Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme tous les Républicains, je suis bien sûr attaché au respect du droit d'asile, qui est censé permettre l'accueil des réfugiés politiques, c'est-à-dire des combattants de la liberté. Chacun a à l'esprit ce belle phrase du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République. » C'est l'essence même du droit d'asile, et nous sommes en cela fidèles à l'héritage de la Révolution française, renouvelé par nos engagements internationaux, notamment la Convention de Genève de 1951.
Chaque année, des personnes sont légitimement accueillies en France à ce titre et se voient reconnaître le statut de réfugié politique, soit par l'administration, avec l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – l'OFPRA – , soit par le juge dans le cadre de la Cour nationale du droit d'asile.
Le problème, nous le savons – je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont déjà été donnés au cours de cette discussion générale – , est que des dizaines de milliers de candidats à l'immigration clandestine, qui ne sont pas de vrais réfugiés politiques, utilisent les procédures d'asile pour se maintenir en France. Malgré les efforts d'organisation qui ont été effectués ces dernières années au sein de l'OFPRA, sous l'égide de son directeur général, qui est un homme compétent et engagé, les délais d'examen globaux restent très longs, lorsqu'on additionne le passage devant les préfectures, la procédure d'instruction de la demande d'asile proprement dite et, comme les décisions font l'objet d'un recours dans l'immense majorité des cas, le délai du recours contentieux.
Pendant tout ce temps, nous le savons, ces personnes s'installent en France et lorsqu'elles sont, in fine, déboutées, c'est-à-dire définitivement reconnues comme n'étant pas des réfugiés politiques, elles quittent très rarement notre pays et rejoignent l'immense cohorte des clandestins. Selon les chiffres que le ministre d'État, ministre de l'intérieur nous a communiqués il y a quelques semaines, les étrangers en situation illégale sont entre 300 000 et 400 000 en France. Le système d'examen des demandes connaît, dès lors, une sorte de thrombose. Il n'est globalement ni juste ni efficace.
Ma conviction est que ces dysfonctionnements sont aggravés par le labyrinthe bureaucratique qui tient lieu, aujourd'hui, de politique européenne de l'asile. Car les divers règlements et directives relatifs à l'asile, combinés à la directive relative à l'éloignement, donnent lieu à des interprétations jurisprudentielles qui se sont peu à peu éloignées de la volonté initiale des autorités politiques ayant négocié et approuvé ces textes. Notre débat de cette nuit en est un exemple.
Aucune autorité politique française ou européenne, quelle que soit sa couleur, n'a jamais décidé de faire obstacle au système de Dublin, lequel repose sur une idée simple et forte : puisque l'Union européenne est une communauté de droit, une personne étrangère qui demande l'asile dans un État européen n'a pas vocation à le demander ensuite dans un autre pays de l'Union.
Par conséquent, les États européens sont parfaitement fondés à organiser les mécanismes juridiques et pratiques permettant d'appliquer ce système de Dublin, qui a un vrai sens politique : puisque nous formons l'Union européenne, que nous constituons une communauté de droit et que nous partageons un certain nombre de valeurs, il est naturel que le demandeur d'asile venant frapper à la porte de l'Allemagne ou de l'Italie ne puisse pas ensuite venir frapper à la porte de la France.
Concrètement, il est normal qu'une personne ayant déposé une demande d'asile dans un autre pays européen que la France et qui vient pourtant dans notre pays soit raccompagnée dans le premier pays ; pour ce faire, il n'est pas anormal qu'elle soit placée provisoirement, par les autorités françaises, dans un centre fermé permettant son retour effectif.