Le projet de loi confortant le respect des principes de la République traite, dans le chapitre V du titre Ier, de l'instruction dans la famille et des établissements d'enseignement privés afin de garantir à chaque enfant une éducation conforme aux principes de la République. Pour cela, il faut, d'une part, vérifier que chaque enfant bénéficie d'une instruction, d'autre part, que celle-ci, qu'elle soit dispensée dans une école publique ou dans une école privée sous contrat, hors contrat ou à domicile, soit conforme aux principes de la République.
Pour vérifier que chaque enfant de France âgé de 3 à 16 ans bénéficie d'une instruction, il nous faut savoir s'il est inscrit dans une école ou à domicile. Ce contrôle est actuellement de la responsabilité de l'éducation nationale. Il nécessite de disposer de différentes données. D'abord, la liste des enfants scolarisés ; pour cela, il faut les listes complètes et à jour des enfants inscrits dans toutes les écoles, privées comme publiques. Il faut aussi disposer de la liste des enfants instruits à domicile ; ceux-ci étaient jusqu'à présent déclarés comme tels par leur famille auprès de la mairie et des services de l'éducation nationale, qui en établissaient une liste annuelle. En compilant ces différentes listes, on obtient celle des enfants qui bénéficient d'une instruction. Afin de vérifier qu'aucun enfant n'est oublié, négligé ou voit ses droits à l'instruction bafoués, il faut comparer cette liste avec celle des enfants en âge d'être instruits. Selon nos lois en vigueur, cette liste doit être constituée chaque année par la mairie. C'est une tâche qui n'est pas ou qui est mal faite ; elle est difficile, notamment dans les territoires où la mobilité résidentielle est forte. Les mairies manquent de connaissances, d'outils et souvent de moyens pour la mener correctement ; je pense que nous devrions essayer d'y remédier.
En 2018, j'avais rendu un rapport sur la déscolarisation. Sa première préconisation était d'améliorer le recensement et le suivi des enfants non scolarisés. Pour cela, je préconisais d'attribuer un numéro d'identification, l'identifiant national élève (INE), à tous les enfants, qu'ils soient scolarisés ou non – en somme d'en faire un identifiant national enfant. L'INE n'est aujourd'hui attribué qu'aux enfants scolarisés dans le public ou le privé sous contrat ; du fait de cette absence d'exhaustivité, il n'est pas un outil efficace. Monsieur le ministre, quel est votre avis sur son éventuelle généralisation et, si vous y êtes favorable, comment en envisagez-vous les modalités pratiques ?
Si j'ai souhaité, à l'époque, réaliser cette mission, c'est que j'étais préoccupée par la situation de certains enfants : les enfants censés être instruits à domicile, c'est-à-dire déclarés comme tels mais ne recevant pas ou peu d'instruction ; les enfants n'ayant jamais été instruits à l'école ou à domicile ; et, surtout, ceux qui étaient retirés de l'école par leurs parents. Il convient, je crois, d'être particulièrement attentif aux changements de situation des enfants, notamment aux retraits de l'école. Chaque changement de situation doit être enregistré dans les bases de données et faire l'objet d'un suivi. La mission préconisait d'ailleurs de créer une commission chargée du partage de données et du suivi des enfants non scolarisés et, surtout, déscolarisés. Une fois l'INE généralisé et attribué à chaque enfant, le plus important sera son suivi. Comment celui-ci pourrait-il être réalisé, avec toutes les contraintes de gestion et de partage de données que nous connaissons en France ?