Intervention de Claire Hédon

Réunion du mercredi 6 janvier 2021 à 18h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Claire Hédon, Défenseure des droits :

Je vous remercie, monsieur le président. Parce qu'il s'agit d'un travail collectif, je suis venue avec une partie de mes équipes. Mon intervention sera un peu plus longue que cinq minutes, j'en suis désolée, mais j'ai tout de même certaines choses à vous dire au préalable.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie vraiment d'avoir sollicité mes observations sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République, que vous êtes chargés d'examiner. Ce texte nécessite un examen attentif et scrupuleux pour lequel la contribution du Défenseur des droits me paraît effectivement utile.

Comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis, le présent projet de loi concerne pratiquement tous les droits et libertés publiques constitutionnellement et conventionnellement garantis, dont les plus éminents d'entre eux – la liberté d'association, la liberté de conscience et de culte, la liberté de réunion, d'expression, d'opinion, de communication, la liberté de la presse, la libre administration des collectivités territoriales, la liberté d'enseignement, la liberté du mariage, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle. Il modifie ainsi quatre de nos grandes lois relatives aux libertés, celle de 1881 sur la liberté de la presse, celle de 1882 sur l'instruction primaire obligatoire, celle de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, et celle de 1907 concernant l'exercice public des cultes.

En tant que Défenseure des droits, je pense que nous devons interroger, au-delà de leur opportunité, le caractère nécessaire et proportionné des mesures envisagées. C'est d'ailleurs sous cet angle que le Conseil d'État a examiné le texte initial. À cet égard, il convient de souligner qu'à l'issue de cet examen, quelques garanties supplémentaires ont pu être apportées au projet de loi. Cependant, tous les risques d'atteinte aux libertés ne sont pas levés. Avant d'analyser précisément quelques-unes de ces dispositions, je voudrais appeler votre attention sur deux problèmes généraux que pose le texte.

En premier lieu, l'objectif de renforcement des principes républicains passe uniquement par des dispositions de caractère répressif.

Le texte accumule des dispositions très hétérogènes sur des sujets aussi variés que la part réservataire des héritiers, les certificats de virginité, l'instruction à domicile ou la protection des agents chargés du service public. Plutôt que d'apprécier chaque problématique dans sa spécificité et d'élaborer des solutions globales nécessairement complexes à ces questions, le texte ajoute des contraintes et des sanctions supplémentaires, comme si c'était là une condition nécessaire et suffisante pour faire vivre et renforcer nos principes républicains. Je note d'ailleurs que plus d'un tiers des articles vise à renforcer les dispositifs de contrôle et près d'un quart définit des peines d'emprisonnement.

Si le but est de garantir le respect des principes républicains, on ne peut donc, à titre liminaire, que regretter l'absence de dispositions relatives à la mixité sociale, pourtant présentes dans une version antérieure du texte, ainsi qu'à la lutte contre les relégations et les discriminations, qui sont souvent le terreau sur lequel se développent les idéologies radicales amenant au séparatisme.

Le second problème que pose le texte est son caractère disproportionné.

Alors que l'exposé des motifs évoque un entrisme communautariste, pour l'essentiel d'inspiration islamiste, le projet de loi n'en fait pas mention et vise finalement des catégories beaucoup plus larges – les personnels des services publics, les associations subventionnées, les établissements d'enseignement privé, les associations cultuelles, entre autres. Tantôt le projet de loi semble viser une catégorie très spécifique de la population, ce qui peut poser problème au regard des principes d'égalité et de non-discrimination – j'y reviendrai –, tantôt, pour ne pas le faire explicitement, il prévoit des interdictions et des sanctions d'application tellement vastes qu'elles sont hors de proportion avec la difficulté qu'il s'agit de traiter.

Il semble ainsi qu'à l'instar de précédents textes de loi, en particulier de ceux relatifs aux différents états d'urgence depuis 2015, la réponse apportée pour atteindre un objectif d'intérêt général, répondre à une demande sociale ou faire vivre des valeurs passe uniquement par de nouveaux interdits, de nouveaux contrôles ou de nouvelles sanctions. Faute d'imagination peut-être, faute d'outils adaptés, faute de dialogue avec la société civile, l'action publique se replie alors dans la facilité apparente de la restriction des libertés.

