Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Réunion du jeudi 17 décembre 2020 à 10h00

Résumé de la réunion

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  • culte
  • discours
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La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Jeudi 17 décembre 2020

La séance est ouverte à dix heures cinq.

La commission spéciale procède à l'audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur.

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Soyez le bienvenu, monsieur le ministre de l'intérieur, pour cette première audition de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République.

Lors de notre réunion d'installation hier, j'ai souhaité que nous commencions nos travaux par une présentation du texte par les principaux ministres concernés : vous-même, puis, à midi, le ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports ; nous entendrons ultérieurement le garde des Sceaux, ministre de la justice. Notre calendrier est assez resserré, mais il me paraissait souhaitable que les ministres puissent ainsi exposer l'intention du Gouvernement avec ce texte, mais également répondre aux différents groupes qui pour la première fois ont ainsi l'occasion d'exprimer leurs positions.

Après votre présentation, que je souhaite synthétique, prendront la parole, pour trois minutes, le rapporteur général et les rapporteurs thématiques, puis, pour quatre minutes, les représentants de chaque groupe et, enfin, pour deux minutes, chaque collègue qui le souhaitera.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Je suis honoré de venir travailler avec vous sur ce texte particulièrement important souhaité par le Président de la République. Je reste bien entendu à votre entière disposition pour revenir durant vos travaux si vous le souhaitez.

Cette présentation est pour moi l'occasion de compléter les propos que j'ai déjà tenus en commission des lois ou dans l'hémicycle. Si la commission me le permet, et bien que ce texte soit défendu par le ministre de l'intérieur et la ministre déléguée chargée de la citoyenneté – qui est également à votre disposition pour répondre à vos questions relevant plus spécifiquement des associations et de la citoyenneté –, je ne m'étendrai pas sur les sujets qui relèvent de la compétence du ministre de l'Education nationale, que vous entendrez juste après moi, ou du garde des Sceaux.

L'avant-projet de loi, que nous avons transmis à tous ceux qu'il concerne et au Conseil d'État, a fait l'objet de nombreuses consultations : avec les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat, avec les organisations cultuelles et philosophiques, les élus locaux, ou encore avec les intellectuels amenés à prendre position sur les sujets touchant à la laïcité et aux principes républicains. Ces consultations ne prétendaient pas être exhaustives, même si le but était de comprendre tous les aspects des choses, ni à jeter les bases d'un consensus où tout le monde serait d'accord sur tout ; mais elle a été réelle, et même doublée de la transmission du texte avant même que celui-ci ne soit soumis au Conseil d'État. Vient maintenant le moment évidemment le plus important sur un plan démocratique, celui du travail parlementaire, où je me dois de répondre à vos interrogations.

Ce texte est basé sur la modification, le renforcement, la réaffirmation de cinq sujets essentiels qui touchent à des principes qui fondent notre droit, notre État de droit et notre façon de « faire Nation ».

Le premier est le droit des cultes. Si la République n'en reconnaît ni n'en subventionne aucun, elle ne vit pas pour autant dans l'ignorance des cultes. Le ministre de l'intérieur, chargé des cultes, dispose d'une administration qui travaille quotidiennement avec eux. Notre base juridique est la grande loi de séparation des églises et de l'État, modifiée dix-sept fois mais jamais vraiment remise à jour au regard de ce qu'est devenu notre pays, de ce subtil équilibre entre la liberté de culte, qui est une liberté essentielle, constitutionnelle, et la liberté de croire ou de ne pas croire et d'exercer son culte dans des conditions que permet la République, dans les limites qui tiennent au respect de l'ordre public.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit que nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses : cette formulation traduit un doute, en tout cas une interrogation de la part de ceux qui siégeaient bien avant vous à l'Assemblée nationale. La liberté de culte doit évidemment être chérie, construite et inscrite dans l'équilibre que nous devons chercher : aucun des grands principes de la loi de 1905 n'est remis en cause – la liberté des cultes est garantie, la République n'en reconnaît aucun et ne doit pas les subventionner publiquement –, mais force est de considérer qu'un certain nombre de difficultés se posent, qui tiennent notamment à des financements venant de l'étranger, à l'utilisation du vecteur religieux par des puissances extérieures ou par des idéologies néfastes à la République.

Le principe général de la séparation de la religion et de la politique doit être réaffirmé : c'est le sens des articles qui renforcent le dispositif dit de 1905. Nous aurons l'occasion d'en reparler : c'est un sujet tout la fois passionnant et compliqué, par le fait que nous devons développer le financement national des cultes sans qu'il ne devienne un financement public ou un financement étranger. De tous les commentaires que j'ai pu lire à propos de ce texte, bien peu rappellent que nous avons déjà pris des dispositions en matière de financements des cultes ; mais je suis sûr, puisque j'ai eu à connaître de la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC), que cette question fera débat, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.

Deuxième sujet : le droit des services publics et singulièrement la neutralité politique et religieuse exigée des agents du service public, dans leurs propos comme dans leur apparence.

Nous avons souhaité réaffirmer un certain nombre de principes et parfois écrire clairement dans la loi des dispositions dont on pouvait douter de l'application : ainsi la neutralité doit pouvoir être imposée à tous les agents de l'ensemble des organismes qui, d'une manière ou d'une autre, concourent au service public, par l'intermédiaire de l'État ou de sa protection sociale : cela vaut pour toutes les délégations ou concessions de service public, y compris pour Pôle emploi, les caisses d'allocations familiales ou les caisses primaires d'assurance maladie.

Nous avons également souhaité que l'État, sans contrevenir au principe de décentralisation et comme d'autres lois lui en ont déjà donné la possibilité, dans le domaine du logement social notamment, puisse affirmer son rôle de vigie républicaine et lutter contre des comportements que certains appellent « communautaristes », d'autres « séparatistes », en tout cas contraires aux principes de la République : ainsi la réservation d'horaires spécifiques dans des salles de sport ou, dans certaines bibliothèques, au classement des auteurs en fonction de leurs affinités sexuelles ou de leur religion supposées. Il appartiendra au préfet, sous l'autorité évidemment du juge administratif, par le biais d'un référé-liberté, comme l'a souhaité le Conseil d'État, d'intervenir et de répondre à ce que nous avons appelé une « carence républicaine ».

Nous n'avons pas voulu étendre le principe de neutralité aux usagers du service public ni à l'espace public, conformément à l'équilibre de la loi de 1905 et au principe de laïcité.

Troisième sujet, le droit des associations. C'est également un droit très important, reconnu par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État ; nous souhaitons le renforcer afin de lutter contre ce qu'on appelle le séparatisme, en procédant de deux manières.

Premièrement, les associations n'ont pas à être subventionnées si elles ne respectent pas les principes républicains. Cela renvoie à un décret, que je m'engage, avec la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, à vous présenter au moment de la discussion dans l'hémicycle. La question s'est posée, à laquelle le Conseil d'État a répondu dans un sens favorable pour le Gouvernement : le fait d'être une association ne donne aucunement droit à subvention et n'oblige en rien une collectivité locale ou un organisme public à lui prêter une salle ou du matériel.

Se pose ensuite la question de la dissolution ou de l'arrêt des activités associatives, au sens juridique du terme, lorsqu'elles s'inscrivent manifestement dans un engagement antirépublicain militant. Nous avons proposé un mécanisme de suspension. Le Président de la République a personnellement souhaité que la dissolution des associations soit toujours prononcée en Conseil des ministres, afin de montrer toute l'importance du droit d'association, auquel il ne pouvait être touché que sur décision d'une instance politique de premier plan, ce qui oblige le ministre de l'intérieur à entreprendre toute une série de démarches très sérieuses à l'appui d'une telle proposition.

Nous avons également souhaité élargir un certain nombre de critères de dissolution. Le Conseil d'État est revenu sur certains d'entre eux, et nous avons accepté ses propositions, mais également précisé que la suspension pouvait ne concerner qu'une partie des activités de l'association. Il se peut très bien qu'au sein d'une même association, certaines branches respectent parfaitement les principes républicains et qu'une ou deux autres posent problème. Nous proposons d'être toujours en mesure d'intervenir afin que police républicaine soit faite – sous l'autorité du juge évidemment.

Quatrième sujet : la souveraineté de l'État et la protection de ses agents.

J'ai déjà évoqué la question des financements, notamment étrangers, des lieux de culte ou des organisations dites confessionnelles. Il ne s'agit pas de les interdire ; du reste, la France elle-même finance un certain nombre d'institutions à l'étranger, par le biais de l'État, des collectivités locales, des associations, des organisations non gouvernementales, voire de simples particuliers. Nous voulons seulement les connaître et de les contrôler, c'est assez différent. La religion n'a pas à être un soft power pour un État étranger ; il est légitime de connaître les intentions et les motivations politiques de ceux qui seraient tentés d'investir sur notre territoire.

Même si cela ne figure pas dans le texte, la question se posera évidemment de la fin de la pratique des ministres du culte détachés. Au cours des législatures précédentes, le Parlement avait voté des conventions internationales qui permettaient à des ministres du culte venus notamment du Maghreb ou de Turquie d'exercer en France en étant rémunérés par leur pays d'origine ; à la demande du Président de la République, cela viendra à son terme à partir de 2023, ce qui nous ramène à la question générale du financement du culte en France.

Le cinquième point enfin a trait à l'éducation, en particulier l'instruction à domicile ou dans les écoles hors contrat ; je laisserai au ministre de l'Education nationale le soin de vous en parler.

Je n'entrerai pas dans une revue détaillée de ce projet de loi, qui est un texte de liberté et non de contrainte. Car son but est précisément de libérer des contraintes idéologiques mortifères pour la République et ce qui fait ses valeurs essentielles pour nos concitoyens : la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de changer de religion, la liberté de s'exprimer, la liberté de vivre dans des lieux neutres où les références ne sont pas seulement de nature idéologique, mais également républicaines, la liberté de savoir qui finance quoi sur le territoire, d'être éduqué, de faire du sport, d'être un citoyen éclairé et pas seulement conditionné par telle ou telle influence familiale ou communautaire.

Je finirai en rappelant ce que ce texte n'est pas. Il ne vise pas les religions en général, ni une religion en particulier. J'ai lu beaucoup de choses sur ce sujet : toutes sont fausses. Nulle part vous ne trouverez d'attaque ad hominem : la République ne reconnaissant aucun culte, elle ne les distingue pas. Toutes les dispositions de ce texte s'adressent à tous les cultes, sans exception : ce serait du reste mentir que d'imaginer garder les principes de 1905 tout en proposant des textes ad hominem. Certains pays l'ont fait, comme l'Autriche, mais il n'y existe pas de séparation des églises et de l'État comme en France.

De plus, si notre ennemi est, aujourd'hui, l'islamisme politique, il pourrait être différent demain ou après-demain. En 1905, le législateur avait cherché à poser une série de critères laïques pour contrer des attaques idéologiques par la religion, mais il pourrait y en avoir d'autres demain, d'une nature tout à fait différente. Il ne s'agit pas de lutter contre une religion, mais contre une idéologie. Nous n'avons donc pas souhaité intégrer dans ce texte des dispositions visant à organiser les cultes à la place de leurs représentants. C'est à eux qu'il appartient de les organiser conformément aux principes républicains, et ce n'est pas à nous de dire ce qu'est un bon ministre du culte ou le bon fonctionnement d'un culte. Depuis bien longtemps, le ministre de l'intérieur n'a pas vocation à écrire de discours religieux !

Enfin, ce texte ne comporte aucune disposition relevant du code du travail. Les questions de laïcité, de neutralité, du respect des femmes et des hommes, de la dignité de la personne humaine, peuvent certes se poser dans le cadre de relations d'ordre privé, qui relèvent du contrat, de l'organisation de l'entreprise, des rapports entre partenaires sociaux ; ce texte ne touche pas à l'organisation du monde du privé, mais seulement à l'organisation du monde du public, et nous l'assumons comme tel.

Ce projet ne prévoit pas non plus de dispositions concernant l'immigration. C'est un choix délibéré que je revendique personnellement, sous l'autorité du Président de la République. J'entends beaucoup de discours établissant des équivalences entre immigration, islamisme et séparatisme ; rappelons, même si ce texte ne s'attaque pas à la radicalisation et au terrorisme, mais au terreau du terrorisme, que les attentats perpétrés sur notre sol ne sont pas seulement le fait d'étrangers : ils sont, hélas ! bien souvent commis par des citoyens français. Les ministres du culte radicalisés qui font parfois la une des journaux sont souvent des gens nés sur notre sol. La distinction entre des étrangers par nature suspects et des Français par nature attachés aux principes républicains relève d'un propos de facilité. Le lien est pour le moins distendu, ce qui ne veut pas dire que, par ailleurs, il ne faille pas songer à lutter contre l'immigration clandestine ou subie.

Enfin, ce projet de loi ne vise pas davantage à rétablir je ne sais quel équilibre en matière notamment d'urbanisme et de logement – ce point a fait débat. J'ai été maire d'une commune dont les habitants connaissent à la fois les problèmes que nous essayons de combattre avec ce texte et les promesses de la République faites à une ville jeune, issue de l'histoire compliquée de notre pays.

L'urbanisme, la politique de peuplement, le logement, l'immigration, le manque d'éducation, tout cela aggrave évidemment les difficultés existantes. Il est évident qu'un urbanisme mal maîtrisé, une politique de peuplement ignorant la mixité sociale, le défaut d'éducation ou de promesses républicaines fortes, de même qu'une immigration non maîtrisée dans certains quartiers amènent évidemment des problèmes de communautarisme, voire de séparatisme. Mais on ne saurait en conclure que l'urbanisme ou le logement en sont les seules causes. Nous aurons, de même que sur l'immigration et l'égalité des chances, à en débattre à d'autres occasions ; au demeurant, la majorité parlementaire ne doit pas regretter l'énorme effort qui aura permis le redémarrage des dispositifs de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). En tant qu'ancien ministre du budget et des comptes publics, je suis bien placé pour savoir qu'il a fallu attendre longtemps les financements qui permettent désormais de transformer nos quartiers, conformément à la promesse du Président de la République.

