Intervention de François Clavairoly

Réunion du lundi 4 janvier 2021 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France :

J'en suis très heureux, car ces associations sont directement concernées par ce projet de loi.

En introduction, j'évoquerai trois éléments de réflexion, afin de montrer l'esprit dans lequel nous œuvrons et la perspective qui est la nôtre : le premier est marqué du sceau de la confiance, le deuxième de celui de la laïcité, le troisième de celui de la liberté.

Nous souhaitons depuis toujours être, avec beaucoup d'autres, des acteurs responsables dans la construction d'une société de confiance. La confiance appelle chacune et chacun à s'insérer dans un processus, une histoire, un devenir commun mobilisant les forces, les bonnes volontés, les compétences, les valeurs. Ici, le protestantisme apporte son expertise, ses qualités, sa longue et douloureuse histoire, mais aussi son attachement indéfectible aux principes de la République.

La confiance ne signifie pas la naïveté. Dans le temps que nous vivons, la vigilance est de mise et ce projet de loi rappelle la réalité des dangers et des risques encourus par notre société si elle ne se dote pas de moyens pour lutter contre ceux qui veulent mettre en cause ses principes fondamentaux par la violence, le radicalisme, la terreur. Pour ma part, j'ai eu à maintes reprises l'occasion de dire combien nous devons lutter contre l'extrémisme se réclamant de l'islam et le projet politique qu'il veut mettre en œuvre.

Confiance et vigilance ne sont donc pas contradictoires mais créent l'équilibre, la force d'une société et sa qualité en termes de démocratie et de sauvegarde des libertés. À cet égard, la laïcité est la clé qui permet l'expression de cette démocratie et de cette liberté.

Je ne veux pas rappeler l'action décisive des protestants dans ce chemin difficile mais salutaire qui a abouti à la loi de 1905, ni qu'un protestant conventionnel comme Boissy d'Anglas souhaitait déjà la séparation des Églises et de l'État en 1795. Je veux seulement dire combien cette séparation doit être effective et intelligente, de sorte que la loi ne soit ni intrusive ni contraignante. Je veux dire aussi que la garantie de la liberté de culte n'est pas une sorte de pétition de principe abstraite qu'il suffirait d'invoquer comme un refrain, mais qu'elle ne va pas sans les conditions pratiques et juridiques de son exercice.

Nous considérons que le projet de loi visant à conforter le respect des principes de la République, non seulement demande ce respect à ceux qui le lui rendent déjà depuis son origine, notamment les protestants et les juifs, à ceux qui sont précisément dans le cadre de la loi de 1905 et la respectent, mais les contraint et les contrôle plus que de mesure. Alors que les cibles devraient être ceux qui ne respectent pas suffisamment la loi, nous voici visés, juifs et chrétiens. Alors que cette loi devait être attrayante pour de futurs signataires que nous attendons tous, notamment les musulmans, voici la religion rendue encore plus sujette à surveillance et à contrôle. La voici comme assignée à résidence à l'obscurantisme, à l'irrationnel, donc au soupçon, et non perçue comme une ressource ancienne et riche de sens, une ressource de soin et une ressource de paix, comme c'est le cas dans la plupart des démocraties et comme le Président de la République l'a lui-même rappelé, lors de son premier discours prononcé devant un culte, à l'occasion de la célébration des cinq cents ans de la Réforme, organisée par la Fédération protestante de France en 2017.

La liberté d'association, la liberté de culte ne peuvent et ne doivent pas être les victimes directes d'une telle visée. Cela voudrait dire que le législateur baisserait pour la première fois les yeux devant ceux qui n'attendent que cela, devant la menace et les risques, afin que la République recule sur ses libertés.

Nous sommes une minorité, nous sommes même, selon les sociologues, une ultra-minorité, et nous sommes bien conscients de ce fait. Mais nous sommes aussi porteurs de cette exigence de liberté. La loi est la loi de tous, y compris des minorités, et elle doit être égale pour tous, non discriminante et juste. Je souhaite vraiment que notre propos soit entendu et que nos propositions soient étudiées et prises en compte, au nom même de ces libertés.

Le protestantisme alerte et conteste – c'est le sens du document que nous vous avons remis. Mais il veut aussi et surtout construire ce projet de loi dans l'équilibre et la confiance, non dans le déséquilibre et la défiance. Ce serait alors une étape malheureuse de l'histoire de notre démocratie. C'est la raison pour laquelle je vous remercie une nouvelle fois de nous recevoir pour nous entendre.

M. Jean-Daniel Roque, président de la commission droit et liberté religieuse de la Fédération protestante de France, a élaboré, avec une équipe, le texte que nous vous avons transmis.

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