Ce texte porte donc le risque de conforter une tendance générale au renforcement global et en partie disproportionné du contrôle de l'ordre social, tendance plusieurs fois dénoncée par le Défenseur des droits comme par d'autres institutions chargées de défendre les droits et les libertés.

Sans examiner l'ensemble des dispositions, je souhaiterais illustrer mon propos en insistant sur celles qui me semblent susceptibles de poser problème car non nécessaires et disproportionnées, et appeler votre attention sur sept points – la liberté d'association, la protection des agents chargés d'un service public, les certificats de virginité, les réserves de polygamie, le nouveau délit de mise en danger, l'instruction à domicile et la liberté de culte.

S'agissant de la liberté d'association, le texte me paraît introduire deux atteintes dangereuses.

La vie associative, à laquelle j'ai consacré de nombreuses années d'engagement, est un pilier de citoyenneté dans notre pays. Le dynamisme de nos associations repose sur la mobilisation des citoyens pour des causes dans lesquelles ils se reconnaissent et qui correspondent à leurs convictions propres. Et même lorsqu'elles sollicitent un soutien des pouvoirs publics, locaux ou nationaux, sous forme monétaire ou en nature, elles n'ont pas vocation en tant que telles à refléter les options d'un gouvernement, les priorités de l'État ou les préférences politiques d'une majorité municipale.

Bien sûr, les associations, comme toute personne morale, ainsi que leurs membres, doivent respecter la loi, ce qui est heureusement déjà prévu. En conditionnant l'attribution de subventions à la signature d'un contrat d'engagement républicain, l'article 6 du projet de loi met toutefois les associations dans une position où on leur demande de s'engager positivement et explicitement, dans leur finalité comme dans leur organisation, sur des principes qui sont ceux de la puissance publique. C'est courir le risque de dénaturer en partie le statut des associations, qui sont des tiers essentiels entre le citoyen et la puissance publique.

De surcroît, les principes contenus dans ce contrat – principes de liberté, d'égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de fraternité, de dignité de la personne humaine, de sauvegarde de l'ordre public – ne sont pas explicités et devront être définis par un décret en Conseil d'État. Or leur contenu et leur interprétation en la matière sont parfois incertains.

Je n'en donnerai qu'un exemple : quelles sont les limites de la sauvegarde de l'ordre public ? On peut tout à fait entendre qu'une association doit respecter l'ordre public, mais peut‑on demander aux associations de s'engager à le sauvegarder ? On confierait ainsi au pouvoir réglementaire la possibilité de définir le cadre s'appliquant à n'importe quelle association demandant des subventions, à n'importe quelle collectivité publique, ce qui, d'une part, introduit une forte insécurité juridique pour l'ensemble de ces acteurs et, d'autre part, porte un risque d'atteinte à la libre administration des collectivités locales.

Enfermer le recours aux subventions publiques dans un tel dispositif ferait enfin courir le risque que certaines d'entre elles privilégient par exemple des financements étrangers. A minima, notre avis est donc de renoncer au terme de « contrat », et de préciser dans la loi elle‑même les engagements dont le respect est attendu pour bénéficier de subventions publiques, sans renvoyer pour cela à un texte de nature réglementaire.

Par ailleurs, l'article 8 prévoit qu'il sera possible, pour dissoudre une association, de lui attribuer la responsabilité d'agissements commis par un de ses membres, agissant en cette qualité, si elle en avait connaissance et s'est abstenue de les faire cesser. Mais le moyen introduit, qui s'apparente à un renversement de la charge de la preuve, paraît excessif. En effet, les dirigeants d'association, même de bonne foi, peuvent légitimement éprouver des difficultés à identifier des agissements répréhensibles, d'autant que leurs moyens sont souvent limités.