En conclusion, je vous présente un texte important, sans doute complexe : il ne se prête sans doute pas à toutes les facilités de langage par le fait qu'il touche à une bonne part de ce qui fait le sens et l'âme de la République, au respect que nous devons à chaque citoyen vivant sur notre sol et à son histoire. Reste qu'il était nécessaire ; j'oserais même dire que c'est un texte d'urgence, qui contient des dispositions que peu de gens ont osé proposer avant nous et qui s'accompagnent d'actes extrêmement forts, conformément à ce qu'a souhaité le Président de la République et à l'action qu'il mène depuis son élection.

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Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être venu à notre rencontre dès après l'installation de notre commission spéciale. Il était en effet important de vous entendre rapidement sur ce texte emblématique de cette presque fin de quinquennat.

Vous avez rappelé les objectifs poursuivis, les multiples dérives communautaristes, souvent insidieuses, parfois puissantes, les idéologies que le Président de la République a qualifiées de séparatistes – dont l'islamisme, qui en est l'expression la plus visible, la plus criminelle, la plus meurtrière. Car nous parlons bien d'une idéologie, non d'une religion ; nous aurons l'occasion, lors de nos débats, de définir ces termes.

Dans le cadre de cette commission spéciale, la responsabilité que nous confère le suffrage universel consiste à mesurer les objectifs visés par le Gouvernement, les moyens et les actions que vous nous proposez, mais également l'effectivité de votre politique : notre rôle n'est pas seulement de débattre, c'est aussi de décider de mesures qui peuvent et doivent changer la vie quotidienne de nos concitoyens.

Nous serons évidemment amenés à confronter des points de vue, des sensibilités diverses : il est important que chacun puisse se faire une opinion sur des bases objectivées. Je vous invite donc, monsieur le ministre, à rappeler un certain nombre de données objectives, concrètes sur les comportements, les actes, les situations, parfois les données géographiques : député d'une circonscription rurale, sans quartier difficile à proprement parler, je sais que des zones rurales sont également concernées par de telles dérives. Il est donc bon de rappeler les faits qui ont amené le Gouvernement à nous proposer ce texte très courageux.

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Merci pour ce texte : il est indispensable, même si nous avons bien conscience du fait qu'il ne résoudra pas tout en quelques années : il faudra vraiment beaucoup de temps pour remonter la pente d'un certain laisser-aller, souvent inspiré par de très bonnes intentions, qui fait que des principes inscrits dans notre Constitution ne sont plus respectés comme ils devraient l'être.

Je suis très honorée d'être la rapporteure du chapitre Ier du titre Ier, qui a notamment trait à l'inscription dans la loi, bien qu'il figure déjà dans nos normes suprêmes, du principe de neutralité. Ce qui n'est pas sans poser des difficultés : il faut regarder très concrètement à quoi cela correspond, s'agissant par exemple des délégataires de service public et des entreprises de transport. Il y aura donc, s'agissant de l'article 1er, matière à débattre. Des questions d'interprétation, qui ne seront sans doute pas toujours faciles, se poseront.

Vous avez évoqué l'article 2, qui tend à créer un référé-liberté issu des travaux du Conseil d'État sur l'avant-projet de loi – ce mécanisme n'était pas prévu en première intention. Je remercie le Gouvernement d'avoir eu la sagesse de tenir compte de l'avis du Conseil d'État.

L'article 3 concerne les fichiers. Je suis étonnée de constater que notre législation n'ait pas prévu d'y inscrire certaines infractions, telles que l'apologie du terrorisme.

L'article 4 créera une nouvelle infraction, qui n'est pas d'intention et me paraît indispensable – mais nous aurons aussi l'occasion d'en débattre.

S'agissant de l'article 1er, doit-on considérer que les écoles sont des organismes privés ou publics délégataires de service public, dont découlerait alors le statut d'usager ?

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Je remercie le Gouvernement de nous donner l'occasion de nous reposer collectivement la question du respect des principes républicains. Car c'est bien le sujet : il ne s'agit pas de remettre en cause ces principes ou de les redéfinir, mais de voir comment on peut renforcer leur respect. Tout acteur public, quelle que soit sa place dans la société, a cette question à cœur. C'est donc un grand plaisir et un grand honneur de pouvoir travailler sur ce texte.

Les associations, auxquelles je me suis intéressé plus particulièrement, sont des acteurs importants pour la cohésion sociale, pour le lien de fraternité, qui est un principe républicain fort. Elles sont au cœur de nos territoires et de notre promesse républicaine. Elles fonctionnent à 90 % grâce à des bénévoles, elles sont constituées de femmes et d'hommes d'engagement et elles irriguent notre société dans son ensemble. Elles sont vecteurs de citoyenneté, d'intégration et de mixité, pour nos jeunes comme pour nos anciens.

Leur rôle important en matière de cohésion leur impose une responsabilité. Le chapitre II repose sur l'idée qu'il faut les aider à prendre leur part, si je puis dire, et les renforcer dans leur droit à faire respecter les valeurs républicaines ; d'où la présence de cet objet que vous appelez le contrat d'engagement républicain, qui revient à réinterroger le rapport des associations à l'État, aux collectivités territoriales, voire à l'ensemble des Français. J'ai bien compris que des précisions viendront peut-être plus tard, mais j'aimerais savoir comment vous voyez ce contrat d'engagement républicain. Quelle différence y aura-t-il, en particulier, avec les chartes de la laïcité qui existent et plus généralement avec les dispositions utilisées par des élus et des collectivités pour faire vivre la laïcité et les principes républicains ? Comment y associer les élus locaux et les collectivités ?

S'agissant des procédures de dissolution, les associations ont une inquiétude mais c'est un outil efficace – la démocratie interne y est parfois compliquée.

Le contrat d'engagement républicain peut permettre une nouvelle rencontre entre l'État, les collectivités et le tissu associatif, riche et vigoureux, de notre pays.

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Merci pour ce texte qui était attendu et qui a évolué positivement. Il donnera à chacun une responsabilité forte dans son domaine.

Dans le discours qu'il a prononcé aux Mureaux, le Président de la République a rappelé que le respect des grands principes de la République était un instrument important contre l'endoctrinement. Le principe de dignité en fait partie. Selon la formule retenue par le Conseil constitutionnel, il consiste à sauvegarder la personne humaine contre toute forme d'asservissement ou de dégradation : elle doit demeurer libre, ses choix ne doivent pas lui être dictés par autrui. Dans son avis, le Conseil d'État a aussi rappelé que la dignité de la personne humaine était un principe supérieur, intangible et absolu, consacré par les textes constitutionnels et conventionnels.

Plusieurs affaires ont conduit définir ce principe et les mesures pour le faire respecter. Dans la continuité de cette évolution, le projet de loi comporte des dispositions contribuant à protéger la dignité de la personne humaine et qui ont une résonance particulière pour moi, en tant que femme, mère et professionnelle de santé.

Pour assurer aux femmes l'égalité des droits, le texte prévoit notamment une mesure relative aux héritiers réservataires, concernant les biens situés en France. Il interdit également l'établissement de certificats de virginité par les médecins. Autant de sujets sur lesquels on n'a que des non-dits ou des rumeurs : quelle connaissance réelle en avons-nous en fonction des quartiers et des territoires ?

Il est également prévu de renforcer le dispositif de protection du consentement des futurs époux, afin de lutter contre les mariages forcés. Un travail est déjà engagé en la matière par les élus et les associations. Comment peut-on mieux les accompagner pour les aider à être vigilants ?

Le texte aborde aussi la question de la polygamie. Il prévoit des mesures destinées à compléter les dispositifs existants – la polygamie est déjà interdite. Sur la base de quels recensements ces mesures sont-elles envisagées et quelle effectivité escomptez-vous ?

S'agissant des pensions de réversion dont bénéficient les conjoints divorcés ou survivants, disposons-nous d'éléments chiffrés permettant de connaître les destinataires et les fraudes éventuelles ?

Les femmes sont les principales victimes des violences, et il importe de travailler sur ces propositions relatives au respect des valeurs de la République – liberté, égalité, fraternité et laïcité. Sur ces thèmes forts, qui sont liés au respect de la dignité de la personne, quelles sont vos intentions et vos orientations, monsieur le ministre ?

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Je suis rapporteure d'un chapitre relatif à la haine en ligne et aux contenus illicites sur internet, sujet qui est arrivé dans un second temps dans les travaux visant à lutter contre les séparatismes et qui n'avait pas été abordé, en tant que tel, dans le discours du Président de la République aux Mureaux. Nous nous devons d'assurer un renforcement de nos principes républicains dans tous les espaces de vie et de partage, en premier lieu le numérique. Pour cela, il faut réguler les réseaux sociaux et lutter contre la propagation de la haine, s'assurer que ce qui est interdit dans l'espace physique l'est aussi pleinement dans l'espace numérique, mettre en œuvre un ordre public réel dans l'univers virtuel afin de construire un internet plus sûr et plus protecteur pour nos concitoyens.

Nous connaissons tous les douloureuses circonstances dans lesquelles ce débat a refait surface dans notre société, lorsqu'en octobre dernier Samuel Paty a été lâchement assassiné en plein jour par un terroriste islamiste, un homme qui n'habitait pas sa région, qui ne connaissait pas son visage mais qui l'avait choisi comme cible après ce que vous avez très justement qualifié de fatwa lancée sur les réseaux sociaux. Nous avons su ne pas trembler quand il a fallu désigner le responsable, l'ennemi : le terrorisme islamiste. Mais nous avons également su pointer du doigt ceux qui ont joué un rôle dans ce drame : les réseaux sociaux. C'est par eux qu'une cible a été placée dans le dos de Samuel Paty, par eux que cet attentat a été revendiqué et que des images indignes ont été partagées pendant plusieurs jours, et à cause du terreau d'internet que fleurit et se propage une idéologie islamiste dans les esprits les plus vulnérables.

Les trois articles du projet de loi concernant la haine en ligne répondent à la nécessité impérieuse de lutter contre l'impunité sur internet. Verront ainsi le jour un nouveau délit, constitué sur mesure, contre ce mal contemporain qui consiste à utiliser les réseaux sociaux pour nuire à quelqu'un, une procédure de comparution immédiate pour les pourvoyeurs de haine et des procédures simplifiées pour obtenir le blocage et le déréférencement des sites haineux et extrémistes.

Vous avez annoncé que le ministère de l'intérieur s'engagerait pleinement dans la lutte contre l'impunité en renforçant les effectifs de PHAROS : c'est nécessaire pour que les nouvelles dispositions ne soient pas seulement des pétitions de principe et qu'elles voient leur traduction réelle dans le quotidien de chacun. Pouvez-vous préciser le calendrier et les moyens prévus ?

La question des sites haineux conduit à celle d'une autre forme de séparatisme dont on parle peu mais dont vous avez indiqué qu'elle était aussi concernée par ce projet de loi : le séparatisme des extrémistes dits suprémacistes blancs, qui déversent leur haine sur des sites aux antipodes des valeurs de la République, dont je ne veux pas faire la publicité. Pouvez-vous faire un état des lieux des actions menées par le ministère de l'intérieur vis-à-vis de ces groupes qui sévissent principalement sur internet et sur les réseaux sociaux ?

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Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous souhaitiez réserver le sujet de l'éducation à Jean-Michel Blanquer, que nous auditionnerons après vous. J'ai néanmoins deux questions générales à vous poser.

Le projet de loi traite, dans le chapitre V de son titre Ier, de l'instruction en famille et des écoles privées, en vue de garantir à chaque enfant une éducation conforme aux principes de la République. Ce chapitre pose le principe de la scolarisation obligatoire de trois à seize ans, des exceptions pouvant seulement être autorisées en raison de la situation de l'enfant ou de sa famille. Le texte renforce également le contrôle des établissements d'enseignement privé hors contrat et donne aux autorités de l'État les moyens de mettre fin rapidement à l'activité d'établissements clandestins. Enfin, il prévoit une vérification de la capacité des écoles privées à dispenser un enseignement conforme aux programmes de l'enseignement public.

La République s'est construite autour de l'école, à qui nous confions nos enfants pour qu'ils accèdent aux connaissances, aux savoirs, à la culture et aux sports, pour qu'ils développent leurs compétences, leur caractère et leur esprit critique, pour qu'ils découvrent l'altérité, la vie collective et le vivre ensemble, pour qu'ils apprennent les principes républicains et qu'ils partagent un socle de valeurs communes : liberté, égalité, fraternité, laïcité, dignité, esprit de justice, solidarité, respect de la personne, égalité des femmes et des hommes, tolérance et absence de toute forme de discrimination. Ils y deviennent ainsi les citoyennes et citoyens de demain.

En France, depuis 1882, ce n'est pas l'école qui est obligatoire, mais l'instruction. Dans le cadre de la liberté d'enseignement, tout enfant, de trois à seize ans, doit être instruit soit à l'école, publique, privée sous contrat ou hors contrat, soit à domicile. Des dispositifs de contrôle existent afin de vérifier que chaque enfant a bien droit à une instruction et que celle-ci répond à un minimum d'exigences.

J'en viens à mes deux questions.

Pour quelles raisons souhaitez-vous inclure des dispositions concernant l'éducation, l'instruction en famille et les écoles privées dans un projet de loi consacré au respect des principes républicains ? Pouvez-nous nous renseigner, en tant que ministre de l'intérieur, sur les constatations qui y conduisent ? J'ai remis en 2018 un rapport sur la déscolarisation : je sais que des familles retirent leurs enfants de l'école. Si cela ne constitue pas à soi seul un facteur justifiant une suspicion de radicalisation, c'est un indice, au sein d'un faisceau, qui doit donner l'alerte. C'est un fait avéré que certains enfants sont en danger. Quelles ont été les évolutions de ce phénomène ?

