Intervention de François Clavairoly

Réunion du lundi 4 janvier 2021 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France :

M. Roque répondra sur les questions plus précises notamment celle concernant les biens de rapport. Il y a effectivement un malentendu sur la demande qui n'en est pas une de la Fédération protestante et les choses seront clairement expliquées.

Il est patent que la compréhension de la laïcité a changé. Elle est passée d'un principe à une sorte de valeur, une idée générale, un nez en cire à tordre en fonction de ses propres objectifs. N'étant plus perçue comme un principe juridique et politique mais comme une valeur, elle est instrumentalisée par des discours émanant aussi de responsables politiques et d'élus. Monsieur le président, vous y faites directement écho en évoquant des milieux évangéliques issus de la migration anglo-saxonne, alors qu'il s'agit de protestants français ou étrangers, chrétiens, citoyens ou non de ce pays, pas tous issus de la migration et encore moins de la migration anglo-saxonne. Ils viennent du Congo, du Cameroun, du Togo, de la Chine, du Brésil, de Corée. Cette multitude de réalités socioculturelles et spirituelles ne représente nullement une menace ou un danger. Ce sont des populations qui exprimaient leur foi dans leur pays depuis des décennies et des siècles et qui, arrivés ici, essaient de vivre la même chose.

Entendons-nous, les évolutions sociologiques concernant la religion sont étudiées au microscope par les spécialistes. Dieu sait si, dans le protestantisme, nous en avons ! Je pense au travail de l'École pratique des hautes études, au professeur Baubérot qui y travaille depuis des années, à Valentine Zuber, à Jean-Paul Willaime, qui nous tiennent informés de ces évolutions au millimètre. S'il y a un laboratoire sociologique qui a bien fonctionné depuis trente ans, c'est bien le laboratoire de la sociologie religieuse.

Parce que nous connaissons ces sujets, nous n'en tirons pas de conséquences idéologiques pour faire croire à une menace pour la République, ses valeurs ou ses principes. Non, les évangéliques ne sont pas une menace pour la République. Je le dis ici, il ne faut pas exagérer ! Ça suffit, ce discours de soupçon à l'égard du christianisme dans sa version évangélique !

En revanche, et nous en avons parlé avec les partenaires religieux, en particulier musulmans, la menace existe d'un extrémisme se réclamant de l'islam ayant, lui, un projet non religieux mais politique visant à remettre en cause les principes républicains. Nos amis musulmans en sont tout à fait conscients. Ils sont les premiers concernés par ce projet et ce danger qui déstabilisent un certain nombre d'associations. D'où, ce texte de loi. De fait, l'islam doit trouver sa place, assurée dans le cadre législatif proposé par la République.

L'un des objectifs du texte était de rendre attrayante la loi de 1905, mais toutes les mesures précédemment évoquées vont dans le sens inverse. En renforçant le contrôle, en accumulant les dispositions de vérification, on ne la rend plus du tout attractive. Les partenaires musulmans avec lesquels je dialogue, et non des moindres, le disent : plus ça va et moins nous sommes intéressés par ce dispositif, de sorte que nous resterons sans doute en loi de 1901, ou plutôt en loi de 1907, c'est-à-dire celle à caractère cultuel. Après tout, la loi de 1905 a pour objet exclusif le culte. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le christianisme a créé des associations loi de 1901, associations caritatives, éditions, associations missionnaires, autant d'actions considérées comme cultuelles mais dans le cadre de la loi républicaine. Heureusement que cela fonctionne dans le cadre de cette distinction. Je ne citerai que la Cimade ou les entraides que l'on trouve aussi du côté catholique, comme le Secours catholique. Les associations loi de 1901 sont véritablement le lieu d'expression de l'engagement citoyen des chrétiens dans la société.

Effectivement, la menace existe, mais le projet de loi vise ceux qui précisément jouent le jeu de la République. Avec les catholiques, nous l'avons remarqué tout de suite. Avec Mgr Moulins-Beaufort et avec M. Haïm Korsia, que vous avez entendus ce matin, nous nous sommes dit : que prévoit ce projet de loi sinon un surplus de contrôle pour ceux qui jouent le jeu ?

Et si d'autres, c'est-à-dire les musulmans, acceptaient les dispositions de la loi de 1905 ? Je vous l'ai dit : leur religion est faite. Ils ne sont pas du tout attirés par ce projet de loi. D'ailleurs, si une religion n'y trouve pas son bien, il faudra bien que la République, dans sa sagesse et dans sa souplesse, accompagne cette évolution et trouve des solutions, comme elle l'a fait dans sa grande sagesse et dans sa grande souplesse en 1907, puis en 1924 en créant les associations diocésaines qui, je le rappelle, ont pour objet, non pas le culte, mais la gestion des biens de l'église. La République peut s'adapter. Elle est forte, elle est tenace, elle est sage. Elle peut accueillir tous ses enfants, même les derniers arrivés. Ils sont pourtant là depuis longtemps. Au temps de l'Algérie française, on les avait oubliés, puisque la loi de 1905 ne s'y est pas appliquée, et des musulmans étaient déjà là depuis une centaine d'années. Le projet de loi vise un sujet mais en frappe un autre.

Chrétienne, juive, musulmane ou bouddhiste, toutes les confessions se sentent bien dans ce pays et dialoguent entre elles. Nous avons la chance dans cette République d'avoir un lieu de dialogue et de préparation de ces sujets. Nous en avons beaucoup parlé, même dans un temps de crise comme celle du covid. Nous ne nous sommes pas entendus sur un texte commun, mais celui que nous présentons est en grande partie le fruit de nos réflexions communes. Je sais que catholiques, juifs, musulmans, bouddhistes s'y retrouvent pour une bonne part.

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