Le dispositif ferait également courir le risque que des associations soient l'objet de tentatives de déstabilisation de la part de gens qui, prenant la qualité de membre ou se faisant passer pour tel, agiraient d'une façon qui mettrait l'existence de l'association en difficulté.

Cet article gagnerait donc à être resserré sur les agissements imputables à l'association elle-même et à ses dirigeants, au nom de l'association.

J'en viens au deuxième point, relatif aux dispositions visant à protéger les agents chargés d'un service public. Le nouveau délit, défini par l'article 4, interroge quant à son articulation avec l'article 433-3 du code pénal. Il reprend en effet les termes du dernier alinéa de cet article s'agissant des comportements susceptibles d'être sanctionnés, à savoir « le fait d'user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d'intimidation » à l'égard de toute personne participant à l'exécution d'une mission de service public, mais dans un but différent. Il s'agit ici « d'obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service ». Il se différencie également du délit défini au premier alinéa par le comportement visé, et en ce que ce comportement est sanctionné uniquement lorsqu'il a un but précis, défini par le texte.

Il n'apparaît pas nécessaire d'insérer ce nouvel article dans une multiplicité de textes déjà compliqués, rendant la loi pénale peu lisible, peu accessible, notamment au regard du principe de l'égalité des délits et des peines à valeur constitutionnelle.

Bien plus tôt, il aurait été bienvenu, comme l'a d'ailleurs suggéré le Conseil d'État, d'engager une réflexion pour donner plus de lisibilité et de cohérence aux incriminations relatives aux menaces, intimidations ou violences contre des personnes, en particulier contre des agents publics, qui ont droit à une légitime protection.

Par ailleurs, je m'interroge sur la pertinence de l'introduction d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour les étrangers et sur ces motifs, en particulier au regard de la rédaction initiale, qui faisait référence aux croyances ou convictions de l'auteur de l'infraction. Le cumul des dispositions laisse penser à l'instauration d'un dispositif pénal ciblé sur une catégorie de population, et, à cet égard, susceptible d'être discriminatoire et de porter atteinte au principe d'égalité.

Les dispositions relatives à la dignité de la personne humaine méritent aussi d'être examinées avec attention. J'en citerai deux.

Tout d'abord – c'était le troisième point que je voulais aborder –, l'extension de la réserve de polygamie. Le texte prévoit la généralisation de la réserve à l'ensemble des titres de séjour. Je souhaite à cet égard vous alerter sur les effets concrets que cela pourrait avoir sur certains étrangers justifiant d'une ancienneté de séjour particulièrement significative sur notre territoire.

Actuellement, la loi prévoit déjà que la carte de résident ainsi que, dans de nombreux cas, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ne peuvent être délivrées aux étrangers polygames. La carte de résident peut également être retirée pour ce motif. Ces réserves de polygamie n'ayant été introduites qu'à compter de 1993, des étrangers polygames et leurs épouses, titulaires de cartes de résident délivrées dans les années 1980, se sont vu, après cette modification de la loi, refuser le renouvellement de leur carte de dix ans.

La loi interdisant également qu'il puisse leur être délivrée une carte « vie privée et familiale », des exceptions ont pu être envisagées pour ces étrangers qui, par hypothèse, justifiaient d'une ancienneté de séjour particulièrement significative. Il a notamment été admis par voie de circulaire, qu'ils puissent se voir délivrer des cartes « salariés », même sans autorisation de travail. En généralisant cette réserve à l'ensemble des titres de séjour, l'article 14 du projet de loi interdirait de telles exceptions.

Or le retrait du document de séjour à tout étranger en situation de polygamie est susceptible d'entraîner des conséquences très larges au regard du respect de la vie privée et familiale. Ainsi, des étrangers résidant régulièrement en France depuis plusieurs dizaines d'années se verraient privés du jour au lendemain de tout droit au séjour ainsi que des autres droits afférents, notamment sociaux.