Pour vérifier que le droit à l'instruction de chaque enfant présent sur le territoire français est effectif, chaque maire doit constituer et transmettre à l'éducation nationale une liste des enfants en âge d'être scolarisés dans sa commune. J'ai découvert, dans le cadre de la mission qui m'a été confiée, que cette tâche incombant aux mairies est mal faite ou pas faite du tout. En tant qu'ancienne adjointe à l'éducation dans la commune de Lyon, je sais à quel point elle est difficile, notamment dans les territoires où la mobilité résidentielle est forte. Comment peut-on accompagner les maires dans l'accomplissement de cette mission essentielle pour tous les autres contrôles ? Comment les préfectures peuvent-elles les aider ?

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Nous ne désirons pas que les gens pensent comme nous mais qu'ils pensent par eux-mêmes : c'est la définition de la laïcité que donnait Condorcet. On y trouve la liberté de conscience et d'expression, la liberté de croire et de ne pas croire. Ces libertés ont pour limites l'ordre public et le respect des lois de la République. La loi de 1905 suivait déjà cette logique sur laquelle vous avez assis votre projet de loi.

Le principe de la police administrative est qu'elle doit être strictement nécessaire et proportionnée. Le Conseil d'État a estimé, d'une manière assez objective et lucide, que les dispositions relatives au financement du culte et les mesures de contrôle, que je suis chargé de rapporter, étaient tout à fait proportionnées et, dans l'ensemble, satisfaisantes compte tenu des objectifs fixés. Il a considéré que la loi de 1905 était très sommaire s'agissant du financement du culte, ce qui justifiait le renforcement que vous avez prévu.

Le Conseil d'État a, en outre, formulé des observations sur lesquelles je voudrais vous interroger.

Il a proposé de supprimer l'article 39 qui tend à renforcer les sanctions, prévues par la loi du 24 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en cas de provocation à la haine dans les salles de prière ou les lieux de culte. J'aimerais savoir ce qui a poussé le Gouvernement à maintenir ces dispositions.

Le Conseil d'État a considéré qu'un droit d'opposition à certains financements du culte était tout à fait justifié, ce dont je me réjouis. Dans quelle mesure ce droit d'opposition, qui peut concerner des transactions en chaîne, a-t-il été sécurisé dans le cadre de l'article 46 ?

Je voudrais aussi vous interroger sur l'articulation entre l'article 44, qui permet la fermeture de lieux de culte, et les dispositions de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite SILT, que nous avons prorogées jusqu'au 31 juillet prochain. Le Conseil d'État vous a, par ailleurs, invité à prévoir un renouvellement de la fermeture administrative des lieux cultes, dans la mesure où celle-ci n'est valable que pour deux mois.

S'agissant des dispositions de l'article 38, relatif aux sanctions en cas d'atteinte à la liberté de croire ou de ne pas croire, j'aimerais revenir sur un arrêt récent du Conseil d'État concernant la commune de Chalon-sur-Saône, qui consacre la liberté de proposer – ou non – des menus de substitution dans les cantines scolaires. Au vu de la jurisprudence constante du Conseil d'État, ne serait-il pas bon d'inscrire cette liberté dans la loi ?

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Pourquoi nous retrouvons-nous aujourd'hui à débattre de la volonté de conforter des principes républicains ?

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, les carences républicaines qui peuvent exister. Il y a d'abord celle, générale, qui est liée au déni dans lequel nous nous trouvons depuis des années. Les sondages montrent qu'une partie de la jeunesse ne se reconnaît plus dans les valeurs de la République ; pas loin de quatre Français sur dix, me semble-t-il, se demandent même s'il n'existe pas un meilleur système que la démocratie ! C'est cela, le déni : c'est ne pas reconnaître que notre système connaît une crise profonde, et depuis longtemps. Le rapport Obin, qui la décrivait, date de 2004.

Notre société se fracture de plus en plus. Le mérite du Président de la République dans son discours aux Muraux est d'avoir réussi à nommer les choses, et c'est fondamental. Si nous sommes réunis, c'est parce que nous devons prendre en compte la réalité, la décrire, la nommer et prendre les décisions qui doivent en résulter.

La société est fracturée, en premier lieu, parce que le séparatisme existe. Des groupes proposent des contre-sociétés dans certains endroits de la République : ils veulent que des quartiers échappent à nos règles communes. Il y a aussi une jeunesse qui doute d'avoir sa place dans notre société et qui cherche une identité à travers des revendications qui deviennent communautaristes, qui se placent en dehors des valeurs de la République, en dehors de nos règles communes, et dont les exigences sont parfois très malsaines.

Il ne s'agit pas simplement d'une religion : les dérives sont partout. Des phénomènes de sectarisation existent dans différents domaines, qui ne sont pas uniquement religieux. Il faut, je le répète, décrire la réalité et la prendre en considération. Elle ne se traduit pas uniquement par du séparatisme, mais aussi par une violence qui se répand dans notre société et que l'on observe tous les jours.

Si nous sommes réunis, c'est aussi parce que le débat sur la fracturation de notre société s'accompagne d'une forme de confusion. Certains veulent voir derrière cette fracturation une cause simple : l'immigration. Évidemment, ce n'est pas vrai : nous voyons bien que ce qui se passe dans nos quartiers relève de causes beaucoup plus complexes et multiples, qui sont souvent totalement éloignées des problèmes migratoires. Mais il est tellement simple de trouver un ennemi visible et identifiable pour éviter de se poser les vraies questions… Il y a également une confusion en raison des problèmes dont Mme Avia a parlé tout à l'heure. L'« imam internet », par exemple, est aujourd'hui plus crédible que le discours qui peut être développé dans le cadre de la République, et c'est de cela aussi que nous devons parler afin d'apporter des réponses. La confusion existe enfin en notre sein même : dans de nombreux territoires, les autorités de la République elles-mêmes ont délégué à des associations, qui en ont détourné le sens, la gestion de services publics qui se retrouvent à servir plutôt le séparatisme et la communautarisation que l'intérêt général.

Enfin, nous devons nous fixer des objectifs. Ce texte doit être une loi de sécurité, une loi de sérénité, une loi de liberté. Notre société sera plus forte si elle est cohérente, si elle retrouve ses valeurs, si elle permet de mieux les comprendre. Elle sera aussi plus forte si elle se libère et libère les religions des influences extérieures qui n'ont rien à y faire. Surtout, elle sera plus forte si elle permet aux croyants et aux non-croyants, à ceux qui entendent s'habiller et se comporter comme ils veulent dans le cadre de la République et des lois, de le faire en toute tranquillité.

C'est une première attaque que nous abordons là, mais il n'y a pas de mot magique. Il y aura d'autres choses à faire, d'autres chantiers à ouvrir, notamment en matière d'égalité des chances. Mais ne confondons pas tout, commençons par cette étape importante et fondamentale, nommons les choses et apportons des réponses.

Une question rapide pour terminer : le Gouvernement a déjà beaucoup fait, nous débattons d'un projet de loi, quelle est l'articulation entre les deux ?

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Je suis particulièrement satisfait que ce texte voie enfin le jour. Vous avez parlé d'urgence, mais combien de tergiversations, combien de reports ! Vous avez évoqué un travail interministériel, mais vous avez été contraint par la Constitution, puisque le ministère de la justice avait souhaité créer un délit de séparatisme, sans y parvenir. Votre collègue Éric Dupond-Moretti a rappelé qu'il y a un avant et un après Samuel Paty : il a beaucoup travaillé sur le texte pour le parfaire, notamment sur les articles 4 et 18.

Force est de le reconnaître, mes chers collègues, nous avons tendance, sur tous les bancs, à légiférer par réaction : les lois visant à lutter contre le terrorisme, qui se sont multipliées après les attentats de 2015 et de 2016, sont là pour le prouver. Mais c'est tellement plus simple… Essayons de travailler par anticipation et d'élargir le débat à d'autres problématiques – celle de la sortie de prison des détenus de droit commun radicalisés, par exemple, ou encore l'influence de plus en plus prégnante du séparatisme dans les mondes de la santé et de l'université.

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Comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, le présent projet de loi répond à une situation, une urgence que nul ne conteste. Le groupe Les Républicains est désireux d'y prendre toute sa part. Et je veux exprimer le souhait que, contrairement à ce que nous avons trop souvent constaté, vous vous montrerez ouvert aux propositions que nous formulerons.

Ce texte arrive bien tard dans le quinquennat. Une fois adopté, il sera applicable seulement quelques mois avant la fin de la législature. Nous aurions préféré que le sujet soit traité avant. Quand on veut une loi puissante, sur un sujet difficile, mieux vaut la faire passer en début de mandat, avec le soutien d'une majorité forte.

J'aimerais vous interroger sur la distorsion entre l'exposé des motifs, qui évoque « l'idéologie séparatiste », et le texte lui-même, où cette expression est absente. Faut-il y voir l'expression d'une fausse pudeur ? La peur de diviser la société ? La crainte d'ébranler votre majorité ?

Enfin, vous avez indiqué qu'il ne sera pas question d'immigration dans ce texte, mais vous avez tenu un propos très étonnant en parlant d'un choix que vous revendiquiez personnellement. Je croyais que le Gouvernement proposait un texte de loi au nom de la Nation, non à titre personnel.

Deux questions pour terminer. Ce projet de loi touche à des libertés fondamentales : liberté d'instruction, liberté de culte, liberté d'association. Durant sa préparation, avez-vous dû réduire vos ambitions par crainte de la censure constitutionnelle ? Êtes-vous certain que le Conseil constitutionnel validera votre texte et que vous atteindrez vos objectifs sans révision constitutionnelle ? Une de nos collègues de la majorité a parlé de la règle commune : rappelons que vous avez refusé la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par le Sénat, qui visait précisément à inscrire dans la loi fondamentale que nul ne peut s'exonérer de la règle commune au titre de son origine ou de sa religion…

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Monsieur le ministre de l'intérieur, le groupe MODEM est heureux d'entamer l'examen de ce projet de loi par votre audition et par celle de M. Jean-Michel Blanquer. Elles devraient nous permettre d'en mieux cerner les enjeux, d'en préciser les contours et les attendus, de relever les éventuels manques et d'identifier les améliorations possibles, afin de parvenir in fine à un texte capable de nous rassembler autour des principes de notre République, mais aussi autour de ses promesses : l'égalité des droits comme des chances, la liberté d'expression, de conscience et de devenir.

Si la République est un projet, réaffirmé dans l'exposé des motifs, elle est aussi une idée qui parle aux consciences et qui doit entraîner et mobiliser autour de valeurs fédératrices et de principes structurants. Hélas, force est de constater que ces valeurs et ces principes sont mis à mal par divers moyens, et notamment par l'ingérence, dans notre ordre démocratique et républicain, de projets politiques dont l'unique ambition est de saper notre cohésion sociale. C'est à cela qu'il convient de répondre, en réaffirmant une règle essentielle : en République, il n'y a pas de règle religieuse qui l'emporte sur la loi des hommes. Chacun est libre dans sa conscience, mais nul ne peut imposer ses vues aux autres, ni a fortiori en faire un objet politique.

Dire cela, c'est rappeler notre tradition, celle d'une séparation dans l'espace public des dimensions religieuses et temporelles de nos existences. Il est inutile de rappeler ce que nous a coûté une telle confusion au cours de notre histoire, sinon pour dire que la laïcité, telle que nous la concevons en France, est la condition de notre liberté à tous. C'est ce que nous a rappelé Mme Dominique Schnapper, présidente du conseil des sages de la laïcité, nommée par Jean-Michel Blanquer, que nous avons auditionnée dans le cadre de notre groupe : la laïcité, en tant que telle, est inclusive et tolérante.

Les dérives sont devenues trop nombreuses dans les services publics, dans les associations, à l'école. Il est temps d'y mettre un coup d'arrêt. Nos concitoyens attendent de nous que nous nous engagions avec conviction contre les intrusions de l'islam politique, comme de tout entrisme religieux, dans notre espace public. Beaucoup a été fait, car le phénomène, malheureusement, n'est pas récent. Mais ce projet de loi prend à bras-le-corps des enjeux propres aux services publics, aux associations, au financement des cultes, qui n'avaient jamais été traités jusqu'alors. Ce texte les aborde pleinement et c'est une bonne chose. Notre groupe considère que ce texte est tout à fait nécessaire, et que le débat doit s'ouvrir entre nous. Nous apporterons notre soutien, animés par la volonté de promouvoir une réponse qui nous rassemble.

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Les socialistes sont historiquement des républicains ardents, attachés à une République laïque et sociale ; or elle ne restera laïque que si elle sait rester sociale, selon les mots de Jean Jaurès. Nous sommes d'avis qu'il faut être intransigeant, chaque fois qu'il y va des principes, mais aussi chaque fois qu'il y va des promesses de la République.

Le Président de la République avait annoncé un discours sur les séparatismes ; il a prononcé un discours sur le séparatisme. Pour votre part, vous aviez eu la gentillesse de nous présenter une première version du projet de loi, intitulée « projet de loi visant à renforcer la laïcité ». Le texte transmis au Conseil d'État, s'appelait « projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République » ; depuis, l'intitulé a encore changé. Le Conseil d'État avait observé que votre exposé des motifs était somme toute sommaire, et qu'il n'exprimait pas clairement les intentions du législateur.

