Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous souhaitiez réserver le sujet de l'éducation à Jean-Michel Blanquer, que nous auditionnerons après vous. J'ai néanmoins deux questions générales à vous poser.
Le projet de loi traite, dans le chapitre V de son titre Ier, de l'instruction en famille et des écoles privées, en vue de garantir à chaque enfant une éducation conforme aux principes de la République. Ce chapitre pose le principe de la scolarisation obligatoire de trois à seize ans, des exceptions pouvant seulement être autorisées en raison de la situation de l'enfant ou de sa famille. Le texte renforce également le contrôle des établissements d'enseignement privé hors contrat et donne aux autorités de l'État les moyens de mettre fin rapidement à l'activité d'établissements clandestins. Enfin, il prévoit une vérification de la capacité des écoles privées à dispenser un enseignement conforme aux programmes de l'enseignement public.
La République s'est construite autour de l'école, à qui nous confions nos enfants pour qu'ils accèdent aux connaissances, aux savoirs, à la culture et aux sports, pour qu'ils développent leurs compétences, leur caractère et leur esprit critique, pour qu'ils découvrent l'altérité, la vie collective et le vivre ensemble, pour qu'ils apprennent les principes républicains et qu'ils partagent un socle de valeurs communes : liberté, égalité, fraternité, laïcité, dignité, esprit de justice, solidarité, respect de la personne, égalité des femmes et des hommes, tolérance et absence de toute forme de discrimination. Ils y deviennent ainsi les citoyennes et citoyens de demain.
En France, depuis 1882, ce n'est pas l'école qui est obligatoire, mais l'instruction. Dans le cadre de la liberté d'enseignement, tout enfant, de trois à seize ans, doit être instruit soit à l'école, publique, privée sous contrat ou hors contrat, soit à domicile. Des dispositifs de contrôle existent afin de vérifier que chaque enfant a bien droit à une instruction et que celle-ci répond à un minimum d'exigences.
J'en viens à mes deux questions.
Pour quelles raisons souhaitez-vous inclure des dispositions concernant l'éducation, l'instruction en famille et les écoles privées dans un projet de loi consacré au respect des principes républicains ? Pouvez-nous nous renseigner, en tant que ministre de l'intérieur, sur les constatations qui y conduisent ? J'ai remis en 2018 un rapport sur la déscolarisation : je sais que des familles retirent leurs enfants de l'école. Si cela ne constitue pas à soi seul un facteur justifiant une suspicion de radicalisation, c'est un indice, au sein d'un faisceau, qui doit donner l'alerte. C'est un fait avéré que certains enfants sont en danger. Quelles ont été les évolutions de ce phénomène ?
Pour vérifier que le droit à l'instruction de chaque enfant présent sur le territoire français est effectif, chaque maire doit constituer et transmettre à l'éducation nationale une liste des enfants en âge d'être scolarisés dans sa commune. J'ai découvert, dans le cadre de la mission qui m'a été confiée, que cette tâche incombant aux mairies est mal faite ou pas faite du tout. En tant qu'ancienne adjointe à l'éducation dans la commune de Lyon, je sais à quel point elle est difficile, notamment dans les territoires où la mobilité résidentielle est forte. Comment peut-on accompagner les maires dans l'accomplissement de cette mission essentielle pour tous les autres contrôles ? Comment les préfectures peuvent-elles les aider ?