J'en viens au quatrième point que je souhaitais aborder avec vous, la disposition relative aux certificats de virginité. Ces certificats représentent bien entendu une atteinte au respect de l'intégrité et de la dignité des femmes qui sont amenées à les demander. Néanmoins, la pénalisation envisagée dans l'article 16 ne me paraît pas opportune, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, des sanctions disciplinaires peuvent d'ores et déjà être prises à l'encontre des médecins. Ensuite, ces sanctions pourraient être étendues à l'ensemble des professionnels de santé. Enfin, cette pénalisation risquerait de stigmatiser des médecins, infirmières ou sages-femmes, soucieux de protéger des patientes aux prises avec une pression extérieure forte, et les priverait de la possibilité d'engager une discussion d'information et d'éducation. Un travail de prévention des violences psychologiques et physiques, accompagné d'efforts d'éducation, paraît beaucoup plus approprié, notamment par la mise en œuvre effective des cours d'éducation sexuelle, dont l'obligation figure aujourd'hui dans les textes mais qui ne sont pas encore réellement enseignés dans nos écoles. C'est d'ailleurs ce que recommandent les sociétés françaises de pédiatrie et de pédiatrie médico-légale.

Dans le cinquième point, je souhaitais appeler votre attention sur l'article 18. Cet article crée une nouvelle infraction de mise en danger de la vie d'autrui, par diffusion d'informations « relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne, permettant de l'identifier ou de la localiser, dans le but de l'exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique, ou aux biens ».

Deux aspects méritent d'être soulignés, en ce qu'ils distinguent nettement cet article de l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale. D'une part, cet article incrimine la diffusion d'informations de nature essentiellement privée, et ne relevant pas d'un sujet d'intérêt général. D'autre part, il vise à protéger tout individu contre le risque de mise en danger, associé à la diffusion d'informations permettant de l'identifier ou de le localiser.

J'appelle cependant votre attention sur la référence aux atteintes à l'intégrité psychique. Il s'agit en effet d'une notion mal définie, au contenu large, susceptible d'étendre considérablement le champ de l'incrimination. Le flou qui l'entoure pourrait être de nature à créer une autocensure chez les éditeurs ou des journalistes, qui craindraient de voir engager leur responsabilité par cette nouvelle infraction. Nous sommes donc d'avis de la retirer du texte.

Le sixième point que je souhaitais aborder avec vous a trait aux dispositions prévues par l'article 21 pour limiter et encadrer l'instruction dans la famille. Avec cet article, l'instruction à l'école devient la règle et l'instruction à domicile, l'exception, pour laquelle un régime d'autorisation est substitué au régime de déclaration.

Tout au long de son histoire, l'école de la République s'est développée sur la base de la seule obligation d'instruction, assortie de contrôles, qui a d'ailleurs permis la cohabitation de l'école publique, gratuite et laïque, de l'enseignement privé sous contrat d'association, de l'enseignement privé hors contrat et de l'instruction en famille, ce qui n'empêche pas qu'une priorité soit accordée aux établissements d'enseignement, notamment par la loi, depuis 1998.

La possibilité d'une instruction dans les familles figure dans la loi Ferry de 1882. Il n'y a donc pas d'incompatibilité de principe entre une école républicaine et la liberté laissée aux parents des modalités pratiques de l'instruction, toujours dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Je formulerai trois réserves sur la nouvelle disposition.

D'abord, quant à l'objectif visé : en effet, la place de cette disposition dans le projet de loi interroge sur la possibilité qu'elle soit motivée par des seuls impératifs sécuritaires. On peut se demander si elle ne devrait pas plutôt l'être au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant.

La deuxième réserve concerne l'opportunité de la disposition. D'une part, et sous toute réserve, l'étude d'impact n'apporte aucun élément clair, et toujours aucune visibilité sur le risque de prosélytisme au sein de l'instruction dans la famille. D'autre part, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance vise déjà à clarifier et resserrer l'encadrement des contrôles pédagogiques de l'instruction dans la famille.

Il apparaît donc plus opportun de commencer par faire le bilan du renforcement des modalités du contenu des contrôles introduits par cette loi, à moins que ce projet d'interdiction ne soit un aveu de l'échec et de l'insuffisance des contrôles a posteriori et des accompagnements qui étaient prévus jusqu'à présent.