Les propos que vous avez tenus ce matin et ceux de M. le Premier ministre lors de sa présentation du texte appellent la question suivante : quelle est exactement l'intention de ce texte ? Pouvez-vous être clair à ce sujet ? Il touche pratiquement à tous les droits et toutes les libertés publiques constitutionnellement garantis, qui nous fondent comme État de droit, comme démocratie, comme République : la liberté d'association, la liberté de conscience, la liberté de culte, la liberté de réunion, la liberté d'opinion, la liberté de communication, la liberté de la presse, la libre administration des collectivités locales, la liberté de l'enseignement, la liberté du mariage, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle.

Autant dire que l'examen minutieux de toutes les dispositions que vous proposez exige du temps. Ce n'est certes pas la loi de 1905, mais rappelons qu'elle aussi avait été examinée dans le cadre d'une commission spéciale, constituée le 11 juin 1903, et que la discussion en séance publique avait duré du 21 mars 1905 au 3 juillet 1905… Au total, il avait fallu plus de deux ans de travail. Plusieurs d'entre nous, dont je me fais l'écho, ont demandé que nous ayons le temps d'examiner sérieusement la proportionnalité des mesures proposées. Car ce qui est en cause, à bien des égards, ce sont des droits et des libertés qui nous concernent toutes et tous au quotidien.

Par ailleurs, ce texte de loi pourrait laisser penser que la République se résume à des règles, des interdictions, des contraintes, des injonctions et des principes d'ordre public. La liberté d'association, la laïcité ne se résument pas à des motifs d'ordre public. Votre texte laisse orphelin tout un pan du discours du chef de l'État sur les promesses de la République. Il est permis de douter – la question vous a été posée – de la bonne articulation entre ses promesses et la réaffirmation de la nécessité de faire respecter certains principes républicains, si l'on songe au sort réservé au rapport Borloo ou à l'enterrement des nombreuses expérimentations engagées en matière de mixité sociale dans les établissements scolaires. Êtes-vous disposé à accepter certains amendements des parlementaires sur ce point aveugle, mais non moins essentiel, qu'est la République sociale ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présentation du texte qui, de l'avis des membres du groupe Agir ensemble, tombe à point nommé par le fait qu'il apparaît comme une composante d'un tout législatif comprenant par ailleurs un volet éducatif, un volet relatif à la rénovation urbaine, ainsi qu'un volet relatif à une refondation de la justice et de la police.

Mais surtout, il s'agit d'un texte important pour le pays, pour son avenir et pour sa cohésion. C'est également un texte courageux, à notre connaissance sans précédent, équilibré, dosé et convenablement proportionné. Il porte sur un sujet grave et particulièrement sensible, ce qui suppose – c'est en tout cas notre intention – un débat digne et apaisé : nous le devons à nos concitoyens qui nous écoutent et nous regardent. Persister dans le déni ne rendrait pas service au pays ; à l'inverse, l'exagération répressive remettrait en cause tout ce à quoi nous sommes profondément attachés : la démocratie, la liberté et l'État de droit. Nous devrons donc sans cesse rechercher des solutions raisonnables et procéder avec discernement. Il y va de la liberté de nos compatriotes, quelle que soit leur confession ; nous avons le devoir de garantir l'application des principes républicains. Il y va également de la cohésion de la société tout entière. Les libertés fondamentales de nos compatriotes et leur protection, voilà ce dont il est question ; et pour les garantir, le principe de laïcité est sans égal.

Je n'entrerai pas dans le détail de son contenu, nous en débattrons longuement. Nous sommes favorables aux dispositions relatives à l'impartialité du service public. Nous considérons que les mesures d'encadrement des activités associatives sont nécessaires, que la protection de la dignité de la personne humaine est devenue indispensable, compte tenu des dérives que nous constatons, et qu'il est utile de replacer l'éducation au cœur de la République et de combattre la haine en ligne, en commençant par en débattre de façon sérieuse et dépassionnée. Quant aux dispositions relatives au financement et à la police des cultes, c'est à nos yeux une dimension essentielle.

Pour résumer, le groupe Agir ensemble portera un regard très bienveillant sur ce projet de loi. Mais nous serons très vigilants s'agissant du respect des équilibres, qu'il faudra trouver, entre l'interdiction de certains comportements et la préservation des libertés fondamentales. Nous aurons un point de vigilance tout à fait particulier sur l'article 44 du projet de loi, relatif à la lutte contre le terrorisme, car il nous semble assez strict en matière de proportionnalité des atteintes susceptibles d'être portées à la liberté de culte.

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J'estime qu'une nouvelle audition de M. le ministre sera nécessaire, une fois que nous aurons entendu d'autres personnalités. Il a lui-même beaucoup consulté ; il me semble utile que nous puissions faire de même.

Le présent projet de loi – c'est son premier mérite – a été précédé d'un discours du Président de la République, prononcé aux Mureaux, dans lequel il a clairement reconnu un état de fait qui est désormais le lot de nombreux quartiers populaires où nous avons concentré l'immigration au fil des décennies : l'échec du modèle d'intégration républicain a ouvert une faille dans la République, qui est utilisée par une idéologie politique qui se sert d'une religion, en l'occurrence la religion musulmane, la dénature et s'en sert comme levier pour imposer un projet politique qui n'a rien de religieux. Le Président de la République a eu le courage de le dire ; il est le premier chef de l'État à le faire et je tiens à l'en saluer.

La loi de 1905 repose sur deux grands principes. Le premier, c'est la liberté de croire, de ne pas croire et de pratiquer, et son exercice est protégé par l'État. Le second, que l'on oublie trop souvent, dans sa philosophie comme dans sa lettre, c'est l'exigence de la séparation entre la politique et le religieux. Cela ne vaut pas uniquement pour les relations classiques entre individus : c'est l'interdiction pour une religion de servir de levier à une activité, un projet, une ambition politiques.

Or force est de reconnaître que nous avons à ce propos des pudeurs de jeune fille. À ce jour, il n'y a qu'une seule religion utilisée, manipulée et dénaturée par des gens, très minoritaires mais très actifs, au service d'un projet politique : la religion musulmane. D'autres seront peut-être demain dans cette situation ; mais pour l'heure, il ne faut pas avoir ce genre de pudeurs, d'autant moins que les musulmans eux-mêmes, à 95 % ou 97 %, demandent à être préservés de cela. La République doit les protéger : c'est une nécessité, et tout à son honneur.

Le texte aborde de nombreuses questions, ce qui me semble justifier une seconde audition de M. le ministre. Il a de nombreuses qualités ; je ne dresserai pas la liste des articles que nous sommes prêts à soutenir. Mais il présente aussi deux ou trois failles, ou deux ou trois limites, qui devraient être corrigées lors de son examen par le Parlement.

Monsieur le ministre, vous dites vouloir connaître l'origine des financements étrangers. Mais la difficulté n'est pas tant d'en connaître l'origine que de savoir qui paie, et par ce fait exerce une influence sur la pratique religieuse, ainsi que sur la perception et l'interprétation de la religion, pour le compte le plus souvent d'États étrangers, voire de personnes privées, elles-mêmes liées à ces Etats, dont certaines peuvent avoir leur résidence sur notre sol et la nationalité française. Connaître l'origine de ces financements ne suffit pas. Pour ma part, je reprends une idée formulée par Dominique de Villepin en 2005 : un intermédiaire entre celui qui donne l'argent et celui qui le reçoit, une fondation par exemple, une instance neutre. Ainsi, celui qui paie ne commanderait pas, ce qui nous prémunirait du pire des influences néfastes exercées par des pays étrangers ou des groupes politiques dénaturant la religion musulmane.

Vous avez également renoncé à réorganiser le Conseil français du culte musulman (CFCM). Sa création par Nicolas Sarkozy fut une bonne chose, car elle a donné un interlocuteur à l'État, à ceci près qu'il n'est pas représentatif des musulmans de France. On y vote au mètre carré : plus la mosquée est grande, plus vous avez d'argent pour financer un grand bâtiment, plus vous avez de voix. Je considère que les musulmans de France doivent voter, comme dans n'importe quelle démocratie, par tête de croyant, si j'ose dire, par personne et non par mètre carré. Ces deux évolutions me semblent fondamentales pour construire un islam de France, par ailleurs parfaitement compatible avec les lois de la République.

Enfin, l'article 11 m'intrigue. Vous souhaitez connaître la nature des dons versés aux associations religieuses, mais pas l'identité des donateurs. C'est là encore une timidité inutile : dans le cas des dons à un parti politique, l'État sait qui a donné, et à qui. Je ne vois pas pourquoi vous voulez connaître le montant des dons, ce qui présente un intérêt relatif, et pas l'identité des donateurs. Je ne vois pas pourquoi ce qui est possible dans le champ politique ne le serait pas dans le champ religieux.

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Ce texte, initialement destiné à lutter contre le terrorisme, puis contre l'islamisme radical, puis contre le séparatisme, est devenu le projet de loi confortant le respect des principes de la République. C'est un très vaste programme ! Au demeurant, il n'aborde qu'une partie des principes de la République : les droits sociaux, les droits économiques ne sont pas concernés. Pourtant, le discours du Président de la République aux Mureaux montrait bien qu'il est impossible d'aborder le problème du séparatisme sous le seul angle répressif ; il faut aussi un volet préventif, une politique sociale – accès au logement, accès à l'emploi, etc.

Ajoutons que le groupe Libertés et Territoires défend les libertés publiques sous toutes leurs formes : cette loi ne saurait leur porter atteinte au motif de lutter contre le séparatisme.

Ma première question, monsieur le ministre, porte sur l'article 1er. Si vous considérez que l'enseignement privé sous contrat est visé par l'article 1er, comment comptez-vous concilier ses dispositions avec le respect du caractère propre des établissements ?

Ma deuxième question porte sur l'article 18. Est-il réellement opérationnel ? Comment prouver l'intention particulière de l'auteur des faits de porter atteinte à l'intégrité physique ou aux biens de la personne ? Et comment s'articule-t-il avec l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, que nous venons d'adopter en première lecture ?

Ma troisième question porte sur l'article 30. La distinction entre associations culturelles et associations cultuelles n'est pas sans poser difficulté : si des activités culturelles coexistent avec des activités cultuelles au sein d'une même association, le texte prévoit de soumettre la partie cultuelle aux règles applicables aux associations du même nom. Sur le principe, c'est très bien, mais comment le représentant de l'État pourra-t-il constater qu'une telle association accomplit des actes cultuels ?

Ces trois exemples montrent l'extrême difficulté à concilier le respect des grandes libertés publiques avec certains articles du texte.

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Je balaie à grands traits les remarques et critiques formulées à l'égard des cinquante et un articles de ce projet de loi par le groupe la France insoumise. Compte tenu de l'immensité de la tâche, beaucoup de points devront être précisés par la suite.

Contrairement à ce qui est affiché, ce projet de loi sera tout d'abord assez inefficace pour faire face à des attentats tels que ceux qui nous ont endeuillés. Le Premier ministre lui-même l'a d'ailleurs reconnu lors d'une interview donnée à un grand quotidien du soir : de son propre aveu, ce texte n'aurait sans doute pas empêché l'assassinat de Samuel Paty ou le drame de Nice. Face à ce djihadisme criminel, c'est la police et le renseignement qu'il faut renforcer ; or le texte n'aborde pas ce sujet.

De la même façon, face à la haine en ligne, c'est la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) qu'il faut renforcer, ce que vous avez commencé à faire, depuis le drame de l'assassinat de Samuel Paty. Des outils existent d'ores et déjà ; il s'agit de leur donner les moyens, notamment humains, dont ils ont besoin afin que nous nous retrouvions avec des faits et des enquêtes, et non de pures mesures d'affichage politique.

Or c'est bien là le piège dans lequel vous voulez nous amener : lancer, par des mesures d'affichage, des débats sur des grands thèmes de société comme la polygamie, les certificats de virginité, les jeunes femmes spoliées de leur héritage, les mariages forcés, autant de pratiques déjà interdites par la loi. Et où est l'étude d'impact ? Je constate avec plaisir que les rapporteurs vous le demandent également. Quelle est la part du résiduel, et celle des faits réellement inquiétants ? Nombre d'acteurs de terrain – j'ai ai auditionnés comme vous – ne constatent pas du tout la progression de ces phénomènes dont vous parlez beaucoup. Ils assurent également qu'ils ne manquent pas d'outils pour y faire face, mais que le manque de moyens humains, et notamment d'assistantes sociales, empêchent de les utiliser. Nos principes républicains, qui se concrétisent dans l'existence des services publics et dans l'action des fonctionnaires, en sont d'autant affaiblis, du fait de vos politiques.

Il en va de même pour les financements étrangers, notamment pour les ministres du culte : souhaitez-vous empêcher l'église catholique d'utiliser, comme elle le fait chaque année, 30 % de prêtres étrangers, originaires notamment d'Afrique ? Est-ce vraiment votre souci ? Je ne le crois pas. Là encore, un outil existe pour contrôler les financements étrangers : le système Tracfin, actuellement surchargé. Donnons-lui donc les moyens d'identifier les situations préoccupantes au lieu de faire une nouvelle loi bavarde, qui ne réglera pas le problème. Mais je vois bien l'intérêt qui vous pousse à soutenir que nous serions désarmés ou aveuglés.

J'affirme que la loi de 1905, à laquelle nous nous référons tous, était une loi de liberté et d'inspiration libérale : elle partait du principe que ce sont les fidèles qui financent le culte et qu'ils ont le droit de s'organiser – ce qui avait donné lieu à un vaste débat à l'époque. Vous souhaitez que l'ensemble des associations cultuelles se conforment à la loi de 1905 ; vous visez notamment les associations musulmanes qui à 92 % ne relèvent pas du statut de la loi de 1905. Mais ce n'est pas non plus le cas de l'église catholique, organisée autour d'associations dites diocésaines qui se sont mises en place en 1923-1924, le Vatican ayant refusé la séparation de 1905.

