Intervention de Olivier Wang-Genh

Réunion du lundi 4 janvier 2021 à 12h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Olivier Wang-Genh, président exécutif de l'Union bouddhiste de France :

Je rappellerai tout d'abord la situation du bouddhisme et de ses différentes traditions en France. L'Union bouddhiste de France (UBF) rassemble une centaine de membres de toutes les traditions bouddhistes représentées en France. Toutes ses composantes sont structurées en associations – associations loi de 1901, associations loi de 1901 mixtes, associations loi de 1905. Une vingtaine, au cours des années 1990, ont créé des congrégations. L'installation récente du bouddhisme en France, son mode d'organisation, la notion même de ce qui relève du culte dans les différentes écoles bouddhiques et la difficulté de définir clairement ce qu'est le culte bouddhiste, très variable selon les traditions, peuvent rendre problématiques les modifications prévues dans le projet de loi. D'autre part, beaucoup de centres ont de multiples activités gérées par une même structure administrative, généralement une association loi de 1901. Toutes ces structures n'ont pas vocation à s'adresser spécifiquement à un public de pratiquants bouddhistes ou déclarés tels, quand bien même une pratique bouddhiste serait exercée en leur sein.

L'enseignement du Bouddha étant par nature non prosélyte, on peut dire que l'adaptation du bouddhisme et de ces communautés à la notion de laïcité à la française s'est très bien faite. Dès les années 1960-1970, l'utilisation des moyens juridiques existant en France pour organiser les activités bouddhistes a permis de développer ces communautés et aussi d'établir une relation de confiance, voire une certaine forme de reconnaissance de la présence du bouddhisme en France par les services de l'État. Depuis la création des premières associations régies par la loi de 1901 puis, progressivement, par la loi de 1905, jusqu'à la reconnaissance des premières congrégations, un contrat de droits et de devoirs s'est établi pour permettre le libre exercice de la pratique bouddhiste au sein de la République française.

Le projet de modification des lois de 1905 et de 1907 n'est pas motivé par leur adaptation à une nouvelle réalité de la pratique religieuse en France mais par la lutte contre le séparatisme religieux et le souhait de renforcer la laïcité. De ce constat, il découle en premier lieu que l'établissement des nouveaux devoirs motivés par cette lutte ne peut être que plus contraignant pour la gestion d'un lieu de culte, en second lieu que les associations seront sous le feu d'un classement cultuel forcé par l'autorité compétente en cas d'activité dont la vocation pourrait avoir un lien indirect avec la pratique bouddhiste. L'évolution envisagée marque en tout cas une discrimination de traitement motivée par cette seule lutte, puisque les nouvelles dispositions s'appliquent à tous sans distinction. Cette situation provoque, de fait, contradictions et incertitudes.

Ainsi, la création d'un contrôle quinquennal de la qualité cultuelle d'une association aura pour conséquence que le préfet pourra s'opposer au classement d'une activité au sein d'une association loi de 1901 sur la seule base du lien direct ou indirect avec le culte. Nous sommes d'une part dans la reconnaissance, d'autre part dans la sanction. Pour les associations loi de 1905, le contrôle des fonds provenant de l'étranger ressortit au même principe : il ne relèvera plus de la confiance fondée sur l'établissement d'une comptabilité transparente mais sera soumis à déclaration, à seule fin de prévenir une atteinte à l'ordre public. C'est une contrainte supplémentaire qui pèsera sur les communautés bouddhistes.

Ces nouvelles dispositions s'accordent mal avec la gestion de la grande majorité des groupes et des centres bouddhistes dont la seule structure juridique est celle des associations loi de 1901. En effet, la lourdeur des procédures et les risques que fait peser une qualification qui peut paraître plus ou moins imprécise selon les différentes traditions bouddhistes rendent ces modifications attentatoires, d'une certaine manière, à l'étude et à la pratique de la philosophie bouddhique.

Aussi l'Union bouddhiste de France fait-elle sien le plaidoyer de la Fédération protestante de France publié sous le titre Le protestantisme alerte et conteste. Outre que les arguments juridiques qui y figurent concernent aussi les associations bouddhistes, l'UBF partage les remarques relatives au fond du projet et les multiples interrogations qu'il soulève – notamment sur l'analyse des causes et les solutions proposées – pour résoudre la question centrale du séparatisme et des radicalisations d'ordre religieux.

D'autre part, nous partageons plusieurs observations faites par le Conseil d'État, dont celle qui suit : « Le projet de loi alourdit les contraintes pesant sur les associations cultuelles et modifie l'équilibre opéré en 1905 par le législateur entre le principe de la liberté de constitution de ces associations et leur nécessaire encadrement du fait qu'elles bénéficient d'avantages publics ».

Je conclurai par une remarque tirée des enseignements du Bouddha, qui disait qu'un remède est une médication lorsqu'il est adapté à la maladie dont on souffre, si bien qu'un même médicament bon pour une personne peut être dangereux pour une autre. L'immense majorité des lieux de culte et de pratique bouddhiste ou d'autres religions sont des lieux sains – je dis bien « sains » – qui n'exigent aucunement de tels traitements.

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