Je balaie à grands traits les remarques et critiques formulées à l'égard des cinquante et un articles de ce projet de loi par le groupe la France insoumise. Compte tenu de l'immensité de la tâche, beaucoup de points devront être précisés par la suite.
Contrairement à ce qui est affiché, ce projet de loi sera tout d'abord assez inefficace pour faire face à des attentats tels que ceux qui nous ont endeuillés. Le Premier ministre lui-même l'a d'ailleurs reconnu lors d'une interview donnée à un grand quotidien du soir : de son propre aveu, ce texte n'aurait sans doute pas empêché l'assassinat de Samuel Paty ou le drame de Nice. Face à ce djihadisme criminel, c'est la police et le renseignement qu'il faut renforcer ; or le texte n'aborde pas ce sujet.
De la même façon, face à la haine en ligne, c'est la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) qu'il faut renforcer, ce que vous avez commencé à faire, depuis le drame de l'assassinat de Samuel Paty. Des outils existent d'ores et déjà ; il s'agit de leur donner les moyens, notamment humains, dont ils ont besoin afin que nous nous retrouvions avec des faits et des enquêtes, et non de pures mesures d'affichage politique.
Or c'est bien là le piège dans lequel vous voulez nous amener : lancer, par des mesures d'affichage, des débats sur des grands thèmes de société comme la polygamie, les certificats de virginité, les jeunes femmes spoliées de leur héritage, les mariages forcés, autant de pratiques déjà interdites par la loi. Et où est l'étude d'impact ? Je constate avec plaisir que les rapporteurs vous le demandent également. Quelle est la part du résiduel, et celle des faits réellement inquiétants ? Nombre d'acteurs de terrain – j'ai ai auditionnés comme vous – ne constatent pas du tout la progression de ces phénomènes dont vous parlez beaucoup. Ils assurent également qu'ils ne manquent pas d'outils pour y faire face, mais que le manque de moyens humains, et notamment d'assistantes sociales, empêchent de les utiliser. Nos principes républicains, qui se concrétisent dans l'existence des services publics et dans l'action des fonctionnaires, en sont d'autant affaiblis, du fait de vos politiques.
Il en va de même pour les financements étrangers, notamment pour les ministres du culte : souhaitez-vous empêcher l'église catholique d'utiliser, comme elle le fait chaque année, 30 % de prêtres étrangers, originaires notamment d'Afrique ? Est-ce vraiment votre souci ? Je ne le crois pas. Là encore, un outil existe pour contrôler les financements étrangers : le système Tracfin, actuellement surchargé. Donnons-lui donc les moyens d'identifier les situations préoccupantes au lieu de faire une nouvelle loi bavarde, qui ne réglera pas le problème. Mais je vois bien l'intérêt qui vous pousse à soutenir que nous serions désarmés ou aveuglés.
J'affirme que la loi de 1905, à laquelle nous nous référons tous, était une loi de liberté et d'inspiration libérale : elle partait du principe que ce sont les fidèles qui financent le culte et qu'ils ont le droit de s'organiser – ce qui avait donné lieu à un vaste débat à l'époque. Vous souhaitez que l'ensemble des associations cultuelles se conforment à la loi de 1905 ; vous visez notamment les associations musulmanes qui à 92 % ne relèvent pas du statut de la loi de 1905. Mais ce n'est pas non plus le cas de l'église catholique, organisée autour d'associations dites diocésaines qui se sont mises en place en 1923-1924, le Vatican ayant refusé la séparation de 1905.
Enfin, si nous avons à l'égard des associations cultuelles de nouvelles exigences d'organisation démocratique, nous ne demandons fort heureusement pas leur respect immédiat par l'église catholique, qui ne connaît que l'autorité de l'évêque.
Enfin, votre projet est bel et bien une loi anti-laïque : en témoigne l'article 28, auquel je suis opposé : il permettra aux cultes de se financer au moyen d'immeubles de rapport, ce qui était jusqu'à présent interdit aux associations cultuelles.
Enfin, force est de relever l'absence inquiétante de grands sujets, notamment l'école, la remise en cause de la mixité scolaire, les écoles privées sous contrat dans lesquelles se passent actuellement des choses inacceptables et antirépublicaines.