Enfin, si nous avons à l'égard des associations cultuelles de nouvelles exigences d'organisation démocratique, nous ne demandons fort heureusement pas leur respect immédiat par l'église catholique, qui ne connaît que l'autorité de l'évêque.

Enfin, votre projet est bel et bien une loi anti-laïque : en témoigne l'article 28, auquel je suis opposé : il permettra aux cultes de se financer au moyen d'immeubles de rapport, ce qui était jusqu'à présent interdit aux associations cultuelles.

Enfin, force est de relever l'absence inquiétante de grands sujets, notamment l'école, la remise en cause de la mixité scolaire, les écoles privées sous contrat dans lesquelles se passent actuellement des choses inacceptables et antirépublicaines.

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Une loi qui veut conforter le respect des principes de la République trouvera une oreille attentive et bienveillante auprès du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Nous avons déjà eu l'occasion de le dire, notamment au ministre, lors des concertations préalables : non seulement nous serons au rendez-vous, mais nous ne serons pas avares de propositions allant dans le sens du renforcement du respect des principes républicains.

Malheureusement, force est d'admettre qu'on ne retrouve pas du tout dans ce projet de loi la force, les grands principes et les grandes avancées du discours à certains égards fondateur prononcé par le Président de la République aux Mureaux, et qui avait rencontré un relatif consensus dans le pays.

Pour commencer, vous faites l'impasse sur les grands maux dont souffre notre République et qui en affaiblissent les principes : la ségrégation territoriale, la mixité sociale mise à mal, une école de moins en moins uniforme, des territoires et des populations non seulement perdus, mais bel et bien abandonnés depuis de trop longues années – j'en suis un témoin direct en Seine-Saint-Denis. Tous ces sujets, qui auraient dû se retrouver au cœur d'un texte renforçant les principes de la République, sont totalement évacués pour laisser place à une loi de communication et bavarde ; et même si nous approuvons certaines de ses dispositions que nous tenterons de renforcer, cela reste à nos yeux sa très grande faiblesse.

Si nous prenons comme référence notre République laïque et sociale, deux termes indissociables, qui fonctionnent ensemble, votre projet de loi est unijambiste : il n'en traite qu'un sur deux, et de manière relativement communicationnelle. On ne fait pas une grande loi sur les principes de la République en ne retenant qu'un seul terme sur les deux qui la font marcher depuis très longtemps.

Jean-Pierre Chevènement, auquel je peux sans trop de difficulté me référer sur ces sujets, prévenait en 1999, alors qu'il était ministre de l'intérieur, que si nous continuions ainsi dans la voie de la dégradation de la mixité sociale et de la ségrégation des territoires, nous irions vers un apartheid urbain et social en Île-de-France. Tous les indicateurs montrent que, depuis cette date, ce constat s'est aggravé, et dans bien d'autres endroits. C'est là-dessus qu'il faut travailler : on ne peut pas rappeler les grands principes de la République et ne pas traiter des territoires, de la mixité sociale, de l'école : dans certains secteurs de ma ville ou de mon département, moins d'un quart de la population concernée scolarise ses enfants dans l'école de la République : ce n'est pas possible. C'est sur de telles failles de notre République que se construit et que prospère le séparatisme.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Monsieur le président, si je suis synthétique, je vais être frustrant, et si je suis exhaustif, je vais vous déplaire. (Sourires.) Ma proposition de revenir une nouvelle fois devant vous me paraît donc un bon compromis. Vos questions sont nombreuses et vos demandes d'informations supplémentaires sont tout à fait légitimes.

Commençons par le propos le plus général, mais dont je veux bien admettre qu'il soit sincère, notamment lorsqu'il est avancé très à gauche : dans le discours des Mureaux, il n'y avait pas que cela. C'est vrai. Mais il y avait aussi cela. Et le Président de la République n'a jamais dit que le discours des Mureaux était l'exposé des motifs d'un projet de loi que le ministre de l'intérieur allait vous présenter. Il a évoqué divers sujets qui n'ont strictement rien à voir avec notre texte : ainsi, l'enseignement de l'arabe en langue optionnelle dans l'école de la République n'a pas à être traité dans un texte de loi, il s'agit de créer des postes de CAPES ou d'agrégation de professeur d'arabe.

Le Président de la République a également évoqué l'urbanisme et le logement. J'étais maire au moment où M. Vallaud exerçait des responsabilités politiques : j'ai pendant cinq ans présenté des dossiers à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) sans jamais récolter de crédits… C'est tout de même nous qui avons mis 10 milliards d'euros dans le budget de l'ANRU pour justement mener à bien ces difficiles politiques de peuplement et d'urbanisme. Comme dit la publicité, ce ne sont pas ceux qui parlent le plus qui en font le plus… Ce texte n'est pas un résumé du discours des Mureaux, il n'en est qu'un volet. Il y en a bien d'autres : un volet peuplement, un volet urbanisme, un volet éducation, un volet égalité des chances, un volet lutte contre les discriminations, un volet immigration, un volet intégration. Il faut tout un village pour élever un enfant, dit un proverbe africain, et c'est très juste.

Le document que nous vous présentons n'est pas un discours de politique générale ; c'est un projet de loi visant à conforter les principes républicains. J'entends qu'on pourrait les étendre à l'envi jusqu'aux droits sociaux et économiques, ce n'est pas tout à fait l'objet du texte proposé par le ministère de l'intérieur. Et on ne peut pas tout à la fois dire qu'il touche à beaucoup de libertés fondamentales et le taxer de loi bavarde, monsieur Peu. J'entends bien vous démontrer que c'est une loi très importante et qui justifie sans doute la création de cette commission spéciale.

Passons sur deux ou trois attaques politiciennes ; compte tenu de l'importance du sujet, j'éviterai autant que faire se peut de répondre aux provocations qui n'ont pas lieu d'être. Si l'on veut que ses propositions soient entendues, encore faut-il qu'elles soient entendables.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

M. Éric Diard avait une position républicaine et modérée ; je trouve dommage que vous vous soyez laissée aller à une attaque personnelle… Mais dès que vous aurez des propositions, je vous répondrai bien volontiers.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

J'entame quoi qu'il en soit la discussion de ce texte compliqué avec quelques idées simples, et l'esprit ouvert à toutes les propositions, d'où qu'elles viennent.

Mme Laurence Vichnievsky et de façon plus indirecte M. Charles de Courson, m'ont posé la question : les écoles sont-elles des services publics et organisées comme tels ? Dans l'esprit du Gouvernement, et l'avis du Conseil d'État le souligne, le monde scolaire, qu'il s'agisse d'écoles sous contrat ou hors contrat, n'est pas considéré comme une organisation de service public. À ce titre, ni les employés, ni a fortiori les usagers, n'ont de devoir de neutralité. Je renvoie donc M. de Courson à l'avis du Conseil d'État qui l'a écrit clairement.

J'en viens au contrat d'engagement républicain que Mme Schiappa détaillera mieux que moi : demain, si les parlementaires ont souhaité adopter ce projet, et si le décret correspondant est publié, un formulaire CERFA, qui formalisera l'engagement de l'association vis-à-vis de la collectivité publique concernée, détaillera tous les principes républicains dont le respect conditionnera toute demande de subvention. Il n'y aura pas de négociation : au demeurant, le terme de contrat est sans doute impropre, car il impliquerait deux parties alors qu'il s'agit, osons le mot, d'un acte quasiment unilatéral. Nous allons édicter ensemble ces principes républicains ; le Conseil d'État les a évoqués de façon générale, le décret les arrêtera dans le détail, éclairé par le débat parlementaire. Le CERFA matérialisera donc ce nouveau contrat, qui remplacera tous les autres, ce qui n'empêchera pas, ici ou là, les collectivités locales d'introduire des critères propres à leurs politiques publiques : c'est leur droit le plus strict. Pour l'heure, la difficulté tient au fait que les chartes locales, comme celles mises en place en Île-de-France par Valérie Pécresse ou à Montpellier par Michaël Delafosse, ne sont pas opposables en droit.

Madame Nicole Dubré-Chirat m'a interrogé sur les mariages forcés : on en compte 200 000 aujourd'hui. Certes, un officier d'état-civil, qu'il soit élu ou agent municipal, s'il s'aperçoit que le mariage n'est pas consenti, peut l'interrompre, mais il ne lui est pas possible de convoquer les futurs époux séparément. Or les mariages forcés ou tout au moins arrangés sont monnaie courante dans certaines communautés, et des doutes peuvent planer sur certaines unions : combien d'élus ne se sont-ils pas posé la question ? Un simple « oui » n'est pas toujours très éclairé, il faut parfois poser plusieurs fois la question, et lorsque l'on est un élu engagé et disponible, on essaie de recevoir les gens avant. Tous ceux qui ont géré une collectivité locale le savent : il faut savoir éclairer le consentement. Il est donc prévu de mieux former les agents d'état-civil – mais cela ne relève pas à proprement parler du domaine législatif –, mais également de leur donner la possibilité de convoquer séparément les futurs époux afin de s'assurer de la liberté du consentement : cela me paraît de nature à limiter le nombre de mariages forcés.

Pour ce qui est des certificats de virginité, je vous renvoie une enquête du Quotidien du Médecin réalisée en 2019 : 29 % des médecins – pratiquement un tiers ! – ont déjà été consultés pour délivrer un tel certificat. Et ce n'est pas une publication du Gouvernement qui le dit ! Et quand bien cette pratique serait résiduelle, le rapport entre la « pureté » du corps de la femme et le mariage ne me paraît pas relever de la santé des personnes. Je constate d'ailleurs que l'on ne demande pas aux hommes d'apporter la même preuve… (Mouvements divers.) Et quand 30 % des médecins déclarent avoir été contactés à cette fin…

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Consultez le Quotidien du Médecin ! Au demeurant, s'il n'y en avait que 3 %, ce serait déjà trop. Qui plus est, plusieurs religions sont concernées. Il n'y a rien d'insultant à relever ce fait.

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Ne vous laissez pas impressionner par quelques mouvements de la salle, monsieur le ministre. Et je demande à mes collègues de rester calmes.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question, elle me semble passionner les foules, mais à mauvais titre : c'est un point sur lequel tout le monde devrait être d'accord.

J'en viens aux réserves générales exprimées à l'égard des titres de séjour et de la polygamie. On entend dire que la polygamie est interdite en France, ce qui n'est pas tout à fait exact puisqu'il existait, jusqu'en 2010, des dispositions particulières à Mayotte. Mais s'il est vrai que la polygamie, au sens légal du terme, est depuis lors interdite en France, le problème se pose pour les personnes qui se sont mariées dans des pays acceptant la polygamie et qui arrivent sur le territoire français. Il m'arrive tous les jours de revenir sur des titres de séjour que nous avons délivrés, et parfois même sur des décrets de naturalisation, c'est-à-dire sur l'octroi de nationalité, parce que les intéressés ont menti et n'ont pas fourni leur état-civil complet. Et cela m'arrive plus souvent qu'à mon tour, comme c'était le cas pour mes prédécesseurs.

Se posera également la question de celle, parmi les épouses – ce sont souvent les femmes qui sont concernées, la polyandrie est peu fréquente, hormis dans quelques tribus amérindiennes – qui sera titulaire de la pension de réversion : c'est donc une mesure de protection des femmes. Il ne s'agit pas de réaffirmer une chose qui existe déjà, en l'occurrence la suppression de la polygamie dans le droit français, mais de s'assurer du statut marital des gens qui demandent une autorisation de séjour ou la naturalisation.

J'en viens à la plateforme PHAROS : depuis le 16 octobre, elle est désormais en mesure d'agir vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept puisque vingt équivalents temps plein (ETP), à la fois policiers et gendarmes, lui ont été affectés. Nous avons en outre modifié le projet de loi de finances pour 2021 en prévoyant 50 ETP en 2021, et autant en 2022. À l'origine, la plateforme PHAROS n'était dédiée qu'aux abus sexuels et aux images pédopornographiques : par la force des choses, elle a évolué vers l'apologie du terrorisme et la diffusion d'idées radicales.

Je passe très vite sur les questions scolaires, sur lesquelles vous voulez connaître le point de vue du ministère de l'intérieur. Lorsque nous fermons des écoles de fait, autrement dit clandestines, nous constatons que 50 % des enfants qui y sont inscrits sont officiellement déscolarisés : en fait, les parents utilisent l'instruction à domicile. Comment la contrôle-t-on ? Son contrôle est mal fait, non par la faute des agents de l'éducation nationale, mais tout simplement parce qu'on ne connaît pas la base des enfants concernés. Dire que toutes les mairies connaissent tous les enfants qui doivent être scolarisés dans leur ressort et peuvent déclencher un contrôle relève du vœu pieux. C'est comme pour un contrôle fiscal : le meilleur moyen d'y échapper était de ne pas déclarer ses revenus. Depuis le prélèvement à la source, ce n'est plus possible ; mais tant que le système était déclaratif, on ne pouvait pas faire de contrôle fiscal lorsqu'on ne connaissait pas le déclarant. Je ne vous donnerai pas d'exemple célèbre de phobie administrative… De la même façon, il ne peut y avoir de contrôle de l'instruction à domicile si l'on ne connaît pas les enfants qui sont instruits à domicile.

La disposition que défendra devant vous le ministre de l'Education nationale tout à l'heure prévoit de faire appel à deux fichiers : premièrement, le fichier national, sachant que les maires n'ont pas une connaissance intégrale et précise des habitants de leur commune à un instant t – ils disposent du fichier électoral, mais tout le monde n'y est pas inscrit, et encore moins les enfants ; deuxièmement, les fichiers sociaux, auxquels les maires n'ont pas directement accès. Le but est d'avoir les moyens de savoir où vont exactement les enfants afin de pouvoir exercer un contrôle, tout en respectant la liberté d'enseignement.