La troisième réserve vise la compatibilité de la disposition avec la liberté d'enseigner des parents. Bien que la valeur constitutionnelle de cette liberté ait été reconnue et qu'elle découle de la liberté d'élever ses enfants conformément à ses croyances religieuses et morales, reconnues notamment par la Convention internationale des droits de l'enfant et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, elle se trouve très amoindrie par cet article.

En outre, aucune donnée n'est précisée s'agissant des critères qui seront utilisés par les services académiques pour mesurer la capacité des parents à assurer l'instruction en famille, qui n'est d'ailleurs évoquée que dans le quatrième motif permettant d'accorder une autorisation. Si je comprends et partage la nécessité de prévenir les risques de déscolarisation ou de soustraction des enfants à l'obligation d'instruction, je tiens à rappeler que l'ensemble des mesures prises dans ce but doivent être subordonnées, dans leur conception comme dans leur application, à la considération de l'intérêt supérieur de l'enfant. À cet égard, si je puis me permettre, plutôt que de déployer autant d'efforts pour limiter et encadrer l'instruction en famille de 35 000 enfants, il me paraît urgent de trouver des solutions pour les plus de 100 000 jeunes qui sortent de notre système scolaire sans aucune qualification.

J'en viens, dernier point, aux articles relatifs au libre exercice des cultes. Plusieurs articles du projet de loi me semblent de nature à renforcer un climat de méfiance à l'égard des associations cultuelles, dont la quasi-totalité ne pose aucun problème. Alors que la loi de 1905 a été adoptée dans un esprit d'apaisement, le projet de loi introduit un dispositif d'encadrement renforcé des associations cultuelles.

Tout d'abord, en plus de la déclaration auprès du préfet du département pour obtenir la personnalité morale, les associations cultuelles devront désormais établir une seconde déclaration pour bénéficier des avantages propres à leur catégorie. De surcroît, non seulement le préfet pourra s'y opposer dans les deux mois, mais il pourra également retirer le bénéfice des avantages s'il constate que l'association ne remplit pas ou plus les conditions prévues par les articles 18 et 19 ou pour un motif d'ordre public. Enfin, cette déclaration devra être renouvelée tous les cinq ans. Au-delà du lourd formalisme que cela représente, le dispositif créera une nouvelle catégorie d'association relevant de la loi de 1905, qui ne bénéficiera pas des avantages propres aux associations cultuelles, avantages dont les contours semblent flous en l'état actuel du texte. Par ailleurs, le projet de loi prévoit, aux articles 30 à 33, des exigences comptables particulières pour les associations à objet cultuel. Cette singularité, juridiquement inexplicable, n'est pas de nature à renforcer la confiance. Enfin, le cas des cultes en outre-mer, visé aux articles 47 et 48, est si particulier qu'il devrait être traité comme tel. Une étude d'impact approfondie pour tenir compte des particularités des dispositifs juridiques applicables est indispensable avant toute réforme.

Enfin, je m'interroge au sujet de l'article 44, qui prévoit d'insérer dans la loi du 9 décembre 1905 un article qui autorise le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, à prononcer la fermeture temporaire des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes ou tendent à justifier ou encourager cette haine ou cette violence. De telles mesures figurent déjà dans la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT. Dès lors, l'introduction de ces nouvelles dispositions dans la loi du 9 décembre 1905 plutôt que dans le code de la sécurité intérieure pose question et mériterait d'être justifiée. Il conviendrait de préciser l'articulation entre les deux textes, notamment pour ce qui concerne les propos ou les activités qui provoquent à la violence ou à la haine.

Ce texte traite pratiquement de tous les droits et libertés publiques constitutionnellement et conventionnellement garantis. Ces libertés sont au cœur des principes républicains qu'il s'agit, selon le titre du texte, de conforter. Elles n'en sont ni un accessoire ni un regrettable désagrément. Or, certaines dispositions, en affaiblissant ces libertés, pourraient affaiblir les principes républicains eux-mêmes plutôt que les conforter et les promouvoir.

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