citoyennes et citoyens, pour les salariés et pour les entreprises. Vous avez ébauché des pistes mais nous devons aller plus loin dans les accompagnements.

Le premier est celui des salariés face aux transitions. Quelles sont vos préconisations, qu'elles relèvent du domaine législatif ou pas ? Comment anticiper ? Nous n'avons jamais été bons dans l'anticipation des transitions et nous allons devoir grandement nous améliorer en identifiant les secteurs concernés et en prévoyant l'accompagnement des salariés touchés. Quels dispositifs intégrer dans le texte de loi pour mieux accompagner la transition des salariés et des entreprises ?

Le deuxième accompagnement concerne la place des organisations syndicales en matière de transitions environnementale et écologique dans la gouvernance des entreprises. Sur ce point, la représentante de Force ouvrière a fait des préconisations précises.

Comment mieux accompagner nos concitoyens salariés dans les changements de véhicules et de mode de déplacement ? Faut-il rendre obligatoire le forfait mobilités durables et dans quel délai ? Comment mieux accompagner nos concitoyens dans les changements de véhicules ou de mode de déplacement ? Je pense à la mise en place de zones à faibles émissions mobilité. Les dispositifs d'accompagnement au changement de véhicule en vigueur sont-ils suffisants ou faut-il les renforcer ?

Enfin, quel regard portez-vous sur la taxe carbone comme source de financement ? Ces dernières années, nous avons vu, au travers de l'action des bonnets rouges et des gilets jaunes, l'opposition qu'elle pouvait déclencher. Faut-il le faire et comment ?

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Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT

. Selon nous, l'accompagnement des salariés et la justice sociale ne sont pas assez présents dans le texte. Certaines propositions de la Convention citoyenne pour le climat ne sont pas reprises, mais tout n'est pas affaire de loi. Le maître mot est l'anticipation. La neutralité carbone en 2050 est un jalon indiscutable, mais entre 2021 et 2050, il faut poser d'autres jalons. C'est pourquoi nous critiquons le recul sur les 95 grammes de CO2 émis par kilomètre, marqué par l'emploi de l'expression « tendre à ce que », générateur d'incertitude. Quand il y a de l'incertitude, les entreprises attendent, puis agissent au dernier moment, mettant les salariés au pied du mur et donnant l'impression d'un écart entre le discours tenu par une confédération et la réalité du terrain.

Il existe plusieurs moyens d'anticiper, comme l'installation du comité stratégique de la filière automobile qui a depuis longtemps fixé les jalons des normes européennes de baisse d'émission de CO2. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est passée sous silence. Cette consultation sur les orientations stratégiques permet pourtant de déduire l'évolution de l'emploi, des compétences nécessaires et les conséquences sociales qui en découlent. C'est ainsi que doit fonctionner le dialogue social dans l'entreprise, mais force est de constater qu'il n'est pas souvent respecté. Comment le remettre en vigueur ?

Comment inciter la fonction publique à devenir plus vertueuse en matière écologique ? Elle pourrait améliorer le dialogue avec ses agents.

La négociation des plans de déplacement est désormais obligatoire pour les entreprises et interentreprises de plus de cinquante salariés, mais cette disposition ayant coïncidé avec l'arrêt des déplacements, nous n'en avons pas encore de retour.

Afin de redonner du pouvoir aux organisations syndicales et de garantir la conditionnalité des aides, la CFDT demande que le rôle du CSE ne se limite pas à donner un avis car, qu'on dise oui ou non, cela ne change pas grand-chose, mais que tout projet soit soumis à son avis conforme. Le dialogue social en serait grandement renforcé, dans la mesure où l'employeur serait davantage incité à délivrer une bonne information pour aboutir à un diagnostic partagé. Afin que son projet voie le jour, il chercherait à l'amender en fonction des observations des représentants du personnel.

Dans l'introduction du dialogue social et environnemental, sans doute faut-il rester modeste et ne pas commencer par les entreprises de moins de cinquante salariés. Les labels RSE sont toutefois un bon moyen d'inciter les donneurs d'ordre à aider leurs sous-traitants, qui sont généralement des petites entreprises, à s'améliorer en matière environnementale et sociale. De même, le devoir de vigilance concerne la sous-traitance.

