Face aux déviances et aux atteintes à la laïcité, nous devons absolument – même si cela ne suffit pas – renforcer les formations des enseignants, leur fournir des outils leur permettant, non seulement d'initier les élèves à la laïcité, mais de leur donner un enseignement laïque des faits religieux. Cet enseignement transdisciplinaire est au programme depuis les années quatre-vingt-dix, mais n'est pas délivré, faute de formation. Les enseignants ne savent pas répondre, de façon factuelle, aux questions liées aux religions que leur posent les élèves. C'est la raison pour laquelle une formation à l'enseignement laïque des faits religieux est indispensable. Il ne s'agit surtout pas d'aborder la croyance, mais de traiter les religions comme des faits sociaux qui ont eu des influences tout au long de l'histoire.
Par ailleurs, les enseignants le répètent sans cesse, le climat est beaucoup plus apaisé lorsqu'il y a une vraie mixité sociale parmi les élèves. Quand une classe est homogène, un repli communautaire s'opère instantanément et débouche sur des pressions. Les expérimentations menées depuis 2015 en témoignent.
S'agissant de l'étude du Conseil d'État, adoptée en assemblée générale, sur les collaborateurs occasionnels et la nécessité de neutralité, une loi n'est pas nécessaire. En effet, une disposition législative existe déjà : un parent accompagnateur qui porterait un tee-shirt sur lequel est inscrit « Votez Marine Le Pen » serait accusé de prosélytisme. En revanche, le port d'un signe est autorisé depuis toujours par la jurisprudence, car la personne ne cherche pas à susciter l'adhésion d'autrui à sa conviction. On en pense ce qu'on veut mais telle est la jurisprudence. La loi sur la refondation de l'école a du reste renforcé l'interdiction du prosélytisme aux abords des écoles.
Les collaborateurs occasionnels d'un service public n'exercent pas directement un service public. Il s'agit d'une appellation purement fonctionnelle pour des raisons d'assurance. Les parents n'ont pas le droit d'intervenir, de commenter un tableau ou une statue dans un musée, par exemple. Ils ne sont là que pour apporter une aide logistique, ponctuelle et bénévole. Il faut distinguer la mission d'intérêt général de la mission de service public.
S'agissant des migrants, ils ont l'obligation de suivre une formation dans le cadre du contrat d'intégration républicaine, dans lequel a été ajouté – l'Observatoire y a participé – un module relatif à la laïcité, notion que beaucoup découvrent. Par ailleurs, un avis de l'ODL, en date de février 2020, sur les nouveaux rites républicains, vise à rappeler les droits et les devoirs à ceux qui sont devenus Français par mariage, à l'occasion d'une cérémonie spécifique.
S'agissant du tissu associatif, il conviendrait, en effet, que toutes les associations qui accueillent un large public et ont à gérer une diversité religieuse puissent disposer d'encadrants formés. C'est ce que nous avons voulu faire avec le plan Valeurs de la République et laïcité, un plan de formation massif lancé avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et dont la ministre chargée de la ville a annoncé le doublement du financement. Faut-il rendre cette formation obligatoire ? Je ne sais pas. Si tel devait être le cas, il conviendrait de s'assurer qu'elle soit parfaitement conforme au droit et la même pour tous.
En ce qui concerne les écoles hors contrat non mixtes, je ne sais pas s'il faut les interdire, mais sachez qu'il existe aussi des écoles sous contrat non mixtes. Elles sont peu nombreuses, mais elles existent.
S'agissant de l'enseignement moral et civique, il est vrai qu'il n'est pas suffisamment dispensé, tout comme, je le répète, l'enseignement laïque des faits religieux.
La formation des ministres du culte, que nous avons souhaitée, a été reprise par le Gouvernement : tous les aumôniers sont désormais obligés de suivre une formation à la laïcité. Alors faut-il l'écrire dans la loi ? Je ne sais pas, mais il faut vérifier qu'elle est assurée, non seulement auprès des aumôniers, mais aussi des ministres du culte venant de l'étranger, notamment des imams détachés.
Il est vrai que nous pourrions nous inspirer du statut des aumôniers de l'armée. Le statut des aumôniers pose un problème dans les hôpitaux et, surtout, les prisons. Les aumôniers en milieu carcéral sont à peine défrayés et ne restent pas longtemps, ce qui empêche un réel suivi spirituel des prisonniers. Tel est plus précisément le cas des aumôniers musulmans, les autres cultes bénéficiant d'une meilleure structuration et de financements plus satisfaisants. Le Bureau central des cultes, membre de droit de l'ODL, travaille d'ailleurs sur cette question du statut. Cette réflexion sur les aumôneries permettra de mieux structurer le culte musulman.
S'agissant du port d'un signe distinctif par des personnes travaillant pour la SNCF ou la RATP, je rappelle que ne sont soumis à la neutralité que celles et ceux qui exercent une mission de service public. Les prestataires extérieurs n'y sont pas soumis. Je vous renvoie à une note de l'Observatoire qui précise cette question et qui est appliquée dans les administrations centrales.
Enfin, les acteurs de terrain nous rappellent l'importance absolue de renforcer la mixité sociale. Lorsqu'elle existe, le climat est plus apaisé. Pour assurer l'effectivité de la laïcité, il faut, bien sûr, assurer la République en actes. Je vous renvoie au discours du Président de la République du 2 octobre, aux Mureaux, ainsi qu'aux propos de Jean Jaurès : « La République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu'elle aura su être sociale ».