Intervention de Ludovic Mendes

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 21h30
Bonne application du régime d'asile européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Mendes :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour débattre et voter une proposition de loi qui permettra demain une bonne application du régime d'asile européen. Je tiens à vous rappeler que le règlement Dublin III est une pierre angulaire de la politique européenne d'asile et qu'il est un gage du respect du cadre de l'espace de libre circulation.

Cette proposition de loi intervient après plusieurs jurisprudences nationales et européennes. La Cour de justice de l'Union européenne a ainsi arrêté, le 15 mars 2017, que tout placement en rétention administrative d'un demandeur d'asile en procédure Dublin est interdit si la notion de risque de fuite n'est pas intégrée dans le droit national de l'État membre. L'article 28 du règlement Dublin III précise : « Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. »

Ces accords prévoient notamment que le pays de l'Union européenne dans lequel le demandeur d'asile est arrivé en premier devient le pays compétent pour statuer sur la demande. Chaque pays relève donc les empreintes digitales des demandeurs arrivant sur son sol et les enregistre dans la base de données dactyloscopiques européenne pour l'asile, dite EURODAC. Afin de faciliter et d'accélérer les échanges entre les différentes administrations des États de l'Union, dans le cadre des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge, les États sont convenus de mettre en place un réseau intranet nommé Dublinet.

La présente proposition de loi, dont l'objet est de permettre à la France de respecter le droit européen relatif aux demandeurs d'asile, est en phase avec la Charte européenne des droits fondamentaux. Elle nous permet d'avoir un cadre législatif plus adapté et en même temps protecteur pour les étrangers demandant l'asile sur notre territoire. Le placement en rétention administrative est conditionné à une évaluation personnelle de chaque situation, à une exigence de proportionnalité, à la prise en compte de l'état de vulnérabilité et à l'inefficacité de toute autre mesure moins coercitive.

Je souhaite vous apporter quelques données complémentaires. Les étrangers concernés par le règlement Dublin en 2016 sont un peu plus de 100 000 en Europe et 22 500 étrangers dits « dublinés » ont demandé l'asile en France. Nous avons tous suivi de près la situation des camps de Grande-Synthe et de Calais : après plusieurs démantèlements, il a pu être démontré que plus de 70 % des occupants étaient concernés par le règlement Dublin et n'avaient pas vocation à être sur le territoire national.

D'après les chiffres du ministère de l'intérieur, 40 % des demandes enregistrées en préfecture constituent des doublons car les demandeurs ont déjà été enregistrés dans d'autres États membres de l'Union. Ces données démontrent le besoin de mettre en place des mesures permettant aux demandeurs d'asile d'être mieux protégés et d'obtenir une réponse beaucoup plus rapide que si une procédure était à nouveau lancée sur le territoire national.

Vous le savez aussi bien que moi : aujourd'hui, la France veut prendre toutes ses responsabilités face au défi migratoire, mais elle ne pourra le faire si des « dublinés » et des personnes n'ayant pas vocation à rester sur le territoire national engorgent les préfectures ainsi que les centres d'hébergement d'urgence, si bien que des personnes dorment dans la rue ou sous des tentes, dans des conditions inhumaines et indignes qui bafouent les valeurs républicaines.

Cette proposition de loi nous permet d'intégrer dans notre droit une réponse à l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne qui rappelle les règles qui définissent le « risque non négligeable de fuite ». C'est donc le juge des libertés et non le préfet qui pourra placer des personnes en rétention. Cette distinction est fondamentale, car elle permettra d'éviter des dérives et créera une sécurisation du placement en rétention des étrangers sous procédure Dublin. Je tiens à rappeler que la procédure définie dans la proposition de loi n'a pas vocation à devenir la procédure de droit commun.

En revanche, force est de constater que le régime d'asile au sein de l'Union européenne appelle une critique constructive, destinée à engager une modification du droit d'asile européen, afin de procéder à une uniformisation et à une harmonisation du « paquet asile » et de la liberté de circulation. Cette évolution du droit de l'Union doit permettre de créer un rapport d'équilibre entre les pays membres en matière d'accueil.

Certains États sont en proie à des difficultés d'accueil et de gestion des flux. Il est donc inconcevable que d'autres États membres fassent le choix de refuser le mécanisme de stabilité pour la réinstallation des demandeurs d'asile. Nous devons assumer, tous ensemble, le défi migratoire. Les pays de l'Union européenne doivent se mettre d'accord sur des notions claires, ce qui permettra de respecter le principe fondamental de solidarité et de démontrer que tous les États membres sauront accueillir dignement et intégrer dans la durée les réfugiés qui nous ont demandé protection. Pour toutes ces raisons, il faut soutenir la proposition de loi.

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