En vertu de la loi organique du 29 mars 2011, le Défenseur des droits présente chaque année au Président de la République, au président de l'Assemblée nationale et au président du Sénat, un rapport qui rend compte de son activité générale. Cette loi ouvre également le droit, constitutionnellement garanti, au Premier ministre, au président de l'Assemblée nationale ou au président du Sénat, de consulter le Défenseur des droits sur toute question relevant de son champ de compétence. Par conséquent, les avis que vous formulez permettent d'alimenter nos débats et notre réflexion. Je me permettrai quelques remarques avant de vous poser deux questions.
Tout d'abord, il me semble que, dans son avis, le Conseil d'État a considéré que la quasi-totalité des articles du projet de loi prévoyait des moyens proportionnés aux objectifs poursuivis. Je reprends en tout cas le terme du Conseil d'État, qui a un sens juridique, mais peut-être lui donnez-vous une autre connotation.
Vous évoquez le caractère répressif du projet de loi – vous n'êtes pas la seule, d'ailleurs – ainsi que l'esprit d'apaisement de la loi de 1905. C'est probablement ce que nous devons retenir cent quinze ans plus tard mais ce n'est sans doute pas la lecture qui en fut faite lors de sa promulgation. Relisons ensemble son article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. » À l'époque, la loi de 1905 fut plutôt perçue comme un outil répressif pour l'exercice des cultes. D'ailleurs, les deux tiers des articles de cette loi concernent la régulation de l'organisation des cultes, à proprement parler, ce qui fut vécu comme une ingérence. Le titre V concerne la police des cultes. Quant à la notion d'ordre public, elle est rappelée à quasiment tous les articles.
J'aimerais à présent que vous éclairiez plusieurs points. Pourriez-vous ainsi préciser vos propos au sujet de la polygamie ? Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) comporte de nombreuses dispositions qui interdisent la polygamie. En particulier, vous l'avez rappelé, la polygamie empêche d'obtenir une carte de résident ou de séjour temporaire. Au fond, il m'a semblé comprendre qu'il s'agissait, par ce projet de loi, de poser un principe général au chapitre III de ce titre Ier plutôt que de se contenter de dispositions perlées au gré des articles du CESEDA.
Je comprends de vos propos qu'on ne pourrait pas condamner une personne polygame, présente sur le territoire français depuis longtemps et intégrée socialement, sous peine de menacer son intégration. Je crois qu'une telle affirmation, si je l'ai bien saisie du moins, mérite un débat.
Par ailleurs, votre autorité administrative indépendante peut être saisie en cas d'atteinte à des libertés que notre projet de loi entend aussi préserver : la liberté de culte et les principes républicains, qui figureront dans un contrat d'engagement – liberté, égalité, fraternité, non‑discrimination, sauvegarde de l'ordre public. Il peut être porté atteinte à ces libertés en raison de certaines dérives, comme le repli communautaire ou des logiques séparatistes. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
Enfin, que pensez-vous de l'article 27, qui impose aux associations concernées de déclarer préalablement leur qualité cultuelle au représentant de l'État dans le département ? Y voyez-vous une atteinte à la liberté d'exercice ou d'organisation du culte ? Aujourd'hui, le constat se fait plutôt au cours de la vie de l'association, par l'intermédiaire du rescrit administratif ou fiscal, pour cinq ans également.