Intervention de Boris Vallaud

Réunion du jeudi 17 décembre 2020 à 10h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Les socialistes sont historiquement des républicains ardents, attachés à une République laïque et sociale ; or elle ne restera laïque que si elle sait rester sociale, selon les mots de Jean Jaurès. Nous sommes d'avis qu'il faut être intransigeant, chaque fois qu'il y va des principes, mais aussi chaque fois qu'il y va des promesses de la République.

Le Président de la République avait annoncé un discours sur les séparatismes ; il a prononcé un discours sur le séparatisme. Pour votre part, vous aviez eu la gentillesse de nous présenter une première version du projet de loi, intitulée « projet de loi visant à renforcer la laïcité ». Le texte transmis au Conseil d'État, s'appelait « projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République » ; depuis, l'intitulé a encore changé. Le Conseil d'État avait observé que votre exposé des motifs était somme toute sommaire, et qu'il n'exprimait pas clairement les intentions du législateur.

Les propos que vous avez tenus ce matin et ceux de M. le Premier ministre lors de sa présentation du texte appellent la question suivante : quelle est exactement l'intention de ce texte ? Pouvez-vous être clair à ce sujet ? Il touche pratiquement à tous les droits et toutes les libertés publiques constitutionnellement garantis, qui nous fondent comme État de droit, comme démocratie, comme République : la liberté d'association, la liberté de conscience, la liberté de culte, la liberté de réunion, la liberté d'opinion, la liberté de communication, la liberté de la presse, la libre administration des collectivités locales, la liberté de l'enseignement, la liberté du mariage, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle.

Autant dire que l'examen minutieux de toutes les dispositions que vous proposez exige du temps. Ce n'est certes pas la loi de 1905, mais rappelons qu'elle aussi avait été examinée dans le cadre d'une commission spéciale, constituée le 11 juin 1903, et que la discussion en séance publique avait duré du 21 mars 1905 au 3 juillet 1905… Au total, il avait fallu plus de deux ans de travail. Plusieurs d'entre nous, dont je me fais l'écho, ont demandé que nous ayons le temps d'examiner sérieusement la proportionnalité des mesures proposées. Car ce qui est en cause, à bien des égards, ce sont des droits et des libertés qui nous concernent toutes et tous au quotidien.

Par ailleurs, ce texte de loi pourrait laisser penser que la République se résume à des règles, des interdictions, des contraintes, des injonctions et des principes d'ordre public. La liberté d'association, la laïcité ne se résument pas à des motifs d'ordre public. Votre texte laisse orphelin tout un pan du discours du chef de l'État sur les promesses de la République. Il est permis de douter – la question vous a été posée – de la bonne articulation entre ses promesses et la réaffirmation de la nécessité de faire respecter certains principes républicains, si l'on songe au sort réservé au rapport Borloo ou à l'enterrement des nombreuses expérimentations engagées en matière de mixité sociale dans les établissements scolaires. Êtes-vous disposé à accepter certains amendements des parlementaires sur ce point aveugle, mais non moins essentiel, qu'est la République sociale ?

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