Intervention de Jean Baubérot

Réunion du lundi 21 décembre 2020 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Jean Baubérot, historien, sociologue, professeur émérite à l'EPHE :

Je pense en effet que non seulement l'histoire de la laïcité n'est pas assez enseignée, mais qu'elle n'est pas assez connue. En particulier, les débats relatifs à la loi de 1905 sont trop souvent ignorés. Marcel Gauchet affirme qu'il existait à l'époque deux positions antagonistes parmi les laïcs : ceux qui voulaient éradiquer la religion et ceux qui ont fabriqué la loi. C'est faux : il y avait quatre courants. Il y avait ceux qui voulaient purifier la religion et républicaniser le catholicisme ; c'était le cas de Combes : loin de vouloir éradiquer la religion, il était lui-même spiritualiste. Il y avait la position républicaine classique, représentée par Clemenceau, qui estimait que la liberté de conscience était d'abord une affaire individuelle. Briand et Jaurès, par culture syndicaliste et socialiste, prenaient davantage en considération le collectif dans leur façon de voir ; la grande nouveauté, c'est qu'ils ont appliqué cette conception à la religion. Selon eux, le collectif est une dimension de l'individu, celui-ci n'existant pas sans interaction avec autrui.

S'agissant du principe de dignité de la personne humaine, il s'applique au corps des femmes, plutôt qu'au vêtement. Un vêtement, cela s'enlève ; je ne dis pas que c'est toujours facile, surtout quand cela s'inscrit dans des habitudes ou une tradition, mais c'est réversible. En revanche, le mariage forcé, c'est irréversible, puisqu'il y a viol ; de même pour l'excision : cela marque à vie. Autant il me semble normal de recourir à la contrainte pour ce qui relève de l'irréversible, autant, pour tout ce qui est réversible, je pense qu'il est préférable de chercher à convaincre.

Un de mes collègues parle d'« anarchie des fatwas ». De fait, il y a, d'un côté, l'islam, de l'autre, les musulmans : ces derniers prennent dans le premier ce qu'ils estiment intéressant pour eux, et applicable à leur vie. J'ai réalisé une enquête sur les musulmans dans les métiers de l'informatique – ils y sont nombreux car c'est une des voies d'ascension sociale : tous me disaient qu'ils observaient le ramadan, mais il n'y en avait pas deux qui le faisaient de la même manière !

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