Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du lundi 21 décembre 2020 à 11h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Depuis Philippe Auguste, l'État français s'est toujours donné le droit d'organiser ses relations avec les religions, voire d'organiser les religions, comme dans le cas du Consistoire. Une des difficultés de la religion musulmane, visée par le texte, même s'il ne peut le dire pour des raisons juridiques et politiques, est l'absence d'interlocuteur stable. On a essayé de le faire, sans grand succès, au travers du Conseil français du culte musulman (CFCM). Une autre difficulté vient des financements et des influences provenant de l'étranger.

Je m'interroge tout d'abord sur le souhait du Gouvernement s'agissant de l'instruction par les familles : après l'avoir interdite, le texte la soumet à autorisation. Or dans notre droit, la liberté est le principe. Elle n'exclut pas le contrôle, mais seul l'abus de liberté conduit à l'interdiction. En l'occurrence, le texte prévoit l'inverse : en présumant l'abus, on soumet à autorisation – je ne vois d'ailleurs pas très bien sur quels critères celle-ci peut être donnée. Il me semblerait plus logique et plus conforme à nos traditions républicaines d'ériger la liberté en principe et d'assurer un contrôle effectif, ce qui nécessite des moyens.

Existe-t-il une difficulté entre la liberté constitutionnelle d'administration des collectivités locales et l'intervention de l'État dans ce qu'il considérerait comme un contrôle insuffisant des religions ou une immixtion inadmissible de la part d'une collectivité dans telle ou telle religion ? Deux libertés fondamentales ne risquent-elles pas de s'entrechoquer ? Au niveau constitutionnel, cela ne pourrait-il pas faire l'objet de questions prioritaires de constitutionnalité ?

Dans les entreprises, l'autorisation existe, sauf si le règlement intérieur prévoit l'interdiction du port de signes religieux. Ne serait-il pas plus simple, comme dans l'espace public, de prévoir une interdiction, sauf s'il existe une bonne raison d'autoriser le port de signes religieux ?

Le texte prévoit l'interdiction de la polygamie, mais comment la caractériser ? Cela nécessiterait d'apporter la preuve d'une vie multifamiliale, ce qui me semble difficile.

Quant à la haine en ligne, elle est encouragée par l'anonymat. Si l'on a tendance à se modérer dans l'espace public, l'espace virtuel est un défouloir de la haine et de la bêtise. Est-il légalement et constitutionnellement possible d'interdire l'anonymat ? On pourrait s'exprimer sous un pseudonyme mais pouvoir être identifié, car on s'autorise dans l'anonymat ce qu'on ne se permettrait pas en étant identifié.

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