Intervention de François de Rugy

Réunion du mercredi 6 janvier 2021 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy, président :

La rédaction actuelle du projet de loi incrimine la diffusion de coordonnées ou d'éléments d'identification dans le but de nuire à l'intégrité physique ou psychique de la personne. Mais le respect de la vie privée n'interdit-il pas la simple diffusion des coordonnées personnelles à l'insu de l'intéressé ou contre son gré ? Avant internet, la diffusion de tels éléments dans l'espace public ou dans la presse était condamnée ; le harcèlement téléphonique fait l'objet d'enquêtes en vue d'identifier l'auteur, qui peut lui aussi être condamné. Pourquoi cette logique ne s'applique-t-elle pas à internet ? Certes, il est pareillement possible de porter plainte, mais un long délai s'écoule avant que celle-ci ne produise des conséquences et, dans l'intervalle, un grand tort est fait à la personne visée.

En voici un exemple concret. Récemment, un compte Twitter suivi par plus de 5 000 abonnés, et dont je ne donnerai pas le nom pour ne pas lui faire de publicité, a diffusé les coordonnées d'une personne – son numéro de téléphone mobile, son adresse professionnelle et son adresse électronique – au motif qu'elle travaille dans une entreprise de la filière sucrière, en se plaignant du fait qu'elle ne répondait pas à des questions relatives à la loi sur les néonicotinoïdes et en incitant les internautes à la contacter pour les lui poser. On imagine les conséquences possibles : que sa ligne téléphonique, saturée, devienne inutilisable, qu'elle soit harcelée par téléphone, voire sur son lieu de travail.

Mais considérera-t-on qu'il y a là une intention de nuire à l'intégrité physique ou psychique ? Ne peut-on donc pénaliser la seule diffusion des coordonnées privées ? La disposition est sans doute née notamment du terrible drame que fut l'assassinat de Samuel Paty ; mais, dans bien d'autres cas, sans aller heureusement jusqu'à l'assassinat, les dommages sont réels, y compris, comme dans l'exemple cité, pour une personne qui n'est pas connue, n'exerce aucune responsabilité politique, syndicale ou religieuse et n'est visée qu'en raison de sa profession.

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