Nous sommes favorables au conditionnement des aides à l'absence d'évasion fiscale et au respect de l'environnement. Il est choquant qu'une entreprise qui perçoit des aides publiques fasse de l'évasion fiscale. Le partage de la valeur au sein de l'entreprise est un grand enjeu. Or l'évasion fiscale, évaluée à environ 36 milliards d'euros par an, pénalise les salariés. C'est un élément important pour réduire les écarts de revenus au sein de l'entreprise.

La consultation stratégique est un élément fondateur du dialogue syndical en matière environnementale. En termes de gouvernance, au-delà de la consultation du CSE, les questions relatives au travail et à l'environnement peuvent être discutées par les administrateurs salariés des conseils d'administration.

La taxation du CO2 est un sujet délicat. À la fois redistributive et source de financement de la transition écologique, elle serait fort utile. Il faut une justice sociale et être attentif aux ménages les plus fragiles, d'autant que les plus riches émettent beaucoup de CO2. Il existe de nombreux mécanismes. À l'instar de la TVA, nous proposons de créer une TCA (taxe sur le carbone ajouté).

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Véronique Martin, secrétaire confédérale de la CGT

. Nous nous inquiétons des conséquences de la transition écologique sur l'emploi. Cela pose non seulement la question de l'anticipation et de la formation professionnelle, mais aussi celle du maintien des droits acquis par les salariés tout au long de leur carrière. La CGT estime qu'une sécurité sociale professionnelle, destinée à éviter qu'un salarié contraint ou désireux d'opérer une reconversion professionnelle reparte systématiquement à zéro, serait de nature à faciliter les transitions.

Concernant les articles 16 à 18, nous soutenons la nécessité de renforcer le droit d'intervention des salariés dans l'entreprise par leurs représentants. Nous déplorons que depuis la mise en place des CSE, les droits et les moyens d'intervention des salariés aient été amoindris. Si nous accueillons favorablement l'élargissement des prérogatives des CSE aux questions environnementales, cela nécessite des moyens et des droits d'intervention supplémentaires. La suppression des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a réduit les capacités d'intervention des salariés.

Se posent les questions du respect de l'avis émis par les représentants des salariés dans les CSE – quand il est négatif sur un projet, celui-ci ne devrait pas être engagé, mais la direction en fait fi –, de la place trop faible des salariés dans les conseils d'administration, de la protection des lanceurs d'alerte souvent assujettis à des fonctions subalternes ou à des licenciements, dont nous avons eu récemment quelques exemples emblématiques.

Pour les entreprises de moins de cinquante salariés, la CGT propose d'élargir aux questions environnementales les prérogatives d'intervention de la commission paritaire régionale interprofessionnelle (CPRI), de la commission paritaire régionale interprofessionnelle de l'artisanat (CPRIA) et de la commission paritaire régionale des professions libérales (CPR-PL).

La CGT soutient fortement la conditionnalité des aides publiques à l'absence d'évasion fiscale ou de plan de suppression d'emplois. De même, pourrait-on imposer une écoconditionnalité des aides publiques.

S'agissant du pouvoir d'achat des classes populaires, nous proposons la revalorisation du salaire minimum à 1 800 euros, pour permettre de vivre plus dignement.

L'écart entre le discours national et l'action locale renvoie à l'anticipation et à la planification à long terme afin d'éviter que, sous prétexte de transition écologique, les salariés se trouvent confrontés à des annonces massives de suppressions d'emplois ou de fermetures sèches d'entreprises. Cette transition ne peut être opérée du jour au lendemain au risque de casser l'outil industriel. Cela pose la question des investissements, de la politique de recherche et développement et de la recherche fondamentale.

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Béatrice Clicq, secrétaire confédérale de la CGT-FO en charge de l'égalité et du développement durable

. Est-ce plutôt positif, négatif ou neutre en matière d'emploi et quel rôle doivent jouer les organisations syndicales en la matière ? Pour nous, l'anticipation est capitale. Si des filières comme l'automobile ou le transport aérien sont particulièrement touchées par la crise sanitaire, ce projet de loi peut contribuer à développer des filières de qualité, notamment dans les secteurs de la rénovation des bâtiments ou de l'agriculture.