Mme Laetitia Avia a évoqué les questions de haine en ligne, sur lesquelles je ne reviendrai pas dans la mesure où elles relèvent de la compétence du garde des Sceaux : M. Éric Dupond-Moretti aura l'occasion de vous en parler, évidemment en lien avec le travail mené en ce moment à la Commission européenne par Thierry Breton.

M. Éric Diard a trouvé dommage de ne pas trouver mention du délit de séparatisme. Il est pourtant bien prévu, à l'alinéa 2 de l'article 4 du projet de loi, d'insérer dans le code pénal un article 433‑3‑1 qui ne manquera pas de faire débat dans l'hémicycle : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende le fait d'user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d'intimidation à l'égard de toute personne participant à l'exécution d'une mission de service public, afin d'obtenir pour soi‑même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service. » Je signale au passage, à l'adresse de Mme Genevard, qu'il est inutile de changer la Constitution pour y préciser que la loi générale s'applique à tous : c'est déjà inscrit. Nous verrons si le Conseil constitutionnel censure cette disposition ; mais le Conseil d'État ayant souligné tout l'intérêt du texte, j'en serais très surpris.

À cela vient s'ajouter l'introduction d'un nouvel article 433-23-1 dont je m'étonne que personne n'ait relevé la grande dureté, que je revendique personnellement : « L'interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l'article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, à l'encontre de tout étranger coupable de l'infraction prévue à l'article 433-3-1. »

Autrement dit, un individu n'étant pas de nationalité française et qui aura été condamné pour un délit de séparatisme – par exemple pour avoir refusé de serrer la main d'un homme ou d'une femme pour des raisons de genre ou tenant à la religion, pour avoir intimidé l'éducation nationale, en la personne de la principale d'un collège, au motif qu'un enseignant a fait un cours sur la liberté d'expression, ou pour avoir refusé que l'agent d'état-civil établissant son passeport soit une personne noire ou maghrébine – peut se voir exclu du territoire national en raison de cette condamnation.

Prévoir cinq ans d'emprisonnement revient vraiment à reconnaître un délit de séparatisme. Vient s'ajouter un message supplémentaire à l'adresse de ceux qui n'ont pas la nationalité française : vous ne pouvez plus rester sur le territoire national tant vous êtes en séparation avec les règles de la République. Je vous encourage, monsieur Diard, à faire vôtre cet article 4, car certains ne manqueront pas de me reprocher sa dureté ! C'est vrai, on ne parle pas de délit de séparatisme, mais cet article mérite tout de même d'être pesé au trébuchet et de passer par les fourches caudines du Parlement. Le Conseil d'État, j'en suis heureux, l'a validé.

Mme Genevard m'a demandé si nous étions contraints par le risque de censure du Conseil constitutionnel ou si nous n'en avions pas peur. Nous verrons bien la décision du Conseil, mais il me semble que nous n'avons pas besoin de modifier la Constitution pour réaffirmer des principes qui y figurent déjà. Vous avez évoqué la proposition de loi de révision constitutionnelle émanant du Sénat mais nous allons bien dans le même sens : personne ne peut s'exonérer de la règle commune. Nous avons écrit un article 4 à cet effet et même prévu d'expulser les étrangers qui ne l'accepteraient pas.

Par ailleurs, je n'ai pas eu à rabattre les ambitions de ce texte par crainte d'une censure du Conseil constitutionnel. Mme Laurence Vichnievsky a eu raison de rappeler que, sur deux sujets particuliers, le Conseil d'État nous avait conseillé de procéder autrement. Sur la carence républicaine, nous avions initialement prévu de faire intervenir les magistrats de l'ordre judiciaire, mais le Conseil d'État a considéré qu'il valait mieux retenir la procédure administrative du référé-liberté ; cela ne nous pose pas de problème en soi. Sur l'instruction à domicile, mode d'instruction que les parents peuvent choisir en vertu du principe de la liberté d'enseignement, le Conseil d'État préférerait un système de déclaration ouvrant droit à autorisation. Il paraît normal, dans un État de droit, d'en discuter avec le conseil du Gouvernement qu'est le Conseil d'État, mais tous ces grands principes n'ont rencontré aucune opposition a priori sur le plan juridique et je ne crois pas qu'ils seront censurés demain par le Conseil constitutionnel.

M. Houlié a posé plusieurs questions relatives au droit des cultes. En commission des lois, Mme Yaël Braun-Pivet m'avait demandé s'il nous manquait des dispositions législatives pour fermer les lieux de culte dits radicalisés, radicaux, séparatistes. Je lui avais répondu par l'affirmative. Vous constaterez que ce texte ne prévoit pas, pour l'instant, de dispositions supplémentaires pour fermer des lieux de culte au nom de la radicalisation ou du séparatisme. Aujourd'hui, pour fermer un lieu de culte, nous avons deux possibilités : ou bien nous utilisons la réglementation qui régit les établissements recevant du public (ERP) et, par extension, les mesures sanitaires prises dans le cadre de l'épidémie de covid-19, ou bien nous nous invoquons des faits qui relèvent directement du terrorisme – c'est ce que j'ai fait pour faire fermer la mosquée de Pantin.

S'appuyer sur la règlementation régissant les ERP pour justifier une telle décision – la porte ne ferme pas bien, ou tout autre motif de ce genre – est, reconnaissons-le, parfaitement hypocrite ; et les radicaux ne manqueront pas d'être un jour très attentifs au droit de l'urbanisme. Ce n'est pas encore le cas, ce qui nous aide beaucoup, mais cela viendra. Pour ce qui est du lien avec le terrorisme, il faut pouvoir justifier d'un danger imminent : dans le cas de Pantin, c'est parce qu'un imam de la mosquée puis un président d'association cultuelle avaient relayé les messages contre Samuel Paty et qu'un attentat a eu lieu qu'on a pu la faire fermer. Et encore, le juge administratif a pris la peine de vérifier à combien de kilomètres se trouvait un autre lieu de culte ! En l'espèce, la distance n'était que de douze kilomètres, ce qui a été jugé acceptable, mais s'il y en avait eu cinquante, la liberté de culte aurait pu l'emporter sur le lien direct tel que prévu par le législateur…

Les exemples sont nombreux d'imams qui tiennent des discours radicaux et prônent la haine de l'autre, mais je ne peux pas faire fermer les lieux de culte à ce seul titre. Je vous proposerai, dans le cadre des débats parlementaires, de prévoir la possibilité, encadrée par des dispositions qui permettent de respecter la liberté de culte, de faire fermer des lieux de culte temporairement quand ils abritent des associations cultuelles manifestement en lien avec une activité séparatiste. Cette durée pourrait être de trois mois ; pour ma part, je préférerais six mois, afin de laisser le temps de faire la police au sein de ces associations cultuelles.

Quelques-uns d'entre vous me demandent pourquoi on ne peut pas faire fermer un lieu de culte quand l'imam est « fiché S ». C'est impossible : on ne peut pas faire fermer un lieu de culte parce qu'un ministre du culte est fiché par les services de renseignement. Le Parlement n'a pas adopté de dispositions qui permettraient au ministre de l'intérieur de le faire. Lorsqu'un ministre du culte tient des discours radicaux sur internet ou diffuse des vidéos sur YouTube, vues par des dizaines de milliers de personnes, où il soutient que les femmes ne sont pas les égales des hommes ou qu'il ne faut pas écouter de la musique, on aura beau considérer que ces discours ne sont pas acceptables, cela ne me donne pas pour autant le droit de fermer des lieux de culte à ce titre. La question de savoir s'il faut le faire ou pas donnera sans doute lieu à une discussion intéressante. En tout cas, entre la règlementation des ERP et le terrorisme, la notion de séparatisme peut prendre sa place, et nous proposerons une disposition qui, selon des critères bien définis, permettra au ministre de l'intérieur, sous couvert du juge, comme il le fait à chaque fois, de prendre des mesures de fermeture. Pour moi, cela n'a pas grand-chose à voir avec le terrorisme : cela a à voir avec le terreau du terrorisme ou du séparatisme. L'assassinat de M. Paty démontre que le lien était là.

S'agissant de l'article 39, nous ne nous sommes pas alignés sur le régime de la loi du 24 juillet 1881, considérant que les discours de discrimination ou de provocation à commettre les délits visés étaient plus graves lorsqu'ils étaient tenus à l'intérieur des lieux de culte. Singulièrement, c'est même l'esprit de la loi de 1905 – l'interdiction de faire de la politique dans les lieux de culte – qui a présidé à la rédaction de cet article. C'est un débat très important, dont il ne faudrait pas en tirer des conclusions hâtives. J'ai d'ailleurs retiré le terme « discrimination » de certaines dispositions prévues pour les lieux de culte, à la demande de plusieurs autorités religieuses. Bien évidemment, l'opposition à une disposition législative examinée par le Parlement, par exemple la bioéthique, ne saurait être interdite et ce n'est pas l'esprit du projet de loi du Gouvernement. On peut le regretter, mais tout un chacun a le droit d'être pour ou contre une disposition en discussion au Parlement, quand bien même ces opinions choqueraient les uns et les autres, dès lors qu'il n'y a pas de message de provocation ou d'appel à la haine. Cependant, M. Houlié, deux entrées sont possibles : l'entrée par les cultes et l'entrée par les associations. Il est tout à fait possible d'appliquer aux associations cultuelles les dispositions qui relèvent du régime des associations en général – suspension, dissolution. On pourrait très bien imaginer de ne pas fermer un lieu de culte en tant que bâtiment relevant de la police des cultes, mais de suspendre ou de dissoudre l'association cultuelle en application du droit des associations, en tenant compte des remarques du Conseil d'État relatives à la dignité. C'est une question très importante, à peser au trébuchet : les dispositions de ce texte qui se rapportent à la liberté d'association ou à la liberté de culte ne manqueront pas d'être observées avec attention, ce qui est heureux.

Je partage certaines des réflexions de M. Lagarde, mais pas toutes. Il propose de placer un intermédiaire entre le financement étranger et les cultes afin que celui qui paie ne décide pas. Or, dans la mesure où la République ne reconnaît aucun culte et que l'on a choisi de ne pas remettre en cause la loi de 1905, les financements proviennent de nombreux pays et de nombreux cultes : tous les cultes en France reçoivent des financements étrangers. Voulez-vous que l'on prévoie un intermédiaire pour tous les cultes en France ? Il ne s'agirait pas, en effet, de ne penser qu'à l'islam de France : la religion juive est concernée, tout comme les catholiques, les protestants, les évangéliques. Il ne faut pas faire de distinction. Les murs des mosquées sont rarement salafistes ; ce sont plutôt l'enseignement ou les paroles prononcées en leur sein qui le sont. Par ailleurs, sur les 2 400 mosquées que compte le pays – rapportons ce chiffre aux 40 000 églises pour tenir un discours de réalité –, soixante-seize sont surveillées par les services du ministère de l'intérieur qui ont un doute sur leur action cultuelle ou culturelle. Manifestement, l'idéologie islamiste se propage davantage, désormais, par internet ou les associations que dans les lieux de culte.

Je le dis au président Lagarde, comme à tous les députés qui nous écoutent, en particulier M. Corbière qui a soulevé la question des immeubles de rapport : on ne peut pas dire aux cultes d'une part, qu'on ne modifie pas la loi de 1905 et qu'on ne finance pas leurs lieux de culte publiquement parce que la République n'en subventionne aucun, et d'autre part, qu'on refuse les financements étrangers au motif que ce seraient alors les étrangers qui décident sur notre sol. S'il n'y a pas de financement national, au sens public du terme, ni de financement étranger, ou de moins en moins, il faut accepter l'idée que les cultes puissent se financer eux-mêmes. L'une des difficultés tient à ce que, faute d'être soumises au régime de la loi de 1905, ces associations peuvent rarement faire défiscaliser leurs dons. La déduction fiscale qui s'applique au denier du culte, pour reprendre l'expression des catholiques, doit s'appliquer pour tous les cultes. Pour ce faire, il faut passer sous le statut de la loi de 1905, avec un expert-comptable.

Dans ma commune, des associations musulmanes sont venues me demander des financements publics – que je ne pouvais évidemment pas leur donner. Elles ont été obligées de faire appel à de l'argent de l'étranger, en l'occurrence d'Algérie, pour payer leurs impôts locaux, parce qu'elles étaient sous le statut de la loi de 1901 ; si elles avaient été sous le statut de la loi de 1905, leurs bâtiments cultuels auraient été exonérés. Nous n'osons pas leur dire qu'ils auraient tout intérêt à s'inscrire sous le régime de 1905, qui présente peut-être des inconvénients, mais aussi des avantages – et la loi de 1907 est une suite logique de celle de 1905, nous en reparlerons, l'argument avancé à propos du culte catholique ne tient pas. Alors que la loi prévoit des mesures d'exonération fiscale, 92 % des associations musulmanes ou évangéliques doivent emprunter de l'argent à l'étranger pour payer leurs impôts pour la seule raison qu'elles sont sous le régime de la loi de 1901 ! N'est-ce pas un peu absurde ? La République ne déteste pas les cultes : elle ne les reconnaît pas – ce qui est très différent. Elle leur permet parfois de vivre, notamment grâce aux mesures d'exonération fiscale. Ce débat mériterait de la clarté. Les dispositions dont nous discuterons au sujet des lois de 1901 et 1905 sont très importantes.

À ce propos, j'invite M. de Courson à lire attentivement l'article 30 du projet de loi, puisqu'il demande comment distinguer le cultuel du culturel. La décision constatant la qualité cultuelle d'une association est valable pour une durée de cinq ans renouvelable. Vous aurez remarqué qu'en l'état actuel du droit, le culte n'est pas reconnu comme une association juridique – c'est aussi en cela que ce projet de loi est fondamental. Nous avions proposé d'instaurer un régime d'autorisation préalable, que le Conseil d'État nous a demandé de remplacer par un régime de déclaration. Nous souhaitons que ce régime d'autorisation déclarative, si j'ose dire, soit valable pour une durée de cinq ans renouvelable. Ainsi, la loi de la République le dira pour la première fois : est un culte celui qui se déclare être un culte, ce qui permet d'être contrôlé par le représentant de l'État. Telles sont les dispositions de l'article 30. Pour la première fois, nous distinguerons clairement le cultuel du culturel, ce qui permettra de lutter contre les idéologies qui abusent parfois de la largesse de notre droit, créé dans un autre temps.

