Je m'exprime pour le diocèse de Metz et pour le diocèse de l'Alsace, autrement dit un département et une collectivité européenne qui représentent ensemble quelque trois millions de personnes. Je remercie les auteurs de ce projet de loi car, pour une fois, notre droit local n'a pas été oublié. J'ai pris attache avec Jean-Marie Woehrling, qui préside l'Institut du droit local alsacien-mosellan et nous étions très satisfaits que l'on parle un peu de notre intéressant particularisme. La commission du droit local d'Alsace-Moselle, placée sous l'égide du garde des sceaux, n'a pas été renouvelée en 2019. Alsaciens et Mosellans ont le souhait profond qu'elle le soit et le chef de l'État comme le Premier ministre en sont d'accord, car cette commission avait pour tâche d'examiner avec vous les projets de loi du type de celui-ci pour éviter qu'ils ne mettent à mal le droit local. En l'espèce, nous craignons l'introduction dans notre droit local des cultes les dispositions des lois de 1901, 1905 et 1907 qui s'appliquent aux cultes ailleurs en France. L'Institut de droit local est prêt, si vous le souhaitez, à s'atteler à une rédaction qui n'affaiblisse pas le droit local des cultes, non pour garder des privilèges mais parce que les questions que pose ce projet de loi sont celles qui ont conduit à la loi française de 1802 qui s'applique toujours dans nos trois départements. On constate que, deux siècles plus tard, les mêmes problèmes demeurent, qu'il s'agisse de financement ou d'influences extérieures, et que l'on est toujours palpitant et hésitant. Le code du droit local alsacien-mosellan contient des articles organiques organisant les cultes catholique, protestant et juif depuis la Révolution française. Il s'agissait déjà de savoir comment gérer la laïcité, sachant que la France est quasiment le seul pays au monde où la liberté de culte est une disposition d'ordre constitutionnel.
En réalité, le projet de loi nous concerne très peu – mise à part la crainte que j'ai exprimée et qui nous conduirait volontiers à proposer de réécrire les articles 31 et 32 pour rénover simplement notre droit local des cultes – car nos associations, qui ont la pleine capacité juridique, peuvent déjà avoir des immeubles de rapport. Seulement, l'adoption de la mesure relative aux immeubles de rapport créera une petite injustice pour les établissements public du culte : les religions concordataires relevant du droit public, ces établissements ne peuvent pas, pour l'instant en tout cas, avoir des immeubles de rapport qui ne soient pas directement liés à leur mission. Cette question de droit public devra être étudiée précisément : ainsi, l'archidiocèse de Strasbourg a pour support un établissement public du culte, la mense archiépiscopale, et quand des legs ou des donations sont faits, c'est le diocèse qui les reçoit.
D'autre part, il me semble qu'en droit français le cultuel n'est jamais défini. Il va de soi, et l'on peut lui donner l'extension que l'on veut. L'absence de définition ne simplifie pas les choses. Le cultuel n'est pas seulement le liturgique : en font aussi partie l'enseignement, la catéchèse, l'humanitaire, le caritatif… Réciproquement, une association qui n'est pas déclarée cultuelle peut toucher au cultuel à un moment donné – il en va ainsi des associations mixtes. Quand je crée une association destinée à gérer un nouveau lieu d'accueil à Mulhouse, tel est son objet, mais le projet est porté par les entrepreneurs et dirigeants chrétiens et par l'Église catholique en Alsace. Même si l'objet de l'association n'est pas directement cultuel, tout est lié. Il faudra peut-être accepter cette zone grise.
Enfin, notre régime particulier faisant que la loi de 1905 ne s'applique pas à nos trois départements, l'État et les collectivités publiques peuvent financer les cultes non-concordataires. La presque totalité des communautés musulmanes ont créé des associations cultuelles de droit local et peuvent ainsi obtenir de la mairie de Strasbourg par exemple jusqu'à 15 % du financement de la construction de leurs mosquées en subvention.