Je rappelle que les musulmans n'exercent pas leur culte sous le régime de la loi de 1905. Le projet de loi concerne les religions qui utilisent le dispositif de la loi de 1905, en vigueur depuis cent quinze ans. Ne faisons pas un procès aux musulmans qui n'ont pas encore intégré ce régime. Ce texte vise au contraire à leur tendre la main pour les inviter à faire comme tout le monde et à utiliser le dispositif républicain que leur offre la loi de 1905.
Le Conseil d'État, et non simplement la Fédération protestante, relève une modification de l'équilibre. Je reprends les termes de son avis : « Le projet de loi alourdit les contraintes pesant sur les associations cultuelles et modifie l'équilibre opéré en 1905 par le législateur entre principe de liberté de constitution de ces associations et nécessaire encadrement du fait qu'elles bénéficient d'avantages publics ».
On peut lire encore à propos d'un autre article : « Le Conseil d'État constate que le projet conduit à imposer des contraintes importantes à une majorité d'associations cultuelles ou à objet mixte de toutes confessions dont les agissements, de même que le comportement des ministres du culte et des fidèles sont dans leur grande majorité respectueux des règles communes. » Il ne s'agit pas d'inverser la charge, mais de dire que l'ensemble de ces dispositions renforce le sentiment des religions, en l'occurrence, des protestants, des catholiques et des juifs, que le législateur les soupçonne, a priori, de ne pas être respectueuses et qu'il faudrait conforter leur respect des principes républicains, alors que nous nous employons précisément à les respecter depuis que la République existe. C'est surprenant pour les chrétiens que nous sommes.
Je rappelle qu'il y a quatre évangélistes, Matthieu, Marc, Luc et Jean, et que ceux qui sont de confession protestante de tendance évangélique s'appellent en effet évangéliques. On parle d'Églises évangéliques, de membres évangéliques, de théologie évangélique. Votre raccourci est proprement scandaleux. On ne saurait comparer le suprémacisme blanc avec les Églises évangéliques qui sont en France depuis le XIXe siècle ! Je rappelle que l'Église baptiste est membre de la Fédération protestante de France depuis 1916 et que, sans la Première Guerre mondiale, elle nous aurait rejoints avant. L'Armée du salut, dont étaient issues les premières femmes pasteurs, est présente en France depuis la fin du XIXe siècle. S'il vous plaît, cessez de faire de tels raccourcis ! Si, ici même, à l'Assemblée nationale, ces raccourcis sont repris, où cela s'arrêtera-t-il ? Connaissez-vous une association ou un organisme qui n'ait pas causé de dégâts dans son histoire ? Toutes les associations ont, à un moment donné, commis des erreurs – je n'en citerai aucune ici.
En tout état de cause, ce n'est pas le sujet. Il s'agit plutôt de savoir comment la loi, fabriquée ici, va garantir à la fois la liberté et l'exercice du culte. J'entends que la Constitution garantit la liberté de culte, mais il faut aussi garantir les conditions de son exercice. Or l'accumulation de telles mesures apparaît si contraignante que des petites associations cultuelles vont être mises en difficulté. Elles seront obligées, tous les cinq ans, de prouver qu'elles sont bien cultuelles. Ce processus, qui contraint, n'est pas à la hauteur d'un projet de loi ayant pour objectif la lutte contre les séparatismes.
S'il y a bien des confessions étrangères à la logique du séparatisme, ce sont bien les confessions chrétienne et juive. C'est par les associations, la prédication, la catéchèse ou l'enseignement que se transmet aux générations futures le message de la citoyenneté, de l'intégration et de la responsabilité républicaines. Si la loi contraint ceux qui portent ce message, la promesse républicaine ne sera plus portée, y compris dans ces lieux privilégiés à cet égard.
Enfin, comme le disait M. Roque, nous serions très heureux de recevoir les sommes venues de tel pays lointain pour nous aider à entretenir notre patrimoine immobilier ou à élaborer de beaux projets de présence chrétienne dans le pays. Au-delà, la question est de savoir ce qui justifie ce traitement différencié pour les associations cultuelles.