Intervention de Jean-René Cazeneuve

Réunion du lundi 8 mars 2021 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Cazeneuve, rapporteur général :

Nous commençons l'examen d'un projet de loi très attendu. Je présenterai le contexte qui a présidé à l'élaboration de ce projet ainsi que ses grandes lignes ; mes collègues rapporteurs thématiques, qui ont accompli un énorme travail que je tiens à saluer, vous décriront les dispositifs des titres dont ils ont la charge et vous feront part de leurs propositions de modifications.

En signant l'Accord de Paris, la France s'est engagée à diviser par six ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. La loi du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif de diminution de 40 % des émissions en 2030 ; la neutralité carbone, quant à elle, devra être atteinte en 2050 conformément à la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

Le texte que nous présente le Gouvernement vise à ce que notre pays respecte ses engagements internationaux mais, aussi, à l'endroit des générations futures. Au-delà de la vision et de la stratégie de long terme, il s'appuie sur une approche pragmatique, sectorielle et à 360°. Son mérite principal est d'inviter les citoyens, les professionnels, les élus des collectivités territoriales et les associations, dans tous les domaines, à relever un défi qui nous concerne tous.

La législation environnementale a longtemps été une législation de protection et d'interdiction dans le but de préserver l'environnement alors que la dégradation du climat doit beaucoup à nos modes de vie. Le projet de loi part d'une logique sociétale : il fait entrer l'écologie dans la vie quotidienne des Français. Il en appelle, en quelque sorte, à une mobilisation générale !

À ceux qui diront qu'il manque d'ambition, je répondrai qu'il comprend des mesures que seule la France défend sur le plan européen, qu'il faut du temps pour modifier les comportements, que l'éducation, la formation et l'accompagnement sont autant de clés pour la réussite de la transition écologique, même si déjà trois Français sur quatre sont acquis à un mode de vie plus sobre.

À ceux qui diront que ce texte va trop loin, trop vite, je rappellerai les derniers rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ou de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité, qui sont très alarmants et évoquent une accélération du réchauffement climatique : les cinq dernières années sont les plus chaudes observées depuis 1850. Autant dire que nous n'avons pas droit à l'échec…

Depuis le dépôt du projet de loi, le 10 février dernier, une polémique est née à la suite du décalage entre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat et le contenu du texte. Elle n'a rien de surprenant, certains ayant vu dans la Convention un instrument de démocratie directe, ce qu'à mon sens elle n'était pas : la démocratie directe suppose des mécanismes très précis, le plus souvent inscrits dans les Constitutions, comme le référendum d'initiative populaire ou l'initiative directe des lois. La Convention citoyenne n'entrait pas dans ce cadre : ce fut une instance de consultation et non de décision. Son formidable travail doit d'ailleurs être reconnu à sa juste valeur tant les citoyens qui y ont siégé ont pris la mesure de la gravité des enjeux. Le Gouvernement a ensuite traduit ses propositions sur le plan réglementaire, dans le plan de relance et dans le projet de loi dont le Parlement est saisi.

Je rappelle que le Parlement est souverain et que c'est à nous, maintenant, de prendre le relai. Notre travail se fonde sur le projet qui nous est soumis et non sur les propositions de la Convention. Évidemment, nous avons porté la plus grande attention aux mesures qu'elle a proposées et, à l'initiative de notre présidente, la commission spéciale a procédé à l'audition de certains de ses membres. Mes collègues rapporteurs et moi-même avons par ailleurs mené ces dernières semaines des centaines auditions pour recueillir l'avis du plus grand nombre possible d'acteurs. De très nombreux députés y ont participé, ce qui montre combien nous accordons au texte l'intérêt qu'il mérite et que nous ne fonctionnons pas en vase clos. Même si l'on peut comprendre une certaine déception, les membres de la Convention peuvent être fiers. Quel autre exemple, dans notre longue histoire démocratique, d'une concertation aussi large ayant abouti à une loi aussi ambitieuse ?

Ce texte amplifie l'ensemble de l'action environnementale conduite sous la présente législature avec les lois EGALIM du 30 octobre 2018, ELAN du 23 novembre 2018, Énergie et climat du 8 novembre 2019, Orientation des mobilités du 24 décembre 2019 et, enfin, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020. Elles ont toutes des objectifs spécifiques mais supportent toutes une vision écologique.

Avec constance, la majorité, n'a jamais cessé de prendre en compte l'écologie dans toutes ses dimensions, depuis la préservation de la nature jusqu'à ses différents aspects économiques et sociaux : nos modes de consommation, la production, les mobilités, le logement, l'agriculture et l'alimentation. La prise en compte de l'écologie s'étend ainsi graduellement, parfois par l'expérimentation, à des pans de plus en plus vastes de notre société.

Ce texte sera jugé sur un unique critère : celui de son efficacité. Il devra donc être appliqué le plus rapidement possible après sa promulgation. Nos travaux ont néanmoins montré que de nombreuses questions restaient en suspens pour rendre ces mesures opérationnelles. Par exemple, les représentants des collectivités territoriales nous ont fait part de leurs interrogations sur plusieurs articles et leurs difficultés à les appliquer. Nos travaux doivent permettre d'apporter cette clarification.

La transition écologique exige un montant considérable d'investissements de la part des collectivités publiques, des entreprises et des ménages. Pour ceux d'entre eux dont les revenus sont les plus modestes, nous avons toujours affirmé que la transition écologique implique la justice sociale : de trop faibles revenus empêchent en effet de procéder à une rénovation thermique, d'acquérir un véhicule électrique ou d'accéder à une alimentation de qualité. Cette recherche de justice sociale ne doit pas laisser de côté nos compatriotes d'outre-mer, dont je rappelle qu'ils vivent dans des territoires qui émettent très peu de carbone mais qu'ils sont les principales victimes du réchauffement climatique en raison de catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et virulentes.

Même si nous ne discutons pas d'une loi budgétaire, nous devrons préciser lors de nos débats les moyens publics mobilisés pour accompagner tous les Français, toutes les entreprises, toutes les collectivités locales.

Cette loi, qui s'inscrit dans le temps long puisque nous légiférons pour la France de 2050, qu'elle propose une vision et indique une trajectoire, comporte également des dispositifs très concrets pour notre vie quotidienne, lesquels doivent permettre de réduire dès demain nos émissions de gaz à effet de serre.

Cette loi fait confiance aux Français et aux entreprises, elle les responsabilise, elle s'appuie sur l'intelligence collective ; elle est exigeante mais elle compte sur leur engagement avant de songer aux sanctions.

Cette loi, enfin, fait une large part aux collectivités territoriales, dont le rôle est renforcé.

C'est avec intérêt, conviction et enthousiasme que les membres de la commission spéciale travailleront, comme en témoignent les milliers d'amendements qui ont été déposés. Je suis persuadé que les groupes politiques sauront s'écouter, travailler ensemble et se rassembler autour de l'objectif central du projet. En tous cas, tel est l'état d'esprit des rapporteurs.

J'apporte mon plein soutien à ce texte, que je trouve équilibré, que nous allons améliorer et qui répond magistralement au défi fondamental de notre temps.

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