M. Corbière considère que ce projet de loi n'aurait pas empêché l'assassinat de M. Paty. Il est très difficile de répondre à une telle question, et prétentieux d'affirmer que ce texte aurait empêché cet assassinat. Je comprends parfaitement les explications du Premier ministre, mais il y a deux choses que n'auraient pas pu faire les « assassins » de M. Paty.

Tout d'abord, ils n'auraient pas pu, sans commettre un délit et provoquer l'intervention des services de police, exercer cette pression communautaire, séparatiste, sur l'éducation nationale, contre M. Paty, par l'intermédiaire de la principale. Les renseignements territoriaux avaient bien reconnu l'existence de cette pression dans une note mais, à cette époque, cela ne suffisait pas pour autoriser les services de police à intervenir. Le délit que j'ai évoqué en réponse à M. Diard permettra justement aux services de police d'intervenir dès la connaissance de ces faits. Suite à la note de la direction du renseignement territorial, dans les Yvelines, qui datait du 12 octobre, il aurait été possible, avec notre texte, de placer en garde à vue M. Chnina et M. Sefrioui, qui sont à l'origine des pressions, de diligenter une enquête et, éventuellement, de les condamner. Mais dans l'état actuel du droit, si les mêmes faits se reproduisaient sur le sol de notre République, c'est-à-dire si des parents exerçaient une pression communautaire sur une principale de collège pour protester contre le contenu de cours de biologie ou l'enseignement de la liberté d'expression, sommant le « voyou », comme ils l'appelaient, d'y mettre fin, et proférant des menaces, je ne pourrais toujours pas envoyer les services de police car ces faits ne constituent pas un délit.

Par ailleurs, le fait de diffuser des informations personnelles, évoqué par Mme Avia, et que j'appelle la fatwa, sera désormais punissable ; pour l'heure, la vidéo diffusée par M. Chnina, dans laquelle il annonce que M. Paty, professeur dans tel collège, a fait ceci ou cela et mérite d'être puni – même s'il ne le dit pas vraiment –, ne peut pas être retirée, quand bien même elle aura été signalée par PHAROS. La loi ne le permet pas.

Grâce à ces deux dispositions, l'une en amont, l'autre en aval, il sera possible d'intervenir dans un cas similaire – à condition, bien sûr, que les services publics réagissent au plus vite.

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Nous allons rédiger une loi, non pour bavarder à propos de circonstances passagères, mais pour agir sur des constantes qui minent notre socle républicain. Notre commission s'est installée hier, le jour même où la justice est passée pour les complices des assassins de la liberté d'expression en janvier 2015, et le même jour où, à Chevilly-Larue, la maire et sa famille faisaient face à de nouvelles intimidations de trafiquants qui n'hésitent pas à défier les institutions. Je ne veux pas aller jusqu'au Nigéria, mais la symbolique de l'assassinat de Samuel Paty et l'enlèvement de ces centaines d'enfants montrent la dimension planétaire de notre combat.

Face à ces défis de portée planétaire, nous devons réarmer démocratiquement notre République, tout en renforçant l'action contre les iniquités et les discriminations. Que pensez-vous de la remarque du Conseil d'État, que je trouve justifiée, selon laquelle l'exposé des motifs du projet de loi ne comporte pas d'exposé du contexte dans lequel interviennent les tensions observées, d'où il résulte un décalage parfois important entre l'objet des mesures et la compréhension de leur justification. Ne pensez-vous pas qu'afin de bien marquer le souffle et l'ambition d'unité républicaine et d'unité de la nation, nous devrions faire l'effort d'enrichir l'exposé des motifs de ce texte ?

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Alors qu'à l'origine, votre projet de loi affichait l'ambition claire de lutter contre le séparatisme et la menace islamiste, vous avez décidé de gommer ces termes fondamentaux. Si l'on ne peut que saluer l'effort sémantique ou le marketing politique dont vous avez fait preuve, la peur de nommer les choses pour éviter tout amalgame ou stigmatisation n'en témoigne pas moins de votre manque de courage politique et de l'absence d'un discours de vérité à l'égard des Français et des familles des victimes du terrorisme islamiste, pour qui j'aurai une pensée à cet instant.

Comment peut-on lutter contre un ennemi que nous n'osons pas nommer ? Notre ennemi est l'islamisme politique et radical, qui attaque les valeurs de la République, menace nos libertés, égorge les professeurs et assassine des croyants, des caricaturistes, des jeunes de notre pays. En ne nommant pas les choses, vous laissez la place à des amalgames entre islam, islam politique, islamisme. Vous allez priver de liberté certains mouvements philosophiques, religieux, communautaires ou identitaires totalement pacifistes et non séparatistes, et en faire des victimes collatérales. Par ailleurs, vous oubliez un grand nombre de sujets : vous ne dites rien de l'immigration alors que les terroristes qui ont commis les derniers attentats n'étaient pas de nationalité française ; vous gommez l'épineuse question de la radicalisation en prison, de l'aumônerie carcérale ou encore du suivi pénitentiaire des terroristes ; s'agissant du contrôle des imams, vous ne prévoyez qu'un simple agrément, ce qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à accepter nos amendements qui tendent à enrichir ce texte ?

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Je me sens obligé de vous rappeler à l'ordre. Je vous avais demandé de tenir le délai d'une minute, même si cela passe très vite. Surtout, vous êtes censés poser des questions. Les interventions liminaires ont été parsemées de questions, qui ont déjà donné lieu à une série de réponses du ministre, voilà maintenant que l'on entend de nouvelles interventions ! Je vous invite à vous concentrer sur les questions. Un président d'une autre assemblée m'avait dit un jour qu'une minute, c'est déjà trop pour une question, on peut la poser en trente secondes…

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Concernant l'article 6 et le financement des associations, vous l'avez dit pour le droit de l'urbanisme, nos adversaires commencent à bien connaître la loi et à savoir ce qu'il faut faire. On arrivera peut-être à attraper certaines associations qui critiqueront la République et à couper leurs subventions, mais beaucoup d'autres agiront cachées, masquées, intelligemment, et ne se feront pas prendre. Seules des enquêtes menées par les services territoriaux et les services fiscaux permettront de révéler leurs liens avec des activités liées au séparatisme. Mais cette procédure prendra du temps. Et surtout, lorsque l'association bénéficie de financements croisés dans le cadre de la politique de la ville et reçoit des subventions de la commune, du département, de la région, de l'État, comment faire pour que tous les financeurs cessent de payer ?

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Au-delà de l'article 1er, votre Gouvernement est déterminé à révoquer immédiatement et en urgence les gens radicalisés en poste dans les services de la République. On peut en effet penser, suite au rapport d'information de M. Éric Diard et M. Éric Poulliat, qu'ils y sont extrêmement nombreux. Je m'en tiendrai à cette réflexion.

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Ma question concerne les associations reconnues d'utilité publique, solidaires ou à projet éducatif, comme celles de scoutisme ou d'aide aux personnes les plus fragiles. Par ailleurs, je connais à Nantes un centre d'hébergement pour réfugiés, tenu par des associations liées historiquement à un culte, en l'occurrence protestant. Toutes ces structures travaillent en bonne intelligence avec l'État et les collectivités. La plupart du temps, ces associations proposent leurs services à tous et exercent leurs missions sans prosélytisme. Il arrive néanmoins que, dans leurs missions, certains se réfèrent ouvertement à leurs aspirations religieuses. Le texte prévoit que l'attribution des subventions de l'État aux associations fasse l'objet du respect d'un contrat d'engagement républicain ; je salue cette avancée. Des associations expriment leur inquiétude et se demandent si ce contrat pourra altérer leurs ressources et, par conséquent, l'exercice de leur mission. Monsieur le ministre, le contrat d'engagement républicain pourrait-il affecter l'activité de ces associations ? Comment les contrôles seront-ils assurés ?

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Je soutiens les objectifs portés par ce projet de loi mais je me demande pourquoi vous avez choisi de faire figurer, parmi les principes républicains que les associations signataires du contrat d'engagement républicain devront respecter, sous peine de risquer la dissolution, le respect de la dignité de la personne humaine, qui est également un principe à valeur constitutionnelle, intangible, reconnu en droit international. Le Conseil d'État observe en effet que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine est un principe par trop subjectif, qui revêt des dimensions multiples et peut donner lieu à des interprétations très diverses au regard des considérations d'ordre public.

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Ce projet de loi confortant le respect des principes de la République est peut-être le texte le plus important de notre législature. Il ne réglera sans doute pas tous les problèmes mais il doit porter un coup d'arrêt à la propagation de l'idéologie mortifère qu'est l'islamisme politique, à l'école, à l'université, dans d'autres services publics, mais aussi dans d'autres secteurs comme le sport. Qu'y relève-t-on ? Des atteintes au principe de la République, des pratiques communautaristes, des pratiques d'aguerrissement par le sport, par des individus en voie de radicalisation. Tous les auteurs d'attentats depuis 2015 étaient passés par des salles de sport, dont l'assassin du regretté Samuel Paty. Sur les 8 000 individus inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), 1 000 ont une activité sportive. Nous devons protéger nos concitoyens, en particulier les plus jeunes qui pratiquent le sport. Nous devons protéger les valeurs du sport car les 330 000 associations sportives et les 3 millions de bénévoles concourent fortement à forger du commun et à construire notre République.

Comment modifier la loi pour utiliser les différents fichiers dans le respect des libertés publiques et individuelles, afin de mettre hors d'état de nuire les individus radicalisés et les empêcher de propager leur funeste idéologie dans le champ sportif ?

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Le lien entre les actes et les mots n'est plus à démontrer. Les mots s'échangent par millions sur la toile, dès le plus jeune âge. La régulation et la répression seront essentielles, mais ce texte permet de faire le lien entre deux ministères qui ne partagent pas souvent les bancs du Gouvernement, j'y vois une opportunité unique de faire avancer la prévention autour des bons usages d'internet. L'âge de dix ans est souvent considéré comme idéal pour faire cette sensibilisation.

Monsieur le ministre, pensez-vous que ce projet de loi permettra de généraliser le permis internet, qui est aujourd'hui dispensé par des brigades spécialisées de la gendarmerie dans toutes les écoles de France ?

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Je souhaite transmettre une question concrète de terrain, posée par un professeur, à propos de l'article 4 de ce projet de loi. Dans certaines situations, des pères de famille viennent voir des enseignants pour annoncer que tel ou tel aspect du programme scolaire ne serait pas étudié par leur enfant, au nom de convictions religieuses. À partir de quand considérera-t-on qu'il s'agit d'intimidation ?

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Beaucoup de mes collègues soutiennent qu'il s'agit d'une loi importante, urgente, courageuse. Ce n'est pas du tout mon avis. Pourquoi présenter ce projet de loi, et pourquoi maintenant ? L'urgence dans notre pays est plutôt sanitaire et économique.

Depuis le mois de mars, on me parle des hôpitaux, des commerçants, de la souveraineté numérique, mais pas du tout du problème de laïcité. J'ai l'impression que notre matinée est la continuation de tous les propos que j'entends sur tous les plateaux de télévision… Ce n'est pas ce qui se passe dans les territoires. Comme le disait Jacques Chirac à Jean-Pierre Raffarin : « Le rassemblement avant la réforme. » Voilà qui devrait vous parler, monsieur le ministre ! J'ai l'impression que ce projet de loi réveille les antagonismes – les terroristes, les séparatistes, les islamistes – mais n'apaise pas la société. Les forces de l'ordre sont à bout, et en tant que ministre des cultes, votre rôle est aussi d'apaiser.

Comment allez-vous me convaincre que c'est le moment de proposer une telle loi ?

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Alors que notre commission commence ses travaux sur ce texte majeur pour l'avenir de notre République et la préservation de ses principes fondamentaux, je souhaite vous interroger sur la portée de son article 1er.

Il affirme avec force le principe constitutionnel de stricte neutralité dans le service public et l'étend à tout organisme public ou privé concourant à l'exécution d'un service public, donc les titulaires d'un contrat de commande publique, qu'il s'agisse d'une délégation, d'une concession ou d'un marché.

En revanche, cet article ne s'applique pas aux divers organismes et structures, notamment associatives, qui exercent ou participent à des missions de service public ou d'intérêt général sans que la loi, le règlement ou le contrat ne leur confie cette mission. Je souhaitais avoir votre éclairage sur ce choix, à propos duquel le Conseil d'État s'est interrogé.

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Notre responsabilité est de mettre des mots et de les faire suivre d'actes sur l'effectivité de notre modèle républicain et sa capacité à tenir ses promesses d'égalité et d'émancipation. C'est aussi ce qui permettra de conforter nos principes républicains.

Ce texte important permettrait de poser plusieurs actes forts, comme un réel aménagement de la charge de la preuve dans la procédure pénale sur les discriminations, aujourd'hui ineffective. C'est une exhortation de longue date du Défenseur des droits. Quel est votre avis sur cette proposition ?

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Ce texte vise à conforter les principes républicains et lutter contre tout ce qui cause des fractures, aujourd'hui et demain. Or il est un phénomène qui sape les valeurs de la République et ses principes dont nous n'avons absolument pas parlé : le narco-banditisme et le trafic de drogues, auquel Le Monde consacre un article aujourd'hui.

