J'estime qu'une nouvelle audition de M. le ministre sera nécessaire, une fois que nous aurons entendu d'autres personnalités. Il a lui-même beaucoup consulté ; il me semble utile que nous puissions faire de même.
Le présent projet de loi – c'est son premier mérite – a été précédé d'un discours du Président de la République, prononcé aux Mureaux, dans lequel il a clairement reconnu un état de fait qui est désormais le lot de nombreux quartiers populaires où nous avons concentré l'immigration au fil des décennies : l'échec du modèle d'intégration républicain a ouvert une faille dans la République, qui est utilisée par une idéologie politique qui se sert d'une religion, en l'occurrence la religion musulmane, la dénature et s'en sert comme levier pour imposer un projet politique qui n'a rien de religieux. Le Président de la République a eu le courage de le dire ; il est le premier chef de l'État à le faire et je tiens à l'en saluer.
La loi de 1905 repose sur deux grands principes. Le premier, c'est la liberté de croire, de ne pas croire et de pratiquer, et son exercice est protégé par l'État. Le second, que l'on oublie trop souvent, dans sa philosophie comme dans sa lettre, c'est l'exigence de la séparation entre la politique et le religieux. Cela ne vaut pas uniquement pour les relations classiques entre individus : c'est l'interdiction pour une religion de servir de levier à une activité, un projet, une ambition politiques.
Or force est de reconnaître que nous avons à ce propos des pudeurs de jeune fille. À ce jour, il n'y a qu'une seule religion utilisée, manipulée et dénaturée par des gens, très minoritaires mais très actifs, au service d'un projet politique : la religion musulmane. D'autres seront peut-être demain dans cette situation ; mais pour l'heure, il ne faut pas avoir ce genre de pudeurs, d'autant moins que les musulmans eux-mêmes, à 95 % ou 97 %, demandent à être préservés de cela. La République doit les protéger : c'est une nécessité, et tout à son honneur.
Le texte aborde de nombreuses questions, ce qui me semble justifier une seconde audition de M. le ministre. Il a de nombreuses qualités ; je ne dresserai pas la liste des articles que nous sommes prêts à soutenir. Mais il présente aussi deux ou trois failles, ou deux ou trois limites, qui devraient être corrigées lors de son examen par le Parlement.
Monsieur le ministre, vous dites vouloir connaître l'origine des financements étrangers. Mais la difficulté n'est pas tant d'en connaître l'origine que de savoir qui paie, et par ce fait exerce une influence sur la pratique religieuse, ainsi que sur la perception et l'interprétation de la religion, pour le compte le plus souvent d'États étrangers, voire de personnes privées, elles-mêmes liées à ces Etats, dont certaines peuvent avoir leur résidence sur notre sol et la nationalité française. Connaître l'origine de ces financements ne suffit pas. Pour ma part, je reprends une idée formulée par Dominique de Villepin en 2005 : un intermédiaire entre celui qui donne l'argent et celui qui le reçoit, une fondation par exemple, une instance neutre. Ainsi, celui qui paie ne commanderait pas, ce qui nous prémunirait du pire des influences néfastes exercées par des pays étrangers ou des groupes politiques dénaturant la religion musulmane.
Vous avez également renoncé à réorganiser le Conseil français du culte musulman (CFCM). Sa création par Nicolas Sarkozy fut une bonne chose, car elle a donné un interlocuteur à l'État, à ceci près qu'il n'est pas représentatif des musulmans de France. On y vote au mètre carré : plus la mosquée est grande, plus vous avez d'argent pour financer un grand bâtiment, plus vous avez de voix. Je considère que les musulmans de France doivent voter, comme dans n'importe quelle démocratie, par tête de croyant, si j'ose dire, par personne et non par mètre carré. Ces deux évolutions me semblent fondamentales pour construire un islam de France, par ailleurs parfaitement compatible avec les lois de la République.
Enfin, l'article 11 m'intrigue. Vous souhaitez connaître la nature des dons versés aux associations religieuses, mais pas l'identité des donateurs. C'est là encore une timidité inutile : dans le cas des dons à un parti politique, l'État sait qui a donné, et à qui. Je ne vois pas pourquoi vous voulez connaître le montant des dons, ce qui présente un intérêt relatif, et pas l'identité des donateurs. Je ne vois pas pourquoi ce qui est possible dans le champ politique ne le serait pas dans le champ religieux.