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. La liaison ayant été interrompue, nous essaierons de vous redonner la parole un peu plus tard.

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Madeleine Gilbert, secrétaire nationale « RSE Développement durable » de la CFE-CGC

. Les salariés sont à la fois inquiets pour leur emploi et désireux de participer à la transition énergétique. Ils veulent d'abord pouvoir vivre demain, c'est-à-dire se nourrir, se déplacer, sujets traités dans le projet de loi. Autrement dit, ils souhaitent, à court terme, préserver leur emploi, ce dont on ne peut leur en vouloir. Or la transition des emplois n'est pas évidente. Malgré une masse d'informations et de publications, nous en savons peu sur les emplois de demain, puisqu'ils dépendront de la technologie et des choix énergétiques retenus.

Nous avons besoin d'une vision claire. Les choix énergétiques réduiront-ils sensiblement les émissions de gaz à effet de serre ? Quel est le bénéfice réel de la voiture électrique par rapport à la voiture thermique ?

Il existe une dichotomie dans le mode de pensée des salariés. Nous représentons les classes moyennes, qui s'inquiètent pour leur emploi. Quid du rôle des représentants syndicaux dans les entreprises ? Pour cela, il y a les CSE et la bonne gouvernance. Dans la gouvernance, il y a les plans de vigilance, mais ils ne sont pas très efficaces.

Nous souhaitons qu'un plus grand nombre d'administrateurs salariés détiennent un droit de vote et un droit de regard sur la vie de l'entreprise. Dans les CSE, nous souhaitons avoir recours à des expertises scientifiques indépendantes pour prendre les bonnes décisions.

Vous avez besoin des représentants syndicaux pour soutenir la politique de RSE et de développement durable, dites-vous, mais ils n'en sont en aucun cas responsables. Nous acceptons la coconstruction mais pas la responsabilité.

La taxe carbone se justifie pour alimenter des investissements et financer la transition énergétique en toute transparence.

Concernant l'évasion fiscale, ou plutôt, l'évitement, la conditionnalité des aides publiques va de soi. Je rappelle que le montant annuel de l'évasion fiscale correspond au budget de l'éducation nationale.

Nous souhaitons favoriser la recherche et développement.

L'économie circulaire est un sujet important. La filière de gestion des déchets n'est pas efficace. On parle de pertes d'emplois mais, grâce aux politiques publiques, il est possible de créer des emplois dans des filières en déshérence qui ont été externalisées même pas en Europe mais dans d'autres régions du monde.

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Dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, nous avons créé un certain nombre de filières de responsabilité élargie du producteur (REP) qui verront le jour par décrets ou par ordonnances.

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Madeleine Gilbert, secrétaire nationale « RSE Développement durable » de la CFE-CGC

. J'ajouterai qu'en tant que représentants des salariés, nous souhaitons, certes, coconstruire et accompagner la transition écologique et énergétique à laquelle nous croyons, mais à partir d'éléments tangibles, mesurables et scientifiquement prouvés.

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Denis Lavat, chargé des dossiers de transition énergétique pour la CFTC

. Je reviendrai sur l'engagement des syndicats dans la transition énergétique. La participation aux efforts de transition énergétique cible les notions d'information, de sensibilisation et de formation. Il nous semble intéressant de créer une commission spécifique du CSE capable de donner du volume à ces sujets. Les observatoires des métiers ont pour objet de désenclaver les actions existantes et de partager les bonnes pratiques. Nous sommes sollicités par les délégués syndicaux, les salariés et des jeunes et il n'existe pas de lien entre les différentes filières.

Quant à la taxe carbone, nous nous sommes prononcés en faveur du principe pollueur-payeur, même si son application est compliquée. Au niveau confédéral, nous visons l'intérêt général, même si nous sommes solidaires des secteurs et des salariés en difficulté. Il s'agit d'avoir suffisamment d'informations sur les possibilités de reconversion et de formation, le tout pour un développement désirable.

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. Désirable et durable !

Merci, mesdames et messieurs, d'avoir donné de votre temps pour nous faire part de vos impressions, vos avis, vos critiques et vos recommandations.