Si nous refusons tout financement public et que nous souhaitons contrôler au mieux les financements étrangers – par l'envoi de ministres du culte détachés ou de manière directe, en numéraire –, il faut bien accepter de développer un financement national. Et ce financement peut se faire par le denier du culte, par les immeubles de rapport, par les héritages.
Nous souhaitons ainsi un financement national, certains diraient citoyen, de la part des croyants eux-mêmes, sans qu'il soit communautaire. Rappelez-vous des débats portant sur la taxation des produits halal pour financer le culte : j'y étais pour ma part très opposé, par le fait que cela revenait à enfermer les musulmans dans une pratique communautaire. Libre à ceux qui le souhaitent de la suivre, mais on peut avoir envie de donner de l'argent à son culte sans pour autant respecter toutes les pratiques qu'il prescrit. Il faut donc développer ce financement national, M. Eliaou, et c'est pourquoi nous prévoyons des dispositions propres au financement des cultes.
M. Pupponi soulève à raison la question des financements croisés, ce qui me permettra de répondre à la question de Mme Oppelt sur les associations confessionnelles. Il ne s'agit pas d'interdire à une association d'être confessionnelle. Des scouts, une association d'aide aux migrants ou un établissement de santé peuvent être d'inspiration confessionnelle, ce n'est pas pour cette raison que ces associations ne recevront plus d'argent public. Nous souhaitons que toutes les associations – y compris confessionnelles – respectent les principes républicains, par exemple de ne pas faire de prosélytisme. Il n'est pas interdit de proposer une prière ou du catéchisme, ni même qu'il y ait une chapelle dans un lieu qui bénéficie de financements publics. Mais nous ne voulons pas que la pratique religieuse soit obligatoire. De la même façon, nous ne voulons pas que des motifs qui relèvent de l'orientation sexuelle, de la couleur de peau ou de la religion, conduisent à exclure des personnes.
On crie parfois au fantasme, mais le journal Le Parisien a évoqué le cas d'une association qui organisait des activités sportives dans une commune de banlieue parisienne. Elle a touché 2 000 euros de subventions publiques alors qu'il fallait s'y doucher tout habillé, que la prière était obligatoire et que la mixité était proscrite pour des raisons religieuses… Il peut y avoir des associations non mixtes, ce n'est pas un critère pour le retrait des subventions, mais c'est un élément supplémentaire dans cet exemple. Une telle association ne devrait pas pouvoir bénéficier d'une subvention publique, c'est pourtant le cas aujourd'hui.
Les principes seront rappelés, les personnes s'engageront à les respecter, et quand les contrôles font apparaître des manquements, les subventions versées par l'ensemble des collectivités devront être restituées – je réponds à la question de M. Pupponi. J'apprends que le maire de Grenoble réclame les subventions qui avaient été versées à une association que nous avons considérée comme séparatiste. Cette règle s'appliquera pour les financements croisés, puisque ces dispositions s'appliqueront à l'ensemble des pouvoirs publics : ainsi, elles vaudront également pour les subventions versées par les offices HLM.
Les associations confessionnelles ne posent donc pas de problème, il faut simplement qu'elles respectent les principes républicains pour être subventionnées.
Certains nous reprochent de préparer une loi bavarde, car par nature, toutes les associations doivent respecter les principes républicains. Mais prenons l'exemple de l'Action française : par nature, elle n'est pas républicaine puisque son objet, crois-je savoir, est de remplacer les institutions républicaines par une monarchie, et c'est son droit. Il y a aussi des associations anarchistes, mais ce serait étonnant si elles réclamaient des subventions publiques ! Il n'est pas interdit que des associations promeuvent des valeurs différentes, c'est le débat démocratique dans un État républicain, mais nous ne souhaitons pas qu'elles bénéficient de subventions.
Mme Abadie a évoqué le permis internet, j'y suis très favorable et je vais y travailler avec le ministre de l'éducation nationale. Elle a déjà évoqué ce sujet devant moi plusieurs fois, je me suis renseigné auprès de la gendarmerie et je suis prêt à inscrire sa généralisation dans ce texte de loi.
Les agents publics radicalisés, M. Meyer Habib, ont fait l'objet d'un excellent rapport de MM. Poulliat et Diard. Le travail est fait par les administrations, il n'est pas nécessaire de prévoir des dispositions supplémentaires. Il faut désormais que chaque chef d'administration fasse son travail et saisisse les commissions compétentes pour exclure de la fonction publique les personnes radicalisées. Je rappelle que les notes blanches font désormais partie des dossiers administratifs que l'on peut fournir aux organisations syndicales réunies en conseil de discipline.
M. Krimi, votre question était très rhétorique, et nous ne tomberons pas d'accord. Vous soutenez qu'on ne se préoccupe pas de ces sujets dans les territoires ; pourtant, il est évident que c'est le cas. Et les premières victimes du communautarisme et du séparatisme sont les personnes prises en otage – j'ose le mot – par ceux qui ont fait une OPA sur leur pensée, leur culture, et parfois leurs croyances. Les principales victimes des islamistes, ce sont les musulmans eux-mêmes. Ne pas le voir, c'est refuser de voir la vérité en face, et c'est malheureusement une grande différence entre nous. Vous avez d'ailleurs une façon étonnante de citer le président Chirac, qui a été le plus courageux des hommes en imposant l'interdiction du port des signes religieux ostensibles à l'école. Personne, aujourd'hui, ne songerait à revenir sur une grande loi qui aide tant de jeunes filles et de jeunes hommes à vivre un moment républicain.
Madame Rossi, notre volonté n'est pas d'étendre le principe de neutralité, mais de le rendre applicable. Bon nombre de discussions et de contentieux portaient sur la question de savoir si un conducteur de bus ou un contrôleur était soumis à la règle publique. Il l'était à coup sûr quand il était directement embauché par la ville ou l'agglomération ; dans le cas d'une délégation de service public, la question se pose, et nous constatons des comportements communautaristes, voire séparatistes. C'est une question extrêmement difficile qui touche de nombreux équilibres, et je souhaite que cette disposition soit appliquée le plus rapidement possible.
Bien sûr, le narco-banditisme est très inquiétant pour nos quartiers, je l'ai dit et répété, tout autant que l'islamisme radical. J'observe en tout cas une réelle porosité entre les deux. Les élus qui ont plus d'expérience que moi des quartiers difficiles peuvent en témoigner : pendant longtemps, on a présenté la prédominance d'une idéologie religieuse comme un moyen de garantir de la paix sociale dans le quartier. J'ai pu constater quand je dirigeais Tracfin que les financements allaient désormais vers eux. Vous avez raison : l'un nourrit l'autre, mais il faut lutter contre l'islamisme radical ou le séparatisme et, de la même manière, contre le narco-banditisme. Cela rappelle qu'il ne faut pas tenir un discours relatif sur la drogue, mais nous en débattrons en d'autres circonstances.