Nous avons le devoir de constater l'épuisement du système européen en matière d'asile. Aujourd'hui, les États européens pratiquent la gestion des flux et beaucoup ne peuvent pas assumer leurs responsabilités dans l'examen d'une demande d'asile. Preuve en est la situation très préoccupante en Hongrie, dénoncée par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui appelle à suspendre tout renvoi de demandeurs d'asile vers ce pays.
L'Italie connaît de nombreuses défaillances systémiques : il peut s'écouler plusieurs mois entre le dépôt de la demande d'asile et son enregistrement formel. Les centres d'accueil pour demandeurs d'asile ne possèdent en effet que 2 000 places ; depuis début 2017, plus de 10 000 migrants et migrantes sont arrivés en Italie.
En Grèce, cette année encore, des cas de torture et de mauvais traitements ont été signalés, les conditions de détention semblant particulièrement préoccupantes. La Cour européenne des droits de l'homme a conclu que la Grèce avait enfreint la Convention européenne des droits de l'homme en raison de mauvaises conditions de détention voire de l'absence de recours effectifs contre ces mauvaises conditions, dans neuf affaires qui concernaient des personnes détenues à Larissa, Salonique, Trikala et Komotini.
En France, pour ce qui est du financement, cette proposition fait peser un risque évident de sous-budgétisation. En effet, alors que les demandes d'asile devraient augmenter de 10 % en 2018, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » n'augmente que de 6,2 % entre 2017 et 2018. Nous avons eu ce débat lors de l'examen du budget et n'avons toujours pas obtenu de réponse sur cette interpellation qui, pour nous, marque l'insincérité d'une partie de ce budget. Les hausses d'effectifs sont clairement insuffisantes. Globalement, le manque de moyens est flagrant.
Plus généralement, d'un point de vue purement pragmatique et réaliste, il est vain de durcir le cadre comme vous le proposez, monsieur le rapporteur, alors que seulement 6 % des procédures Dublin sont menées à leur terme.
Le droit européen doit donc être réformé. Nous avons été interpellés, comme j'imagine que vous l'avez été, chers collègues, par nombre de citoyens et de citoyennes engagés bénévolement dans la solidarité quotidienne auprès des migrants et des migrantes, et dont je voudrais saluer ici l'action, qui fait honneur à notre pays.
Ces personnes nous ont notamment rappelé les propos tenus par le candidat Emmanuel Macron, en janvier 2017, à propos des accords de Dublin : « Il faut les améliorer, car ils ont des effets pervers. Je suis pour une réforme qui permette [… ] une vraie coordination européenne ». Ces citoyens et citoyennes engagés ont grandement déchanté, notamment à la lecture de cette proposition de loi, quant aux intentions du président Macron.
Le droit européen n'est pas conçu pour faire face aux types de flux migratoires que nous allons avoir à gérer, internationalement, à l'avenir. En l'état actuel des choses, il nous est pourtant nécessaire de réfléchir à une façon, non pas de parquer les gens comme des animaux, mais de les accueillir dignement.
Entre 2015 et 2016, le ministère de l'intérieur constate une augmentation de 7,1 % des demandeurs d'asile. Au vu de la situation internationale que nous connaissons, des ravages du changement climatique, de l'accroissement des inégalités et de la paupérisation de populations entières du fait de la mondialisation néolibérale, des situations de guerre et de conflit qui font rage partout dans le monde, ces demandes ne vont pas s'épuiser.
Or nous aurions les moyens d'accueillir dignement ces personnes qui fuient des situations dramatiques, car le traitement médiatique et politicien a tendance à véhiculer une perception erronée des phénomènes migratoires : non seulement ce sont les pays du Sud qui accueillent la majeure partie de ces populations, mais en plus, selon l'Institut national d'études démographiques, ce sont seulement entre une et deux personnes pour 1 000 habitants qui arrivent en France chaque année.
Alors pourquoi choisir de dépenser chaque année des millions d'euros à instituer des politiques sécuritaires et mortifères ? Oui, mortifères car, depuis le début des années 2000, au moins 35 000 personnes ont trouvé la mort en tentant de rejoindre l'Europe.