Ce phénomène atteint un tel niveau dans certains territoires que la République n'y fait plus la loi. Dans des villes comme Marseille, on compte plus de vingt morts par an liées à cette criminalité, et je ne connais pas les chiffres à l'échelle nationale, mais ils sont forcément terrifiants.

Si ce texte atteint ses objectifs, je crains que nous n'assistions à un mécanisme de vases communicants, car la « chair à canon » de l'islam politique est la même que celle des trafiquants de drogue. Ce texte prévoit des mesures pour l'éducation, ne faut-il pas aussi prendre des mesures dans le domaine de la lutte contre les trafics dans ces territoires oubliés de la République ?

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Le Président de la République a annoncé le détachement des ministres du culte à partir de 2024. Comment cette mesure peut-elle être mise en place compte tenu de la séparation des Églises et de l'État ? Ces ministres du culte sont indispensables, comment seront-ils formés et financés ?

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Je comprends la question de Francis Chouat sur l'exposé des motifs de ce projet de loi, qui a aussi été soulevée par le Conseil d'État. L'exposé des motifs n'a pas de valeur normative, mais il permet de contextualiser les dispositions du texte. Sans doute faut-il l'enrichir ; nous pourrions imaginer des ajouts pour la séance, en s'inspirant par exemple de la communication à l'issue du Conseil des ministres, qui a été à la hauteur de ce que vous évoquez. Je m'intéresse davantage aux dispositions du texte, mais je suis disposé à étudier cette proposition d'ici à la séance publique.

MM. Eliaou et Ravier m'interrogent tous les deux sur les ministres du culte, dans des styles différents – l'un parle des ministres du culte en général, l'autre plus spécifiquement des imams. Deux solutions sont envisageables : soit nous considérons que nous devons maintenir les grands principes de la loi de 1905 ; soit nous considérons que c'est à l'État d'intervenir dans la sélection, la formation, voire le discours des ministres du culte.

Nous avons résolument retenu la première solution : la République ne reconnaît aucun culte, et ce n'est pas le ministre de l'intérieur qui écrit les discours religieux, ce ne sont pas les services du ministère qui sélectionnent les ministres du culte et leur font passer des diplômes pour apprécier leur qualité et savoir s'ils interprètent bien ou mal tel ou tel texte dit sacré.

La seconde solution n'a été retenue qu'une seule fois dans l'histoire du pays : ce fut la constitution civile du clergé, et cela ne s'est pas bien terminé : la coexistence des prêtres réfractaires et des prêtres assermentés avait créé des tensions qu'il ne faudrait pas répéter. Ce n'est pas au ministre de l'intérieur de distinguer les bons et les mauvais ministres du culte.

La difficulté tient à ce que certains ministres du culte, de par l'histoire de leur religion, sont confrontés à des difficultés doctrinales. L'islam est apparu six cents ans après le christianisme tel que nous le connaissons, et la séparation entre les branches chiite et sunnite ainsi que les divisions au sein du sunnisme créent des difficultés d'interprétation. L'islam, comme toutes les religions, est traversé par des débats internes très forts. La question est encore plus difficile dans la mesure où l'islam se pose ces questions alors que les réseaux sociaux, la géopolitique et la mondialisation aggravent les difficultés. Il ne nous revient pas de nous ériger en tuteurs pour expliquer ce qu'est une bonne ou une mauvaise religion. Il est très important de le comprendre, sinon nous allons nous demander sans fin pourquoi nous n'organisons pas le culte musulman. Ce n'est pas du tout l'objet de ce projet de loi ; si nous le faisions, nous changerions de République, à tout le moins de conception de la relation avec les religions.

J'entends parfois un discours, très à droite, selon lequel l'islam n'est absolument pas compatible avec la République, et qu'il faudrait l'interdire. Il faudrait alors sans doute renvoyer les musulmans en Musulmanie, mais la Musulmanie n'existant pas, cela paraît difficile ! Ce discours est démagogique, et surtout, il ne correspond à aucune réalité sur laquelle fonder des décisions.

L'islam est bien sûr absolument compatible avec la République. Beaucoup de musulmans français ou étrangers ont servi la République. Beaucoup sont morts pour elle, parfois dans des conditions particulièrement ignobles pour avoir choisi et la France et Allah contre leur nationalité ou leur terreau de naissance. À commencer par les harkis, qui ont prié leur dieu tout en embrassant le drapeau de la République. Ils ont subi des sévices très graves, alors même qu'ils n'avaient aucun rapport avec le lien direct que certains discours essentialistes prétendent établir entre la France et certaines spiritualités.

Si nous n'avons pas à sélectionner les ministres du culte, il nous revient de dire que nous n'acceptons pas certaines choses qui relèvent de l'ordre public, notion fondamentale dans le droit français. Nous n'avons pas à nous mêler de la sélection de ces personnes en amont, mais nous devons établir ce qu'elles ne peuvent pas dire ou faire sur le sol de la République, quelle que soit leur nationalité.

J'en profite pour compléter la réponse que j'ai apportée à M. Corbière sur les prêtres catholiques : ce texte n'interdit en aucun cas aux étrangers d'être ministres du culte en France, il interdit que des États étrangers les paient directement, c'est différent. Il n'y a pas de discrimination sur le fondement de la nationalité, mais nous ne souhaitons pas que des fonctionnaires payés par des États étrangers soient ministres du culte dans notre pays. Nous pensons que les Français musulmans sont français, comme les Français catholiques et les Français protestants, et nous ne les définissons pas par leur religion. En cela, nous sommes extrêmement conformes à la promesse républicaine telle qu'elle existe depuis la Révolution française.

Il faut que nous donnions aux cultes les moyens de financer les ministres du culte, qu'il s'agisse des catholiques, des protestants, des juifs ou des musulmans. J'en reviens aux dispositions sur les immeubles de rapport, les héritages, le denier du culte ou les dispositions fiscales. Nous sommes presque tous d'accord pour qu'il n'y ait pas de financement public, ni de l'État ni des collectivités, en application de la loi de 1905. Les dispositions spécifiques pour l'Alsace-Moselle et quelques territoires ultramarins constituent des exceptions sur lesquelles je propose que nous ne revenions pas.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Parce que nous respectons l'histoire de France, tout simplement.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Si nous refusons tout financement public et que nous souhaitons contrôler au mieux les financements étrangers – par l'envoi de ministres du culte détachés ou de manière directe, en numéraire –, il faut bien accepter de développer un financement national. Et ce financement peut se faire par le denier du culte, par les immeubles de rapport, par les héritages.

Nous souhaitons ainsi un financement national, certains diraient citoyen, de la part des croyants eux-mêmes, sans qu'il soit communautaire. Rappelez-vous des débats portant sur la taxation des produits halal pour financer le culte : j'y étais pour ma part très opposé, par le fait que cela revenait à enfermer les musulmans dans une pratique communautaire. Libre à ceux qui le souhaitent de la suivre, mais on peut avoir envie de donner de l'argent à son culte sans pour autant respecter toutes les pratiques qu'il prescrit. Il faut donc développer ce financement national, M. Eliaou, et c'est pourquoi nous prévoyons des dispositions propres au financement des cultes.

M. Pupponi soulève à raison la question des financements croisés, ce qui me permettra de répondre à la question de Mme Oppelt sur les associations confessionnelles. Il ne s'agit pas d'interdire à une association d'être confessionnelle. Des scouts, une association d'aide aux migrants ou un établissement de santé peuvent être d'inspiration confessionnelle, ce n'est pas pour cette raison que ces associations ne recevront plus d'argent public. Nous souhaitons que toutes les associations – y compris confessionnelles – respectent les principes républicains, par exemple de ne pas faire de prosélytisme. Il n'est pas interdit de proposer une prière ou du catéchisme, ni même qu'il y ait une chapelle dans un lieu qui bénéficie de financements publics. Mais nous ne voulons pas que la pratique religieuse soit obligatoire. De la même façon, nous ne voulons pas que des motifs qui relèvent de l'orientation sexuelle, de la couleur de peau ou de la religion, conduisent à exclure des personnes.

On crie parfois au fantasme, mais le journal Le Parisien a évoqué le cas d'une association qui organisait des activités sportives dans une commune de banlieue parisienne. Elle a touché 2 000 euros de subventions publiques alors qu'il fallait s'y doucher tout habillé, que la prière était obligatoire et que la mixité était proscrite pour des raisons religieuses… Il peut y avoir des associations non mixtes, ce n'est pas un critère pour le retrait des subventions, mais c'est un élément supplémentaire dans cet exemple. Une telle association ne devrait pas pouvoir bénéficier d'une subvention publique, c'est pourtant le cas aujourd'hui.

Les principes seront rappelés, les personnes s'engageront à les respecter, et quand les contrôles font apparaître des manquements, les subventions versées par l'ensemble des collectivités devront être restituées – je réponds à la question de M. Pupponi. J'apprends que le maire de Grenoble réclame les subventions qui avaient été versées à une association que nous avons considérée comme séparatiste. Cette règle s'appliquera pour les financements croisés, puisque ces dispositions s'appliqueront à l'ensemble des pouvoirs publics : ainsi, elles vaudront également pour les subventions versées par les offices HLM.

Les associations confessionnelles ne posent donc pas de problème, il faut simplement qu'elles respectent les principes républicains pour être subventionnées.

Certains nous reprochent de préparer une loi bavarde, car par nature, toutes les associations doivent respecter les principes républicains. Mais prenons l'exemple de l'Action française : par nature, elle n'est pas républicaine puisque son objet, crois-je savoir, est de remplacer les institutions républicaines par une monarchie, et c'est son droit. Il y a aussi des associations anarchistes, mais ce serait étonnant si elles réclamaient des subventions publiques ! Il n'est pas interdit que des associations promeuvent des valeurs différentes, c'est le débat démocratique dans un État républicain, mais nous ne souhaitons pas qu'elles bénéficient de subventions.

Mme Abadie a évoqué le permis internet, j'y suis très favorable et je vais y travailler avec le ministre de l'éducation nationale. Elle a déjà évoqué ce sujet devant moi plusieurs fois, je me suis renseigné auprès de la gendarmerie et je suis prêt à inscrire sa généralisation dans ce texte de loi.

Les agents publics radicalisés, M. Meyer Habib, ont fait l'objet d'un excellent rapport de MM. Poulliat et Diard. Le travail est fait par les administrations, il n'est pas nécessaire de prévoir des dispositions supplémentaires. Il faut désormais que chaque chef d'administration fasse son travail et saisisse les commissions compétentes pour exclure de la fonction publique les personnes radicalisées. Je rappelle que les notes blanches font désormais partie des dossiers administratifs que l'on peut fournir aux organisations syndicales réunies en conseil de discipline.

M. Krimi, votre question était très rhétorique, et nous ne tomberons pas d'accord. Vous soutenez qu'on ne se préoccupe pas de ces sujets dans les territoires ; pourtant, il est évident que c'est le cas. Et les premières victimes du communautarisme et du séparatisme sont les personnes prises en otage – j'ose le mot – par ceux qui ont fait une OPA sur leur pensée, leur culture, et parfois leurs croyances. Les principales victimes des islamistes, ce sont les musulmans eux-mêmes. Ne pas le voir, c'est refuser de voir la vérité en face, et c'est malheureusement une grande différence entre nous. Vous avez d'ailleurs une façon étonnante de citer le président Chirac, qui a été le plus courageux des hommes en imposant l'interdiction du port des signes religieux ostensibles à l'école. Personne, aujourd'hui, ne songerait à revenir sur une grande loi qui aide tant de jeunes filles et de jeunes hommes à vivre un moment républicain.

Madame Rossi, notre volonté n'est pas d'étendre le principe de neutralité, mais de le rendre applicable. Bon nombre de discussions et de contentieux portaient sur la question de savoir si un conducteur de bus ou un contrôleur était soumis à la règle publique. Il l'était à coup sûr quand il était directement embauché par la ville ou l'agglomération ; dans le cas d'une délégation de service public, la question se pose, et nous constatons des comportements communautaristes, voire séparatistes. C'est une question extrêmement difficile qui touche de nombreux équilibres, et je souhaite que cette disposition soit appliquée le plus rapidement possible.

Bien sûr, le narco-banditisme est très inquiétant pour nos quartiers, je l'ai dit et répété, tout autant que l'islamisme radical. J'observe en tout cas une réelle porosité entre les deux. Les élus qui ont plus d'expérience que moi des quartiers difficiles peuvent en témoigner : pendant longtemps, on a présenté la prédominance d'une idéologie religieuse comme un moyen de garantir de la paix sociale dans le quartier. J'ai pu constater quand je dirigeais Tracfin que les financements allaient désormais vers eux. Vous avez raison : l'un nourrit l'autre, mais il faut lutter contre l'islamisme radical ou le séparatisme et, de la même manière, contre le narco-banditisme. Cela rappelle qu'il ne faut pas tenir un discours relatif sur la drogue, mais nous en débattrons en d'autres circonstances.

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Merci pour toutes ces réponses, monsieur le ministre.

La séance est levée à douze heures trente.

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Réunion du jeudi 17 décembre 2020 à 10 heures

Présents. – Mme Caroline Abadie, M. Saïd Ahamada, Mme Stéphanie Atger, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Philippe Benassaya, M. Yves Blein, M. Florent Boudié, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Xavier Breton, M. Jean‑Jacques Bridey, Mme Anne Brugnera, Mme Émilie Chalas, M. Francis Chouat, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Annie Genevard, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. Meyer Habib, M. Yves Hemedinger, M. Pierre Henriet, M. Sacha Houlié, Mme Marietta Karamanli, Mme Sonia Krimi, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Anne-Christine Lang, M. Guillaume Larrivé, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, M. Jean-Paul Mattei, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Patrice Perrot, M. Frédéric Petit, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Bruno Questel, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, Mme Laurianne Rossi, M. François de Rugy, M. Pacôme Rupin, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vichnievsky, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet